LA RENTRÉE LITTÉRAIRE EN AFRIQUE ET AU MAROC 2017
Nous
sommes en décembre 2016 et je trouve légitime de s’interroger avec Jacques
Demarthon de l’AFP sur l’existence d’une rentrée littéraire en Afrique et au
Maroc, événement prestigieux annuel mondial que connaissent les écrivains et
les lettres des autres continents. Celui-ci relève avec étonnement, d’un article du Monde intitulée “Rentrée littéraire: une saison africaine” :
« Je reviens à l’article du Monde qui lui dresse simplement une liste [de
la rentrée littéraire en Afrique 2016] de tous les ouvrages écrits par des
auteurs africains ou d’origine africaine: on y trouve des auteurs aussi
différents que le jeune Gaël Faye, un auteur de langue arabe Abdelaziz Baraka
Sakin, mais aussi un Martiniquais Patrick Chamoiseau. Outre le fait que cette
liste n’a aucune cohérence géographique, est-ce que cette liste a une cohérence
littéraire?» - « Peut-on parler de littérature africaine [v. de rentrée
littéraire en Afrique]? », www.franceculture.fr, p.1. C’est à quoi nous allons tenter de répondre, constater, à
travers un bref panorama d’œuvres d’écrivains, parus à l’occasion de la rentrée
littéraire 2016, ayant leurs racines en Afrique, ci-dessous :
I. Bref panorama de la rentrée littéraire
en Afrique et au Maroc 2016 : l'émergence d'auteurs néophytes et des
aguerris :
Pour entamer cette
réponse et ce panorama de la rentrée littéraire en Afrique et au Maroc 2016, il
est à noter avec Marie Royer de prime abord l'émergence d'auteurs néophytes
africains par la profusion et la qualité de leurs productions. Cette
dernière indique notamment : « La rentrée littéraire, c'est tout
d'abord l'émergence d'auteurs néophytes, et à bien des égards, cette
« saison africaine » [v. rentrée littéraire en Afrique 2016] se
révèle être prometteuse. On compte Gaël Faye [du Rwanda], rappeur franco-rwandais
qui vient de recevoir le prix du roman Fnac pour Petit pays,
largement inspiré de son enfance au Burundi dans les années 1990. Ali Zamir
[des Comores], dont les difficultés pour l'obtention de son visa avaient
suscité un tollé au mois d'août, publie Anguille sous roche au Tripode,
un premier roman qui retrace la vie d'une femme sur le point de se noyer.
Enfin, la très attendue Imbolo Mbue [du Cameroun] conte l'histoire d'une
famille camerounaise émigrée à New York dans Voici venir les rêveurs,
un premier roman placé sous le signe de l'exil, du rêve américain et du choc
des cultures. » - «Rentrée littéraire : et si l'Afrique raflait la
mise», www.afrique. lepoint. fr, p.1.
Quant aux auteurs africains confirmés et
aguerris, elle relate : « Des auteurs confirmés viennent également
remplir les rangs de cette rentrée littéraire. Yasmina Khadra [alias Mohammed
Moulessehoul, d’Algérie] nous emmène dans un Cuba en pleine mutation sociétale
avec Dieu n'habite pas La Havane. Chez Gallimard, Leïla Slimani
[du Maroc], lauréate du prix Goncourt 2016, pour son roman,
Chanson douce, évoque l'intimité
d'un couple et de la nounou de leurs
jeunes enfants, et Nathacha Appanah [de Mayotte], qui, dans Tropique de
la violence, nous plonge dans la violence du quotidien de cinq jeunes
livrés à eux-mêmes, à Mayotte. MBareck
Ould Beyrouk [de Mauritanie], pour son roman, Le tambour des larmes,
Ed. Elyzad, 2015, prix Amadou
Kourouma 2016, à Genève, retrace le destin de la jeune Rayhana, séduite et
abandonnée par un jeune citadin avec un bébé sur le bras. Dans Crépuscule
du tourment, Leonora Miano [du Cameroun], couche sur le papier les pensées de quatre
femmes qui s'adressent à un même homme, dans un pays d'Afrique subsaharienne
dont le nom n'est jamais donné. Alain Mabanckou [du Congo], enfin, dresse dans Le
monde est mon langage le portrait d'hommes et de femmes qu'il admire et
dont le seul point commun est l'usage de la langue française. » - Op.cit.,
Ibid.
II. Bref panorama de la rentrée
littéraire en Afrique et au Maroc 2016 : l'émergence d'auteurs traduits de
l’arabe, du portugais, de l’anglais :
Par ailleurs, ce
panorama de la rentrée littéraire en Afrique et au Maroc 2016, compte en outre
des œuvres non francophones, traduites des littératures étrangères de l’arabe,
de l’anglais et du lusophone (du portugais). Marie Royer en signale plus
loin : «En littérature étrangère, Abdelaziz Baraka Sakin [du Soudan], dont
la réputation n'est plus à faire dans le monde littéraire arabe, est traduit en
français pour la première fois chez Zulma avec Le Messie du Darfour,
une histoire d'amitié, de vengeance et d'aventure avec la guerre civile qui
déchire le Soudan du Sud comme toile de fond. La Zimbabwéenne Petina Gappah [du
Zimbabwe], elle, signe avec Le livre de Memory l'histoire d'une
femme qui, emprisonnée dans le couloir de la mort, se remémore son passé. Les
éditions Chandeigne, qui sont spécialisées sur la littérature lusophone,
publient Histoires révérées, un recueil de nouvelles de Mia Couto
[du Mozambique], qui rassemble quelques-uns de ses premiers écrits, faisant
usage du rêve pour résister en temps de guerre. » - Op.cit., pp.1-2.
Du même coup, Séverine
Kodjo-Grandvaux rapporte une autre
traduction en français du roman fantastique, Les Transparents,
d’Ondjaki [de l’Angola], en ces termes : « C ‘est une belle surprise
que nous ont réservée, une fois de plus, les éditions Métailié en publiant la
traduction française du quatrième roman de l’écrivain, récompensé par le prix
Saramago 2013. Récit surprenant, Les Transparents évoquent le
quotidien des habitants d’un «immeuble mystérieux, décati, pauvre, à travers
lequel la vie promenait sa célébration » et où une eau régénératrice « qui
donnait au corps et à l’âme une énergie singulière et vivifiante» s’échappe des
canalisations du premier étage. » - « Les Transparents de l'Angolais
Ondjaki passent en français 2016 », www.jeuneafrique. com,
p.1.
III.
Bref panorama de la rentrée littéraire en Afrique 2016 : l'émergence
d'une littérature novatrice :
En fait, ce
bref panorama de la rentrée littéraire en Afrique et au Maroc 2016, est selon
l’opinion critique de Marie Royer, l’occasion d’une émergence d’une littérature
africaine novatrice, en soulignant plus précisément : « Si la
proportion d'auteurs africains (une quinzaine seulement) ne représente somme
toute pas grand-chose sur les 560 romans de cette rentrée littéraire force
est d'admettre qu'ils ont rarement été aussi nombreux à être publiés
simultanément en France. Si la littérature africaine a longtemps été l'apanage
de certains éditeurs spécialisés (L'Harmattan, Présence africaine) et du Seuil,
seul grand éditeur généraliste à s'y être toujours intéressé et dont trois
auteurs ont reçu le prix Renaudot (l’Ivoirien, Ahmadou Kourouma,
2000, le franco-congolais, Alain Mabanckou, 2006 et le guinéen, Tierno
Monénembo, 2008), on sent depuis une dizaine d'années une volonté de donner
plus de visibilité aux écrivains du continent. […] Actuellement, on observe un nouveau type de littérature
africaine avec ce qu'on pourrait appeler "l'ère de la post-colonie"
: on a des auteurs qui ne se sentent pas forcément représentatifs du continent
et qui parlent de tout autre chose que de l'Afrique [loin des clichés usuels
d’antan]. » - « Rentrée littéraire : et si l'Afrique
raflait la mise», Op.cit., pp.2-3.
A cet égard, Tirthankar
Chanda, exalte cette
vitalité de la rentrée littéraire en Afrique 2016, en claironnant : « La
rentrée littéraire africaine est exceptionnelle cette année. Elle témoigne de
la vitalité et de la diversité d'une production qui raconte la pauvreté, la
corruption et les guerres tribales séculaires, mais aussi le rêve, la beauté et
la « rumeur du monde ». Voici les incontournables de la rentrée
africaine 2016. Premier volet. » - « Rentrée littéraire 2016: les lettres africaines ont le
vent en poupe », www.rfi.fr, p.1.
IV. Bref panorama de la rentrée
littéraire en Afrique et au Maroc 2016 : une émergence entre prix et
méprise :
De plus, il
est à retracer à propos de ce bref panorama de la rentrée littéraire en Afrique
et au Maroc 2016, le point de vue critique dont témoigne Marie Royer quant à la
place conventionnelle réservée à cette diversité de la littérature africaine en
France et en diaspora, par les éditeurs, les prix littéraires et l’accueil du
large public à son égard. Celle-ci note judicieusement en ce sens :
« Tous les éditeurs s'accordent à dire que les auteurs africains défendent
mieux leurs textes aujourd'hui qu'il y a dix ans. Avec les nouveaux moyens de
communication, les manuscrits arrivent plus facilement sur les bureaux des
éditeurs. Pour Françoise Triffaux, directrice de Belfond qui publie pour cette
rentrée la traduction du premier roman de l'auteure camerounaise Imbolo Mbue,
le succès de Chimamanda Ngozi Adichie [du Nigérian] a éveillé l'intérêt des
agents littéraires américains pour la littérature africaine. Mais l'essor de
cette littérature est-elle seulement le fruit du hasard ? Laure Leroy,
directrice des éditions Zulma, affirme que l'offre littéraire est à l'image de
la société française : variée et multiple. «C'est une très bonne nouvelle
que ce métissage se reflète également dans la proposition éditoriale et que la
rentrée littéraire prenne en compte des auteurs de langue française qui ne sont
pas forcément français. » L'éditrice publie ce mois-ci Le Messie du
Darfour d'Abdelaziz Baraka Sakin [du Soudan], traduit en français pour
la première fois. « Abdelaziz Baraka Sakin est un auteur très lu dans le
monde arabe. Les auteurs comme lui n'écrivent pas tournés vers l'Occident. Ce
sont des voix différentes qui nous parlent du monde avec un regard non
européen. La notoriété ne vient pas seulement en étant publié en Europe ! »
- « Rentrée littéraire : et si l'Afrique raflait la mise», Op.cit.,
p.2.
Entre prix
et méprise, la rentrée littéraire en Afrique et au Maroc 2016, le même
auteur pourfend : « Les préjugés subsistent néanmoins et il
faudra certainement du temps pour les
voir disparaître totalement. Françoise Triffaux explique son intérêt pour ces
auteurs « à la fraîcheur et au style novateur, qui portent un regard
différent du fait qu'ils viennent d'une autre culture » : « Le fait
d'être issu de contextes où les conditions de vie sont plus difficiles, d'être
familier avec la tragédie, la violence, le danger, même lorsque ce n'est pas
vécu par l'auteur lui-même, la langue devient un moyen d'exprimer des choses
avec plus de sincérité, le fond prime sur la forme »… Mais les choses
changent petit à petit : Alain Mabanckou [franco-congolais] a été le
premier romancier à entrer au Collège de France, les universités commencent
à s'intéresser aux littératures africaines et sur les 16 romans en lice pour le
prix Goncourt, le plus prestigieux prix littéraire du monde francophone,
trois sont d'auteurs d'origine africaine : Natacha Appanah [de l'île Maurice], Gaël Faye [du Rwanda] et Leila Slimani
[du Maroc], la favorite du prix Goncourt pour son roman, pour Chanson douce, 2016. La réelle avancée cependant serait qu'à terme
on ne se réjouisse plus de voir des auteurs du continent ou de la diaspora dans
la rentrée littéraire tant ce serait devenu banal. Qu'on puisse considérer ces
auteurs dans leur individualité et leur spécificité plutôt qu'en représentants
de la littérature de tout un continent que l'on voudrait homogène… » -
Op.cit., p.3.
Pour conclure ce bref panorama de la
rentrée littéraire en Afrique et au Maroc 2016, il y a lieu de dire avec la
perspicace Marie Royer : « La réelle avancée [d’une future et réelle
rentrée littéraire en Afrique et dans l’Hexagone] cependant serait qu'à terme
on ne se réjouisse plus de voir des auteurs du continent ou de la diaspora dans
la rentrée littéraire tant ce serait devenu banal. Qu'on puisse considérer ces
auteurs dans leur individualité et leur spécificité plutôt qu'en représentants
de la littérature de tout un continent que l'on voudrait homogène… » -
Op.cit. Ibid.
Dr. SOSSE ALAOUI
MOHAMMED