ALICE
MUNRO : OU LE PRIX NOBEL 2013
DE
LITTÉRATURE DU ROMAN À
LA
NOUVELLE
Depuis sa création, le prix Nobel de
littérature, en 1901, a consacré le roman, excluant de la sorte les autres genres
de la prose littéraire. Or, un coup de théâtre ! L’année 2013 vient de marquer le tournant ; la
nouvelle reçoit le sacre en la personne de la reine de la nouvelle, la Canadienne
Alice Munro. Ce qui fait dire à Siegfried Forster triomphalement : «L’Académie suédoise a fait
son choix. C’est la Canadienne Alice Munro, née le 10 juillet 1931, qui a
remporté ce jeudi 10 octobre le prix Nobel de littérature 2013. Surnommée «la
Tchékhov de l’Ontario», elle est le premier lauréat du prix Nobel qui n’écrit
que des nouvelles» - «Alice Munro remporte le prix Nobel de littérature 2013», www.rfi.fr , p.1. La surprise mitigée des milieux littéraires dans le monde
n’a pas manqué de mettre en exergue la tradition, l’attente présumée et la
problématique de la légitimité de ce choix hors du commun. Cela conduit à vouloir
explorer les paramètres académiques de ce détour du Nobel littéraire 2013, allant, pour la première fois, du roman
à la nouvelle.
1. L’évolution des exigences
de la praxis du testament du prix Nobel de littérature du roman à la
nouvelle :
La question de l’évolution
des exigences de la praxis du testament du prix Nobel de littérature du
roman à la nouvelle, soulevée par la nobélisation de la nouvelle en
2013 au lieu du roman, est explicitée
par Marion Coquet ainsi : «Chaque année, le Nobel de littérature est
l’objet de toutes les attentions, et sous les pairs. Choix politique ?
Géographique ? Purement littéraire ? Depuis 1901, l’Académie compose
avec des exigences différentes et
parfois opposées.» - «Nobel de littérature : les dessous du prix », www.lepoint.fr, p.1. D’où l’évolution des exigences suivantes :
A. L’évolution de l’exigence
la praxis de l’œuvre ayant le plus grand mérite sur le plan de l’idéalisme :
Évoquant l’évolution des exigences
testamentaires de la praxis du prix Nobel de littérature, François Comba,
professeur à l’Institut d’études politiques de Paris, indique : «Dans le
Testament Nobel, avait émis le souhait que le quatrième prix, celui de la
littérature, soit remis à l’œuvre « de plus grand mérite sur le plan de
l’idéalisme » mais se pose d’emblée la question de ce que l’on doit
entendre par là. Les premiers organisateurs du prix estiment qu’il faudra
choisir une œuvre qui servent de beaux idéaux et la cause de l’humanité, alors qu’Alfred
Nobel lui-même, anarchiste de droite, aurait sans doute préféré des œuvres un
peu plus provocantes. L’engament politique est, de toute façon permanent.». –
Op.cit., p.2. Et celui-ci
d’ajouter à propos de :
B. L’évolution de l’exigence de la praxis du
Nobel de l’œuvre ayant une véritable portée esthétique ou de vieillesse :
François Combat indique
ensuite une seconde exigence l’évolution de l’exigence la praxis du Nobel d’ordre
esthétique ou d’âge de vieillesse, en notant : «Il [le testament] exige tout de
même une œuvre [littéraire] qui ait une véritable portée esthétique. C’est sans
doute la raison pour laquelle Wiesel a reçu le prix de la paix, et pas Nobel de
littérature. Et l’on trouve de temps à autre des œuvres qui ne se défendent que
par l’art pour l’art (…) Lorsque Claude Simon obtient le Nobel en 1985, c’est
sur la pression de García Márqez [Prix Nobel 1982 : 1928-2014]. Les
surréalistes ont également peiné à se faire reconnaître : l’Académie a du
mal à évaluer les ouvres les plus novatrices.
Ce qui explique que la première condition pour avoir le prix est de
vivre vieux. Gide a 80 ans, quand il l’a obtenu.» - Ibid.
A.
L’évolution
l’exigence la praxis du Nobel de l’œuvre ayant une portée cosmopolite ou politique :
Le même auteur relate enfin
l’évolution de l’exigence de la praxis du Nobel de l’œuvre ayant une portée
cosmopolite ou politique : en précisant : «Le cosmopolitisme a toujours été dans
l’ambition de l’Académie. Avant 1914, ce choix était d’ailleurs assez héroïque.
Mais il est parfois difficile à tenir : il n’est pas évident de savoir qui
choisir en Inde, qui en Chine, qui en Corée… Les membres du Comité se font donc
aider – on sait, par exemple, on sait, par exemple, que le prix donné à
Kawabata [P. Nobel, 1968] l’a été sur recommandation d’experts de la
littérature japonaise. De manière générale, ils font preuve de bonne volonté,
et ne commettent pas tant d’erreurs que cela : sur 109 lauréats, on trouve
une quarantaine de très grands noms. De même les prix donnés ces dernières
années à Pamuk [en 2006], Coetzee [en 2003], Tranströmer [en 2011] ou Pinter [en
2005] se défendent parfaitement sur un plan littéraire. C’est en cela qu’il
s’agit fondamentalement d’un prix littéraire, même s’il inclut des
considérations géographiques, et politiques.»- Op.cit., p.3. D’où les raisons
ayant conduit à l’attribution du prix Nobel de littérature à la nouvelle, en
2013 :
2. Les raisons qui ont
concouru à l’attribution du prix Nobel de littérature de la nouvelle à
Alice Munro en 2013 :
À rechercher les raisons
qui ont concouru à l’attribution du prix Nobel de littérature de la
nouvelle à la Canadienne Alice Munro, en 2013, il faudrait les recenser dans
les propos de S. Forster tenus au sein même de l’Académie suédoise. Ainsi
répond-elle en s’interrogeant : «Pourquoi le prix Nobel pour la première
fois à une auteure de nouvelles ? ». Les raisons de cette
nobélisation d’une nouvelliste, selon l’institution concernée recouvrent hic et
nunc notamment :
A. La profondeur, la sagesse et la
précision de l’histoire à la manière des romanciers chez Alice Munro :
Au dire de S. Forster la
réponse à la question des raisons qui concouru à attribuer le prix Nobel de
littérature à la nouvelle au lieu
du roman, se référant aux propos de l’Académie Nobel, se répartissent comme suit : «Alice Munro est
surtout connue comme auteure de nouvelles, mais elle apporte autant de
profondeur, de sagesse et de précision dans chaque histoire comme le font la
plupart des romanciers dans toute leur œuvre. » - «Alice Munro remporte le
prix Nobel de littérature 2013», Op.cit., p.2. Ainsi que :
B. L’univers des nouvelles d’Alice
Munro est peuplé de femmes :
Selon S. Foster,
commentant l’œuvre de la nouvelliste lauréate du Nobel 2013, Alice Munro :
«Aujourd’hui, traduite dans le monde entier, elle a publié sa première nouvelle
«The Dimensions of a Shadow », à l’âge de 19 ans et son premier
recueil «La danse des ombres heureuses», en 1968. L’une de ses nouvelles a été adaptée par la
cinéaste Sarah Polley, ‘Away from Her», en lice pour le Oscar en
2007. Son univers est peuplé de femmes, à l’instar de «L’amour d’une honnête
femme», qui rassemble huit nouvelles, racontant des histoires
troublantes : «La mort mystérieuse de l’optométriste de la petite ville de Walley», le
caractère tyrannique d’une femme dans «Le sous-sol d’une maison, ou la vie
d’une femme qui séjourne chez son père», un médecin qui pratique des
avortements clandestins…» - Op.cit., p.2. De plus :
C. La recherche de l’effet de surprise
du choix d’Alice Munro loin du soupçon de la politique et de l’engagement sans
controverse dans le monde occidental :
Une raison majeure, semble-t-il,
selon l’AFP Relax News, aurait présidé au couronnement de l’auteure de
nouvelles, Alice Munro pour le prix Nobel de littérature 2013, c’est la
recherche de l’effet de surprise et de l’engagement politique sans controverse dans
le monde occidental. On y relève en particulier : «Ces quinze dernières
années, l’Académie a (…) exploré les questions de la qualité littéraire,
de l’évolution de la littérature et sa place dans un contexte historique (…). ‘Pour
eux [les membres du jury de l’Académie suédoise] peu importe que le lauréat soit ou non connu’
indique l’éditeur suédois Svante Weyler. L’Académie prend un certain plaisir à surprendre,
à agir de manière un peu irrationnelle. Après l’attribution du prix Nobel au
Chinois Mo Yan, en 2012, deux choix s’offrent à elle, cette année : soit elle
récompense quelqu’un qui ne peut être soupçonné de faire de la politique, soit
un auteur engagé politiquement, mais sans que cet engagement puisse faire
l’objet d’une controverse dans le monde occidental. » - « Nobel de
littérature : une saison 2013 sans clair favori » - www.rtbf.be , p.1.
En définitive, l’exploration
de ce détour du Nobel littéraire 2013,
allant, pour la première fois, du roman souverain à la nouvelle, en la personne
d’une femme quasi inconnue, la Canadienne, Alice Munro s’éclaire parfaitement dans
ce jugement de S. Forster : «Le Choix de Munro confirme les intuitions des
bookmakers qui avait largement parié sur une femme qui comblerait le vide des
lauréates. Depuis 1901, Munro est seulement la treizième femme prix Nobel de
littérature. Finalement, Ce n’est pas la dissidente biélorusse qui a passionné
les jurés, mais cette femme canadienne, née dans la petite ville de Wingham,
dans l’Ontario et qui travaille ses nouvelles autour de personnages féminins.
Des nouvelles qui se déroulent, des années 1940 à nos jours. Contrairement au
prix Goncourt, doté de dix euros symboliques, la lauréate du prix Nobel de
littérature recevra la somme de 8 millions de couronnes (916.000 euros),
assortie d’une gloire planétaire à vie.» -«Alice Munro remporte le prix Nobel
de littérature 2013», Op.cit., p.1.
Dr. SOSSE ALAOUI MOHAMMED
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