domingo, 18 de noviembre de 2012

Les archétypes des croisades dans la poésie américaine



LES ARCHETYPES DES CROISADES

DANS LA POESIE AMERICAINE CONTEMPORAINE

 

      Parler de poésie contemporaine aux Etats-Unis d’Amérique, revient à parler, dirions-nous avec Alexis Tocqueville (1805-1859), de la “religion civile” qui foncièrement la sous-tend. De l’avis de Sacvan Bercovitchch, éminent analyste canadien de la littérature américaine de l’Université Harvard: “Aux Etats-Uni, l’idée d’être Américain a toujours été liée à celle d’une identité spirituelle. Autrement dit, être Américain, ce n’est pas seulement être un citoyen de ce pays, c’est aussi être le représentant d’un idéal universel. Et à la place de la Bible, ou plutôt avec la Bible, les Américains ont sanctifié la Constitution.  Mais s’ils ont pu faire d’elle leur Bible, c’est à cause des Puritains, pour qui ces idéaux avaient une résonance univeselle (…). C’est pourquoi, au siècle dernier [XIXes.], Tocqueville parlait d’une religion civile aux Etats-Unis.” – “La politique dans le miroir du puritanisme”, www.cjf.qc.ca, p.1.

 

0.    L’hypothèse de travail :

 

       En fait, il s’agirait pour nous ici d’explorer: “les archétype des croisades dans la poésie américaine comtemporaine”. Or, tel que le définit Edmond Rochedieu l’archétype est à la fois image et émotion. Donc, poésie. “Les archétypes, dit-il, sont à la fois image et émotion, à tel point qu’on ne peut parler d’archétype que lorsque ces deux aspects se présentent simultanément.” -  Jung”, Paris, Ed. Seghers, 1974, p.38.

      De plus, “l’archétype des croisades”, remonterait, avance Jean-Louis Sagot-Duvauroux, au premier conflit “meurtrier” entre Abel et Caïn. “A travers les siècles et les modes de production, relativement insensibles aux révolutions de l’histoire, écrit-il, la résonance émotionnelle et poétique de cet archétype, la pensée qu’il exprime, trouvent un écho répété dans les nostalgies des hommes [l’Antéchrist] et dans leurs espérances [le Messie].” – “La gratuité”, www.1.libertaire.free.fr, p.4.
      C’est ainsi qu’on observera chez les poètes américains contemporains: 1) les archétypes des êtres sacrés et profanes, 2) les archétypes des lieux sacrés et profanes, et 3) les archétypes des reliques sacrées et profanes.

       1- Les achétypes des êtres sacrés et profanes des croisades dans  la poésie américaine contemporaine:

       De façon explicite, lit-on dans un article d’ “Oboulo :“Le paysage religieux des Etats-Unis [le Nouveau Monde] du fait de leur histoire, se distingue des autres sociétés occidentales [le Vieux Monde] (…), par sa capacité à s’adapter et à se transformer: «pays de nouveauté, des réveils religieux, des croisades…».” – “Religion et politique aux Etats-Unis”, www.oboulo.com, p.1. Mais, tel que l’explicite singulièrement le Pr. Edward W. Saïd de l’Université Columbia, les néoconservateurs alliés d’Israël et les extrémistes chrétiens des USA préparent le second avènement du Messie en Terre sainte. “L’une des bizarreries de l’alliance entre ces néoconservateurs zélotes de l’Etat juif et les extrémistes chrétiens, observe-t-il, est que ces derniers encouragent le sionisme, car il se propose de ramener tous les juifs sur la Terre sainte en vue du second avènement du Messie.” – “Une autre façon de voir les Etats-Unis”, “Le Monde diplomatique”, Mars 2003, p.20. Ce qui nous amène à repérer les archétypes des êtres sacrés  et profanes [AESC/ AEPC] des croisades dans la  poésie américaine contemporaine.
       
      A- Les archétypes des êtres sacrés des croisades chez les poètes américains contemporains:
       
     “C’est ainsi que, pour E. Rochedieu et Jung, le personnage du héros [sacré ou profane] que l’on admire et auquel rêvent les jeunes, qui de tout temps a existé et que l’on retrouve sous de multiples visages, est un archétypes.” – Op.cit., p.39. Et c’est le cas notamment des archétypes des êtres sacrés des croisades [AESC] chez des poètes américains contemporains, tels que:
           + Vachel Linsay (1879-1931) dans son poème “Le général Booth entre au ciel” (1912) où il consacre William Booth (1829-1912), protestant londonien, fondateur de l’association internationale de l’“Armée du Salut” (1864), dont le poète était partisan aux USA (croisé de l’Evangile d’amour), pour prédire le retour du Messie (l’Agneau mystique/ le Christ),  l’Antéchrist, Jérusalem (un monde peuplé de Saints avilis, de tueurs, de lépreux, de drogués et de légions malpropres sur les chemins de la Mort apocalyptique):
          “Booth marchait fièrement en tête avec sa grosse caisse [les croisades]/ (Etes-vous lavés dans le sang de l’Agneau?)/ Les Saints sourirent gravement et dirent: le voilà./ (Etes-vous lavés dans le sang de l’Agneau?) [le Messie]/ Suivaient en rang derrière les lépreux,/ Tueurs dandinant hors des fossés humides;/ Pierreux, blêmes drogués;/ (Esprits encore en proie aux passions, frêles esprits) Saints couverts de vermine, à l’haleine moisie,/ Légions malpropres des chemins de la Mort [l’Antéchrist]/./ ( Etes-vous lavés dans  le sang de l’agneau?)” – in “Panorama de la littérature contemporaine aux Etats-Unis” de John Brown, Paris, Ed. Gallimard, 1954, p.473.
            + Thomas Stearn Eliot (1888-1965) dans un fragment du recueil: “La Terre vaine” (1922), où il annonce  l’Apocalypse, à travers les [AESC] de l’Antéchrist, du Messie et du saint (les invaincus aux USA), au secours des nations d’Asie (Jérusalem) en détresse, en clamant:
            “Quand les nations sont en détresse et que l’anxiété/ Règne aux rives d’Asie [Jérusalem] ou sur les Boulevards [USA/ Monde]./ La curiosité des humains fouille le passé et l’avenir/ Et se cramponne à cette dimension. Quant à saisir/ Le point d’intersection du règne intemporel [l’Apocalyse]/ Avec le temps, c’est là l’occupation du saint -/ Non pas  même  l’occupation: quelque chose qui est donné/ Et reçu, au long du mourir d’amour d’un temps de vie/ …/ L’allusion à demi devinée, le don à demi compris est l’Incarnation [Jésus/ le Messie]./…/ Nous qui ne restons invaincus [les croisés]/ Que pour avoir persévéré;/ Contents en fin de compte si/ Notre reversion temporelle/ Nourrit (mais pas trop loin de l’if)/ La vie du sol signifiant [le Monde/ Jérusalem].” – Op.cit., pp.487,489.
          + Marianne Moore (1887-1972) dans son poème “L’esprit est chose charmante” (1935) à l’aide duquel elle glorifie le Christ, comme prélude au retour du Messie, à travers les AESC, des Hérode: Hérode Ier (73-4 av. J.-C.) roi juif, auquel est imputé le “massacre des Innocents”, destiné à faire disparaître Jésus nouveau-né ou d’Hérode Agrippas Ier, roi des juifs (10 ans av. J.-C. – 44 ans apr. J.-C.) à qui Ponce Pilate, procureur romain de Judée, aurait envoyé Jésus pour le juger. En témoigne ces vers:
          “parce qu’une certitude superbe l’atteste,/ il est une puissance d’un/ grand charme [le Messie]./…/ Il arrache le voile, arrache/ de ses yeux la tentation, la/ brume que porte le cœur,/ …/ La non-confusion met/ sa confusion à l’épreuve les [les croisades]; il n’est/ pas un serment d’Hérode [l’Antéchrist] qui ne saurait changer [l’Apocalypse].” – Op.cit., pp.515-517. Ainsi, comme l’observe E. W. Saïd en 2003: “Les références à Dieu [le Christ/ le Messie] imprègnent la vie de la nation…Le socle du pouvoir de M. Bush est composé de millions d’hommes et de femmes  qui, comme lui, croient (…) être sur terre pour accomplir l’œuvre de Dieu [les croisades]” – Op.cit., Ibid.
           + Robert Lowell (1917-1977) dans “Tel un platane au bord de l’eau” (1947) où il chante sous forme d’AESC la venue messianique du Christ Roi, à Jéricho, et de Sainte Bernadette Soubious (1844-1879), la paysanne française qui vit la Vierge dans une grotte de Lourdes (1858, canonisée en 1953) “la  tombe avalée par le Christ” sur “le rempart atlantique” des USA, dans cet extrait:
           “D’un Atlantique glacé et les yeux de Bernadette/ Qui virent Notre-Dame présente à Massabielle/ Qui la virent sur le roc si droite que sa vision/ Aveuglait les yeux de la raison [le Messie]./ La tombe/ Large ouverte est avalée par le Christ./ O Murs de Jéricho! [L’Antéchrist] Toutes les rues qui mènent/ A notre rempart atlantique sont chantantes:/ Chante, chante pour la résurrection du Roi [les croisades/ USA]./” - Op.cit., p.545.
        De la sorte, les AESC dans la poésie américaine contemporaine corroborent l’archétype du héros mythique décrit par E. Rochedieu selon Jung: “Pensons par exemple, note-t-il,  au vieux mythe universel du héros, qui n’est somme toute que le développement dramatique de l’archétype du héros que nous avons évoqué précédemment. Toujours il se réfère à un homme-Dieu [le Messie], qui triomphe du mal incarné par (…), des démons, et qui libère son peuple [croisés] de la destruction et de la mort [l’Antéchrist].” –  Op.cit., p.46.
      
       B- Les archétypes des êtres profanes des croisades dans la poésie américaine contemporaine:
      
       Parallèlement, les archétypes des êtres profanes des croisades [AEPC] dans la poésie américaine contemporaine sont avant tout tirés du mythe grec, de l’histoire réelle ou littéraire mythifiées. J. Brown en reconnaît l’artifice   chez H. Hart. “En tout cas, avise-t-il, cette nostalgie d’un mythe qui apparaît à travers la poésie moderne, américaine ou européenne, d’un mythe qui donnerait au poète le principe organisateur de son œuvre (…), est particulièrement visible dans l’œuvre de Crane. Mais le mythe ne se crée pas de toutes pièces: il est ou il n’est pas.” -  Panorama…”, p.283. Or, ces AEPC sont pourtant manifestes chez des poètes américains de la taille de:
            + Walt Withman (1819-1892), dans son poème “Un domaine vaste, inexploré” (1855) où il invite, à travers des AEPC, la Muse à quitter tant la Grèce (Achille, Enée, Ulysse) que la Palestine (Jérusalem, Jaffa et Moriah) pour l’Amérique (USA/ le nouvel Jérusalem),  un domaine vaste, inexploré et épicentre d’un monde profane à venir (croisades), en prônant:
          “Viens, Muse, quitte la Grèce et l’Ionie,/ Je t’en prie, fais une croix [croisades] sur ces comptes démesurément/ surpayés,/ Cette histoire de Troie et du Courroux d’Achille, les vagabon- / dages d’Enée et d’Ulysse [l’Antéchrist],/…/ Fais de même à Jérusalem, place l’écriteau tout en haut de la/ porte de Jaffa et sur le mont Moriah [croisades],/…/ Car sache qu’une sphère meilleure, plus neuve, plus active/ t’attend, qu’un domaine vaste, inexploré, te réclame [USA/ Messie]…” – “Panorama”, p.248.
         + Thomas Strearn Eliot (1888-1965) dans un fragment du poème “La terre vaine” (1922) dans lequel il évoque par les AEPC du devin aveugle mythique de Thèbes (Grèce/ l’Orient) Tirésias (le prédicateur/ croisé méconnu) qui, dans l’attente du visiteur prévu (le Messie), prêche (croisades) en vain  Penthée (l’Antéchrist) qui s’aveugle et en subit le sort. Vision apocalyptique en corrélation avec la mythification d’un “Bradfordien milliardaire” (Anglais) de passage chez une trafiquante de la chair  démonique, le tout préfigurant le chaos du monde moderne  (l’Antéchrist). Il en prédit la destinée dans:
           “Moi Tirésias, vieillard aux mamelles ridées,/ Battant entre deux vies , bien qu’aveugle je vois/ A l’heure violette, à l’heure tardive qui s’efforce [l’Apocalypse]/…./ Moi Tirésias, vieil homme aux mamelles ridées,/ De percevoir la scène et de prédire le reste [croisades],/ Attendant, moi aussi, le visiteur prévu [le Messie]./…/ Au chef de quelque Bradfordien milliardaire /…/ Quelque chose lui dit que l’instant était propice/…/ (Quant à moi, Tirésias, j’ai comme pré-souffert/ Tout ce qui s’accomplit sur ce divan ou lit,/ Moi qui me suis assis au pied des murs de Thèbes,/ Moi qui suis descendu aux tréfonds des enfers.) /…/ «When lovely woman stoops to folly.» [L’Antéchrist]” – Op.cit., pp.485,487, Edith Hamilton, “Mythologie”, Paris, Ed Marabout, 1978, p.58.
       + Randall Jarell (1914-1965) dans son poème “Prisonniers” (1965) par lequel il met en scène les AEPC à travers l’histoire cyclique mythifiée des camps de prisonniers de guerre (les trois en bleus/ le gardien en kaki/ les recrues en treillis/ les noirs visiteurs) purgeant une peine de captivité sans fin,  des soldats gardiens en kaki armés et bâillant et de nouvelles recrues (croisés),  s’entraînant chacun de son côté à la guerre ( l’Antéchrist), au nom du monde nouveau (USA /le Messie), en y décriant:
         “Derrière les barbelés, en train de décharger les poubelles,/ les trois en bleus sales (le cercle blanc sur le dos/ Signale son froid «Nord», à six mètres, aux noirs visiteurs tournants/ Du fusil, aux yeux du gardien qui bâille)/ Sont punis toute la journée; pendant des mois et des années,/ Ils continuent à décharger, à décharger; ils soupirent du soupir/ d’un enfant   ou d’un animal – du soupir du désespoir [l’Antéchrist],/…/ Le gros gardien sombre en kaki, ils regardent la poussière de la/ plaine brûlante [le Monde],/ Ils regardent les recrues qui courent et qui rampent dans leurs treillis/ verts, salis et fripés [ les croisés]./ Les prisonniers, le gardien, les recrues  – tous subissent à leur façon/ un entraînement./ De tels moments, répétés à jamais, sera fait notre monde nouveau [le Messie].” – Op.cit., p.553. Ceci nous conduit à explorer les archétypes des lieux sacrés et profanes [ALSC/ ALPC] de cette poésie.
      
          2- Les archétypes des lieux sacrés et profanes des croisades dans la poésie américaine contemporaine:
         
          La notion d’archétypes des lieux sacrés [ALSC] et profanes [ALPC] de Massachussetts, de Virginie, (Jérusalem), de colons anglais trouvant le salut, faits de guerre (croisés/ Messie), au pays de l’ouest en devenir sans histoire ni art (USA/ Jérusalem), déjà perceptible dans le poème de Robert Frost (1875-1963) “Le don total” (1913) dans lequel il proclamait:    
          “Le sol était à nous avant qu’il ne nous posséde./ Il était notre sol plus de cent ans avant/ Que nous fussions son peuple. Il nous appartenait/ Dans le Massachusetts et dans la Virginie [Terre promise/ USA] ,/ Mais nous restions Anglais, nous étions des colons [des croisés]/…/ En nous abandonnant, nous avons trouvé le salut [Messie]/ Et, tel que nous étions, nous nous sommes donnés/ (Ce don valait maints faits de guerre [croisades])/ Au pays qui, à l’ouest, déjà prenait réalité,/ Mais encore sans passé, sans art et sans apprêts,/ Tel qu’il était, tel qu’il deviendrait [le nouveau Jérusalem].” – Op.cit., p.477. Aussi verrons-nous plus précisément:
      
        A- Les archétypes des lieux sacrés des croisades dans la poésie américaine contemporaine:
      
        Dans cette poésie, les archétypes des lieux sacrés des croisades [ALSC] de se manifestent aussi dans l’optique puritaine de la religion civile des USA. “Pour les Puritains [américains], indique S. Bercovitch, le nouvel Israël de l’Ancien Testament [Jérusalem] devenait chrétien, et la Terre promise s’appelait désormais l’Amérique [USA], un nom  ainsi investi d’une forte charge symbolique [Apocalypse/ Messie]. ” – Op.cit., p.2. Autrement dit selon Mircea Eliade:
          “L’homme religieux  réactualise donc la cosmogonie [l’ALSC/ le Monde sacré] non seulement toutes les fois qu’il «crée» quelque chose (son «monde à lui» - le territoire habité – ou une cité, une maison [le monde profane/ l’Antéchrist], etc.), mais aussi lorsqu’il veut assurer le règne heureux à un nouveau souverain [USA/ Messie], ou lorsqu’il lui faut sauver les récoltes compromises, ou mener avec succès une guerre, une expédition maritime [croisades],etc. ” – “Le Sacré et le Profane”, Paris, Ed. Gallimard, p.71. Ceci est manifeste chez des poètes américains tels que:
        + Walt Withmam (1819-1892) dans son poème “Un domaine vaste, inexploré” (1855) où il convie la Muse à émigrer de Jérusalem, de Jaffa et du mont Moriah [anciens lieux désacralisés] vers les USA [nouveaux lieux sacrés], en déclamant:
         “Suspends l’écriteau «Changement de domicile» et «A louer»/ sur les rochers de ton Parnasse neigeux [Grèce],/ Fais de même à Jérusalem, place l’écriteau tout en haut de la/ porte de Jaffa et sur le mont Moriah [Antéchrist],/…/ Car sache qu’une sphère meilleure, plus neuve, plus active [USA/ Messie]/ t’attend, qu’un domaine vaste, inexploré, te réclame…[croisades]/” – “Panorama”, p.248.
         +  Thomas Stearn Eliot (1888-1965) dans un fragment de son poème “Quatre quatuors” (1935-1942) où il prêche  l’Incarnation du Christ [Messie] et la croisade du saint (USA) contre le mal [l’Antéchrist], au secours des nations en détresse sur les rives d’Asie (le Monde/ Jérusalem), en psalmodiant:
         “Quand les nations sont en détresse et que l’anxiété/ Règne aux rives d’Asie  ou sur les Boulevard [Antéchrist]./…/ Le point d’intersection du règne intemporel / Avec le temps, c’est là l’occupation du saint [Apocalypse/ croisades]/…/ L’allusion à demi devinée, le don à demi compris est l’Incarnation [Messie]./…/ Nous qui restons invaincus/ Que pour avoir persévéré [croisés/ USA];/ Contents en fin de compte si/ Notre reversion temporelle/ Nourrit (mais trop loin de l’if)/ La vie du sol signifiant [Monde/ Jérusalem].” – Op.cit., pp.487-489.

        B- Les archétypes des lieux profanes des croisades dans la poésie américaine contemporaine:
      
        De la même manière, les archétypes des lieux profanes des croisades [ALPC], le plus souvent mythifiés, sont repérables dans la poésie américaine contemporaine. C’est aussi l’espace profane de l’œuvre des hommes sur terre. “Par contre, affirme M. Eliade, ce que les hommes font de leur propre initiative, ce qu’ils font sans modèle mythique [sacré] appartient à la sphère du profane…” – Op.cit., p.83. Aussi, les ALPC s’entre-croisent-ils avec le sacré chez  des poètes américains, comme:
          + Thomas Stern Eliot (1888-1965) dans “Quatre quatuors” (1943) où il relègue l’histoire du Vieux Monde profane à la barbarie (l’Angleterre/ l’Antéchrist) et glorifie le modernisme du Nouveau Monde (USA/ le Messie), pays sans histoire (chapelle écartée, intemporelle), dans une croisade puritaine  contre le vieux monde (pécheur, racheté par le Christ), lieu profane d’une histoire temporelle, périmé. “Aux Etats-Unis, explique E. W. Saïd, l’Histoire est expulsée du discours public, le mot lui-même est synonyme de néant ou d’insignifiance, notamment dans la phrase méprisante, typique du dédain, «you’re histry» («vous êtes dépassé»)” – Op.cit., p.20.  Aussi T. S. Eliot  claironne-t-il:
          “Le moment de la rose [rose de Jéricho/ Moyent-Orient] et le moment de l’if [arbre ornemental/ îlot méditerranéen-prison d’Etat de François Ier]/ Sont d’égale durée. Un peuple sans histoire/ N’est pas racheté du temps, car l’histoire est motif [Antéchrist]/ De moments intemporels [Apocalypse/ Messie]. Ainsi, quand le jour baisse/ Par un après-midi d’hiver, dans cette chapelle écarté / L’histoire, c’est maintenant [USA/ Jérusalem] et l’Angleterre [lieu profane périmé/ Antéchrist]./ ” – “Panorama”,  p.274.
            + Ezra Pound (1885-1972) dans son poème “Portrait d’une femme” (1926) où il campe les USA / statue de “La Liberté éclairant le monde”, au port de New York (1886), du sculpteur Frédéric Auguste Bartholdi (1834-1904), par les (ALPC) des navigateurs (croisés de Londres), en quête de Terre promise, de liberté  et de foi puritaine (le nouvel Jérusalem) au large de la mer des Sargasses (au S-E. de la Floride et à l’est des Bahamas, où se situe l’île San Salvador découverte, en 1492, par Christophe Colomb, aux abords  du  Nouveau Monde),  accueillant: taxation,  science et trafic exotique, lieu profane, à l’affût d’une épave possible, que l’esprit gagne à connaître aujourd’hui (croisades/ Jérusalem). Pound  les glorifie dans :
          “Vous êtes, pour l’esprit, notre mer des Sargasses [le nouveau Jérusalem/ USA]/./ Depuis vingt ans, autour de vous, Londres déferle/ Et de brillants vaisseaux vous ont versé des droits/ Divers: idées, ragots, bazar hétéroclite,/ Curieux débris de science et trésors défraîchis [Antéchrist]./ De grands esprits vous ont recherchée, faute d’autres./ Vous veniez en second, toujours. Est-ce tragique [Apocalypse]?/ …/ Oh! vous avez quelque patience. On vous a vue/ Des heures à l’affût d’une épave possible./ On gagne à vous connaître, aujourd’hui, - largement./ Vous n’êtes pas sans intérêt, on vient à vous/ Et l’on repart nanti d’un étrange profit/…/ Ambre, idoles, incrustations rares, aussi:/ Voilà votre trésor, vos richesses. Poutant,/ Malgré ce butin de mer et de biens caducs,/ Curieux bois détrempés, nouveautés plus brillantes/…/ Non, il n’est rien, ni pris en bloc ni pris à part,/ Rien qui soit tout à fait à vous./ Pourtant, c’est vous [USA/ Messie]./” – Op.cit., pp.491,493.
          + William Carlos Williams (1883-1963) dans “Le printemps et le reste” (1922) où il mythifie par des ALPC de lieux naturels, de sites archéologiques (le monde des feuilles d’arbres, les grottes préhistoriques des Pyrénées, les grottes des Trois Frères), nostalgie peut-être d’un lieu sacré, refuge des Cathares lors de leur poursuite par les croisades en France [Jérusalem/ Messie], au XIIe siècles , ou d’un lieu profane, victime  d’un Hercule éploré [Antéchrist]. “Les Grottes de Lombrive, écrit Pierre Ripert, sont un important  réseau de galerie (8 km) qui communique avec les célèbres Grottes des Trois- Frères et de Niaux (…). Fou de douleur, il [Hercule, à la mort de sa bien-aimée Pyrène] se mit à accumuler des roches, formant un amas imposant, qui s’appelle depuis la Chaîne des Pyrénées. Dans ces grottes, on peut admirer le Tombeau de Pyrène et le Trône de Berryx, son père.”- “Alamanach historique”, Paris, Ed. A.H., 1998, p.157. Ainsi  le poète clame-t-il, en voiture:
       “Aussi bien je ne fais/ rien d’extraordinaire/ Je conduis ma voiture [lieu profane/ USA]/ Je pense aux/ grottes préhistoriques/ des Pyrénées/ à la grotte dite/ Les Trois Frères [lieux sacré et profane/ Messie et Antéchrist].” – “Panorama”, p.527. A cela s’adjoignent en outre les archétypes des reliques sacrées et profanes des croisades [ARSC/ ARPC].
     
        3- Les archétypes des reliques sacrées et profanes des croisades dans la poésie américaine contemporaine:
       
        Certes, les archétypes des reliques des croisades   se perçoivent également, avec tout leur pouvoir suggestif sacré et profane [ARSC/ ARPC], dans la poésie américaine contemporaine. “Il est clair, souligne E. Sapir, que le pouvoir de suggestion que détiennent les symboles tangibles [les reliques] persiste dans les formes les plus élevées de la religion [les archétypes] qui s’accrochent aux temples, aux églises, aux reliquaires, aux crucifix…” – “Anthropologie”, Paris, Ed. Minuit, 1967, p.202. Ceci est aussi visible chez des poètes américains, tels que:
          + Vachel Lindsay (1879-1931) dans le poème “Le général Booth entre au ciel” où il consacre par des [ARSC]: la passion du Christ, symbole du passé (Jérusalem/ croisades) et du  futur (l’Apocalypse/ le Messie) de la “Couronne d’épines”, de l’“Agneau de Dieu” et le “Soldat de Dieu” (Jésus/ le croisé), dans ce couplet au ton messianique:
          “Le Christ vint doucement avec une robe et une couronne / Pour Bouth le soldat, et la foule s’agenouilla [l’Antéchrist/ le croisé]./ Il vit le Roi Jésus [Messie/ USA]. Ils étaient face à face/ Et il s’agenouilla en pleurant dans ce lieu sacré [Jérusalem/ l’Apocalyse]./ (Etes-vous lavés dans le sang de l’Agneau?)/” – “Panorama”, p.475.
         + Robert Lowell (1917-1977) dans le poème “Tel un platane au bord de l’eau” dans lequel il incarne  le retour du Christ en Messie pour rétablir l’ordre divin par le glaive (Croisades)  à Babylone qu’est devenue Boston (USA/ le Monde) sous le joug du mal (l’Antéchrist), dont le verset prophétique se trouve dans la Bible de Mathieu: “Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive.” – “Mt.” 10,34-35, www.protestants.org, p.7. Lowell y présage alors:
         “Ténèbres font appel aux ténèbres, et la honte/ Sous nos   fenêtres se meut dans cette Babel voulue/ De Boston, notre argent seul y règne [Antéchrist]/…/ D’une terre d’attente où s’égare la Vierge [les croisades];/ Des roses encadrent son visage d’émail/ Où tombent en miettes dans les rues poussiéreuses [Apocalypse]./ Notre-Dame de Babylone, passe, passe, écarte-toi./…/ Sur les cités flottantes où ce langage d’or/ Envoûte les maçons de la Tour de Babel/ Qui élève au soleil la cité de demain/ Soleil qui brûle sans arrêt les rues infernales/ De Boston; l’éclat de tes rayons est un glaive/ Qui frappe celui qui garde en lui seul le Seigneur [USA/ Messie]./” – “Panorama”, p.543.
        + Wallace Stevens (1879-1955), dans le poème “L’identique, à jamais toujours le même” (1954) où il met en scène les ARSC par le biais de “la vigne des évêques” [la vigne du seigneur / les croisades de conversions], “la révolution” vaine du “concile de connaisseurs” (Antéchrist/ le Monde], l’“étain” sur l’”ébène” [le négrier blanc et le nègre asservi], l’“espoir à venir” [USA/ Messie]. W. Stevens y scande:
           “Aller d’un gâchis/ A l’autre, quitter le gâchis/ désespéré du passé [l’Antéchrist]/ Pour le gâchis plein d’espoir à venir /…/ Syllabes grandiloquentes, étain sur ébène [l’Antéchrist/ le Monde],/ Concile dans la vigne des évêques, toute heureuse/ apparence [les croisades]/ Que la révolution prend pour les connaisseurs [USA/ Messie]…/” – Bernard Dekle, “Ecrivains américains du XXe siècle”, Bordeaux, Ed. Nouveaux Horizons, 1973, p.104. Il en va de même des ARPC.
      
       B- Les archétypes des reliques profanes des croisades dans la poésie américaine contemporaine: 
       
       Quant aux archétypes des reliques profanes des croisades [ARPC], ils se réduiraient anthropologiquement, suivant E. Sapir, à des symboles sociaux primitifs. “On connaît, opine-t-il, l’importance des symboles qui sont attachés à des groupes sociaux. Les slogans politiques, les pavillons nationaux [drapeaux], les emblèmes des loges maçonniques ou les insignes de la royauté ne sont aujourd’hui qu’une pâle image du pouvoir attaché aux symboles sociaux par les sociétés primitives (…). Le totémisme correspond tout à fait à la représentation que se fait un chrétien sincère de la croix, qu’il identifie dans son esprit à un système cohérent de pratiques, de croyances et d’émotions religieuses.” – Op.cit., p.158. Or, ceux sont remarquables chez des poètes américains, de la trempe de:
           + Vachel Lindsay (1879-1931) dans son poème “Petit Vademecum des clochards” (1916) où il se portraitise comme un “prêcheur d’Evangile de beauté” (croisé / Messie profane), sans argent ni bagages, dans le Sud des Etats-Unis, troquant ses poèmes contre le souper et le gîte (l’Antéchrist). Il y donne sa formule de sa vie  d’“Évangéliste”, partisan de l’Armée du Salut [USA/ le Monde]. Il y prône stoïquement: 
        “1) pas d’argent et pas de bagages [Antéchrist];/ 2) demander le déjeuner vers 11 h 15;/ 3) demander souper et gîte vers 4 h 45 ;/  4) voyager seul [pèlerin/ Jérusalem];/ 5) être propre, sérieux, chaste, et bien élevé [croisades];/ 6) prêcher l’Evangile de la beauté [Messie/ USA].” – “Panorama”, p.258.
             + Walt Whitman (1819-1892) dans son élégie sur “La mort du président martyr, Abraham Lincoln” (1860) où il exalte son deuil, à travers les ARPC, d’“une trinité” profane, inchangeable, d’un “retour du printemps éternel” (Messie/ USA), d’un “lilas” florissant (arbuste odorante du Moyen-Orient/ Jérusalem), de “l’astre” solaire en baisse trop tôt (l’Antéchrist) “sur l’horizon nocturne à l’Ouest” (soleil de justice/ Apocalypse) et de “l’amour du martyr mythifié, toujours sollicité comme un printemps éternel (croisades).  Il  fredonne ainsi :
           “La dernière fois que les lilas fleurirent dans la cour [Jérusalem/ USA],/ Et que, dans la nuit , à l’ouest, le grand astre, de/ bonne heure, baissa sur l’horizon / J’ai pris le deuil, et je le prendrai de même à/ chaque retour du printemps éternel [l’Antéchrist/ le Monde] ./ Printemps éternel, tu m’apportes une trinité qui ne/ change jamais,/ Le lilas qui fleurit année après année, l’astre qui/ baisse sur l’horizon à l’ouest, / Et la pensée de celui que j’aime [croisades/ le Messie]./” – “Ecrivains américains”, Op.cit., pp.17-18.
            + Richard Wilbur (1921- Encore vivant) dans le poème “La grâce” (1950)  où il exalte les ARPC de “la chair faite verbe” (l’homme/ le Christ), “profit de la grâce” (faveur divine/ artifice du chorégraphe russe Valslav Fomitch Nijinsky: 1890-1950/ du cerveau d’Hamlet) ou  du“ soldat doué de grâce, non mû par son fusil ” (croisé profane doué de raison). Le poète  mythifie le fusil d’un soldat profane,  dans ces vers:
         “Un goût pour le réflexe  animal et léger; la chair faite Verbe [le Christ]/…/ Et Nijinsky ne connaissait pas les mots qui formulent les lois/ Qui enseignent à flâner en l’air;/…/ La grâce complexe du cerveau de Hamlet [l’Antéchrist];/ Toute grâce qui n’est pas barbare implique un choix/…/ Par la grâce silencieuse de la réticence. Il faut alors/ Se libérer de tout frein: choisir, défier, sauter, se ramasser, courir [les croisades]…/ Et le soldat admirable, doué de grâce,/ Ne devrait pourtant pas être mû par son fusil [ soldat de Dieu/ Messie].” – “Panorama”, p.549.
       Il s’avère donc que les archétypes des reliques profanes des croisades [ARPC], comme ceux des êtres et des lieux – de la poésie américaine contemporaine ne sont pas sans liens avec les archétypes sacrés des croisades correspondants. C’est ce qu’affirme M. Eliade à cet égard: “Quel que soit le degré de la désacralisation du Monde auquel il est arrivé, l’homme qui a opté pour une vie profane ne réussit pas à abolir le comportement religieux. On verra  que l’existence même la plus désacralisée conserve encore des traces d’une valorisation religieuse du Monde.” – “Le sacré et le profane”, Op.cit., p.23.
       En conclusion, il faut dire que la poésie américaine contemporaine contient, de toute évidence, des archétypes des croisades, émanant de ce que S. Bercovitch voit comme “un nouvel ordre mondial” d’inspiration biblique. “Lorsqu’ils discutèrent du premier emblème du nouveau pays [USA], note-t-il, Franklin, John Adams et Jefferson (…), ont  envisagé la traversée de la Mer rouge par les Israélites. Ils n’ont finalement pas retenu cette idée, mais ils ont adopté l’expression, dans le même esprit, d’un «nouvel ordre du monde» (New World Order) (…). On pouvait bien sûr prendre à la lettre cette idée de terre promise, comme c’est par exemple le cas pour les Mormons, partis chercher Sion dans le désert de l’Utah. Mais on pouvait aussi entendre cet appel comme une métaphore, une reconstruction symbolique de la Terre promise [le Monde].” – Op.cit., p.2. Mais, il faut aussi   avouer avec le prince séoudien Walid Ibn Talal l’ignorance des USA par le Monde arabe. “Je sais, dit-il, que, à part quelques cours et quelques séminaires sur la littérature et la politique américaines éparpillés parmi les universités du monde arabe, il n’y a jamais rien eu qui ressemble à un centre universitaire pour l’analyse systématique et scientifique des Etats-Unis (…). Même pas dans des institutions comme les universités américaines du Caire et de Beyrouth.” – E.W. Saïd, Op.cit., p.20. Et il est temps, à notre humble avis, d’y remédier.
                                Dr. SOSSE ALAOUI MOHAMMED  

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