lunes, 26 de marzo de 2018

Poèmes urbains modernes et postmodernes sur Tanger et Tétouan, Dr.SOSSE ALAOUI Med


POÈMES URBAINS MODERNES ET POSTMODERNES
SUR TANGER ET TÉTOUAN OU
CHANTS DE VILLES EN SOLO EN DUO ET EN CRESCENDOS
1630-2014

   Dr. SOSSE ALAOUI MOHAMMED
      De l’étymologie et la définition qu’en donne Le Littré, « le florilège » serait un néologisme emprunté aux botanistes : titres de quelques ouvrages qui traitent de plantes remarquables et de  la beauté de leurs fleurs. Par analogie, il est synonyme de recueil de pièces poétiques, voire d’anthologie. - « Florilège», www.littre. reverso.net , p.1. Du fait, le « Florilège de poèmes urbains modernes et postmodernes sur Tanger et Tétouan : ou chants de villes en solo en duo et en  crescendos : 1630-2014», en tant que continuité de la poésie urbaine moderne et postmoderne de la fin et du début du XIXe-XXe siècles, celle des slameurs  et rappeurs, etc. Ce dont Khadimou Rassoul Thiam évoque : « C’est sous ce rapport que la fin du XXème siècle, marquée notamment par le fulgurant essor de la ville, la prolifération des banlieues et surtout l’émergence d’une nouvelle génération se réclamant les portes étendards de la « rue » […]. Parmi les précurseurs de ce mouvement dont la naissance est située dans les années 80 aux Etats-Unis d’Amérique, nous pouvons citer, entre autres, Marc Kelly Smith [1949- : Chicago, USA] qui inventa le slamming, la poésie [urbaine moderne et postmoderne] contre les conventions. […] C’est ainsi que le cadre urbain, la rue, constitue le lieu d’épanouissement privilégié de ce nouveau lyrisme au même titre que la nature a constitué le cadre d’évasion favori du « moi » au XIXème[v. poèmes romantiques].» - « De la poésie élitiste à la poésie urbaine : le slam, un genre entre tradition et modernité poétique »,  www.ugb.sn  , p.1. De ces poèmes tant modernes et que postmodernes [v. le slam], du corpus d’un florilège multinational, sur Tanger et Tétouan, villes du Nord du Maroc, entre 1630 et 2014, nous décrypterons ces chants en solo (v. sur une ville), en duo (v. sur deux villes) et en crescendos (v. sur plus de deux villes), à travers notamment :  

I.   Florilège de poèmes urbains modernes et post modernes ou chants de villes en solo en duo et crescendos sur Tanger.
II.  Florilège de poèmes urbains modernes et post modernes ou chants de villes en solo en duo et en crescendos sur Tétouan.

        I. Florilège de poèmes urbains modernes et post modernes ou chants de villes en solo en duo et en crescendos sur Tanger : 1630-2014 :

     L’idée de florilège de poèmes urbains modernes et post modernes, ou chants de villes en solo en duo et crescendos sur Tanger : 1630-2014, nous conduit à rappeler a priori avec Khadimou Rassoul Thiam le contexte socio-historico-littéraire de leur création, en notant : « De l’antiquité à l’ère moderne [v. au début du XXe siècle] en passant par le XIXème, le XVIIème et le XVIème siècle entre autres, les genres artistiques [v. poèmes] se sont constamment renouvelés pour mieux exprimer les réalités et les préoccupations essentielles de ces différentes périodes. C’est sous ce rapport que la fin du XXème siècle, marquée notamment par le fulgurant essor de la ville, la prolifération des banlieues et surtout l’émergence d’une nouvelle génération se réclamant les portes étendards de la « rue » qui ne se retrouve plus tout à fait dans les genres classiques, a vu naître de nouvelles formes d’expression plus à même de véhiculer ces nouvelles réalités urbaines [v. poèmes slam postmoderne]. […] Ce dernier genre mérite toute notre attention dans la mesure où il oscille entre tradition et modernisme : autant il implique les caractéristiques majeures de la poésie classique, autant il présente des innovations importantes fortement imprégnées des réalités urbaines [v. poèmes modernes].  . » - « De la poésie élitiste à la poésie urbaine : le slam, un genre entre tradition et modernité  poétique »,  www.ugb.sn , p.1. D’où pour ce qui est ici des poèmes urbains modernes en solo (sur une seule ville) sur Tanger, ou florilège de chants de ville en solo de suivants :

      1. Florilège de poèmes urbains modernes et post modernes ou chants de villes en solo sur Tanger : ou chants de ville en solo : 1989-2014 :

     En effet,  collecter au hasard, un florilège de poèmes urbains modernes et post modernes ou chants de villes en solo sur Tanger : 1989-2014, nous réfère hic et nunc, avec  Henri Scepi, à la naissance d’une telle poésie, ou chants d’une ville en solo, qui relate : « Mon point de départ sera, sans grande surprise, les conditions d’émergence et donc de possibilité de la ville dans le cadre de la figuration poétique dite moderne. La ville n’est pas réductible à un thème ; elle ne s’épuise pas dans l’architecture extérieure ni même dans l’agencement souterrain de ses propres motifs. Elle constitue, pour l’écrivain flâneur, soit un objet de curiosité soit un sujet de fascination. Entre ces deux pôles, prend place le mystère, ou la mythologie, cette « faune des imaginations », dont parle Aragon [Louis : 1897-1982], qui tamise « la lumière moderne de l’insolite.» - «Baudelaire/Laforgue : la ville au croisement du poème »,  www.books.openedition.org , p.1. En témoignent clairement les divers poèmes et poètes collectés au hasard de par le monde suivants :

·         « Tanger une ville de rêve», Paul Bowles, poète américain : 1910-1999 :

      « Si je dis que me frappa comme étant
une ville de rêve, il faut prendre l’expression
dans le sens littéral. Sa topographie était riche
des scènes  typiquement oniriques : des rues
couvertes semblables à des couloirs avec, de
chaque côté, des portes ouvrant sur des pièces,
des terrasses cachées dominant la mer, des rues
qui n’étaient que des escaliers, des impasses
sombres, des petites places aménagées dans
des couloirs pentus, si bien qu’on aurait dit les décors
d’un ballet dessiné au mépris des lois de la
perspective, avec des ruelles partant dans toutes
directions. On y trouverait aussi des tunnels,
des remparts, des ruines, des donjons et des
falaises, autant de lieux classiques de l’univers
onirique. »

      Ce poème urbain moderne et post moderne, ou chant d’une ville en solo, est dédié à  la ville de Tanger. Il prend le ton d’un vibrant hommage, en tant que lieu d’un fidèle et long séjour du poète, lieu où il passé la majeure partie de sa vie (1947-1999). Il y exalte les paysages naturels, les aspects topographiques, l’intérieur de ses maisons pleines de scènes oniriques, les mœurs, l’architecture sans nulle pareille et hors normes, le caractère mystérieux et mythique de ses monuments, de son relief et de ses couloirs rappelant  l’atmosphère des lieux antique, constituant un univers de rêves idylliques. - www.carnets-de-traverse.com , p.1

·  « Tanger, diadème de jardin en fleurs », Mohamed Chakor, poète marocain  hispanophone : 1937-2017 :

      «Tanger, diadème de jardin et de fleurs,
Refuge du bassin en cristal du Détroit,
Couronnée de gaillards minarets
Phares seins de spiritualité.
Âme d’Orient, fleur d’Occident.
Ouï incrustée entre l’Afrique et l’Europe.
La Méditerranée et l’Atlantique,
Embrassant leurs rives comme des frères,
Versant les haleines de sel sur son Médina
La clarté lunaire baigne sa plage dorée.
Jardins de pensées et d’énigmes
Qui fleurissent en épopées immortelles
Inspirant Hercule, Tarik et Ibn Batouta.
Tanger, dans tes rues d’illusoires
Regards de miel me fascinent et me charment. »

       Ce poème urbain en moderne et post moderne ou chant de ville en solo constitue une  personnification glorifié du poète autochtone Mohamed Chakor, émigré en Espagne, où il lui prête  l’image d’une reine  mythique et régnant sur son site au confluent de l’Afrique de l’Europe et de la Méditerranée, tout en embrassant en tant que cité antique la mémoire légendaire d’Hercule (Ve siècle av. J-C.), de Tarik Ibn Ziad, nom immortalisé par le Détroit de Gibraltar  (m. en 720) et celui d’Ibn Batouta le fameux voyageur tangérois marocain (1304-1377), précurseur de Marco Polo (1254-1324) et Vasco de Gama (1469-1524), etc.,  une ville spirituelle, aux rues pleines de charme et de fascination. -  www.sosse alaoui.blogspot.com. – p.1.

· « Parlez-moi de Tanger », Mohamed Michel Mghoghi, poète franco-marocain : 1940- :

        « Parlez-moi de Tanger
Le reste ne m'intéresse nullement
C'est là que je souhaite me ranger
Avant de devenir dément
Emmenez-moi à Tanger
C'est là où je veux vivre
Ici j'étais en train d'engranger
Pour que ma famille vibre
On m'a dit qu'on partira demain
Et comme Au revoir je serre la main
Aux habitants de ce pays d'accueil

Où de souvenirs j'ai écrit un recueil.
 »

     Le poème urbain moderne et post moderne ou chant de ville en solo de Mohamed Michel Mghoghi est la célébration par un Marocain émigré (RME) qu’il dédie à la ville de Tanger, dont il évoque le souvenir plein de nostalgie, cité à laquelle il s’est rendu auparavant, et au sein de laquelle il souhaite aller vivre en sa famille, à la veille de la quitter à nouveau. Il y salue l’accueil chaleureux et l’hospitalité de ses habitants, tout en lui témoignant sa reconnaissance de l‘avoir, tant inspiré, comme une Muse,  pour écrire un recueil dont le poème en question.  - www.tanger.forum-actif.net , p.1.     

·   « Les filles de Tanger », Tahar Ben Jelloun, poète franco-marocain : 1944- :

         « Les filles de Tanger ont une étoile sur chaque sein. Complices de la nuit et des vents, elles habitent dans des coquillages sur rivage de tendresse. Voisines du soleil qui leur souffle le matin telle une larme dans la bouche, elles ont un jardin. Un jardin caché dans l’aube, quelque part dans la vieille ville où des conteurs fabriquent des barques pour les oiseaux géants de la légende. Elles ont tressé un fil d’or dans la chevelure rebelle. […] Belles comme la flamme levée dans la solitude, comme le désir qui lève les paupières de la nuit, comme la main qui s’ouvre sur l’offrande, fruit des mers et des sables. Elles vont dans la ville répandre la lumière du jour et donner à boire aux hommes suspendus aux nues. Mais la ville a deux visages : l’un pour aimer, l’autre pour trahir. Le corps est un labyrinthe tracé par la gazelle qui a volé le miel aux lèvres de l’enfant […]. Il pleut l’écaille sur le voile. Le voile devient ruisseau […]. Les filles de Tanger se sont réveillées ce matin […]. Assises sur un banc du jardin public. Orphelines ».
       
Dans ce poème en prose urbain moderne et post moderne, ou chant de ville en solo, Tahar  Ben Jelloun glorifie la beauté édénique des filles de Tanger. Il fait d’elles l’essence de ses paysages, de ses jours et nuits, de ses espaces maritimes, de ses barques, de ses oiseaux légendaires. Il y incarne la ville en corps de femme capable d’aimer de trahir, d’un âge précoce, voilée, sensuelle comme ses filles qui se réveillent le matin, sur un banc de jardin public, paradis terrestre, orphelines, solitaires, uniques au monde. – www.francais.agonia.net , p.1. 

·  « Baie de Tanger», Caroline Sogot, poétesse française : 1952- :

 « Baie. Quelle
Baie.
Limbes et l’Aube à Tanger.
Deux marges de l’enfer
bougent
avec cantos roulés d’oubli des bâtisseurs.
Le canto.
Galet roulé de socle — ce fut le temps ! —
Rien de racine : un souffle
allié du sable et du sel.
Le façonnier du canto.
l’a rodé d’hier à là-bas
froissant la voix des roches sous
la peau liftée d’une mesure.
Scande le terrible, canto, que le rodado rime.
Versification du perdu : une voix
passe au temple chu.
Le chergui chaule une fin de partie
verse un boisseau de poussière sur l’irrégularité.
Le zéphyr et la burle ?
Tombent au chergui.
 »

      Au sein de ce poème urbain moderne et post moderne, ou chant de ville en solo, l’aube sur la baie de Tanger, et incarne, aux yeux Caroline Sogot, à l’image négative des limbes d’un enfer terrestre, un chant, un souffle de sables et de sel marin au contact  des rochers schisteuses qui s’effritent, au son d’une voix roque et monotone semblable à un retour de rime infini. Ce chant se réduit enfin en une  versification sans suite, clamée à travers les ruines d’un temple sacré  que le vent brûlant de l’Est, le Chergui, vient  parfois interrompre par une vague de poussière et  l’irrégularité atmosphérique d’un doux zéphyr, mais lorsqu’il finit par tomber, il se répand une chaux blanche sur la ville. C’est un véritable réquisitoire érigé contre le climat rude et instable de cette baie urbaine rendant la ville, sauf en lorsque souffle le vent d’ouest, le Gharbi, quasi inhospitalière. - www.webcache. googleusercontent.com  , p.1.


· « Tanger ville mondiale», Zougui Habiba, poétesse marocaine francophone : 1968- :

 « Tanger
Ville mondiale
Tanger
Mère de toute les races
De toutes les langues
Et de tous les rêves
Tanger
Mère qui surveille
Ses enfants
Noirs, jaunes et blancs
Avec sa voix tendre
Elle apaise la douleur
De cet enfant solitaire
Pourquoi as –tu perdu ta voix ô enfant ?
Je ne comprends pas ta langue
Mais je peux décoder tes gestes
Viens !
Je ne te hais point
Viens !
Partageons ce morceau de pain
Ce rayon de soleil
Cette terre.
 »

    Le poème urbain moderne et post moderne, ou chant de ville en solo, se profile ici, à contrario du précédent poème, comme une véritable apologie de Tanger, ville éternellement mondiale, une mère patrie ouverte à toutes les races, à toutes les langues et à tous les rêves des hommes, des femmes et des enfants du monde de quelles que couleurs et pays qu’ils soient. Elle est aussi la mère biologique qui prend soin de ses enfants et des enfants émigrés, dont elle apaise la douleur, en la personne d’un enfant abandonné, immigré clandestin, solitaire, sans voix, et dont elle comprend la langue à travers les gestes, le couvre de son affection et de son amour, l’accueille en son sein et partage avec lui, ses enfants, ses hôtes et ses autres immigrés le pain, le soleil et la terre.-www. livresatelecharger.com , p.1.

    2. Florilège des poèmes urbains modernes et post modernes, ou chants de ville en duo sur Tanger : 1946-1986 :

    Toutefois, le poème urbain moderne et post moderne, ou chant de ville en duo, fait penser avec Estrella Massip i Graupera et à sa remarque sur le poème urbain en duo  de :  Barcelone / Babylone et  de Babylone / Jérusalem, en constant : «Ainsi, dans le poème intitulé « S-Bahn » de Gabriel Ferrater, les références aux villes de Berlin et Amsterdam [v. chant de ville en duo] du début des années 60 permettent au locuteur, qui s’érige en témoin de la vie des Berlinois […].  La ville [de Barcelone] apparaît [en duo] alors comme une sorte de Babylone terrestre. Elle est le contraire de la Jérusalem céleste et du paradis [en duo de Babylone terrestre]. […]. En effet,  il y a déjà une référence à une ville qui se trouve sur la  terre promise. Cependant cette évocation, qui fait penser également à Barcelone (…), est ambivalente [chant de ville en duo] : d’une part elle se situe sur la terre promise, c’est donc Jérusalem, mais d’autre part elle renvoie à la mythique [chant de ville en duo] Babylone, avec ses murs d’enceinte et ses jardins suspendus.» - « Ville et identité dans la production poétique de Gabriel Ferrater et de Jaime Gil de Biedma », www.etudes romanes.revues.org , p.83.  D’où pour nous ici, à titre d’exemples, les poèmes urbains en duo modernes, ci-après :

· « Tanger port désiré», Danièle Maoudj, poétesse marocaine franco-algérienne : 1946- :

      « Bercée par les vagues de la mer des Ténèbres et celles de la mer Blanche
Tanger port désiré depuis la vieille Carthage
Jusqu'à aujourd'hui par les militaires en costume du dimanche
Tu vas renverser le regard de l'origine de notre mer
Tu vas unir aux origines gréco-latines, celles des amazighs et des arabes
Et tu vas dire...
Toi aussi.
Installée dans une ruelle maritime,
Tes rochers accueillent avec le salut oriental les courants en partage gravés dans ta ville altière
L'insolence de tes vents mêlés
Chante avec maestria les rivalités des deux côtes, et la douceur des amours victorieuses
Ton élégance ensorcelle ceux qui veulent te posséder
Ta porte grande ouverte offre l'ivresse de tes parfums à la vieille Reine
Tu n'as pas de rancune
Tanger, phare d'Ifriqiya, tu irradies les tiens de dignité
 ».
    
     Dans ce poème urbain moderne et post moderne, ou chant de ville en duo, la poétesse Danièle Maoudj configure les deux  villes : Tanger, au Maroc et Carthage, en Tunisie, la première donnant sur "la mer des "Ténèbres" [v. l’océan Atlantique] et "la mer Blanche" [v. la mer Méditerranée]. Il représente Tanger comme une ville, sous les traits d’une femme, objet de désir, et ce au même titre que l’antique ville de Carthage. Elle en fait une interlocutrice souveraine, présidant une  de parade militaire officielle. Il l’invite à remonter le temps et à unir ses origines gréco-latines avec celles des amazighes et celles des arabes. Géopolitiquement,  elle une cité carrefour du monde en tant que lieu stratégique d’une voie maritime, dont les rochers accueillants sont doués d’une civilité orientale, tout en érigeant ses vestiges hautains sous les vents violents, en chantant les rivalités des deux rives, aux amours victorieuses, avec une élégance ensorceleuse de ses conquérants, et ses essences, sans rancune, pour la vieille Reine [v. Isabelle la Catholique], en répandant, en tant que phare d’Afrique, par les siens la dignité. - www.interromania.com/fr , p.1.

·  «Tanger impressionne», Abdelali Bouigargoun, poète marocain francophone: 1946- :

    « Tanger impressionne par sa grandeur
Y vivre est un véritable bonheur.
Haute de ses montagnes,
Elle domine fièrement l'Espagne.
A l'aube, Tanger la belle, se réveille en douceur;
Et, vêtue de toutes les couleurs,
Elle sent le jasmin au goût du miel.
Sa beauté, ce sont ses petites ruelles,
Ses rochers et le bleu azuré de son ciel.
Laissez-moi l'aimer,  C’est la perte d'Arzila et
de Tanger qu'il chante corps et âme
D'un amour cruel que j'éprouve pour ses femm
es. »
 
    
Ce poème urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en duo, d’Abdelali  Bouigargoun, célèbre ici la grandeur de Tanger et d’Arzila, en reconnaissant que la vie dans la première est un véritable bonheur, parmi ses hautes montagnes  qui dominent fièrement  l’Espagne. Il y consacre les différents états d’âme et moments, à l’image d’une femme,  Tanger la belle : son réveil en douceur à l’aube, parée de toutes les couleurs du monde, ses rochers couleur d’azur, son parfum de jasmin au goût de miel, la beauté de ses petites ruelles. Il commémore en sollicitant le droit de l’aimer, en souvenir sa perte jadis  avec Arzila, tombées sous le joug portugais (1471- 1578), de l’amour cruel qu’il voue pour ses femmes. - www.poesie.webnet.fr , p.1.  

·  «Désir de l’ailleurs : Haragas de Tanger », Fatima Chbibane poétesse marocaine francophone: 1951- :

Les yeux rivés sur le rocher noir
derrière une mer bleue pleine d’espoir
Flux et reflux berçant jusqu’à l’ivresse
Des êtres sans identité ni adresse.
L’âme lynchée par l’attente
Les visages par la tristesse.
Ils n’ont qu’un désir ; s’exiler
Briser le cadenas du détroit de Gibraltar
Pour enfin vivre une vie aux éclats d’or.

Des yeux  rivés sur l’écume blanche
Attirés par l’étoile scintillante
Vieille mais opulente et brillante.
Des hordes imberbes, bourgeonnantes
Scrutent à Tanger la moindre alerte
Pour embarquer avec enthousiasme
Abord de n’importe quelle épave
Qui souvent leur coûte la vie. »

     Le poème urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en duo est consacré à l’espace maritime hantise des émigrés clandestins, entre Tanger et Gibraltar. Il d’emblée l’allure  d’une  véritable oraison funèbre, dédiée à la mémoire des futurs candidats à au périple de la mort du large du détroit de Gibraltar, ou Haragas. Il émane  des yeux fixant l’autre rive depuis la Tanger, autrement dit, la côte sud de l’Espagne et porte l’Europe. Il décrit la mer devenue mirage, voilant un espoir illusoire pour des êtres humains anonymes grisés de rêverie dorée, torturés d’un signal d’embarquer. Dans l’attente et le chagrin ils sont remplis d’un désir fou de s’exiler, défiant  l’interdit et la mort entre les deux rives détroit et deux villes de Tanger et de Gibraltar. Le tout confondu, il s’agit d’embrasser, en face d’eux, une vie de rêve dans l’Eldorado européen. Ils fixent le large houleux et les étoiles scintillantes dans la nuit noire, de fortune, au prix souvent de leur vies. - www.pluton-magazine.com , p.1. 

·  «Tarifa-Tanger »,  Marine Lécuyère, poétesse française : 1986- :

    «Je suis tombée amoureuse d’un détroit, d’une ville « ici », et d’une autre « là bas ».
Tarifa, tout au bout de l’Europe. Une blancheur secouée par les vents, une pointe avancée dans les eaux, remuée par des courants contraires. Partout, le vent et la mer, la mer et le vent, l’océan, les vagues puissantes, le printemps qui explose en couleurs vives sur les collines…
Toutes proches, les côtes majestueuses de l’Afrique, dont on pourrait presque caresser les contours.
Là bas, Tanger. Une plongée obsédante dans les mille visages de la ville. La trace de sa poussière sur ma peau, le parfum de ses matins lumineux, la course folle de ses chiens errants, l’entrelacement de ses ruelles, la violence de ses contradictions, l’évidence de nos rencontres. Et ces silhouettes immobiles, qui regardent la mer, tournées vers l’horizon flou d’un départ impossible

     Ce poème en prose urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en duo, de Marine Lécuyère, est un aveu d’amour coup de foudre pour Tanger et son détroit, au Maroc, d’une part, et Tarifa, extrémité de l’Europe, au sud de l‘ Espagne. L’évocation de Tanger exalte le climat tumultueux de la ville d’une blancheur agitée par le vent mêlé à la mer, le vent et l’océan omniprésent, aux vagues puissantes des courants contraires, et les couleurs du printemps sur ses collines. Il y voit une ville aux mille visages, sur les côtes  majestueuses de l’Afrique, la trace de sa poussière et parfum sur la peau, ses matins lumineux et la course folle de ses chiens errants, dans ses ruelles entrelacées,  au hasard de ses contradictions violentes et de la franchise de ses rencontres, avec en vue les silhouettes figées des candidats à l’émigration clandestine regardant la mer et l’horizon imperceptible d’un départ impossible. -  www.marinele cuyer.com , p.1. 

   3. Florilège des poèmes urbains modernes et postmoderne, ou chant de ville en crescendos sur Tanger : 1930-2006 :

    Par ailleurs, le poème urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en crescendos, configurant plus de deux villes dans le même texte,  nous fait décrypter visiblement, avec Henri Scepi, ce type  de poème  à travers la lettre envoyée par de Baudelaire à Arsène Houssaye, le 26 août 1862,  en y décelant : «La lettre de Baudelaire à Arsène Houssaye, publiée dans La Presse le 26 août 1862, et si souvent sollicitée pour la simple raison qu’elle fait office de programme, voire d’art poétique, insiste très explicitement sur cette notion de croisement pour le moment considérée comme une qualité inhérente à l’ordre même de la ville. Définissant le projet des poèmes en prose du Spleen de Paris, Baudelaire écrit : « C’est surtout de la fréquentation des villes énormes [v. plus de deux villes, chant de villes en crescendos], c’est du croisement de leurs innombrables rapports [v. poèmes urbains modernes et postmodernes, ou chants de ville en crescendos] que naît cet idéal obsédant. » - « Baudelaire/Laforgue : la ville au croisement du poème », Op.cit., p.1. Dans ce sens, on peut citer les exemples de poèmes urbains en modernes et postmoderne, ou chant de ville en crescendos suivants :

·  «Œdipe à Tanger»,  Liliane Giraudon, poétesse française : 1946- :

     « Akram retrouve ici les gâteaux de son enfance
il dit à Beyrouth la guerre nous a sauvés du tourisme
muet notre film sera en noir et blanc
nous le verrons plus tard en buvant du Jack Daniel
et surtout pas du Black and White
pourquoi à Brooklyn les pellicules
Noir et Blanc se désignent White and Black
passer à la ligne se la joue plus moderne
coude à coude l’invisible armada
scintille sous les feuilles
les asticots s’y trompent
certains le disent d’autres l’entendent
puis j’oublie ciné-poème tajine-poisson
fumer à Amsterdam ou dormir à Tanger
. »

     Ce poème-récit urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en crescendos, configurant quatre villes à la fois, dans le même texte,  de Liliane Giraudon,  évoque déjà par son titre le  récit "Œdipe à Tanger", héros de mythe grec, roi de la ville de Thèbes, voyageur. Le  personnage Akram retrouve les gâteaux de son enfance, tout en signalant ironiquement la sauvegarde du tourisme par la guerre, à Beyrouth, que leur film sera noir et blanc, qu’ils le visionneront, en buvant du Jack Daniel (du Whiskys - USA), et en se demandant pourquoi à Brooklyn (v. la ville de New York) ces films sont dits White and Black, que l’invisible armada (v. les poètes postmodernes)se bouscule, en passant la ligne de la moderne (poésie moderne baudelairienne), que les larves (les mots) se trompent sous les feuilles (métaphore du mystère des poèmes urbains : sens ésotériques sous les feuilles des végétaux ou les feuilles écrites de papier des poèmes), que certains le disent (v. clament le poème) d’autres les entendent (l’écoutent et le méditent). Enfin, le  « je » narrateur dit avoir oublié le ciné-poème (l’écriture du texte noir sur blanc), face au tagine-poisson (v. plat marocain tangérois), faute de fumer (v. un joint) à Amsterdam ou dormir à Tanger (v. au temps de la beat génération).- www.lilianegiraudon.com, p.1.  

·  «De Tanger»,  Roger Blandignères, poète français : 1955- :

     « De Tanger à Marrakech côtoyant l’Atlas jusqu’aux plages d’Essaouira,
Dans tes souks je m’émerveille, d’Ouarzazate à Casablanca ;
Encore plus ébahi devant les médinas de Tetouan ou Meknès ;
Comment ne pas parler du Ksar d’Ait-Benhaddou ou des trésors de Fès.
Pompeux serait de continuer, devant toutes ces merveilles,
Oh toi superbe Maroc, les jours passent et ne sont jamais pareil ;
Je suis en admiration dans ce jardin des Marjorelles aux multiples couleurs,
Enivré par ces essences aux milles senteurs. Retourne-toi étranger, regarde l’esprit marocain,
Tu comprendras alors qu’il est chaleureux et humain ;
Riche de ses valeurs et de ses traditions
,
Pays de rêve, tu toucheras nos émotions.
 »

      Dans ce poème urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en crescendos, de Roger Blandignères, se profile comme un carnet  de voyage à travers huit villes du Maroc. Le narrateur de ce poème-récit va de Tanger à Marrakech, en contournant la chaîne de l’Atlas jusqu’aux plages d’Essaouira  (v. ex-Mogador), émerveillé par ses souks (v. marchés), de Ouarzazate à Casablanca, fasciné et surpris par les médinas (les villes anciennes) de Tétouan et de Meknès, du  Ksar d’Ait-Benhaddou et des trésors et merveilles de la ville de Fès. Il s’exclame en interpellant le Maroc sublime, où les jours porteurs de nouveautés ne se répètent pas. Il admire le jardin des Marjorelles multicolore aux mille parfums du monde et somme l’étranger de se retourner, pour voir l’esprit marocain, chaleureux et humain, riche de ses valeurs et ses traditions, dans un pays de rêve d’émotions. - www.roger-poemes.fr , p.1.   

·   «De Saint Petersburg à Tanger», Maurice Reverdy, poète français : 1953- :

     « De quoi demain sera-t-il fait ?
La vie fait tanguer, fait tourner
Les idées, les hommes et le lait
De St.Petersbourg à Tanger...
Et qui fera battre nos cœurs
Emplis de brume et de gravats
Fondre la banquise de nos peurs
De l'Alaska jusqu'à  Lhassa ?
De quoi demain sera-t-il fait ?
La vie fait tanguer, fait tourner
Les idées, les hommes et le lait
De St.Petersbourg à Tanger... »

     Le narrateur de ce poème-récit urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en crescendos, s’interroge en un refrain sur le sort de demain et constate l’instabilité de la vie, le changement des idées, des hommes qui tourne en amertume comme le lait, entre la ville de St.Petersbourg (en Russie) et celle Tanger (au Maroc). Il s’interroge sur ce qui pourra faire battre nos cœurs pleins de brouillard et de débris de ruines, ce qui pourra faire fondre nos cœurs de glace, solidifiées de peurs, entre l'Alaska (v. les villes Juneau et Anchorage, d’un Etat des  USA) et Lhassa (v. ville, capitale du Tibet). Puis, reprenant, à la manière des chansons slam, le même refrain, en un cri lancé contre le malheur qui sévit entre ces villes, parmi les hommes, aux cœurs brisés et transis de peurs, face à un lendemain  angoissant et inconnu, à la vie  où tout tourne à l’aigrie et à  l’éphémère. - www. mauricereverdy.com , p.1.

·  «Tanger eut une jeunesse agitée», Karim Tayeb, poète syrien francophone : 1974- :

    « Capitale de la Maurétanie tingitane, porte de Rome, terminus des caravanes ou antichambre de l'hégire, Tanger eut une jeunesse agitée. Tous les navires ont mouillé dans ses eaux : les premiers bateaux marchands, les naves à deux mâts, voiles latines, les felouques, toiles rouges, les caraques et les caravelles. Le monde n’était pas connu, que de ses frontières les plus reculées des hommes se mettaient en route pour venir débarder leurs ballots sur les quais : laine, cuivre, blé, cuirs, miel, poisson, étoffe, soieries, brocarts byzantins, bétail, or.  Il y a deux mille ans, c’est sûr, le port grouillait. La ville se paya sur ce transit. Elle préleva sa dîme et finit par engraisser. L’Islam, qui aime les femmes-loukoums, se toqua de cette Shéhérazade occidentale. Sa douceur roucoulante, ses parfums d’orange, ses lauriers, ses palmes, ses charmes soyeux et ses quais bien en chair obsédèrent les hommes des Mille et Une Nuits. Ils l’enlevèrent. Soumise à leur loi et à leurs caprices, elle continua de répandre ses grâces vers les ports andalous et l’Espagne chrétienne. »

     Dans ce poème-récit historique en prose urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en crescendos, l’orateur – poète interpelle l’antique «Tingis », par son surnom d’antan, la capitale de la Maurétanie tingitane, du temps où elle était la porte de Rome (v. de l’Empire gréco-romain : 146 av .J. -C. – 429 apr. J.-C.), jusqu’à son entrée finale, dans l’empire musulman (706 apr. J.-C.) des caravanes de l’hégire (v. le calendrier de l’Islam), et ce  au cours d’une jeunesse tumultueuse. Il glorifie son importance précoce de port maritime prospère, depuis les premiers bateaux marchands de toutes espèces (v. des phéniciens, Ixe siècle, des carthaginois, etc.) et relate son rôle premier de lieu d’échanges primitif des denrées, de produits artisanaux, de métaux et pierres précieux, de bétail, venus d’extrême Orient et de Byzance, depuis deux mille ans, contre taxes de transit et impôts. Il en fait le portait allusive d’une la femme musulmane, à l’image d’une Shéhérazade occidentale, marocaine, esclave et reine, répandant ses grâces  sur  les ports andalous de  l’Espagne chrétienne (v. allusions faites aux villes ports d'Algesiras, Tarifa,  Malaga, etc.). - www.enfancerouge.net , p.1. 

·  «De Saint Petersburg à Tanger», Mariama Ndoye, poétesse sénégalaise de langue française : 1953- :

     « De Tanger à Port Elizabeth
De Gorée à Zanzibar
Je suis celle qui te couvait
dans ses entrailles
Qui t’abreuvait de son lait
Te tenait la main sur le
chemin de
l’école
Affrontant la poudreuse de
Jendouba
La rocaille de Praia
La broussaille de Mwanza
Je suis l’olivier, le baobab,
le néflier
Je suis la femme-Afrique
. »

    Le poème-récit dialogué urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en crescendos, de Mariama  Ndoye tisse en quelque sorte un lien multiple entre  six villes de l’Afrique sous forme d’une scène animée entre  « je » et « tu » en les localisant géographiquement  entre une ville et une autre,  allant : de Tanger (au Maroc) à Port Elizabeth  (en Afrique du Sud), de Gorée (ville de Dakar) à Zanzibar (ville de Tanzanie), en faisant proclamer le « je » de la narratrice  être la femme-Afrique,  être  mère génitrice de l’Africain qu’elle tutoie, en lui disant être celle qui l’a porté, en son sein, nourrit de son lait, qui l’a mené par la main à l’école, tout en passant par la poussiéreuse Jendouba (ville personnifiée ou cartographiée de Tunisie), la rocailleuse Praia et la brousse de Mwanza  (deux villes de Tanzanie), s’identifiant à la flore africaine des lieux, et avant tout à la femme-Afrique. - www.webcache. googleusercontent.com , p.1.

·  «Tu traversera Alger et Tanger», Michel Deguy, poète slam français : 1930-2006 :

    « voudrais faire un Slam
pour une grande dame que j'connais depuis tout petit
j'voudrais faire un Slam
pour celle qui voit ma vieille canne du lundi au samedi
j'voudrais faire un Slam
pour une vieille femme dans laquelle j'ai grandi
j'voudrais faire un Slam
pour cette banlieue nord de
paname qu'on appelle saint Denis
si t'aimes voyager, prends le tramway et va au marché
en 1h tu traverseras Alger et Tanger,
tu verras des yougos et des roms
et puis j't’emmènerai à Lisbonne
et à 2 pas de New Delhi et de Karachi
t'as vu, j'ai révisé ma géographie
j't'emmènerai bouffer du maffé à Bamako et à Yamoussoukro
 ».

     Ce dernier poème urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en crescendos, de Michel Deguy s‘avère être un poème-chanson slam, s’apparentant exclusivement  à la poésie post- moderne, au rythme saccadé et répétitif de sa composition, réitérant le mot « slam » (en arabe, salut !) pour adresser à la vénérable dame qu’est sa mère son salut,  une grande dame qu’il a connu tout petit, qui l’a porté en son sein, qui l’a vu vieillard avec une canne du lundi au samedi. Il salue aussi la banlieue nord de paname (v. surnom emprunté de la ville du Panama), dit aussi Saint Denis (v. ville de Paris). Puis le « j e » s’érige en guide de voyageurs pour conseiller miraculé à son interlocuteur « tu » (l’auditeur ou le lecteur) de prendre le tramway pour aller au marché, en une heure il traversera Alger et Tanger (v. passagers  immigrés algérois et tangérois marocains), de voir des yougos et des roms (v. des passagers immigrés yougoslaves et italiens de la ville Rome). Ensuite, il offre l’emmener à Lisbonne, proche de New Delhi et Karachi (v. passagers immigrés de ces villes de l’Inde et du Pakistan), à Bamako (v. ceux de cette ville du Mali), Yamoussoukro  (ceux de cette ville d’Abidjan, en Côte d’Ivoire), du maffé (ceux de cette ville belge de Havelange (v. les passagers immigrés de toutes ces villes dans les tramways de France et d’Europe). - www.musique.ados.fr , p.1.

       II. Florilège des poèmes urbains modernes en solo en duo et postmoderne, ou chant de ville en crescendos sur Tétouan : 1802-1995 :         
                                
      Parallèlement, la part de ce florilège des poèmes urbains modernes et postmodernes ou chant de ville en solo, en duo et en crescendos sur Tétouan : 1802-1995, nous conduit à réitérer le même constat sur la genèse de la poésie urbaine moderne et postmoderne, d’un article  du Men/ Dgesco français, paru en 2012 : « L’une des grandes ruptures de la poésie du XIXe siècle tient en effet à ce que l’on pourrait appeler un changement de lieu. La prise en charge du paysage naturel, l’héritage des bucoliques et géorgiques, qui caractérisaient la poésie romantique, ont peu à peu fait place à une exploration d’un monde urbain [v. ici des poèmes urbains modernes et postmodernes ou chants de ville en solo, en duo et en crescendos, etc.] alors en pleine révolution, riche de potentialités poétiques nouvelles que la poésie avait abandonnées au roman, […] il fallut attendre Baudelaire pour que « la rue assourdissante » et « l’homme des foules » fissent pleinement leur entrée dans le genre poétique. […] Sans doute la poésie n’avait-elle pas au cours de son histoire méconnu complètement les territoires urbains. » - «La poésie urbaine du XIXe au XXe siècle : du romantisme au surréalisme », www.cache.media.eduscol.education.fr , pp.6-7. D’où le décryptage du corpus de ce florilège des poèmes urbains modernes en solo en duo et en alter égos qui se déploie également, comme suit :
   1. Florilège des poèmes urbains modernes et postmodernes ou chant de ville en solo sur Tétouan : 1903-1989 :

     En effet,  la part de ce  florilège de poèmes urbains modernes et postmodernes ou chant de ville en solo, sur Tétouan : 1903-1989, trouve son écho dans cette remarque de Rocío Peñalta Catalán : «La ville est le lieu où l’homme habite, travaille, a des loisirs, se met en rapport avec ses semblables et communique avec d’autres personnes. L’espace urbain est, par conséquent, un espace affectif, ou anthropologique – d’après la terminologie de Marc Augé –, chargé de significations. La littérature et l’art témoignent de l’importance de la ville, qui devient cadre et même personnage principal [poème urbain moderne et postmodernes ou chant de ville en solo] de l’action dans de nombreuses œuvres, surtout depuis le début de la modernité – le Spleen de Paris de Charles Baudelaire en constitue un bon exemple, avec la ville comme élément fondamental dès le titre [poème urbain moderne et postmodernes ou chant de ville en solo].» - «La ville en tant que corps : métaphores corporelles de l’espace urbain »,www. trans.revues.org , p.1. D’où en guise d’exemples :
·   «Tétouan a guéri le cœur souffrant», Hussein El Youssi, poète marocain arabophone : 1630-1690 :

 «Tétouan a guéri le cœur souffrant   
Et a dissipé la peine une nuit noire
Et envolé sa vue élégante de joie
De mon cœur des soucis de poids
Cité partageant sa beauté en zones
Qui s’égalisent en beau et en bien
Telle la mariée parée de ses atours
Le haut de son divan est plus élevé
Telle l’Eden ne vois-tu son dessous
Des rivières coulant sur un sol noir
Défie l’Eden ne vois-tu son dessus
Edifices plus beaux que les joujoux

        Ce poème urbain moderne poème urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en solo fait de la ville de Tétouan une fée thérapeute qui  a, par son site naturel et son élégance enjouée,  guéri son cœur plein d’amertume et de souffrance et a dissipé ses soucis pesants le plongeant dans une sombre nuit de malheur en lui a rendant la gaîté et la santé comme par enchantement. Il exalte sa beauté répartie équitablement entre ses différentes zones en charme et en bien. Il l’incarne ensuite sous les traits d’une belle mariée, parée de tous ses atours et trônant sur une haute plate-forme, comme sur un divan encore plus surélevé. Puis, il y voit un beau paradis terrestre surplombant ses rivières profanes coulant sur un sol noir et défiant l’autre céleste par l’ascension de ses édifices plus beaux que des jouets.  - www. shamela.ws, p.1                                                                                                                                                                                                       
·  «Complainte sur Tétouan occupée en 1860», Mfadel Afilal, poète marocain arabophone : 1824-1886 :

 «Tu as brisé la gente du salut
Ô temps dis pour quelle raison
A l’élévation elle était le signe
Tu as rabaissé son haut rang
Tu l’as concédée aux ennemis
On le raconte près des nues
Et la foi pleure de ses larmes
Les mosquées sont réduites
En lieux de vente de boissons
Combien de temples de Saints
Exhalant  la dignité alentours
Portent croix et bride de curé.»

    Le poème urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en solo de Mfadel Afilal interpelle le temps, ou le destin, qu’il met sur la sellette des accusés, et lui demande la raison pour laquelle il rompu la gente du salut de Tétouan, occupée en 1860 par l’armée espagnole, en la cédant à ses ennemis. Le récit événement se répercute jusqu’aux nues. La foi musulmane pleure à travers les larmes de ses habitants face à l’humiliation et à la profanation, en voyant les mosquées se transformer de tripot de vin, les temples de Saints musulmans rayonnant de dignité porter des crucifix et des brides de montures de curés étrangers. - www.almoajam.org , p.1

·  «Non loin de Tétouan une ville silencieuse», Blanche Bendahan, poétesse maroco-franco-algérienne : 1903-1975 :

 «Non loin de Tétouan, une ville silencieuse », Blanche Bendahan, poétesse maroco-franco-algérienne de confession juive : 1630-1975 :
     « Non loin de Tétouan, haut dressé sur la colline, il est une ville silencieuse.
     Le regard sous le soleil, se blesse à sa blancheur et, même par le temps gris, elle semble receler de la lumière.
      Pas de cyprées – ces pavillons en berne de l’espoir – mais vers l’azur une escalade immobile de pierre.
      C’est le cimetière israélite.
      Pas de fleurs, pas de couronnes, pas de monuments vaniteux : la nudité de la mort elle-même.
      Les tombes, en pierre de taille, sont toutes pareilles et, aux yeux du passants qui les contemple, rien n’éternise la richesse, rien n’éternise la pauvreté […].
     Les épitaphes de tombes sont écrites en espagnol et en  hébreux. Elles ont toutes la même teneur : le nom, la date de la mort et quelques mots d’éloges sur la vie du défunt – à Tétouan, comme dans tous les pays du monde, il suffit de mourir pour n’avoir que des vertus. »

       La poétesse, dans ce poème-récit en prose urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en solo, décrit lyriquement à proximité de Tétouan, au nord du Maroc, en haut d’une colline, le cimetière israélite, sous le soleil éclatant qui blesse le regard par sa blancheur, en temps clair comme en temps gris, sous un soleil, source inépuisable de lumière. Sans nulle végétation en cyprées, symbole de l’espoir, le site dresse, sous le ciel bleu, une pente drue de pierre inébranlable. Nulles fleurs ni couronnes, nuls monuments pompeux ne s’y voit, mais la mort toute nue. Les tombes de pierres de taille semblables montrant  aux passants que la richesse et la pauvreté sont périssables. Des pierres tombales écrites en espagnol et en hébreu arborent les mêmes inscriptions : l’identité, la date du décès, quelques louanges sur la vie du mort, signifiant qu’à Tétouan, comme ailleurs dans le monde, une fois mort, n’a plus que des vertus. - www.books.google.fr , p.1.

·  «Votre fée Tétouan», Lole Montoya, poète espagnol : 1954- :

 «Regardez-moi cloué dans
 les yeux comme une épée
 vous dansez avec votre fée
 lys elle vous offre
 par l'art qu'elle mérite
 un grand piédestal vous fait. »

       Ce poème urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en solo, de Lole Montoya, s’adresse aux habitants de la ville de Tétouan et leur rend par là un vibrant hommage, à leur fascinante cité, les yeux rivés sur eux à la fois,  comme par l’effet de la magie semblable à une épée fichée sur eux en les voyant danser avec leur ville transformée, changée en fée, qu’est devenue la ville Tétouan, un véritable lys de blancheur et d’encense. Elle leur lègue par la même occasion grâce à l’art, tant celui de son architecture et ses mœurs que par celui l’école des beaux arts et les musées qu’elle abrite et qui font son grand mérite, un immense piédestal de gloire et de grandeur cultuturelles sans égale. www. maghress.com , p.1.

·  « Tétouan la cité des sept portes», Jalil Tribak, poète marocain hispanophone : 1950- :

      «Tétouan :
       Je suis la cité des sept portes, connue je suis des bons poètes.
       Par de beaux jardins entourée et racontée par de grands écrivains
      Dans le flanc d’une belle montagne rocheuse, ma situation est tranquille et merveilleuse, j’ouvre mes portes à tout étranger.
      À ceux qui abandonnent les sables de l’Atlantique, et viennent jouer dans les estuaires avec la fumée frénétique, chaque voyage chez moi leur sera inoubliable, et ne pas vouloir me visiter lui sera impossible.
     Chaque passager peut être captivé par les beaux arts et en tomber amoureux, et de son esthétique naturelle, dans  son intention d’apporter, qui à ses familiers, qui à ses amis de là à raconter».
 
       Le poème urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en solo de Jalil Tribak est une  personnification de la ville de Tétouan qui parle à la première personne s’adressant  au monde tout en vantant son ouverture sur le monde grâce à ses sept portes hospitalières, en étalant ses beaux jardins alentour, cité connue des bons poètes et racontés par les grands écrivains, bâtie sur le flanc d’une superbe montagne rocailleuse, dans un site paisible et merveilleux, faisant un bel accueil à tout étranger et estivants, fuyant la rigueur et la turbulence de la côte atlantique. Elle leur laisse d’inoubliables souvenirs qui les font revenir à elle en séjour, captivant leurs esprits par ses beaux arts et le mode de vie de ses beaux paysages, chose dont ils iront faire le récit à leurs proches et amis, encore à ravir. - www.sossealaoui.blogspot.com , p.1.


   2. Florilège des poèmes urbains modernes et postmodernes, ou chants de villes en duo sur Tétouan : 1909-1973 :

    Quant à la part de ce florilège de poèmes urbains modernes et postmodernes, ou chants de villes en duo sur Tétouan : 1909-1973, il est à noter avec Marie-Claire Bancquart, citant Bruno Claisse, en spécifiant : « Bruno Claisse est le témoin essentiel pour qui se penche sur la tradition interprétative de « Villes (Ce sont des villes)… » de Rimbaud [v. aux USA].[…] Dans le droit fil des commentaires antérieurs, l'article de 1990 étudie ensemble les deux Villes [v. poèmes urbains modernes et postmodernes, ou chants de villes en duo] pour les opposer. […] Alors que  Villes [II] peint un univers urbain inhumain [v.villes industrielles], recouvert d'un "ciel immuablement gris", reflétant dans son gigantisme l'orgueil démesuré des hommes et de la civilisation technique, n'accueillant la nature que sous une forme domestiquée et remodelée, ne laissant aucune place à l'art et au chant, etc., Villes [I] célèbre, sous le haut patronage de Vénus, le culte de la nature [v. villes idéales proches de l’état de nature] […]. En conséquence de quoi "les cités archétypales dont Rimbaud évoque l'existence au début du poème" sont des "villes idéales" qui n'ont "rien de spécifiquement urbain : leur insertion dans la nature est en effet totale [...] ces villes reflètent un stade de l'humanité où l'opposition de la nature et de la civilisation a disparu. »- « Bruno Claisse, L'humour industriel de Villes, in  Villes (Ce sont des villes...) un des poèmes de Rimbaud », http://www.abardel.free.fr , p.1. D’où, par exemples, les poèmes urbains modernes et postmodernes, ou chants de villes en duo, ci-après :
·  «Le chemin de Tétouan», Jean-Michel Sananès, poète maroco-franco-algérien de confession juive - : 1954-:

« Mange  » disait grand-mère…Mais il y a si longtemps déjà…
Grand-mère venait d’antiques hivers et de mémoires berbères. Un reste de Tétouan lui rappelait des moments heureux et de noires frayeurs.
Un sultan avait coupé les oreilles de ses ancêtres pour les reconnaître, il les avait chassés du mellah, avait violé, volé du sang, volé leurs biens, les avait exposés nus dans la ville…
L’histoire balaie les scories du temps, la vie se raconte comme la poussière s’écrit…
Mais que reste t-il de nos tempêtes, de nos hivers ?
Une main aveugle cherche au fond du sac, sème en route les pierres du destin.
Oran habitait le lointain
. »

       Le poème-récit dialogué  urbain moderne et postmoderne, ou chant de villes en duo, sur la ville de Tétouan, au Maroc et d’Oran, en Algérie, comme destinations légendaires et ports d’attache de la course maritime en Méditerranée, entre navires musulmans et chrétiens,  relate, à partir de l’évocation d’une scène de la vie d’une famille judéo-berbère, à table pour manger, et le rappel par la grand-mère des ancêtres de ses petits enfants qui ont eu les oreilles coupées par un sultan, apparemment corsaire de Tétouan, où la retiennent des souvenirs heureux et d’autres malheureux,  qui, après les avoir fait dépouiller de leurs biens, exposés nus en public, les a chassés de leur quartier juif, Mellah, en amalgame légendaire peut-être avec le sultan ottoman Mehmed II, fils de Mourad , à qui on attribuait ce genres de cruautés. Le « je » et le « nous » relèguent   ces méfaits aux turpitudes de l’histoire, du sort, avec au loin la ville d’Oran, lieu d’exil de cette triste mémoire collective par ouï-dire revisitée. - www.emmila.canalblog.com , p.1.
·   «Les filles de Tétouan», Tahar Ben Jelloun, poète marocain francophone : 1944-:

     «Les filles de Tétouan ont la peau blanche et douce. Les yeux noirs. Le regard discret. Le geste mesuré. La parole rare.                                                                     
    Vivre à Tétouan, c'est accepter une complicité : complicité avec le calme d'une mer voisine; respect de ce qui dure et doit durer; complicité avec les illusions de l'écrit ; admettre la retenue, l'économie dans la parole et dans l'acte. 
     La vie traverse les habitants de cette ville avec la douceur et le murmure d'un ruisseau. L'événement, c'est le détour. Les corps blancs, les corps frêles traversent l'événement à la manière d'une nappe de fumée qui passe. Un petit nuage bleu reste accroché aux arbres. C'est tout. Le vent soufflera. […] Ce bleu s'insinue dans la blancheur, comme le murmure des vagues de Martil pénètre doucement les rêves des enfants qui attendent l'été. [….] Le vent soufflera, la nuit de préférence. La ville épurée. Les rues repeintes à la chaux. […] On parle d'une colombe blanche. »
    
      Le poème en prose urbain moderne et postmoderne, ou chant de villes en duo, sur la  ville de Tétouan, de Tahar Ben Jelloun, en exergue la blancheur et les yeux noirs, la beauté et la douceur des filles de Tétouan, aux regards discrets, aux gestes comptés, à la parole circonscrite. Pour y vivre, prévient-il, il faut s’allier au calme de la mer toute proche, au monde de l’écrit (v. l’art épistolaire), la retenue et le mesure du geste et du dire. La vie paysagère de cette cité est  traversée comme celle de ses habitants par le doux murmure d’un ruisseau (Oued el Mhanneche). La silhouette claire et fine de ses habitants, qui passent,  leur donne l’air de se volatiliser. Le nuage blanc azur qui  s’attarde au-dessus des arbres, le vent qui souffle en mêle son bleu à la blancheur et au bruit des vagues de la ville côtière de Martil, qui peuple de rêves l’esprit des enfants pour l’été. Après une ondée nocturne, la ville est lavée, les rues sont repeintes à la chaux. On parle ainsi de colombe blanche.  - www. lectures.actives.free.fr , p.1.

·  «Tétouan une fontaine de vie neuve», Claude McKay, poète jamaïcain anglophone : 1889-1948:

 « Le Maroc conquérant a payé son tribut à l’Espagne
Et l’Alhambra a érigé ses tours !
Les doigts de l’Afrique, prêts à faire des miracles
Et frémissants sous l’esthétique arabe
Ont tracé des mots et des figures comme fleurs exotiques,
Des chambres de sultans aux tapisseries rares,
Des merveilles en filigrane tirées des versets du Coran
Et bien plus tard, l’Espagne rendit cet hommage
A Tétouan, ce fort de batailles et de luttes,
Où les Maures d’Andalousie déçus se retirèrent ;
Elle apporta une fontaine bouillonnant de vie neuve
Dont le charme précieux conquit même l’orgueil indigène
Et son éclat s’emplit du rire flamenco
. »

       Ce poème urbain moderne et postmoderne, ou chant de villes en duo dresse le portrait esthétique légendaire et historique de Tétouan, matérialisant en lui  une résurrection exotique miracle de l’Andalousie, celle de l’Alhambra, symbole de la ville de Grenade (v. perdue 1492), en Espagne, Tétouan, elle-même revisitée, en l’Afrique du nord moresque, et s’ouvre sur la déclaration du Maroc indépendant (en 18601956) ayant payé son tribut de guerre de Tétouan à l’Espagne. Il rend hommage à la sculpture en calligraphie arabe, à la tapisserie des édifices des sultans en rappelant l’hommage rendu par l’Espagne à celle-ci, en tant que forteresse de batailles et de luttes, lieu de retrait des Maures et juifs andalous, en s’érigeant en une fontaine de jouvence, dont le  charme fait l’orgueil des autochtones et dont l’éclat est rempli du rire de la musique flamenco.-   wwwebcache.googleuser content.  com, p.1.

·  «De Ronda à Tétouan», Ahmed Mohamed Mgara, poète marocain hispanophone : 1954- :

«De Ronda je tiens à mon aimée,
à Tétouan personne ne m’attends.
De la lune je tiens la timidité;
l’apparition par la corniche
plane mon âme de lumière et de rire.
À Ronda retourne une nymphe.
De Ronda je tiens à mon aimée,
à Tétouan personne ne m’attends.
En ses vues on entend des chants
et des siècles d’amour, et en ses marches,
pour Tétouan, Ronda et autres demeures.
Morisque chrétienne… bienaimée

    Le poème-récit urbain moderne et postmodernes, ou chants de villes en duo d’Ahmed Mgara, d’un  ton élégiaque, est dédié à la bienaimée du narrateur « je », un morisque partagé entre deux villes : Ronda en Espagne et Tétouan au Maroc, vit dans le pessimisme et l’optimisme d’une attente de sa bienaimée, se remémorant son portrait entre une lune timide, un soleil riant au dessus d’une corniche. Sa nymphe bienaimée de retour à Ronda, lui fait dire qu’à  Tétouan, plus rien ne l’attend. A ses vues, il entend des chants et sur ses les traces des pas de celle-ci  vers Tétouan, Ronda et autres lieux d’exil séculaires (v. les moresques musulmans et juifs expulsés de  la péninsule ibérique, dès 1492), la nostalgie le prend pour la ville-femme, la Morisque chrétienne Ronda, vue de Tétouan, reflet d’une apparition rêvée. - www.Sossealaoui. blogspot.com , p.1.

·  «Rouge Tétouan la sultane», Manolo Caracol, poète espagnol : 1909-1973 :

«Rouge,
la sultane,
 et San Roque ,
 le basilic.
Robe couronne dorée.
 D'or laurier d'argent
 apporte le verger morisque
 flamenco avec fiel et miel ».

        Dans cet autre poème urbain moderne et postmoderne, ou chant de villes en duo exalte la ville de Tétouan vêtue de rouge en sultane gitane rappelant ses origines à San Roque à l’arome du basilic. Il décrit alors la robe et  la couronne dorée sur sa tête, allusion à un soleil levant ou couchant à l’horizon de l’une et l’autre de ses deux villes, un laurier d’or et d’ardent dont lui fait présent le verger morisque andalou, sur l’écho du rythme et chant du flamenco à la fois miel, union d’antan, et fiel, séparation à nos jours.- www.maghress.com, p.1.

·  «Grenade dans Tétouan», Enrique Morente, poète espagnol : 1942- :

     « Lagune andalouse qui imprègne ma prose de beautés profanes et que le muezzin a donné à la corde du clocher, disent les cendres de mes aïeux qui me manquent, autant que me manque la brise grenadine ; dont rêve la neige de la Sierra et dont, mon âme, enterrée entre les sédiments des paumes d'une gitane.
« Sacré et eau bénite légendaire que fonde en un soleil embrasé les cœurs des rives lointains rappelant Grenade, dans
Tétouan, attendant sa sœur bienaimée. »
       Interpellant Tétouan, par son site lagunaire, l’embouchure du oued Martil,  en la qualifiant de ville andalouse, le poète de ce poème urbain moderne , et postmoderne, ou chant de villes en duo,  met en relief les beautés de sa poésie en prose profane, rappelant la concession du muezzin musulman contre sa voix la corde de cloche au sonneur de cloche chrétien, lui énonçant la nostalgie des cendres de ses ancêtres condamnés aux bûchers par l’inquisition, depuis 1452, qui, aujourd’hui encore, lui manquent, autant que le vent, le rêve de  la neige de la Sierra, dont l’âme s’exprime à travers les chants d’une gitane. Mais, le légendaire  sacre à l’eau bénite se change en un soleil d’amour, enflammant les cœurs sur les deux rives, alors éloignées, du détroit de Gibraltar, et  lui rappelant Grenade, dans Tétouan, sa sœur bienaimée. - www.maghress.com , p.1.
    3. Florilège des poèmes urbains modernes et postmodernes, ou chants de villes en crescendos sur Tétouan : 1802-1985 :

     Pour ce qui est des poèmes urbains modernes et postmodernes, ou chants de villes en crescendos, de la part de ce  florilège sur Tétouan : 1802-1985, on pourrait se référer également avec Henri Scepi, à la « La lettre de Baudelaire à Arsène Houssaye » où se décrypte aisément les de ce type de poèmes urbains chants de villes en crescendos, dédiés chacun, cette fois-ci, à plus de deux villes, en y relevant : «La lettre de Baudelaire à Arsène Houssaye, publiée dans La Presse le 26 août 1862, et si souvent sollicitée pour la simple raison qu’elle fait office de programme, voire d’art poétique, insiste très explicitement sur cette notion de croisement [poème urbain chant en crescendos]  pour le moment considérée comme une qualité inhérente à l’ordre même de la ville. Définissant le projet des poèmes en prose du Spleen de Paris, Baudelaire écrit : « C’est surtout de la fréquentation des villes énormes,  c’est du croisement de leurs innombrables rapports [poème urbain, chant en crescendos] que naît cet idéal obsédant. » Mais il a au préalable pris le soin de préciser que la prose poétique rêvée par lui doit être « musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience [v. ici poèmes urbains modernes et postmodernes, ou chants de villes crescendos]». – «Baudelaire/Laforgue : la ville au croisement du poème », Op.cit., p.275. A titres d’exemples citons notamment :
·  «Au sud de Nador Tétouan la fille de Grenade», Alain Janocha, poète français : 1959- :

    « Et lorsque tous les oiseaux se rassemblent tout près du détroit de Gibraltar
Leur patronne toute blanche et fière mène l’escadrille disciplinée avec art
Quand cette colombe savante illumine un ciel azuré dans son beau sillage
Enfin dessine- t-elle le labyrinthe de la liberté et de l’amour par cette image
Dans les eaux bleues de la Méditerranée, son cœur innocent a été déposé
Parmi les sources andalouses, de la casbah aux plus merveilleux mausolées
Où brille un royaume aux belles allures mauresques d’une Andalousie
Et à l’embouchure de l’Oued Martil, des phéniciens sont déjà en folie
Au pied du Rif, la fille de Grenade se promène seule dans la médina
Et les souks couverts de treilles abritent les bons joyaux de l’artisanat
Enfin au passage de la colombe qui se repose dans les jardins de Tétouan
Au sud de Nador, elle est apprivoisée par les plus fidèles musulmans
. »

     Ce poème urbain moderne et postmoderne, ou chant de villes en crescendos débute par l’annonce d’un rassemblement des oiseaux près du détroit de Gibraltar sous le patronage d’une colombe savante et fière (surnom et personnification symboliques de la ville de Tétouan, au Maroc), à la tête d’une escadrille disciplinée avec art  pour la sauvegarde de la paix, allusion faite à l’ère révolue des  guerres passées, et se constituant en une belle Andalousie à l’embouchure de l’oued Martil,  au sud de Nador, au nord du Maroc,  une ville fille de Grenade, en Espagne. La colombe allégorique artiste savante éclaire le ciel bleu et y dessine un dédale de liberté et d’amour. Elle a le cœur innocent déposé dans les eaux azur de la Méditerranée. Elle prolonge les sources andalouses par sa casbah et ses mausolées aux allures mauresques de jadis. Au pied du Ri, elle rappelle les comptoirs phéniciens antiques. Elle s’incarne à travers la femme tétouanaise  se promenant seule dans la médina et les souks couverts de treillage, abritant les beaux joyaux de ses artisans, alors que dans les jardins se repose la colombe de passage (oiseau migrateur), apprivoisée par les plus fidèles musulmans. - www.oasisdesartistes.org , p.1                                                        
  
·  «Navarin Alger ou Tétouan», Victor Hugo, poète français : 1802- 1885 :

« Enfin ! – C'est Navarin, la ville aux maisons peintes,
La ville aux dômes d'or, la blanche Navarin,
Le capitan qui tremble
Voit éclater ensemble
Ces chébecs que rassemble
Alger ou Tetuan.
Le feu vengeur embrasse 
Son vaisseau dont la masse
Soulève, quand il passe,
Le fond de l'Océan.
Sur les mers irritées,
Dérivent, démâtées,
Nefs par les nefs heurtées,
Qui portaient aux sultanes
Des têtes et des fleurs. »

    Dans ce poème urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en crescendos, Victor Hugo évoque sur un ton épico-sarcastique la bataille de Navarin pour soutenir la guerre d'indépendance de la Grèce, opposant la flotte franco-russo-britannique à la flotte ottomane comprenant des navires turcs et égyptiens (1827). Il y décrit du côté occidental chrétien le déroulement des batailles navales. Il conforte la ville grecque de Navarin contre Alger (v. Khayr ad-Din Barberousse, chef corsaire turc d’Alger : 1466 -1546) et Tétouan (au nord du Maroc), anciens ports de la course maritime en Méditerranée, symboles de l’ennemi musulman, depuis la chute de Grenade en 1492. Le capitan britannique dont le bateau brûle est montré en désarroi, malgré la masse et la puissance gigantesque de son navire. Il observe ensuite le remous des mers embrasées sur lesquels les bâtiments de guerre à voiles aux mâts rasés, se heurtant aux bateaux adverses. Faisant feu de tout bois, il finit par narguer avec dérision les victoires des forces ottomanes et égyptiennes, en les réduisant à des têtes coupées et des fleurs remises, non pas à des sultans, mais à des sultanes, dans les harems, allusion par « feu vengeur», peut-être aux courses maritimes de l’ancienne chef maroco-andalouse, Saida El Hourra, alors vice-sultane des Wattassides, sur la ville de Tétouan (1485-1442). -  www.poesie-francaise.fr , p.1.

·  «Depuis Tétouan», Abderrahman El Fathi, poète marocain hispanophone : 1964-:

« Sebta ignorée
Mellila désirais
toujours voulut exprimer
du haut de mon balcon,
caresser tes lèvres
depuis Tétouan
boire ton eau depuis Nador,
remplir ma bouche de ton air frais.
Ainsi suis- je,
si près, si loin, mais toujours dans
le cœur
Tu espères avec anxiété,
Sans pitié
Sans frayeur
Sans douleur
Avec lamentation. »

    Le poète de ce poème urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en crescendos,  Abderrahman El Fathi, interpelle sur un ton dénonciateur les villes marocaines du nord du Maroc Sebta (Ceuta) occupée et quasiment ignorée, Mellila objet de son désir, occupée, à partir de Tétouan. Il avoue avoir toujours envie de s’exprimer vivement du haut de son balcon, de caresser les lèvres de son interlocutrice aimée, visant par delà l’allégorie de femme aimée, chacune de ces deux cités marocaines  spoliées. Il aspire, depuis la ville de Tétouan, pouvoir boire de l’eau, depuis Nador, de remplir sa bouche de l’air frais de l’objet de son amour. Tel qu’il est, il se voit à la fois proche et lointain, mais l’image de l’aimée demeure toujours gravée dans son cœur. Il voit celle-ci espérer avec inquiétude, impitoyablement, rassérénée, sans souffrance l’attendre en se lamentant. - www. sossealaoui.blogspot.com , p.1.
     
    En conclusion, le parcours décyrptique du corpus multinational du corpus du« Florilège de poèmes urbains modernes et postmodernes, ou chants de villes en solo, en duo et en crescendos sur : Tanger et Tétouan : 1630-2014»,  nous a permis de constater effectivement tant dans ce florilège tant sur la ville de Tanger que sur la ville de Tétouan l’existence, corpus à l’appui, de poèmes urbains ou chants en solo (poème sur une  seule ville), de poèmes urbains ou chants en duo (poème sur deux villes)  et de poèmes urbains ou chants en crescendos (poèmes sur plus de deux  villes). C’est ce qui décrypte aussi à travers ce jugement d’Estrella Massip i Graupera, en dénotant : « Ainsi, dans le poème intitulé « S-Bahn » de Gabriel Ferrater, les références  aux villes de Berlin et Amsterdam [soit deux villes : poème urbain moderne et postmoderne, ou chant de villes en duo]du début des années 60 permettent au locuteur, qui s’érige en témoin de la vie des Berlinois,  […] : d’une part le titre « S-Bahn » renvoie au nom de l’une des lignes de métro de Berlin, la seule qui ait parcouru la ville [soit une seule : poème urbain moderne et postmoderne, ou chant de ville en solo]. […] Cependant cette évocation, qui fait penser également à Barcelone (Montjuïch), est ambivalente : d’une part elle se situe sur la terre promise, c’est donc Jérusalem, mais d’autre part elle renvoie à la mythique Babylone [soit plus de deux villes : poème urbain et postmoderne, ou chant de villes en crescendos], avec ses murs d’enceinte et ses jardins suspendus. » - «Ville et identité dans la production poétique de Gabriel Ferrater et de Jaime Gil de Biedma », www.etudesromanes.revues.org , pp.14-83.
                                                                            Dr. SOSSE ALAOUI MOHHAMMED