LES VILLES DU MAROC DANS LES ROMANS FRANÇAIS
1885-2017
Dr.
SOSSE ALAOUI MOHAMMED
Comme témoignages
historiques de points de vue subjectifs sur les villes du Maroc inscrits dans
les romans français d’hommes et de femmes, selon notre corpus, tant au temps du
pré-Protectorat (1885-1912), qu’au temps du Protectorat (1912-1956), qu’au temps
du post-Protectorat (1956-2017), problématique formulée à travers le
thème : «Les villes du Maroc dans les romans français :
1885-2017 ». Objets dynamiques et évolutifs, les villes
marocaines sont revisitées par Nadia Belkhayat, comme suit : «Il est
facile d’imaginer la vitesse à laquelle la physionomie de grandes villes comme
Rabat ou Casablanca a pu se transformer au fil des décennies. De villes à
moitié bédouines au début du siècle, elles sont devenues modernes, avec toutes
les infrastructures. Des photographies nous rappellent [...] les Marocains pendant toute cette période. Elles témoignent de [...]
la fin du Protectorat et
la libération du Maroc.» - «Visions
croisées sur la période coloniale au Maroc », www.le conomiste.com , p.1. Cela nous conduira à observer
notamment :
I. Les villes du Maroc dans les romans
français du temps du pré-Protectorat : 1885-1912.
II. Les villes du
Maroc dans les romans français du temps du Protectorat : 1912-1956.
III. Les villes du
Maroc dans les romans français du temps du post-Protectorat : 1956-2017.
I. Les villes du
Maroc dans les romans français du temps du pré-Protectorat : 1885-1912 :
A propos de villes
du Maroc dans les romans français au temps du pré-Protectorat : 1885-1912, Abdeslem
Kninah indique : « En analysant
les images françaises [dans
les romans français du pré-Protectorat ] du
Maroc, avant le
Protectorat (XVIIe-XXe siècle),
nous avons espéré
réfléchir sur la
spécificité de ce
genre littéraire
à partir des schèmes
narratifs et discursifs
qu’il met en
œuvre. [...] Ces ouvrages [v.
romans français, d’avant 1912],
bien que véhiculant [...] les contours d’un Maroc calqué
sur le modèle
du vieux mythe
de l’Orient légendaire.
Ainsi, pourrons-nous remarquer que la mécanique de la description
s’appuie, d’une part, sur la référence
à l’antiquité ou
à un Orient
de fantaisie lorsqu’il
s’agit des descriptions purement
formelles et relatives
à l’apparence des
Marocains [v. ici es villes
du Maroc], et d’autre
part sur le
comportement décadent, voire
condamnable de ces mêmes
Marocains lorsqu’il s’agit de décrire leur caractère ou leurs comportements. »
- «Image(s) francaise(s) du Maroc avant le Protectorat :(XVIIe-XXe siècles) »,
www.tel.archives-ouvertes.fr, pp.7-16. Dans notre corpus, 02
romans sur 20 ouvrages témoignent de ce champ s’investigation romanesque
français pré-protectoral, à savoir :
· Mathias Sandorf, Jules Verne, 1885,
Hachette, 1992, « Tétouan ou la ville mauresque bazar cosmopolite »
:
Né en 1828, à Nantes et mort en 1905 à Amiens, France, Jules Gabriel Verne, dit Jules Verne, est un écrivain français dont l'œuvre est constituée de romans d'aventures inspirés des progrès scientifiques
du XIXe siècle. Il est l’auteur de : De la Terre à la
Lune (1865), Les
Enfants du capitaine Grant (1868), Vingt
mille lieues sous les mers (1870), Le
Tour du monde en quatre-vingts jours (1873), Michel Strogoff (1876), L'Étoile du sud (1884), Mathias Sandorf (1885), Robur le Conquérant (1886), etc.
¤- Tétouan ou la ville mauresque bazar cosmopolite :
«Le principal
bazar de Tétouan est un ensemble de hangars, d’appentis, de bicoques basses et
étroites, sordides en certains points, que desservent des allées humides.
Partout, de sombres boutiques où se débitent des étoffes de soie brodée, des
babouches, des aumônières, des burnous, des poteries, des bijoux… Il y avait
foule. On profitait de la fraîcheur du matin. Mauresques, voilées jusqu’aux
yeux, juives à visage découvert, Arabes, Kabyles, Marocains, allant et venant
dans ce bazar, y coudoyaient un certain nombre d’étrangers»., www.babelio.com, p.1.
· Au
Maroc, Pierre Loti, Arthaud, 1889, « Tanger la Blanche ou la ville en
demi-abandon aux visiteurs étrangers » :
Né en 1850, à Rochefort, et mort en 1923,
à Hendaye, Julien Viaud, ou Pierre Loti, fils de Nadine Texier et Jean-Théodore
Viaud, secrétaire de mairie. Son ainé, Gustave meurt en mer (1865). L'année
suivante, son père est injustement accusé de malversations et perd son emploi.
Dès ses seize ans, il sait qu'il doit assurer la vie matérielle de sa famille. Entré
à l'Ecole navale à Paris, il part en mer, comme aspirant de première classe (1870).
Il est l’auteur de : Aziyadé (1879), Le Mariage de Loti (1880), Le Roman
d'un spahi (1881), Le Mariage de Loti
(1882), Pêcheur d'Islande (1886), Madame Chrysanthème (1887), Au Maroc (1889),
etc.
¤-
Tanger la Blanche ou la ville en demi-abandon aux visiteurs étrangers :
«Des côtes sud de l’Espagne,
d’Algésiras, de Gibraltar, on aperçoit là-bas, sur l’autre rive de la mer, Tanger
la Blanche. Elle est tout près de notre Europe, cette première ville marocaine,
posée comme en vedette sur la pointe la plus nord de l’Afrique ; en trois ou
quatre heures, des paquebots y conduisent, et une grande quantité de touristes
y viennent chaque hiver. Elle est très banalisée aujourd’hui, et le sultan du
Maroc a pris le parti d’en faire le demi-abandon aux visiteurs étrangers, d’en
détourner ses regards comme d’une ville infidèle. Vue du large, elle semble
presque riante, avec ses villas alentour bâties à l’européenne dans des jardins
; un peu étrange encore cependant, et restée bien plus musulmane d’aspect que
nos villes d’Algérie, avec ses murs d’une neigeuse blancheur, sa haute casbah
crénelée, et ses minarets plaqués de vieilles faïences.», www.reves-vagabondages-4.e-monsite.com, p.1.
Partant de ce
double témoignage quasi-statiques et mythico-subjectifs de Jules Verne
(1828-1905) et de Pierre Loti (1850-1925), auteurs de romans français du temps du pré-Protectorat : 1885-1912, il
est judicieux de dire à cet égard Abdeljlil
Lahjomri notamment : « Les écrivains [de romans] exotiques comme Loti
sont prisonniers de cette structure mythique qu’ils n’arrivent point à briser. Qu’il méprise cette réalité
étrangère, ou qu’ils se livrent à un
enthousiasme facile dans leurs œuvres, ils recomposent cette structure
indéfiniment. , p.149 [...] Léon Fanoud’h Siefer n’a fait allusion qu’à la
généralisation hâtive, qu’à l’imprécision comme facteurs mythifiants. » - «Le
Maroc des heures françaises », www.books.google.co.ma, p.149.
II. Les villes du Maroc dans les romans
français du temps du Protectorat : 1912-1956,
Quant à la perception des villes du Maroc dans
les romans français du temps du Protectorat : 1912-1956, le crédo romanesque
porte sur une profusion du roman colonial, départ de tout exotisme, comme
message d’ère coloniale, ce qui
constitue un âge d’or du genre, selon
Saïd Tasra en spécifiant : «C’est, en fait, durant la période du
protectorat qu’on situe l’âge d’or du roman marocain ou roman dit colonial. [...]
Pour ce qui est du roman colonial [le roman français du temps du Protectorat],
le Maroc est considéré comme étant un espace désertique, anarchique qu’il faut
animer, investir et civiliser. [...]. A ce titre, la majorité des textes de la
période coloniale représente le Maroc et le Marocain sous un angle
évolutionniste, mettant ainsi en valeur la mission civilisatrice entreprise par
la France dans les colonies. » - «La
littérature de voyage au Maroc : Quel horizon d’attente ? », www.lvm.hypotheses.org/571, p.1. C’est ce que justement reflètent les 12 romans
sur 20 dont 01 paru en 1913, 04 durant les années 20, 03 durant les années 30
et 01 en 1950 des ouvrages de notre
corpus, avec chacun son optique différente, tels à titre d’exemples :
· A la recherche du temps perdu, t.
3, Le Côté de Guermantes, Marcel Proust,
Gallimard, 2003, « Agadir ou la ville d’une guerre mondiale qui n’a
pas éclaté » :
Né en 1871, à : Auteuil, et mort en à 1922, à Paris, prix Goncourt 1919, Valentin
Louis Georges Eugène Marcel Proust, ou Marcel Proust, est un écrivain tt
romancier français. D’un milieu bourgeois,
cultivé, marqué par les femmes, il est de santé fragile, causée par l'asthme. Il fait des études de
droit, puis de lettres, il intègre le milieu artistique et mondain de Paris. Il
devient journaliste-chroniqueur. En 1900, il voyage à Venise et à Padoue. Il
est éprouvé par la mort de sa mère. Il est l’auteur de : À la recherche du
temps perdu, en sept tomes (1913-1927), etc.
¤-
Agadir ou la ville
une guerre mondiale qui n’a pas éclaté :
«Beaucoup de
patrons de cafés allemands, admirant seulement leur consommateur ou leur
journal, quand ils disaient que la France, l'Angleterre et la Russie
"cherchaient" l'Allemagne, ont rendu possible, au moment d'Agadir [v. au Maroc], une guerre
qui d'ailleurs n'a pas éclaté [v. en 1911, la France, l'Angleterre et la
Russie provoquées par l'envoi d'une canonnière de la marine de guerre allemande
dans la baie d'Agadir au Maroc, la SMS Panther]. Les historiens, s'ils
n'ont pas eu tort de renoncer à
expliquer les actes des peuples par la volonté des rois, doivent la remplacer
par la psychologie de l'individu, de l'individu médiocre.», www.babelio.com, p.2
· Les hommes nouveaux, Claude Farrère,
Flammarion, 1922, « Rabat la jolie ville à l’hygiène romano-musulmane » :
Né
en 1876, à Lyon , et mort en 1957, à Paris, prix Goncourt (1905), Claude
Farrère, ou Frédéric-Charles Bargone, est un essayiste, historien, romancier,
officier de marine français. Fils d’un colonel d’infanterie coloniale, il entre
à l’École navale. (1894). Affecté à l’artillerie lors de la Première Guerre
mondiale, il est capitaine et il démissionne, à la paix, en (1919), pour se consacrer à l’écriture. En
1933, il s’engage au Comité français de protection des intellectuels juifs
persécutés. Iles élu à l’Académie française (1935). L’Association des écrivains
combattants. Il a délivré le prix Claude-Farrère pour un roman d'imagination
aucun grand prix littéraire (1959).Il est l’auteur de : Fumée d’opium (1904),
L’Homme qui assassina (1906) , Mlle Dax, jeune fille (1907), La Bataille (1909),
Thomas l’Agnelet (1911), Les Hommes
nouveaux (1922), etc.
¤- Rabat la
jolie ville à l’hygiène romano-musulmane :
«Là,
c'était le bain turc des Oudaïa [ancien camp militaire fortifié situé à Rabat
et bâti au XIIᵉ siècle devenu quartier habité], un joli bain, propre et paisible, où Tolly, très souvent,
aimait à s'attarder, parmi la buée opaque qui montait des dalles ruisselantes,
et sous le demi-jour diapré qui tombait des quatre verrières multicolores du
plafond. L'Islam, partout, a su conserver la tradition romaine des thermes. Et
le musulman, n'importe sa caste, connaît une hygiène que le chrétien ne connaît
pas, ne connaît plus, depuis que la candide Renaissance et que l’hypocrite
Réforme l'ont contraint de devenir un simple catholique, un Blaise Pascal épris
de saleté.», www.babelio.com, etc.
· La vie mystérieuse des harems, Henriette
Celarié, Hachette, 1927, « Marrakech
ou la ville indigène des harems aux constructions nouvelles » :
Née en 1872, à Reims, France et morte en 1958, à Neuilly-sur-Seine, en Hauts-de-Seine,
Henriette Celarié est une écrivaine et romancière française. Elle est ‘auteure
de : Au pair, une Française en Allemagne (1911), Petite "Novia"
: une Française en Espagne (1913), Un mois au Maroc (1923), La vie mystérieuse
des harems (1927), L'épopée marocaine
(1928), etc.
¤-
Marrakech ou la ville indigène des harems aux constructions nouvelles :
«Je n’avais pas revu Marrakech
depuis trois ans. Aux alentours de la place Djmaa-el-F’na et de la koutoubia,
la ville indigène a changé. Il y a eu des « embellissements », des
constructions nouvelles. [...] J’ai été
admise dans la partie du château où le caïd mène sa vie privée. Je désire
davantage : voir les femmes. L’obtiendrai-je ? ». [...] Confiante en la promesse qui m’a été
faite hier, je tenterai tout à l’heure d’entrer dans la kasbah, de pénétrer
(les harems) auprès de la femme de Si Mohamed.» [...] A si Abderrahman, je dis
mon étonnement d’avoir entendu sa fille Mina me répondre en Français : « Où
l’a-t-elle appris ? » – A l’école, chez les sœurs. – Elle est
intelligente. Les sœurs auraient voulu la pousser, lui faire passer des examens.
Cela ne m’a pas plu. Pourquoi ? « Là, madame, nos mœurs et les vôtres sont
inconciliables », wwww.lvm,
pp. 8-171.
· Courrier Sud,
Antoine de Saint-Exupéry, Gallimard,
1929, Cap Juby – « Tarfaya ou la ville observatoire isolé en plein Sahara » :
Né en 1900, à Lyon1, et mort disparu en en vol, en 1944, au large
de Marseille, Antoine de Saint-Exupéry est un écrivain, romancier, poète,
aviateur et reporter français. Il passe bien son enfance malgré les morts précoce
de son père et d'un frère. Il obtient son baccalauréat (1917à.. Après l’échec
au concours de l'École navale, il opte pou les beaux-arts et l'architecture. En
1922, devenu pilote à son service militaire, il s’engagé à la compagnie
Latécoère futur Aéropostale (1926). Il
porte le courrier de Toulouse au Sénégal, puis en Amérique du Sud (1929). Il est
l’auteur de : Courrier sud (1929à, Vol de nuit (1931à, Terre des hommes (1939),
Le Petit Prince (1943), etc.
¤- Cap Juby – Tarfaya ou la ville observatoire isolé en
plein Sahara :
«En dix minutes, la nouvelle nous parvenait par
Barcelone, par Casablanca, par Agadir, puis se propageait vers Dakar. Sur cinq
mille kilomètres de ligne [d’avion
courrier du sud], les aéroports étaient alertés. A la
reprise de six heures du soir, on nous communiquait encore : Courrier atterrira
Agadir 21 heures repartira pour Cabo Juby [v. Tarfaya] 21 h. 30 s'y posera avec bombe
Michelin stop Cabo Juby préparera feux habituels stop. Ordre rester en contact
avec Agadir. Signe : Toulouse. De l'observatoire de Cabo Juby, isolé en plein
Sahara, nous suivions une comète lointaine.», www.decitre.fr, pp.7-8.
· Fès ou
les bourgeois de l’Islam, Jérôme et Jean Tharaud, Librairie Plon, 1930, « Fès
ou la ville un manuscrit surchargé
d’images » :
Nés en
1874, Jérôme et mort 1953, à, et Jean
Tharaud né en 1877, e mort en 1952, ou Ernest et Charles Tharaud, à
Saint-Junien en Haute-Vienne, au Limousin, sont, sont deux écrivains et
romanciers français. E n 1880, à la mort de leur père, ils quittent
Saint-Junien; leur mère pour vivre chez leur
propre père, proviseur du lycée d’Angoulême. Ils y étudient, puis à Jérôme va à
l'École normale supérieure. Il est secrétaire de Maurice Barrès, jusqu’à la
Première Guerre mondiale (1901-1914). Ils voyagent dans nombre de pays,
Palestine, Iran, Maroc, Roumanie. Ils
sont les coauteurs de : La
Maîtresse servante (1911), La Fête arabe
(1912), Rabat, ou les heures marocaines
(1918), Marrakech ou les seigneurs de
l'Atlas (1920), Fez, ou Les bourgeois de l'Islam (1930), Le Coltineur
débile (1898), etc.
¤- Fès ou la ville un manuscrit surchargé d’images :
«Je suis revenu par la suite si souvent à
cet endroit d’où j’ai vu Fès pour la première fois, qu’il m’est à peu près
impossible de restituer dans son intégrité l’impression du moment. Elle est là,
en moi, je le sais : en la cherchant, les yeux fermés, je crois que je vais la
saisir, mais aussitôt d’autres images viennent se jeter à la traverse. […] Partout je mets des noms, des
visages. Ma première impression est devenue pareille à un manuscrit surchargé,
qui peut-être ne vaut pas la page primitive.», www.journals.openedition.org, p.1.
· A l’ombre de
Zalagh, Paul Odinot, Nord-Sud, 1936, « Le Zalagh de Fès ou la ville à l’éternel abandon de la créature dans les replis d’un
bled stérile » :
Né en 1884, à Remiremont
dans les Vosges, et mort en 1958, à l’hôpital
Auvert, à Fès, Paul Odinot est un écrivain, romancier et officier des Affaires indigènes, au Maroc (1911-1912).
En 1930, il quitte l’armée: pour ses critiques de ses romans contre la
politique du protectorat au Maroc. Il
est l’auteur de : Fathma Drissia, chanteuse de Fès (1920), Apprendre à mourir (1921), Le Caïd Abdallah (1923,
Histoire des sept fiancées (1924), La première communion d’Abd el Kader (1927),
Géranium ou la vie d’une femme marocaine (1932), A l’ombre de Zalagh (1936), etc.
¤- Le Zalagh de Fès ou la ville à l’éternel abandon de la créature dans les replis d’un
bled stérile :
«La
colline aux morts [à
Bab Ftouh, à Fès] ne diffère pas énormément de n’importe quel autre fragment du
bled. Rien n’y vient rappeler le tien et le mien. À peine se distingue-t-elle
des collines voisines par une plus grande abondance de pierres. De ci, de là,
un olivier s’y dresse, tordu par son démon, mais immuable, paisible. Le tout
puissant maître de ce champ en use pour sa moisson comme le ferait n’importe
quel fellah : l’herbe, plus haute au voisinage des dalles, les contourne, leur
faisant un cerne sombre. Cette herbe envahit aussi les coupoles, pousse dans
les interstices des petites tuiles vertes. Les corps semblent avoir été bus par
l’espace sauvage. Seules les Koubbas [v. Lagbeb] veillent, distraitement, sur
cette multitude déjà à demi confondue avec les choses ; la ville [de Fès] et le
cimetière ne figurent qu’un accident à peine perceptible dès que l’on regarde
au-delà. Le Zalagh, la plaine du Sebou, les masses du fond composent un
ensemble vaste, tourmenté, silencieux, un peu amer. Éternel abandon – se dira
l’homme venu du « sombre Occident » – éternel abandon de la créature dans les
replis d’un bled austère, stérile ! », www.ouedaggai.wordpress.com,
p1.
· La nausée, Jean-Paul Sartre, Gallimard,
1938, « Meknès ou la ville du
montagnard qui nous fait peur » :
Né
en1905, à Paris, et mort en 1980, à Paris,
ayant refusé le prix Nobel de littérature (1964à, .Jean-Paul Sartre, Jean-Paul
Charles Aymard Sartre, est philosophe,
critique littéraire, romancier, nouvelliste et dramaturge et activiste
politique français. Il est l’auteur de : La Nausée (1938), L'Âge de raison (1945),
La Mort dans l'âme (1949), etc.
¤- Meknès ou la ville du montagnard qui nous
fait peur :
«Je retrouvais le gout du couscous,
l’odeur d'huile qui remplit, à midi, les rues de Burgos, l’odeur de fenouil qui
flotte dans celles de Tetuan, [...]; j'étais ému. Voila bien longtemps que
cette joie s'est usée. Va-t-elle renaître aujourd'hui? [....] De quelle journée
marocaine (ou algérienne? ou syrienne?) cet éclat s'est-il soudain détaché? Je
me laisse couler dans le passé, Meknès. Comment donc était-il ce montagnard qui
nous fit peur dans une ruelle, entre la mosquée Berdaine et cette place
charmante qu'ombrage un murier? II vint sur nous, Anny était à ma droite. Ou a
ma gauche? », www.babelio.com, pp. 51-52.
· Des Sables à la mer, Henri Bosco, Gallimard,
1950, « Fès ou la ville qui n'a pas que ce visage
inhospitalier car on y chante des chants courtois » :
Née e 1888, à Avignon, et mort en 1976, à Nice, d'origine provençale et italienne, Henri
Bosco est un écrivain et romancier français. Après une agrégation d'italien, il
enseigne à Avignon, sa ville natale, à Belgrade, à Grenoble, à Naples et à Rabat.
Il prend sa retraite en Provence, Nice et Lourmarin. Il est l’auteur de :
Pierre Lampédouze (1925), L'Âne Culotte (1937), Hyacinthe (1940), Bucoliques de
Provence (1944), Le Mas Théotime (1945), Monsieur Carre-Benoît à la campagne (1947),
Des sables à la mer (950), Une ombre (1978), Des nuages (1980), etc.
¤- Fès ou la ville qui n'a pas que ce
visage inhospitalier car on y chante des chants courtois :
« Mais Fès, nous l'avons dit, n'a pas que ce visage inhospitalier.
Car on y chante des chants courtois. Il est des jours pour l'émancipation,
quand (c'est avril) partent en caravanes des amateurs de plaisirs champêtres,
ravis (et la brise souffle), d'entre ce bruit de vent au bruit des eaux se
mêler autour de la ville, où fleurissent dans les roseaux vivaces mille petits
jardins à demi sauvages. C'est là qu'ils vont. On appelle ces promenades des
"nzaha" de printemps. [...] Et c'est là que bientôt, appelant la
parole le rebec invite le luth
[...] Ils chantent sans souci de
l'heure, pour prolonger la nuit; et quelques fois, ils ne s'assoupissent qu'un
moment avant l'aube pour peu de temps. Car alors, du haut de la ville, des
tours, des minarets, descend et se propage la Convocation du matin; l'Oraison
de l'aurore, Es-sebah: "la prière vaut mieux que le sommeil.», www
emmilaCanalblog.com, p.1.
Ainsi, les villes
du Maroc dans les romans français du temps du Protectorat : 1912-1956
deviennent un kaléidoscope de points de vue tant positifs que négatifs, étant
donné le fondement idéologique colonial orientalise et exotique de ce genre de romans de voyages et de propagande
métropolitaine. En ce sens, Claude
Ghiati évoque notamment : «Nombre de ces voyageuses [v. et voyageurs français]
ont eu une véritable passion pour le Maroc au point d’écrire, à côté de
leurs voyages, des romans ayant pour cadre la société dans laquelle elles ont
vécu. Ces fictions, ici laissées de côté car ne relevant pas du récit de
voyage, sont de petits bijoux d’études sociologiques et ethnographiques,
incluant des chiffres et des enquêtes, de nombreux repères historiques, des
données démographiques, des descriptions très minutieuses des costumes et des
intérieurs [v. des bains turcs et des harems, etc.] de la société urbaine ou des
montagnards de l’Atlas. »- «Le Maroc des voyageuses françaises au temps du Protectorat. Une vision (de)
colonisatrices ? », www.journalsopenedition. org, p.1.
III.
Les villes du Maroc dans les romans français du temps du post-Protectorat :
1956-2017 :
En ce qui concerne
le thème des villes du Maroc dans les romans français du temps du
post-Protectorat : 1956-2017, il est à
noter avec Saïd Tasra en particulier la survivance du genre quelque peu modifié, en
soulignant : «Plusieurs années après l’indépendance du Maroc, notre pays
continue de stimuler la curiosité des voyageurs-écrivains français [v. de
romans]. [...] Les nouveaux romanciers ou les nouveaux voyageurs-écrivains
s’écartent des chemins battus aussi bien sur le plan de l’exploration de
l’espace (refus de l’exotisme) que sur le plan de l’écriture (rejet des
catégories constitutives de l’écriture réaliste).» - « La littérature de
voyage au Maroc. Quel horizon d’attente ? », Op.cit., p.1. Aussi aurons à observer
dans cette optique, à titre d’exemples :
· La lampe de
Sala, Gabriel Germain, Plon, 1958, « Rabat ou la ville de la lampe magique d’argile
cause des plus terribles conflits » :
Né en 1903, à
Paris, et mort, en 1978, à Chantilly, Gabriel Germain est un écrivain et
romancier français. Ancien élève de
l’École normale supérieure et agrégé de lettres, il décide à vingt-quatre ans
de s'installer au Maroc, où il enseigne la littérature, au lycée Gouraud de
Rabat, lycée Hassan II, et où il se
lie avec son collègue Henri Bosco. Il est directeur du collège
d'Azrou puis responsable du Bulletin de l'Instruction Publique au Maroc
(1941-1944). De 1948 à 1954, il est
chargé de la classe de Lettres supérieures, au lycée Gouraud. Il soutient, un doctorat d'Etat (1952). En
1954, il est nommé en France, à la Faculté de Lettres de Rennes. Il est
l’auteur de : La lampe de Sala (1958), etc.
¤- Rabat ou la ville de la lampe magique d’argile cause des plus
terribles conflits :
«Michel, jeune agrégé de vingt-sept ans, méditatif et sauvage, vit en
plein quartier arabe, dans une petite ville du Maroc. Il a conservé des
relations amicales avec l'une de ses jeunes collègues de Rabat, Françoise, dont
il apprécie la personnalité. Elle est catholique pratiquante, alors que lui
reste rebelle à tout dogmatisme. Ils
sentent naître un amour réciproque et tout, mais il possédait une petite lampe d'argile qu’il
aime plus qu'à sa vie. Cette lampe lui donne une sorte de « voyance » d’un
autre monde et d’un autre corps. Il
devient le soldat Marcellus, du premier siècle après Jésus-Christ, en des visions bouleversante, des amours du
jeune officier romain. En le lui avouant, Il cause entre eux, les plus terribles
conflits.», www.decitre.fr , p.1.
· Perla de Mogador, Nine Moati, Ramsay, 1997, Mogador – « Essaouira ou la
ville des princes errants de Tombouctou » :
Née en 1938, à
Paris, Nine Moati, sœur du journaliste Serge Moati, (1946-), est écrivaine et une
romancière française, D'origine juive tunisienne, elle a passé son enfance à
Tunis. Fille de Serge (1903-1957) socialiste et
même à la Grande Loge de France, rattaché à la communauté des Grana. Il
était journaliste, à Tunis socialiste et au Petit Matin. Arrêté pour ses
activités de résistant lors de la
Seconde Guerre mondiale, il est déporté au camp de concentration de
Sachsenhausen, avant de s'évader. Il
participa à la libération de Paris avant de rejoindre sa famille. Elle est
l’auteure : Mon enfant, ma mère (1974), Les Belles de Tunis (1983),
L’Orientale (1985), Rose d’Alger (1994), Perla de Mogador (1997), Une
terrasse sur le Nil (2004), Le Fil de la vie (2012), etc
¤- Mogador – Essaouira ou la ville des
princes errants de Tombouctou :
«Dès qu'elle
aperçut sa nuque à travers la vitre, Perla [la jeune juive] sut qu'elle
aimerait cet homme [le jeune métis musulman] jusqu'à la fin de sa vie. Elle
entra dans l'échoppe du bijoutier sous l'effet d'un enchantement. Le besoin de
s'approcher de cet homme à la peau noir d'un grain délicat était si fort
qu'elle ne put s'empêcher d'amorcer un geste de la main. Elle le refrénât
aussitôt, le cœur affolé, et se mit à songer aux seigneurs du désert, à ces
princes errants de Tombouctou qu'elle avait croisés parfois dans les rues de Mogador.
Elle en devinait l'odeur musquée et sans doute légèrement poivrée. A dix-huit
ans, elle n'avait encore jamais vibré pour un homme, elle n'avait nourris que
des rêves d'amour. Dans cette boutique du souk, elle tremblait
imperceptiblement sous l'effet d'une émotion toute neuve.», www.booknode.com, p.1.
· Casa, la
casa, Paul Ismaïl, Balland, Jack-Alain Léger, Cartouche, 1998, « Casablanca
ou la ville des aïeux et d’Ismaël du
Moby Dick de Melville » :
Né en 1947, à Paris, étant en réalité un
Français de souche, Paul Smaïl, ou Jack-Alain Léger, pseudonymes de Daniel
Théron, est un écrivain et romancier français. Il est critique rock (1960),
musicien de la scène underground (1970) et interprète de Chrysler rose, sous le
nom de Jack-Alain Léger. Il est
l’auteur de : Casa la Casa (1998), Ali le Magnifique (2003), Vivre me tue (2010), etc.,
¤- Casablanca
ou la ville des aïeux et d’Ismaël du Moby
Dick de Melville :
«Ce
que je vis, je l'écris, ce que j'écris, je le vis. Au dernier chapitre du
livre, je m'envolais - non, le héros de mon roman s'envolait pour le Maroc. Le
livre fini, je suis parti pour le Maroc. Je n'avais devancé que de quelques
semaines, sur le papier, l'appel d'une autre vie, l'aventure, le retour au pays
de mes aïeux. [...] Il le fallait, c'était écrit. C'était écrit ! Je me
trouvais alors dans cet état d'esprit où se trouve mon semblable, mon frère,
Ismaël, à la première page de Moby Dick : «C'est mon truc pour chasser le
cafard et faire retomber la tension. [...]
Je cite à peu près, de mémoire. Je n'ai pas sous la main le roman de
Melville : je viens juste d'arriver, je n'ai pas eu le temps de rouvrir les
cartons où j'avais rangé mes bouquins cet été, avant de m'envoler pour Casa.»,
www.amazon.fr,
p.1.
· La
grâce des brigands, Véronique Ovaldé, L'Olivier, 2013, « Tanger ou la ville d’une communauté
d'écrivains et d’artistes dépressifs » :
Née en 1972, à Perreux-sur-Marne,
Véronique Ovaldé est une écrivaine et romancière française. Elle entre d’emblée,
dans le milieu de l'édition, après un BTS à l'École Estienne. Puis, elle suit des
études de lettres par correspondance en travaillant comme chef de fabrication.
Elle est l’auteure de : Le sommeil des poissons (2000), Toutes choses
scintillant (2002), Déloger l'animal (2005), Et mon cœur transparent (2008), Ce
que je sais de Vera Candida (2009), S La
grâce des brigands (2013), Soyez imprudents les enfants (2016), etc.
¤- Tanger ou
la ville d’une communauté d'écrivains et d’artistes dépressifs :
«Maria Cristina Väätonen [à 17
ans, venant du Canada à l’université de Los Angeles] aurait probablement
aimé être une femme scandaleuse. Malgré ce désir, elle ne faisait que goûter
plaisamment sa vie d'écrivain et la modeste notoriété que son succès
accompagnait. C'était l'autre raison pour laquelle elle appréciait d'habiter à
Santa Monica: une communauté d'écrivains dépressifs et/ou cacochymes y vivait,
arpentant les pontons comme de vieux squales à la recherche d'éperlans. Ils
avaient tous tenté de devenir scénaristes ou présentateurs d'émissions
culturelles, ils avaient réussi ou échoué, là n'était pas la question, et ils
fumaient des cigarillos en regardant la mer et en imaginant s'exiler à Tanger,
Paris ou Kyoto. L'un de ces vieux écrivains [Rafael Claramunt, poète mexicain, devenu son mentor] était
l'homme le plus important de la vie de Maria Cristina.», www.babelio.com, p.1.
· Je vous écris dans le noir, Jean-Luc Seigle, Flammarion, 2015, Essaouira – « Mogador
ou la ville d’exil d’une tueuse » :
Née en
1943,
à Paris,
Carole Naulleau est ne écrivaine et romancière française. Pendant ses études de
lettres elle travaille dans une agence de détectives privés et acquiert des
méthodes policières. Depuis 1981,
elle vit sur la côte aquitaine, au Pays
basque. Elle est l’auteur de : Dernier soleil (2013), Poisson cynique (2015), La Belle de Marrakech (2017), Mamm-gozh et la
croix du diable (2018), etc.
¤- Essaouira – Mogador ou la ville d’exil d’une tueuse :
«C’est le récit de Pauline Dubuisson qui
s’exile au Maroc et tente une autre vie sous un faux nom. Nous sommes en
1962, elle travaille à l’hôpital d’Essaouira. Elle est devenue Andrée, une
femme comme les autres, un médecin apprécié, sans histoire. Elle a rencontré
Jean, un garçon plein de charme, il est ingénieur. Elle s’est mise à rêver d’un
avenir, avec lui, cet homme prévenant qu’elle aime d’un amour vrai, sans ombre.
Un mariage. Tout recommencer. Écrire avec lui la page blanche d’une vie nouvelle,
pure, sans tache. Mais comment lui avouer Pauline, l’autre, celle du passé, la
tueuse [de son ex-fiancé Félix Bailly]?», www.france
inter.fr, p.1
· La Belle de Marrakech, Carole Naulleau,
Vents salés, 2017, « Marrakech
ou la ville d’une héroïne idole et aventurière philanthrope » :
Née en
1943,
à Paris,
Carole Naulleau est ne écrivaine et romancière française. Pendant ses études de
lettres elle travaille dans une agence de détectives privés et acquiert des
méthodes policières. Depuis 1981,
elle vit sur la côte aquitaine, au Pays
basque. Elle est l’auteur de : Dernier soleil (2013), Poisson cynique (2015), La Belle de Marrakech (2017), Mamm-gozh et la
croix du diable (2018), etc.
¤- Marrakech ou la ville d’une héroïne idole et aventurière
philanthrope :
«C’est
l’histoire de Meredith, à Marrakech, qui tente de venir en aide à un matelot
français suspecté de meurtre en menant toutes les investigations qui s’imposent
pour la recherche de la vérité. Son nouvel ami, Aladin, un policier marocain,
au tempérament froid et stoïque, l’épaule dans sa dangereuse mission.»,
www. criminocorpus.hypotheses.org, p.1.
En
conclusion, on pourrait dire que le corpus retenu a été suffisamment représentatif
de la problématique de la diversité des points de vue des écrivains
français, hommes femmes sur «Les villes du Maroc dans les romans français : 1885-2017 », tant au temps du pré-Protectorat
(1885-1912), qu’au temps du Protectorat (1912-1956), qu’au temps du
post-Protectorat (1956-2017), allant du négatif et positif à travers le temps
parcouru dans ce cadre. On ne peut alors que constater Paul Faggianelli-Brocart relevant les limites
de leurs genres en ces termes : «La thématique impériale [v. des romans français] en France va alors prendre deux
formes, qui vont avoir tendance à s’opposer sur un plan théorique, celle de
l’exotisme et du roman colonial. La veine exotique se constitue autour d’une
tentative de représentation [v. dans ce
genre types de romans] de
l’étranger qui soit à même de saisir son altérité sans la gommer. [...] Le réalisme devient dès lors une
projection, et dit la colonie et l’altérité rêvée plus que celle rencontrée [v.
ici les villes du Maroc dans les romans
français]. [...] Après
le constat d’une faillite idéologique occidentale, les auteurs contemporains [de romans français] doivent faire naître d’une situation
foncièrement contradictoire un sens renouvelé. [...] De la même manière, la fiction néoexotique
telle qu’elle est employée par Le Clézio intègre à son écriture la marque de
cette disqualification de l’Occident [...]. S’il faudrait se garder d’une
lecture naïve de l’état du champ littéraire actuel [des romans français], [...] qui relèvent de
ce que Vivian Steemers a justement décrit comme un « néocolonialisme
littéraire» [...], la littérature des anciennes métropoles coloniales semble
intégrer au moins partiellement l’héritage qui lui donne naissance. » - «Empire
& littérature : vers une pratique postcoloniale des études littéraires», www.fabula.org, p.1.
Dr. SOSSE ALAOUI MOHAMMED