jueves, 4 de febrero de 2016

Svetlana Alexievitch un Nobel de littérature 2015




LA BIÉLORUSSE SVETLANA ALEXIEVITCH UN PRIX
NOBEL DE LITTERATURE 2015 POLITIQUE
HAUTEMENT SYMBOLIQUE

     Selon l’opinion unanimement partagée du monde des lettres, la biélorusse Svetlana Aleksandrovna Aleksievitch constitue un prix Nobel de littérature 2015 politique hautement symbolique. Noémie Halioua rapporte que, sur son blog, La République des Livres, Pierre Assouline note que Svetlana Alexievitch se sert des souvenirs pour écrire : «Elle se fait mémorialiste des sentiments, du vécu et des expériences des autres, elle constitue ainsi de livre en livre l'archive souterraine et parallèle de la mémoire de ses pays, l'Union soviétique et la Biélorussie, dans ce qu'elle a de plus sombre. Elle a su remarquablement y pointer l'ambivalence de l'Homo Sovieticus, un idéaliste déformé par l'ordre totalitaire. Un Nobel éminemment politique.» - « Prix Nobel de littérature : le monde des lettres applaudit », www.lefigaro.fr , p.1. Ainsi verra-t-on, à cet égard, les paramètres de ce Saint Graal des récompenses littéraires de 2015, suivants : 

1-    Profil littéraire la lauréate nobélisée en 2015 ;
2-    Portée politique symbolique du prix Nobel de littérature 2015 ; 
3-    Pronostics et justification du choix de l’académie suédoise 2015 ;
4-    Choix du Nobel 2015 unanimement approuvé du monde des lettres ;
5-    Valeur intrinsèque politico-littéraire de l’oeuvre nobélisée en 2015.

      1. Profil littéraire la lauréate nobélisée en 2015 :

      La lauréate du prix Nobel de littérature 2015, pour son roman : La fin de l’homme rouge ou Le temps du désenchantement (2014), Svetlana Aleksandrovna Aleksievitch, est née, le 31 mai 1948, à Stanislav,  ex-Union soviétique, de parents enseignants, d’un père biélorusse et d’une mère ukrainienne, vivant à l'ouest de l'Ukraine, théâtre d’une partie de la seconde guerre  mondiale. En 1965, elle finit l'école moyenne, à Voblast de Homiel, et en 1972, des études de journalisme, à Minsk. Elle devient professeure d'histoire et d'allemand, puis journaliste (1973- 1984). En 1983, elle accède à l'Union des écrivains soviétiques. Ce qui l’amène à écrire des romans de guerre, sur l’ère pro- et post-soviétique en Russie. Romancière dissidente et exilée politique, un temps, en Italie, en France, en Allemagne, en Suède, elle est l’auteure de : La guerre n'a pas un visage de femme (1985), La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse (1997), La Fin de l'homme rouge ou le Temps du désenchantement (2014). Elle vit une partie de l’année, en Biélorussie, désavouée des gouvernements de Misnk et de Moscou. www.wikipedia.org, p.1. «C’est une récompense non seulement pour moi, mais aussi pour notre culture, pour notre petit pays qui a toujours vécu comme entre des pressoirs», a-t-elle réagit jeudi au cours d’une conférence de presse à Minsk, organisée dans les locaux d’un journal d’opposition. - Svetlana Alexievitch, Nobel de littérature : «J'aime la Russie, mais pas celle de Poutine», www.next.liberation.fr, p.1. 

       2. Portée politique symbolique du prix Nobel de littérature 2015 :

       Pour ce qui est de la portée politique hautement symbolique du prix Nobel de littérature 2015, Noémie Halioua cite Vladimir Fédorosvki, déclarant au Figaro : «C'est une chose très symbolique, une sorte d'hommage à tous les défenseurs de la liberté, non seulement en Biélorussie mais aussi en Russie. […] Je suis très touché que le prix Nobel ait été attribué à une slave qui est dans notre cœur depuis longtemps.» - « Prix Nobel de littérature : le monde des lettres applaudit », op.cit., p.1. Font écho à ce jugement les propos politico-symboliques de l’auteure russophone nobélisée, en 2015 : «J’ai toujours été curieuse de savoir combien il y avait d’humain en l’homme, et comment l’homme pouvait défendre cette humanité en lui.» - «Alexievitch, prix Nobel de littérature 2015», www.actes-sud.fr, p.1.
   En ce sens l’AFP cite celle-ci indiquant : «Les autorités biélorusses prétendent que je n’existe pas [v. en tant que symbole d’engagement politico-littéraire], et le président biélorusse aussi», a-t-elle affirmé, précisant avoir reçu les félicitations du ministre russe de l’Information, mais pas celles des autorités de son pays [la Biélorussie]. «J’aime le monde russe, bon et humaniste, devant lequel tout le monde s’incline, celui du ballet et de la musique. […] Mais je n’aime pas celui de Béria, Staline, Poutine et Choïgou [le ministre russe de la Défense], cette Russie qui en arrive à 86% à se réjouir quand des gens meurent dans le Donbass [région rebelle prorusse de l’est de l’Ukraine], à rire des Ukrainiens et à croire qu’on peut tout régler par la force.» - « Svetlana Alexievitch, Nobel de littérature : «J'aime la Russie, mais pas celle de Poutine», Op.cit., p.1.
     Preuve en est ce qu’en raconte Libération : « Son premier livre publié, la Guerre n’a pas un visage de femme, a fait scandale en URSS en 1985, puis est devenu un best-seller, lorsque Gorbatchev en a dit du bien dans un discours. Elle s’est intéressée à ceux qui étaient enfants pendant la Seconde Guerre mondiale dans Derniers Témoins (2005), et aux suicides à la dislocation de l’ex-URSS, Ensorcelés par la mort (1995). Les Cercueils de zinc, sur les soldats russes en Afghanistan (1991) et la Supplication, sur Tchernobyl (1998), qui sont les deux titres les plus connus d’elle.» - Op.cit., p.1. 
     L’AFP commente, par la même occasion, en citant toujours celle-ci : « À cause de sa dénonciation [littéraire politico-symbolique] du régime autoritaire de Loukachenko, Svetlana Alexievitch a vécu en exil en Italie, en France, en Allemagne et en Suède [2000-2013]. Avec le prix [Nobel de littérature 2015], le régime de Minsk «va être obligé de m’écouter. Il y a tellement de personnes fatiguées qui n’ont plus la force de croire. (Le prix) peut signifier quelque chose pour eux», a affirmé la lauréate au quotidien Svenska Dagbladet. En 2011, elle dénonçait la «machinerie staliniste» dans son pays, dont l’homme fort, depuis plus de vingt ans, devrait sans surprise être réélu pour un cinquième mandat lors de l’élection présidentielle de dimanche.» - Op.cit. Ibid.


      3. Pronostics et justification du choix de l’académie suédoise 2015 :

     Quant aux pronostics et justification du choix de l’académie suédoise 2015, Grégoire Leménager en retrace les paramètres symboliques politico-littéraires traditionnels fixés par celle-ci en ces termes : « De la part des jurés du Nobel, cependant, pas question de canular. Leur choix est clairement une manière de renouer avec une vieille tradition : celle qui consiste, à la frontière de la littérature et de la politique, à couronner un écrivain engagé, et donc par la bande les valeurs qu'il défend. » - «Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature 2015», www.bibliobs.nouvelobs.com, p.1.

     Sur les pronostics des critiques littéraires et des sites des paris sur les noms des favoris du Nobel littéraire 2015, Marine Durand indique qu’à la veille de sa proclamation,  «le suspense reste entier et les paris vont bon train sur les sites dédiés. Sur le site de paris anglais Ladbrokes, cinq noms recueillent les faveurs des parieurs : la journaliste et auteure biélorusse Svetlana Alexievitch, publiée en France chez Actes Sud, fait figure de favori […], suivie du japonais Haruki Murakami (Belfond), déjà pressenti depuis plusieurs années. Le Kenyan Ngugi wa Thiong'o (Présence africaine, La Fabrique), le Norvégien Jon Fosse (Arche éditeur) et l'Américaine Joyce Carol Oates (Philippe Rey) sont également cités.»  
- «Qui sont les favoris pour le Nobel de littérature 2015 ? », www.livreshebdo.fr, p.1.

    Dans la même optique, Jonas Nisson, responsable de la communication d’Unibet Suède confie alors à l’AFP : Le prix Nobel de littérature, c'est une compétition un peu mystérieuse. Chacun veut pouvoir tirer du prestige d'avoir deviné le bon nom". De son côté Gustav Källstrand, conservateur au musée Nobel note : « Ce qui est certain, c'est que l'Académie suédoise (qui choisit le lauréat) aime surprendre, […] Il est impossible de dire qui sera le lauréat cette année.» - Op.cit., Ibid. En somme, il s’agit cette année, selon Grégoire Leménager, pour les jurés du Nobel d’un retour à la vieille tradition, lorsqu’il affirme : «De la part des jurés du Nobel, cependant, pas question de canular. Leur choix est clairement une manière de renouer avec une vieille tradition : celle qui consiste, à la frontière de la littérature et de la politique, à couronner un écrivain engagé, et donc par la bande les valeurs qu'il défend. » - «Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature 2015», Op.cit., Ibid.
     Or, le même auteur relate plus loin : « En l'occurrence, Svetlana Alexievitch n'est pas n'importe qui. Surtout dans le climat de néo-guerre froide entretenu par le nationalisme d'un certain Vladimir Poutine. Née en Ukraine en 1948, journaliste et écrivain, cette grande dame a en effet consacré l'essentiel de son oeuvre à restituer la mémoire du monde soviétique, avec un art qui réconcilie le documentaire et la littérature, pas si loin de celui pratiqué, chez nous, par quelqu'un comme Jean Hatzfeld. – Ibid.

    4. Choix du Nobel 2015 unanimement approuvé du monde des lettres :

    Toutefois, selon Grégoire Leménager, le choix du Nobel 2015, unanimement approuvé du monde des lettres, a été politiquement deviné, en juillet 2015, par le journaliste et écrivain russe Vladimir Bondarenko, en  rappelant : «Le critique littéraire et journaliste russe Vladimir Bondarenko a estimé, en juillet dernier, dans un article publié par le journal que Svetlana Alexievitch, proche de l'opposition pro-occidentale biélorusse, avait de bonnes chances d'obtenir le prix Nobel 2015, en raison de sa russophobie et de sa haine à l'égard du président russe Vladimir Poutine.» - «Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature 2015», Op.cit., p.1.
    L’approbation de ce Nobel de la littérature 2015 du monde des lettres est rapportée par Noémie Halioua, dans ces témoignages : «C'est l'écrivain Emmanuel Carrère qui a réagi le plus rapidement à la nouvelle. Quelques minutes après l'annonce du prix Nobel de littérature qui a été attribué à Svetlana Alexievitch, il a confié au Figaro […] : «C'est un écrivain que j'admire énormément, qui possède une très grande œuvre. La supplication [1997] est un livre majeur de la fin du siècle dernier…» - « Nobel 2015, le monde des lettres appalaudit », Op.cit., p.1.
     Il en va de même pour Pierre Assouline, selon la même source : « Sur son blog, La République des Livres, Pierre Assouline explique combien Svetlana Alexievitch se sert des souvenirs pour écrire: «Elle se fait mémorialiste des sentiments, du vécu et des expériences des autres, elle constitue ainsi de livre en livre l'archive souterraine et parallèle de la mémoire de ses pays, l'Union soviétique et la Biélorussie, dans ce qu'elle a de plus sombre. Elle a su remarquablement y pointer l'ambivalence de l'Homo Sovieticus, un idéaliste déformé par l'ordre totalitaire. Un Nobel éminemment politique. – Op.cit. Ibid.
    Pour sa part l’écrivain russe Vladimir Fedorovski, selon toujours Noémie Halioua, déclare au Figaro : « C'est une chose très symbolique, une sorte d'hommage à tous les défenseurs de la liberté, non seulement en Biélorussie mais aussi en Russie.» avant d'ajouter : «Je suis très touché que le prix Nobel ait été attribué à une slave qui est dans notre cœur depuis longtemps». Et Halioua de clore : « L'académie suédoise a justifié son choix pour la biélorusse, en raison de «son œuvre polyphonique, mémorial de la souffrance et du courage à notre époque.» - Op.cit., Ibid.

      5. Valeur intrinsèque politico-littéraire de l’oeuvre nobélisée en 2015 :

     La valeur intrinsèque politico-littéraire de l’oeuvre de l’écrivaine biélorusse nobélisée en 2015, se révèle parfaitement à travers le jugement littéraire élogieux d’Emmanuel Carrère sur la forme romanesque inventée par Svetlana Alexievitch : «C'est un très grand écrivain et quelqu'un qui a inventé une forme remarquable. Ses livres témoignent d'un courage et d'une puissance exceptionnelle. Ça me fait vraiment très plaisir que le prix lui ait été attribué.» - «Prix Nobel de littérature : le monde des lettres applaudit», Op.cit., p.1.
     Au sujet de l’inspiration de l’œuvre littéraire et de l’auteure noblélisées en 2015, Reuters rapporte, d’après Radio-Canada notamment : « Pratiquant divers genres, elle a puisé son inspiration chez Sophie Fédortchenko (1888-1959), infirmière connue pour son journal du front documentant le vécu des soldats russes pendant la Première Guerre mondiale, ainsi que chez l'écrivain bélarussien Alès Adamovitch (1927-1994), auteur de récits de guerre documentaires », peut-on lire dans la biographie diffusée par le comité (Nobel).» - Le Nobel de littérature attribué à la Bélarusse Svetlana Alexievitch », www.ici.radiocanada.ca , p.1.
   La source ajoute plus loin sur la méthode documentaire de l’écriture romanesque de Svetlana Alexievitch : « Pendant de nombreuses années, elle a réuni les matériaux pour son premier livre, La guerre n'a pas un visage de femme [1985], basé sur des interviews de centaines de femmes ayant participé à la Deuxième Guerre mondiale. La Supplication, son oeuvre la plus remarquée et la plus primée parue en 1997, a pour sujet la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, survenue en 1986, et ses conséquences.» - Op. cit., Ibid.
   Dans ce même cadre de la valeur politico-littéraire la lauréate , rappelons avec Grégoire Leménager : « Née [Svetlana Alexievitch] en Ukraine en 1948, journaliste et écrivain, cette grande dame a en effet consacré l'essentiel de son oeuvre à restituer la mémoire du monde soviétique, avec un art qui réconcilie le documentaire et la littérature, pas si loin de celui pratiqué, chez nous, par quelqu'un comme Jean Hatzfeld.» - «Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature 2015», Op.cit., Ibid. Cela se retrouve éminemment résumé, selon G. Leménager, dans la formule du choix de la valeur intrinsèque politico-littéraire du comité de l’académie suédoise de 2015 : «Le haïku avec lequel ils ont très officiellement justifié leur décision est d'ailleurs assez éloquent comme ça. S'ils ont couronné Svetlana Alexievitch, c'est pour son oeuvre polyphonique, mémorial de la souffrance et du courage à notre époque. » - Ibid. En témoignent les brefs extaits de : La fin de l’homme rouge ou le Temps du désenchantement (2014), l’œuvre primée, suivants :
    « Vingt ans ont passé...“Arrêtez de nous faire peur avec le socialisme !” disent les enfants à leurs parents.Un professeur d’université que je connais m’a raconté : “À la fin des années 1990, cela faisait rire les étudiants quand j’évoquais l’Union soviétique, ils étaient sûrs qu’un avenir nouveau s’ouvrait devant eux. Maintenant, ce n’est plus comme ça... Les étudiants d’aujourd’hui ont déjà appris ce qu’est le capitalisme, ils l’ont ressenti en profondeur – les inégalités, la pauvreté, la richesse arrogante. Ils ont sous leurs yeux la vie de leurs parents auxquels le pillage du pays n’a rien rapporté. Et ils ont des opinions radicales. Ils rêvent de faire leur révolution à eux. Ils portent des tee-shirts rouges avec des portraits de Lénine et de Che Guevara.” […] P.25

La moitié des jeunes de dix-neuf à trente ans considèrent Staline comme “un très grand homme politique”. Un nouveau culte de Staline dans un pays où Staline a exterminé au moins autant de gens que Hitler ?!! Tout ce qui est soviétique revient à la mode. […] Ibid.
                                                                                          
J’ai croisé dans la rue des jeunes vêtus de tee-shirts avec la faucille et le marteau, et le portrait de Lénine. Savent-ils ce que c’est que le communisme ? P.26
       Pour conclure, il est enfin judicieux de dire incontestablement de Svetlana Alexievitch, l’auteure engagée de La fin de l’homme rouge ou le Temps du désenchantement (2014), lauréate du prix Nobel de littérature éminemment   politico-symbolique 2015, avec Pierre Assouline  : « Elle [Svetlana Alexievitch] se fait mémorialiste des sentiments, du vécu et des expériences des autres, elle constitue ainsi de livre en livre l'archive souterraine et parallèle de la mémoire de ses pays, l'Union soviétique et la Biélorussie, dans ce qu'elle a de plus sombre. Elle a su remarquablement y pointer l'ambivalence de l'Homo Sovieticus, un idéaliste déformé par l'ordre totalitaire. Un Nobel éminemment politique. » - www.lefigaro.fr , p.2.

                                                      Dr. SOSSE ALAOUI MOHAMMED