viernes, 25 de abril de 2014

ALICE MUNRO : LE NOBEL DE LITTERATURE DE LA NOUVELLE



ALICE MUNRO : OU LE PRIX NOBEL 2013
DE LITTÉRATURE DU ROMAN À
LA NOUVELLE

       Depuis sa création, le prix Nobel de littérature, en 1901, a consacré le  roman, excluant de la sorte les autres genres de la prose littéraire. Or, un coup de théâtre ! L’année  2013 vient de marquer le tournant ; la nouvelle reçoit le sacre en la personne de la reine de la nouvelle, la Canadienne Alice Munro. Ce qui fait dire à Siegfried Forster  triomphalement : «L’Académie suédoise a fait son choix. C’est la Canadienne Alice Munro, née le 10 juillet 1931, qui a remporté ce jeudi 10 octobre le prix Nobel de littérature 2013. Surnommée «la Tchékhov de l’Ontario», elle est le premier lauréat du prix Nobel qui n’écrit que des nouvelles» - «Alice Munro remporte le prix Nobel de littérature 2013», www.rfi.fr , p.1. La surprise mitigée des milieux littéraires dans le monde n’a pas manqué de mettre en exergue la tradition, l’attente présumée et la problématique de la légitimité de ce choix hors du commun. Cela conduit à vouloir explorer les paramètres académiques de ce détour du Nobel littéraire  2013, allant, pour la première fois, du roman à la nouvelle.  

    1. L’évolution des exigences de la praxis du testament du prix Nobel de littérature du roman à la nouvelle :

    La question de l’évolution des exigences de la praxis du testament du prix Nobel de littérature du roman à la nouvelle, soulevée par la nobélisation de la nouvelle en 2013 au lieu du roman, est  explicitée par Marion Coquet ainsi : «Chaque année, le Nobel de littérature est l’objet de toutes les attentions, et sous les pairs. Choix politique ? Géographique ? Purement littéraire ? Depuis 1901, l’Académie compose avec  des exigences différentes et parfois opposées.» - «Nobel de littérature : les dessous du prix », www.lepoint.fr, p.1. D’où l’évolution des exigences suivantes :

A. L’évolution de l’exigence la praxis de l’œuvre ayant le plus grand mérite sur le plan de l’idéalisme :

   Évoquant l’évolution des exigences testamentaires de la praxis du prix Nobel de littérature, François Comba, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris, indique : «Dans le Testament Nobel, avait émis le souhait que le quatrième prix, celui de la littérature, soit remis à l’œuvre « de plus grand mérite sur le plan de l’idéalisme » mais se pose d’emblée la question de ce que l’on doit entendre par là. Les premiers organisateurs du prix estiment qu’il faudra choisir une œuvre qui servent de beaux idéaux  et la cause de l’humanité, alors qu’Alfred Nobel lui-même, anarchiste de droite, aurait sans doute préféré des œuvres un peu plus provocantes. L’engament politique est, de toute façon permanent.». – Op.cit., p.2.  Et celui-ci d’ajouter à propos de :   

B.  L’évolution de l’exigence de la praxis du Nobel de l’œuvre ayant une véritable portée esthétique ou de vieillesse :

      François Combat indique ensuite une seconde exigence l’évolution de l’exigence la praxis du Nobel d’ordre esthétique ou d’âge de vieillesse, en notant : «Il [le testament] exige tout de même une œuvre [littéraire] qui ait une véritable portée esthétique. C’est sans doute la raison pour laquelle Wiesel a reçu le prix de la paix, et pas Nobel de littérature. Et l’on trouve de temps à autre des œuvres qui ne se défendent que par l’art pour l’art (…) Lorsque Claude Simon obtient le Nobel en 1985, c’est sur la pression de García Márqez [Prix Nobel 1982 : 1928-2014]. Les surréalistes ont également peiné à se faire reconnaître : l’Académie a du mal à évaluer les ouvres les plus novatrices.  Ce qui explique que la première condition pour avoir le prix est de vivre vieux. Gide a 80 ans, quand il l’a obtenu.» -  Ibid.

A.  L’évolution l’exigence la praxis du Nobel de l’œuvre ayant une portée cosmopolite  ou  politique :

     Le même auteur relate enfin l’évolution de l’exigence de la praxis du Nobel de l’œuvre ayant une portée cosmopolite  ou  politique : en précisant : «Le cosmopolitisme a toujours été dans l’ambition de l’Académie. Avant 1914, ce choix était d’ailleurs assez héroïque. Mais il est parfois difficile à tenir : il n’est pas évident de savoir qui choisir en Inde, qui en Chine, qui en Corée… Les membres du Comité se font donc aider – on sait, par exemple, on sait, par exemple, que le prix donné à Kawabata [P. Nobel, 1968] l’a été sur recommandation d’experts de la littérature japonaise. De manière générale, ils font preuve de bonne volonté, et ne commettent pas tant d’erreurs que cela : sur 109 lauréats, on trouve une quarantaine de très grands noms. De même les prix donnés ces dernières années à Pamuk [en 2006], Coetzee [en 2003], Tranströmer [en 2011] ou Pinter [en 2005] se défendent parfaitement sur un plan littéraire. C’est en cela qu’il s’agit fondamentalement d’un prix littéraire, même s’il inclut des considérations géographiques, et politiques.»- Op.cit., p.3. D’où les raisons ayant conduit à l’attribution du prix Nobel de littérature à la nouvelle, en 2013 :

     2. Les raisons qui ont concouru à l’attribution du prix Nobel de littérature de la nouvelle à Alice Munro en 2013 :

      À rechercher les raisons qui ont concouru à l’attribution du prix Nobel de littérature de la nouvelle à la Canadienne Alice Munro, en 2013, il faudrait les recenser dans les propos de S. Forster tenus au sein même de l’Académie suédoise. Ainsi répond-elle en s’interrogeant : «Pourquoi le prix Nobel pour la première fois à une auteure de nouvelles ? ». Les raisons de cette nobélisation d’une nouvelliste, selon l’institution concernée recouvrent hic et nunc notamment :   
  
      A. La profondeur, la sagesse et la précision de l’histoire à la manière des romanciers chez Alice Munro :

     Au dire de S. Forster la réponse à la question des raisons qui concouru à attribuer le prix Nobel de littérature à la nouvelle  au lieu du roman, se référant aux propos de l’Académie Nobel,  se répartissent comme suit : «Alice Munro est surtout connue comme auteure de nouvelles, mais elle apporte autant de profondeur, de sagesse et de précision dans chaque histoire comme le font la plupart des romanciers dans toute leur œuvre. » - «Alice Munro remporte le prix Nobel de littérature 2013», Op.cit., p.2. Ainsi que :

              B. L’univers des nouvelles d’Alice Munro est peuplé de femmes : 

     Selon S. Foster, commentant l’œuvre de la nouvelliste lauréate du Nobel 2013, Alice Munro : «Aujourd’hui, traduite dans le monde entier, elle a publié sa première nouvelle «The Dimensions of a Shadow », à l’âge de 19 ans et son premier recueil «La danse des ombres heureuses», en 1968.  L’une de ses nouvelles a été adaptée par la cinéaste Sarah Polley, ‘Away from Her», en lice pour le Oscar en 2007. Son univers est peuplé de femmes, à l’instar de «L’amour d’une honnête femme», qui rassemble huit nouvelles, racontant des histoires troublantes : «La mort mystérieuse de l’optométriste  de la petite ville de Walley», le caractère tyrannique d’une femme dans «Le sous-sol d’une maison, ou la vie d’une femme qui séjourne chez son père», un médecin qui pratique des avortements clandestins…» - Op.cit., p.2. De plus :
     
              C. La recherche de l’effet de surprise du choix d’Alice Munro loin du soupçon de la politique et de l’engagement sans controverse dans le monde occidental :
        
               Une raison majeure, semble-t-il, selon l’AFP Relax News, aurait présidé au couronnement de l’auteure de nouvelles, Alice Munro pour le prix Nobel de littérature 2013, c’est la recherche de l’effet de surprise et de l’engagement politique sans controverse dans le monde occidental. On y relève en particulier : «Ces quinze dernières années, l’Académie  a (…)  exploré les questions de la qualité littéraire, de l’évolution de la littérature et sa place dans un contexte historique (…). ‘Pour eux [les membres du jury de l’Académie suédoise]  peu importe que le lauréat soit ou non connu’ indique l’éditeur suédois Svante Weyler. L’Académie prend un certain plaisir à surprendre, à agir de manière un peu irrationnelle. Après l’attribution du prix Nobel au Chinois Mo Yan, en 2012, deux choix s’offrent à elle, cette année : soit elle récompense quelqu’un qui ne peut être soupçonné de faire de la politique, soit un auteur engagé politiquement, mais sans que cet engagement puisse faire l’objet d’une controverse dans le monde occidental. » - « Nobel de littérature : une saison 2013 sans clair favori » - www.rtbf.be , p.1.

      En définitive, l’exploration de ce détour du Nobel littéraire  2013, allant, pour la première fois, du roman souverain à la nouvelle, en la personne d’une femme quasi inconnue, la Canadienne, Alice Munro s’éclaire parfaitement dans ce jugement de S. Forster : «Le Choix de Munro confirme les intuitions des bookmakers qui avait largement parié sur une femme qui comblerait le vide des lauréates. Depuis 1901, Munro est seulement la treizième femme prix Nobel de littérature. Finalement, Ce n’est pas la dissidente biélorusse qui a passionné les jurés, mais cette femme canadienne, née dans la petite ville de Wingham, dans l’Ontario et qui travaille ses nouvelles autour de personnages féminins. Des nouvelles qui se déroulent, des années 1940 à nos jours. Contrairement au prix Goncourt, doté de dix euros symboliques, la lauréate du prix Nobel de littérature recevra la somme de 8 millions de couronnes (916.000 euros), assortie d’une gloire planétaire à vie.» -«Alice Munro remporte le prix Nobel de littérature 2013», Op.cit., p.1.

                Dr. SOSSE ALAOUI MOHAMMED

jueves, 10 de abril de 2014

M. SIBARI DOYEN DE L'HISPANISME MAROCAIN



«SIBARI Y NOSOTROS» (SIBARI ET NOUS AUTRES),
UN VIBRANT HOMMAGE TRILITAIRE DE PATRICIO
GONZALEZ, J. MARIA CARDOSO ET AHMED
MGARA AU PÈRE DE L’HISPANISME MAROCAIN

     Mohamed Sibari est né à el Ksar el Kabîr, province de Larache (au Nord du Maroc), le 18 avril 1945. Il est journaliste, poète, nouvelliste et traducteur de langues espagnole et arabe. Il a étudié la littérature à Grenade (en Espagne). Il fut administrateur de l’Hôpital Provincial de Tanger et professeur au collège espagnol «Luis Vives» de Larache et l’un des fondateurs, en 1997, de l’«Asociación de Escritores Marroquies en Lengua Española» (AEMLE), président de l’«Asociación de Hispanistas de Larache Española» (en 2002), membre honorifique de l’«Asociación de Autores Autónomos de Canadá» et associé d’honneur à l’«Asociación de Art ‘Ocre & Oro-El artey el artista’» de Barcelone. Il fut notamment couronné du prix Pablo Neruda (2004) et de la médaille d’honneur civile du Roi Juan Carlos 1er d’Espagne (2003) . Il est le père de l’hispanisme marocain. C’est à quoi réfère l’ouvrage «SIBARI Y NOSOTROS» (SIBARI ET NOU AUTRES) de Patricio Gonzalez, J. Mari Cordoso et Ahmed Mgara, paru à Tétouan, chez Estrechando, en 2014.

       Il s’git en fait d’un vibrant hommage trilitère, rendu par ces co-auteurs hispano-marocains à celui qu’ils nomment, non sans raison : « le père de l’hispanisme marocain». Or, d’après  J. Bonells : «Après la romantique époque de l'hispanophilie et même hispanomanie, sous l'impulsion d'hispanologues ou hispanistes, à la fin du XIXe siècle, se constitue -notamment en France [v. au Maroc]- un hispanisme scientifique à la fois littéraire et historique, aujourd'hui défini par le ‘Dictionnaire de la Real Academia Española’, comme un "goût pour l'étude des langues littératures ou cultures hispaniques (…). Aujourd'hui, selon Augustin Redondo, peut être considéré comme hispaniste « celui qui parle [écrit en]espagnol, qu’il vive ou non en Espagne ou en Amérique latine, qui enseigne et diffuse cette langue au niveau universitaire et mène des recherches sur  la langue, les littératures, les civilisations, les cultures correspondantes." - «Hispanisme et hispanistes», in  «Dictionnaire des littératures hispaniques. Espagne et Amérique latine»,  Paris, Robert Laffont, 2009, pp. 664-665.  
        Ainsi José Maria Cardoso Arroyo y relate-il à l’adresse de Sibari : «Sibari a été le grand pilier de l’hispanisme des derniers temps, un professionnalisme dilaté dans le développement de ses fonction, d’abord son travail à l’hôpital de Tanger, ses poésies, ses livres, ses romans, ses récits et contes, toute une œuvre en expansion qui fit rayonner l’hispanisme en charme et valeur qu’il tenait à assumer. Son grand chant à sa cité adoptive, Larache, son grand Jardin des Hespérides, forgé de ses quotidiennes anecdotes et proverbes marocains.
         Ses grandes teintes de nostalgie nourries de trois cultures monothéistes, musulmane, juive et chrétienne des temps du Protectorat espagnole au Maroc.
        Et maintenant que le mot avec ses suaves facettes réunies en Sibari élevant son grand monde, se transformant en teinte d’amour en écrivant ses grandes élégies à un public qui  sera aisé de les lire et les écouter… aux anges.» (pp.20-21). 
        Par la même occasion, Patricio Gonzalez reconnaît : «Ahmed Mohamed Mgara, José Maria Cardoso et moi-même décidâmes dans notre groupe culturel ESTRECHANDO (le Détroit), de nous adonner à une écriture constante sur la vie, pleine de lumière, en plus sur l’un des pères de l’Hispanisme main, Mohamed Sibari (…). Dans les œuvres  de Sibari prévaut toujours son amour et le chant de Larache, son terroir, qui s’érige dans la narration d’anecdotes et des faits quotidiens, avec une grande sensibilité à les traduite en espagnol (…). Le temps du Protectorat fut ravivé par Sibari comme exemple de cohabitation  et d’identité ouvert, irrémédiablement perdu dans le cours de l’histoire et que justifie probablement son élection de la langue espagnole comme unique véhicule pour la narration.» (pp.25-27).
       Pour sa part Ahmed Mgara notifie : «Récapitulant sommairement, je puis dire que mes souvenirs partagés avec Sibari étaient nombreuses, pleines d’anecdotes, de respects partagé, d’affection d’amitié. Mais je ne peux éviter de crier aux quatre vents ce qui aura donné et ce que plus loin partager avec lui plus d’expériences… et être de son côté en maintes occasions, à parler, à discuter et, en définitive, à vivre un peu avec lui le véritable sentiment de la vie (…).  Dans un autre contexte, je dois mentionner que la littérature marocaine d’expression espagnol, entendons hispanisme marocain, perdit ces dernières années divers de ses représentants les plus remarquables, dont chacun d’eux avait sa spécialité. D’entre eux,  je peux citer les défunts MOMATA (Mohamed Mamoun Taha), Abdellah Djbilou, Mohamed Khallaf et à eux j’ajoute Sibari. Tous nous ont quittés sans préavis, même si la mort au fond n’avise pas, et tous nous sont restés dans l’oubli après des jours lointains et de projets improvisés qui sont restés au milieu du chemin, si quelque fois, ils se concrétiseront comme projets (…). Que le repos et la paix sur l’âme de l’ami, de l’idole littéraire des hispanistes marocains. Pour palier à la peine de la distance, il nous reste l’espérance d’une nouvelle rencontre.» (pp.43, 45, 58).
     Enfin, cet hommage vibrant que commémore ce livre rendu au père de l’hispanisme marocain, Mohamed Sibari, de part et d’autre de la Méditerranée, nous fait vivement penser à cette réflexion de Georges Henein : «Ungaretti parle du soleil qui annule. Or, c’est bien dans une paisible annulation du temps que la mémoire méditerranéenne élabore sa jeunesse. C’est cela qui fait du Méditerranéen un homme qui connaît plus facilement la passion que l’étonnement. Cette mer intérieure est un espace mental. On a cru cet enclos réservé à l’esprit de mesure, comme s’il n’était pas bordé par les rivages de la foi (…). La Méditerranée fut placée, une fois pour toutes, dans l’orbite de l’homme [v. l’hispanisme] et n’en n’est point sortie.» - «L’esprit frappeur», Paris, Ed. Encre, 1960, pp.14-15.
                                            Dr. SOSSE ALAOUI MOHAMMED