Dr. SOSSE ALAOUI MOHAMMED
PETITE ANTHOLOGIE
DES CONTES D’AMÉRIQUE LATINE
Tétouan
2013
INTRODUCTION
Pour cerner la portée éthique des contes
traditionnels et mythique d’Amérique latine, José Guilherme Merquir
écrit : «Les contes au sens traditionnel du terme consistent précisément à
transmettre une expérience vécue, pleine de savoir faire et
d’exemplarité ; les vrais contes consistent communiquer ce qui est
merveilleux et susceptible d’avoir un écho – à cause de son sens moral – dans
la vie de ses auditeurs. Et c’est à cela que pense Benjamin lorsqu’il définit
les proverbes comme des vestiges de contes anciens. Certes, l’alternative
littéraire des contes traditionnels serait l’épopée «primitive»…[1] ».
A propos de l’universalité des contes,
Monique Leclerc écrit en s’interrogeant : «Comme expliquer l’existence
contes semblables dans tous les pays du monde ?»[2]
Cela pourrait être repérer dans le cas présent dans une «Petite anthologie
des contes en Amériques latine», faite de contes et de contes mythiques. V.
Propp indique notamment à cet égard : «Certaines légendes représentent en
fait des contes où tous les éléments ont subi des substitutions. Chaque peuple
a ses propres substitutions confessionnelles. Le christianisme, l’islamisme
[l’Islam], le bouddhisme [et autres croyances] se reflètent dans les
contes des peuples qui professent ces
religions.».
D’ailleurs, M. Leclerc remarque au sujet de
l’ouvrage de Françoise Gründ «Conteurs du monde», travaux des actes du Colloque
de Terrasson, dans Périgord, en janvier 1983 : «Une douzaine de
communications sont rassemblées sur le rire gallo, le conte maya, le mode
épique des conteurs indochinois, les contes du Nicaragua, Conte et Théâtre, le
conte brésilien, le conte en Haute-Volta, le conte G’baya de Centre Afrique, le
conte Rajasthan, le conte du Liban, le conte du pays de Sarat.»[3]
Ce genre d’audience planétaire du conte a suscité notre curiosité pour les
contes latino-américains dont nous reproduisant ici la petite anthologie que
voici.
Puisse-t-elle servir d’avant-goût alléchant
à une plus ample connaissance avec les contes et les contes mythiques issus de
la culture multipartite, si unique et si riche des peuples et des ethnies des
pays du continent latino-américain de tous les temps.
L’auteur
L’Argentine
Une immense plaine (la Pampa), la
chaîne des Andes à l’Ouest, la Patagonie et la Terre de Feu au Sud constitue le
pays d’où émane le conte suivant :
Les cascades
En ce temps là, le rio de Iguazu coulait
tranquille et sans chute. C’était à l’époque où les Guarnis habitaient encore
la Terre sans Mal et adorait le dieu Tupa et son fils M’boi, dieu serpent qui
vivait dans les eaux. M’boi était un tyran, et chaque année les plus belles
parmi les plus belles filles vierges de la communauté lui étaient offertes en
sacrifice. Mais avant que n’arrive le tour de Naipi, la fille du chef de la tribu, Taruba, un vaillant guerrier qui
l’aimait, l’enleva pendant que M’boi dormait. Tous deux s’échappèrent en canoë,
descendant la rivière.
Mais Taruba fit du bruit avec ses rames, ce
qui réveilla le dieu serpent. Celui-ci pénétra dans les entrailles de la terre,
et, contractant ses muscle, engendra un immense cratère. Aussitôt après, il se mit à agiter les eaux avec sa queue,
créant une énorme chute. Naipi fut transformée en grand rocher au pied des
chutes, condamnée à être éternellement meurtrie par les eaux tombant de la
Gorges du Diable. Taruba, son amant, devint un palmier surplombant les chutes,
contemplant ainsi comment son amante est punie à tout jamais. Sous ce palmier
se trouve une grotte dans laquelle M’boi se rit du malheur des amants. Mais on
ne peut l’entendre, car son rire est étouffé par le fracas des chutes…
«Contes de l’Argentine»
Le Belize
L’île du Belize a
une côte composée de nombreux atolls et barrières de corail. Son Nord est
marécageux et presque la moitié du pays est couverte de forêts. C’est là que
s’est conçu entre autres le conte suivant :
Tepeu, Gucumats et Hurakan
Jadis, il n’y avait sur terre aucun homme,
aucun animal, ni arbres, ni pierres. Il n’y avait rien. Ce n’était qu’une vaste
étendue désolée et sans limites, recouverte par les eaux.
Dans le silence des ténèbres vivaient les
dieux Tepeu, Gucumats et Hurakan. Ils parlèrent entre eux et se mirent d’accord
sur ce qu’ils devaient faire. Ils firent jaillir la lumière qui illumina pour
la première fois la terre. Puis la mer se retira, laissant apparaître des
terres qui pourront être cultivées, où les arbres et les fleurs pousseront. De
douces senteurs s’élevèrent des forêts nouvellement créées. Les dieux se
réjouirent de cette création. Mais ils pensèrent que les arbres ne devaient pas
rester sans gardiens ni serviteurs.
Alors ils placèrent sous les branches et
près des troncs toutes sortes d’animaux. Mais ceux-ci restèrent immobiles
jusqu’à ce que les dieux leur donnèrent des ordres :
- Toi, tu iras boire dans les rivières. Toi,
tu dormiras dans les grottes. Tu marcheras à quatre pattes et un jour ton dos
servira à porter des charges. Toi, oiseau, tu vivras dans les arbres et tu
voleras dans les airs sans avoir peur de tomber.
Les animaux firent ce qu’on leur avait
ordonné. Les dieux pensaient que tous les êtres vivants devaient être soumis
dans leur environnement naturel, mais ils ne devaient pas vivre dans le silence,
car le silence est synonyme de désolation et de mort.
Alors ils leur donnèrent la voix. Mais les
animaux ne surent que crier, sans exprimer une seule parole intelligente.
Attristés, les dieux tinrent conseil, puis
s’adressèrent aux animaux :
- parce que vous n’avez pas eu conscience
de qui nous étions, vous serez condamnés à vivre dans la crainte des
autres. Vous vous dévorerez les uns les
autres sans aucune répugnance.
Entendant cela, les animaux tentèrent de
parler. Mais seuls des cris sortirent de leur gorge et de leur museau. Les
animaux se résignèrent et acceptèrent la sentence : bientôt ils seraient
poursuivis et sacrifiés, leurs chairs cuites et dévorées par les êtres plus
intelligents qui allaient naître : les hommes.
La Bolivie
Presque au centre du continent
sud-américain, la Bolivie compte trois régions différentes : la chaîne des
Andes et les hauts plateaux (altiplano), les vallées intermédiaires et les
plaines tropicales. C’est de là que nous recueillons le conte qui suit :
Le lamero
Le lamero était un paysan de la vallée ;
il avait un physique athlétique et les yeux verts comme le coca. Il était avare
de paroles et méfiant avec les inconnus. Dans la mine, il marchait la tête
baissée, sans parler ni regarder personne, pas même le Tio, dans la galerie
duquel il s’asseyait seul, comme isolé dans son propre monde. Ses camarades le
jugeaient étrange, parce qu’il semblait presque toujours être en train de
prier. Certains disaient qu’il était
arrivé à la mine car il fuyait la justice, après avoir commis un crime
passionnel dans la chicheria de son village, où il avait connu une femme qui
l’avait trompé avec son meilleur ami.
D’autres disaient que le mobile du crime ne
correspondait pas à un règlement de compte dû à une querelle amoureuse qui
avait lieu au début de l’histoire, mais à un acte d’honneur qui, au fil du
temps, se transforma en un remord qui ne le laissait pas vivre ni trouver le
sommeil. Dans sa tête était resté l’impact des coups de poing et dans son âme
était entrée une angoisse plus lourde qu’une pierre tombale. Et, bien qu’il vienne
juste d’avoir trente ans, il sentait comme un vieillard attendant la mort.
Le dernier jour où La lamero se réveilla
angoissé, l’aube était froide et la lumière pénétrait par la fenêtre,
traversant les carreaux, lui brûla les yeux, l’éblouissant. Il toussa avec
l’intensité des malades de la silicose et s’étira dans son lit sans soupçonner
que cela sera le dernier jour de sa vie, bien que sa concubine de l’époque, une
femme superstitieuse qui savait lire les pensées occultes dans la lumière du
regard, lui dit que dans un rêve, elle avait vu traverser la porte une
charrette de feu tirée par deux chevaux, dont les sabots brisaient le silence
de la nuit. Le cavalier, qui avait l’aspect d’un bouc, annonçait la mort à
grands cris tandis qu’il faisait siffler un lasso dans l’air.
Le lamero, sans écouter le récit de sa
concubine, se leva du lit et s’habilla le dos au mur. Il prit son petit
déjeuner et mit en bandoulière son sac de Calcutta. Sa concubine se retourna
dans le lit, convaincue que le rêve lui avait annoncé la tragédie, lui
dit :
- Ne va pas à la mine. J’ai l’impression
que je ne te reverrai jamais plus en vie.
Le lamero ne répondit pas. Il enfonça son
casque jusqu’aux sourcils et s’enveloppa dans son écharpe. Sa concubine se leva
et tenta de le persuader, mais comme ses prières n’obtenaient aucune réponse et
que ses explications ne parvenaient à rompre le mutisme de cet homme taciturne,
elle retourna au lit, s’accrocha aux couvertures et éclata en sanglots,
résignée à perdre celui qu’elle avait commencé à aimer avec toute la fureur de
son âme.
Le lamero ouvrit la porte et gagna la rue,
où le vent soufflait avec une force intenable, se faufilant dans les fentes des
portes et des fenêtres. Une fois à l’intérieur de la mine, il se dirigea vers
la galerie du Tio, où il mâcha des feuilles de coca et fuma des k’uyunas. Ses
camarades, le saluant avec le même respect avec lequel ils saluaient le Tio,
sortirent de la galerie et le laissèrent tranquille, car, par l’air qu’il
prenait, il semblait supplier le Tio de ne pas le laisser mourir dans les galeries
ni être vaincu par le danger. Ce qui est certain, c’est qu’après le Tio le Chinasupay,
il était l’ouvrier le plus respecté à l’intérieur de la mine, où il avait su
gagner la confiance et l’amitié de tous, depuis le gérant de l’entreprise
jusqu’au dernier travailleur du sous-sol.
Personne ne mettait en doute son courage ni
sa force physique. Tous savaient, d’une certaine façon, que le lamero était un homme suicidaire, capable de grimper
sur les hauteurs, de livrer une bataille cyclopéenne contre les rochers et
défier la mort. C’était lui qui menait la recherche du minerai et lui qui
décidait du sort du lieu du travail. En lui, se concentraient l’expérience
collective et le savoir populaire ; il était ingénieur autodidacte et
possédait l’instinct d’un chimiste, non seulement parce qu’il savait
reconnaître la loi du minerai d’un simple regard, mais aussi parce qu’en tâtant
un morceau de roche, en le sentant et en le goûtant, il pouvait détecter le
lieu où se cachait la veine.
Lorsque Le lamero termina le pijcheo,
quitta le Tio et se dirigea vers le lieu où le laborero et le chef de la
galerie l’attendaient avec inquiétude. Le moment était venu de dynamiter la
roche, d’apaiser ses nerfs et de regarder son calme. Le lamero accrocha son
casque avec une corde qui lui passait sous la mâchoire, très près du cou, et
prépara le matériel pour régler le tir à trente mètres de hauteur. Dans son sac
de Calcutta, il mit les cartouches de dynamite, les mèches de vingt mètres de
long, les détonateurs, les allumettes et la glaise pour fixer la charge
explosive dans une crevasse du rocher.
En dehors de son sac de Calcutta, il
portait un marteau-piolet pointu à la ceinture comme les alpinistes prêts à
défier les dangers de la montagne. Il n’avait de crampons sur ses bottes,
n’utilisait ni mousquetons, ni cordes en nylon. Ses mains robustes lui
suffisaient, dont les doigts, longs et noueux, avec des ongles aiguisés tels les
griffes d’un félin. Il cracha une salive verdâtre sur la paume de ses mains,
s’accrocha aux anfractuosités de la roche et ses muscles se tendirent comme les
cordes d’une harpe.
La fente verticale, qui donnait le vertige
rien qu’en la regardant, s’ouvrait comme une cheminée dans la beauté du quartz
cristallisé. Mais Le lamero, non sans avoir auparavant admiré la nature
indomptée cachée dans le sous-sol, aussi belle que celle de l’altiplano,
continua à grimper sur les marches faites de callapo, qu’il disposait en forme
d’escalier tandis qu’il montait vers la voûte, sans autre pensée que celle
d’atteindre cette énorme entaille de la montagne, où il devait préparer le tir
et dynamiter la roche.
Il savait que l’ouverture, avec ses
crevasses et ses pics, présentait des risques graves, qui n’étaient pas
toujours compensés par la satisfaction de se sentir comme un homme araignée,
car chaque fois qu’il était au sommet, se balançant dans les hauteurs comme un
équilibriste, s’ouvrait à ses pieds un abîme sans fond, où il pouvait tomber
sans autres consolation que celle de connaître une mort instantanée. Cependant,
ce système de travail, réalisé à vingt ou trente mètres d’altitude, paraissait
lui offrir une satisfaction d’ordre moral, comme si s’était développée en lui
une passion morbide pour les ascensions périlleuses.
Il était habitué à jouer avec la mort et avec
le sang froid de ses camarades, lesquels le suivaient du regard, pas à pas,
millimètre par millimètre, jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’un point de lumière
oscillant dans les hauteurs. Le lamero, suspendu à la voûte comme une chauve
souris, sortit le matériel explosif de son sac de Calcutta et prépara le tir
avec une précision d’artisan, tandis que le laborero et le chef de la galerie,
le regardant depuis le bas, la nuque inclinée vers l’arrière et les yeux
tournés vers le haut, attendaient patiemment la fin de la tâche.
Le
lamero, qui avait appris à combattre sans trêve contre les rochers, mit le feu
à la poudre sur la mèche et se prépara à descendre par la même échelle par
laquelle il était monté entre la lumière et l’ombre. Soudain, comme s’il allait
sauter dans le vide, il fut précipité et rebondit sur les pointes aiguisées de
la roche. Lorsque son corps s’écrasa contre la parilla, le laborero et le chef
de la galerie, remplis de stupeur et secoués par le désastre, constatèrent que
Le lamero avait la tête brisée et les os transpercés. Ils ne perdirent pas le
temps. Ils levèrent le corps et cherchèrent refuge dans une galerie voisine,
dans l’attente de l’explosion de la dynamite, dont la détonation détacha de
grandes plaques de rochers et fut suivie par l’apparition d’une fumée épaisse
qui sentait le bouillon de poule.
La seule chose qui resta dans la fissure
fut le casque du Le lamero, avec la lampe allumée comme une étincelle dans
l’obscurité.
- Quelle merde ! Cette fois, il n’a
pas réussi comme d’habitude, commenta le
laborero, tandis qu’une larme lui brisait le visage.
Ensuite, ils gardèrent un silence
respectueux, jusqu’à ce que le chef de la galerie dise :
- Ses forces et l’expérience accumulées
pendant tant d’années de travail ne lui ont servi à rien.
Cela ne lui a servi à rein non plus d’être
le troisième chef de la mine, après le Tio et Chinasupay, répliqua le laborero,
les yeux brillants et la respiration étouffée entre la poitrine et le dos.
A
la fin de la journée, quatre mineurs portèrent le cadavre jusqu’à chez lui, où
sa concubine les reçut, baignée de larmes et déjà vêtue de deuil.
- Je savais, sanglota-t-elle. Ce n’est pas
pour rien que je lui avais dit ce matin que mon rêve avait annoncé sa mort…
Les mineurs, prononçant des paroles de
condoléances, étendirent le corps sur le lit. Ils le lavèrent et lui changèrent
ses vêtements. Ils le déposèrent ensuite dans un cercueil noir, qui fut veillé
au siège du Syndicat, où tout le monde vint se recueillir, depuis le gérant de
l’entreprise jusqu’au dernier travailleur de la mine. Pendant un jour et une
nuit, rassemblés autour de défunt et accompagnés par des pleureuses, ils
mâchèrent des feuilles de coca et burent des gorgées d’eau de vie, tout
exaltant les prouesses et la figure du lamero, qui mourut avalé par cette
ténébreuse profondeur qui s’ouvrait à ses pieds chaque jour.
Le lendemain matin, après avoir accompagné
le cortège funèbre jusqu’au cimetière, ils enterrèrent le cercueil dans une
fosse pierreuse, avec l’espoir qu’enfin il trouve la paix dans son ultime
demeure. Car ils savaient tous que Le lamero, après avoir commis un crime
passionnel dans son village, était venu purger ses peines dans le calvaire de
la mine, où il avait gagné le respect et l’admiration des travailleurs qui le
considéraient comme un homme suicidaire.
«Contes
de la Bolivie»
Le Brésil
Cinquième pays du monde par son étendue,
le Brésil est un vaste plateau où les montagnes sont peu élevées. Il possède
trois grands bassins fluviaux principaux sont ceux de : l’Amazonie, du Sao
Paulo et du Panama. C’est ici voit le jour, parmi tant d’autres, le conte
suivant :
La foi est toujours vivante
«La foi est toujours vivante dans le cœur
des hommes » se dit le curé en voyant l’église bondé. C’étaient des
ouvriers du quartier le plus pauvre de Rio de Janeiro, réunis cette nuit-là
avec un seul objectif commun : la messe de Noël. Il en fut réconforté.
D’un pas digne, il gagna le milieu de l’autel. « A, b, c, d… »
« C’était semblait-il, un enfant qui perturbait la solennité de l’office.
Les assistants regardèrent derrière eux,
mécontents. Mais la voix continuait : « A, b, c, d… » -
« Arrêtez ! » dit le curé. Le gamin parut s’éveiller d’une
transe. Il lança un regard craintif autour de lui et son visage s’empourpra de
honte. « Qu’est-ce que tu fais ? Tu ne vois pas que tu troubles nos
prières ?» Le gamin baissa la tête et les larmes coulèrent sur ses joues.
«Où est ta mère ?» insista le curé.
« Elle ne t’a pas appris à suivre une messe ?» Tête basse, le gamin
répondit : « Excusez-moi, mon père, mais je n’ai pas appris à prier.
J’ai été élevé dans la rue, sans père ni mère. Aujourd’hui, c’est Noël et
j’avais besoin de causer avec Dieu.
Je ne connais pas la langue qu’il
comprend, alors je dis les lettres que je sais. Jai pensé que, là-haut, il
pourrait prendre ces lettres et s’en servir pour former les mots et les phrases
qui lui plaisent.» Le gamin se leva. «Je m’en vais», dit-il. Je ne veux pas
gêner les personnes qui savent si bien communiquer avec Dieu.» - «Viens avec
moi », répondit le curé. Il prit le gamin par la main et le conduisit à
l’autel.
Puis, il se tourna vers ses fidèles.
« Ce soir, avant la messe, nous allons réciter une prière spéciale. Nous
allons laisser Dieu écrire ce qu’il veut entendre. Chaque lettre correspondra à
un moment de l’année, où nous réussirons à faire une bonne action, à lutter
avec courage pour un rêve ou à dire une prière sans mot.
Nous allons Lui demander de mettre en
ordre les lettres de notre vie. Nous allons former des vœux afin que ces
lettres Lui permettent de créer les mots et les phrases qui Lui plaisent.» Les
yeux fermés, il se met à réciter l’alphabet. Et, toute l’église répéta : « A,
b, c, d… ».
«Contes d’Amérique du Sud»
www.enfaimde conte.over-blog.com
Le Chili
Le Chili est un pays désertique et
chaud au Nord. Il possède par ailleurs une zone subantarctique et froide au Sud
et un climat tempéré au centre. Le conte dont il est question ici vient de
Puerto Natales, port de pêche au Sud du Chili, où la mer vient croiser les
canaux, dans un paysage magnifique :
El Caleuche
Cela se passe dans une chaumière, alors que la tempête se
déchaîne à l’extérieur. Tandis que les femmes s’affairent au dîner, les hommes
sont réunis dans la grande salle pour parler de leur prochaine pêche de nuit. Les
jeunes pêcheurs revenaient d’une campagne où le gros temps les avait surpris. Peu
rassurés, ils n’avaient dû leur salut qu’à la Pincoya, cette sirène aux bonnes
actions, qui les avaient guidés vers leur port. Elle avait rempli leurs filets
de toutes sortes de poissons et de fruits de mer.
Conscients d’avoir échappés au pire cette
fois encore, les pêcheurs refusaient de sortir par un temps pareil. Seuls les
plus anciens insistaient car les réserves s’épuisaient et ils n’étaient pas
encore arrivés en hiver, période de l’année où personne ne sortait. Les esprits
s’échauffaient quand un jeune apostropha un homme entre deux âges :
- C’est bien beau de demander aux autres de
risquer leur vie. Et pourquoi tu ne vas pas pêcher, toi ? La Pincoya. Un
silence gêné s’installa. Sans insister, le jeune homme comprit qu’il était allé
trop loin. Un autre expliqua :
- C’est parce qu’il a vu Le Caleuche.
L’homme en question se leva et, arrivé à la
porte, se retourna :
- Un jour, je vous raconterai.
Les semaines passèrent. Vint l’hiver et la
mer déchaînée, le froid mordant, empêchant les pêcheurs de sortir sans risque. Les
mêmes personnes se retrouvaient dans cette maison où, quelques semaines plus
tôt, ils avaient discuté si ferme. L’homme qui ne pêchait pas se trouvait là et
prit la parole :
- Je vous avais promis de vous raconter mon
aventure. Je crois que le moment est venu. Nous avions tous embarqué sur un
bateau sûr, qui avait fait ses preuves dans le gros temps. Son capitaine était
tout aussi fiable et nous, les marins, étions tous des gars aguerris par des
années de mer. Le retour vers le pays se déroulait à merveille quand, la
deuxième nuit, la mer se changea en furie. Hostile, celle qui était notre
compagne de toujours semblait prête à tuer tous les audacieux qui s’y
aventuraient. Notre courageux bateau luttait sans pouvoir rivaliser et bientôt,
nous n’eûmes plus aucune notion de temps ni d’espace. Nous attendions la lame
fatale qui engloutirait le navire.
Bateau de pêche. Puis la tempête sembla se
calmer momentanément. Nous vîmes alors une grande lumière blanche s’approcher
de nous. Il s’agissait d’un magnifique bâtiment illuminé, d’où partaient des
chants merveilleux, enchanteurs. Imposant mais tellement rassurant, les marins
voyaient en lui un secours dans cette tempête. Seul le capitaine avait la
pâleur de la mort et nous dit :
- C’est notre perte ! C’est le
Caleuche ! Nos corps, comme tous ceux qui l’on vu, vont reposer au fond de
la mer ce soir !
Mais soudain, alors que les deux navires
semblaient se toucher, le Caleuche disparut et la tempête réapparut. Dans la
nuit, sur la mer en furie, nous attendîmes la déferlante qui nous noierait tous
corps et biens. Voilà, tout ce dont je me souviens. Je me suis réveillé sur une
plage, entouré de gens que je ne connaissais pas. Je leur ai raconté la tempête
et le naufrage, sans rien savoir de ce qu’il était advenu de mes compagnons.
Mais du Caleuche, je n’en ai jamais un mot jusqu’à ce soir. C’est la première
que je raconte l’histoire entière. Un silence respectueux suivit le terrible
récit de l’homme.
Il reprit :
- Voilà pourquoi je ne navigue plus. Je
sais que si je retourne en mer, le Caleuche reviendra chercher celui qu’il a
laissé échapper une première fois. Et cette fois, je n’y échapperai pas.
Beaucoup de gens croient qu’avoir vu le Caleuche, c’est la mort assurée. Et
tous ceux qui l’ont vu une première fois, sont condamnés à rester sur terre
s’ils ne veulent pas mourir noyés. Ce bateau de malheur est imprévisible, on
peut le voir à tout moment et entendre ses chants. Alors, vous savez que vous
allez mourir. L’auditoire resta silencieux, troublé parles paroles de l’homme.
Seule la tempête se déchaînait à
l’extérieur, comme un message d’avertissement à tous les audacieux.
«Contes et légendes du Chili»
La Colombie
La Colombie est bordée au Nord par la
Mer des Caraïbes, à l’Ouest par le Pacifique. Elle comprend plusieurs îles dont
les plus importantes sont les îles de San Andres et de la Providencia. Les
Andes y sont divisées en trois cordillères : occidentale, centrale et
orientale. Ces cordillères forment la région andine. Les autres régions du pays
sont celles de l’Orinoco et de l’Amazonie. Le conte qui suit se situe, à la
fois dans les départements de Tolima et d’antioquia, dans les Andes :
La Pastola, le monstre à une seule
jambe
Les récits oraux abondent sur les méfaits
de la terrible créature… Il semblerait néanmoins que la Pastola soit une grande
voyageuse. On l’aurait signalé tantôt dans le département de Tolima, tantôt
dans celui d’Antioquia. Peut-être passe-t-elle rapidement de l’un à l’autre,
effectuant des bonds prodigieux malgré sa seule jambe. Il est vrai que la
Pastola est capable de se déplacer rapidement et silencieusement, puisque bien
peu de ses proies lui échappent.
La terreur que celle-ci inspire fait
l’unanimité. La Pastola attire les hommes en prenant l’aspect d’une jeune
fille, pour ensuite se transformer en monstre sous leurs yeux et les attraper
dans ses griffes. Ses victimes voient les traits de la jeune beauté devenir effrayants :
ses yeux ressemblent à ceux d’un tigre et ses longs cheveux emmêlés cachent son
visage hideux. Ses crocs puissants comme ceux d’un fauve lui permettent de
dévorer les proies les plus robustes ; elle sucerait aussi le sang des
enfants. La Pastola ne laisse que les os de ses victimes.
Reine autoproclamée de la forêt, La
Pastola protège les animaux sauvages qui n’hésitent à se réfugier près d’elle
quand rôdent les chasseurs. On dit même qu’elle connaîtrait leur langage. Elle
efface les traces des bêtes poursuivies et s’affaire à égarer les chiens de
leurs poursuivants. Si l’on rencontre le monstre, il vaut mieux être accompagné
du meilleur ami de l’homme : La Pastola renonce à attaquer en présence de
cet animal béni. Un chasseur avisé renonce donc à partir en forêt sans son
fidèle compagnon…
On dit même que la créature serait en fait
un fantôme. Elle aurait été autrefois l’épouse infidèle d’un agriculteur qui,
furieux de la trouver dans les bras de son amant, lui aurait coupé la jambe
d’un coup de hache au moment où elle tentait de s’enfuir. Telle est la raison
pour laquelle la vue de cet outil la mettrait en furie. Le sort que La Pastola
réserve aux hommes serait sa vengeance. Que cette légende soit fondée ou non, les épouses colombiennes
recommandent à leurs maris de ne jamais répondre aux appels des jeunes filles
cachées dans les buissons. On n’est jamais trop prudent…
Luc Pouliot
«Contes de la Colombie»
La Costa Rica
Le pays de la Costa
Rica est essentiellement montagneux et est traversé par trois chaînes de montagnes.
Le centre du pays est constitué par un haut plateau et des volcans qui
dépassent les trois mille mètres. C’est dans ce pays qu’avait pris forme le
conte suivant :
Le volcan Barva
A l’époque de la conquête espagnole, deux
conquistadors grimpèrent jusqu’à la cime du volcan Barva. Epuisés par la faim
et la fatigue, ils trouvèrent un trésor laissé par les Indiens dans leur fuite.
Ils n’eurent pas le temps d’en jouir
longtemps au moins l’un d’eux qui mourut de fatigue, non sans avoir d’abord
chargé son compagnon d’utiliser l’or pour élever un ermitage de Pilar, patronne
des Espagnols.
Celui-ci jura d’accomplir sa promesse, mais
la convoitise le poussa à s’emparer de tout le trésor. Il enterra son ami et
marcha toute la nuit. Au matin suivant, il vit, terrorisé, qu’il se trouvait au
même endroit.
En ce lieu, il vit apparaître sur les
rochers, une très belle fille qui, en le voyant, se couvrit le visage et se mit
à pleurer. Elle dit qu’elle se nommait Pilar et qu’elle pleurait sur les hommes
sans foi qui n’accomplissent pas leurs promesses. L’Espagnol lui offrit alors
de construire le temple avec tout le trésor, si elle l’aidait à sortir de la
montagne.
Mais elle dédaigna son offre et continua
de pleurer jusqu’à ce que ses pleurs et son être se fondent en un lac.
L’Espagnol, désespéré, commença à chercher et appeler la fille tout autour du
lac, mais ce fut en vain et il mourut d’angoisse.
Les gens disent que les gens qui se
perdent dans les forêts de ce volcan, doivent tourner en rond. Ce qui est
certain, c’est que le Barva continue d’être un géant énigmatique, bien qu’il
soit endormi au milieu de la végétation.
«Contes et
légendes de Costa Rica»
Cuba
Cuba est la principale île de
l’archipel des Grands Antilles. Elle est constituée d’un paysage fait d’une
longue succession de plaines fertiles entrecoupées par quelques chaines de
montagnes. Sa côte est bordée, de tout son long, de près de 300 plages pour
nager, faire des plongées et pêcher. Tel est le cadre naturel où a éclos le
conte suivant :
Les deux reines
C’étaient deux reines.
Deux reines lucumis[4]. Elles
habitaient en face l’une de l’autre. L’une s’appelait la reine Eléren Güedde,
et l’autre s’appelait la reine Ollola Guanna. Eléren Güedde faisait chez elle
de bonne cuisine. Toutes deux étaient très riches : seulement Ollola
Guanna n’aimait pas dépenser son argent. Elle allait manger chez les autres.
Pour faire des économies, elle mangeait chez Eléren Güedde. Mais un jour,
celle-ci fut ennuyée d’un tel abus. Et lui dit :
- Ecoutez bien ce que je dis : celui
qui donne a toujours l’impression que
c’est beaucoup, même quand c’est fort peu ; tandis que celui qui reçoit, il croit que ce
n’est pas grand’chose, même quand c’est beaucoup.
- Ça je le sais ! lui répondit
l’autre.
Un jour donc, la reine Eléren Güedde se mit
devant sa porte, et quand elle vit s’amener la reine Ollola Guanna, en
chantonnant :
- Eléren Güedde guola toa,
Eléren Güedde guola toa !
Elle lui répondit :
- Uguaka maka !
(Cela voulait dire « Attends un peu
que je t’entre dans le chou »)
Et elle la rossa. Résulta de tout ça :
une guerre.
Mais la reine Ollola Guanna ne revint plus
dîner chez la reine Eléren Güedde, et tous les jours, elles se retrouvaient
toutes deux pour s’arracher les yeux.
Et voilà l’histoire de la reine Eléren
Güedde et de la reine Ollola Guanna.
«Contes
africains de Cuba»
L’Equateur
Trois régions géographiques différentes forment le pays de
l’Equateur : la côte du Pacifique, les hauts plateaux des Andes et le
bassin d’Amazonie. Il comprend aussi l’archipel de Galapagos. Nous en recueillons le conte suivant :
Le palmier de morete
Le morete pour les forestiers qui connaissent quelque chose
en botanique, est un palmier qui pousse dans les marais. Pours les ashuaras,
c’est un esprit bénéfique, féminin, capable de se transformer en l’animal qu’il
veut, suivant ses intentions. Les anciens qui habitent les rives du bas Pastaza
racontent qu’il y a longtemps, les gens souffraient de la faim. Les femmes
partaient loin à la recherche de la nourriture pour leurs familles, et elles ne
trouvaient de plantes comestibles qu’aux abords des rivières.
En cherchant plus loin et en marchant
tellement, elles arrivèrent à une clairière où elles virent qu’il y avait une
abondante nourriture cultivée. Dans la ferme se trouvait une dame. Lorsque les
femmes ashuaras lui demandèrent de la
nourriture, la dame leur répondit qu’il valait mieux qu’elles emportent une
petite fille avec elles. Si elles en prenaient soin, lorsque les besoins s’en
feraient sentir, il suffirait de demander à la fillette de prononcer le mot que
l’on désire pour qu’elle le fournisse.
Ainsi, les femmes s’en allèrent en emportant
la fillette. Lorsqu’elles lui demandèrent du yucca, le yucca s’empila jusqu’à
former un grand tas, et lorsqu’elles lui demandèrent des bananes, il en apparut
dans tous les coins. L’après midi, lorsque les hommes arrivèrent de la chasse
les mains vides, ils s’étonnèrent de tant de nourriture et demandèrent aux
femmes où elles l’avaient obtenue. Elles répondirent de manger sans plus en
silence, et ainsi firent-ils. Tous vécurent bien tranquilles. Les enfants
grossirent et grandirent sains durant ces temps favorables.
Mais il ne manqua pas qu’un jour, une
jeune fille trop curieuse demanda à l’enfant de prononcer le mot iwias,
qui sont les esprits maléfiques, ennemis des shuaras et des ashuaras. Cette jeune
imprudente voulait les connaître car elle avait beaucoup entendu parler d’eux.
L’enfant refusa plusieurs fois, chagrinée par tant de demandes. La jeune fille,
fâchée par sa résistance, lança des cendres dans les yeux de la petite. La
fillette partit en pleurant et grimpa à l’endroit le plus haut du toit.
Depuis là, elle demanda au bambou de
l’emmener. Le bambou s’inclina jusqu’au toit. Et l’emportant en la transformant
en Nunkui, l’esprit des cultures. La jeune fille qui avait causé la fuite de l’enfant
s’accrocha au bambou, afin d’attraper la petite avant qu’elle ne s’échappe.
Mais Nunkui se glissa dans la plante et pour qu’on ne la poursuive pas, elle
fit des nœuds à certaines distances.
C’est depuis lors que les bambous ont des
nœuds. La Nunkui entra dans la terre et depuis ce temps, elle vit là-dessous. Encore
aujourd’hui, elle donne à manger à qui la traite bien. Ce qu’aujourd’hui les
populations shuaras et ashuaras ont à manger, ce sont les graines qui restèrent
avant la Nunkui les quitte, graines qui, lorsqu’elles sont semées, sont
protégées par cette même Nunkui depuis le monde sous-terrain[5].
«Contes de l’Equateur», trad.
par Florence Comte
Guadeloupe
La Guadeloupe est
un groupe d’îles des Antilles françaises (ou Petites Antilles). Elle se compose
de la Basse-Terre (ou Guadeloupe proprement dite) et Grande-Terre, séparée par
un étroit bras de mer. Seule la Basse-Terre est montagneuse comprenant le
volcan de la Soufrière. Son climat est tropical et plus humide sur les reliefs
« au vent ». L’île est exposée à de violents cyclones. Nous en
recueillons le conte suivant :
Maman Dlo
Il était une fois Maman Dlo, mère de
l’eau au chanté diabolique qui enivre en abysse ceux qui voient sa silhouette
aux abords des rivières.
Mais il lui arrive aussi d’être
particulièrement tendre, romantique et
pleine de compréhension faisant son possible pour compenser les méfaits d’une
sorcière malfaisante. Un jour, Anna, la maman de Samantha a disparu alors qu’elle
était partie laver le linge à la rivière. Le lendemain, Samantha part à la
recherche de sa mère et aperçoit sur une pierre plate Maman Dlo, une très belle
femme qui peignait ses longs cheveux frisés.
Alors, Maman Dlo informe Samantha que sa
maman a été changée en balisier d’or par une diablesse jalouse et malfaisante.
Et pour l’aider à la retrouver, elle lui donne des indications pour y arriver.
- Trouve le balisier d’or, lui dit-elle,
avant l’aube petite fille, et tu retrouveras ta maman.
Samantha fit et retrouva sa maman. Maman
Dlo accepte parfois d’aider les enfants pour passer d’une rive à l’autre de la
mer. Ti Jean et sa sœur étaient dans l’embarras de le faire. Tout à coup, ils
aperçurent Maman Dlo qui jouait avec les vagues de la mer. Alors, iIs lui crièrent :
- Maman
Dlo, Maman Dlo, viens nous aider !
Maman Dlo cessa de jouer et se rapprocha
du rivage. Ils la supplièrent de les prendre sur son dos… Emue, Maman Dlo Maman
Dlo accepta de les transporter jusqu’à une anse voisine.
Ainsi Maman Dlo est tantôt une mauvaise
fée tantôt bonne fée, au hasard de la rencontre.
«Contes de la
Guadeloupe»
Guatemala
Ce
qui caractérise le Guatemala, c’est un paysage essentiellement montagneux. Il
contient également de grandes plaines
que recouvrent des forêts de type tropical. De ce fabuleux paysage, nous tenons
le conte que voici :
La princesse Xocomil
Il
était une fois une princesse maya, du nom de Xocomil. La princesse était très
seule car son entourage, cherchant à la protéger des soupirants mal
intentionnés, l’isolait en la surprotégeant.
Un jour cependant, elle croisa un jeune
serviteur qui venait de rentrer au service de son père. Se côtoyant
quotidiennement au palais, ils finirent par tomber amoureux l’un de l’autre…
Mais afficher leur amour au grand jour aurait été bien imprudent pour le jeune
homme. Aussi, ils décidèrent de se retrouver en secret au bord du lac.
Plusieurs fois, ils se rencontrèrent sur les rives du lac et passèrent de
délicieux moments.
Mais un jour, après s’être éclipsée
discrètement du palais pour rejoindre son fiancé, la princesse Xocomil dut
attendre et attendre encore… Elle ne revit jamais son amoureux… Depuis ce jour,
Xocomil revient quotidiennement vers midi sur les rives du Lac Atitlan, sous la
forme du vent, voir si son amour sera au rendez-vous. Aussi, pour être sûre de
ne pas le rater, elle souffle un jour dans un sens, et d’un autre le lendemain…
Voici don la seule et véritable explication
du vent aussi changeant, qui souffle tous les jours sur les rives du lac
Atitlan…
«Contes et
légendes du Guatemala»
La Guyane
La Guyane est un pays du Nord-est de l’Amérique latine,
partagé entre le Venezuela, la Guyana et
le Surinam. Elle comprend surtout le massif des Guyanes, d’accès difficile, qui
renferme de nombreuses richesses minérales. La plaine côtière, où débouche le
fleuve Essequibo. Elle possède des plateaux et des montagnes de l’intérieur
couvertes d’une forêt inhospitalière. De là, provient le conte que voici :
Aboubou Biah
Un jour, Anansi qui venait de se marier, savourait le petit
matin devant sa case. Au-dessus de l’aouara[6]
feuillu des restes de nuit
s’accrochaient encore, tandis que de l’autre côté, des perroquets bavards
sabraient de vert la joue rose du ciel. Anansi laissa traîner un œuil [garçon] sur le bras d’eau qui passait non loin de sa
case. Celui-ci était toujours pressé de rejoindre son amante, la rivière qu’il
rencontrait après un saut périlleux. Ensuite, les deux amants bras dessus, bras
dessous s’en allaient paisiblement leur père le fleuve. Anansi remerciait Massa
Goudou d’être encore en vie, lorsque la voix de sa dernière femme Ifa, lui
parvint de l’intérieur.
- Eh mon homme, que fais-tu là ?
- Rien.
- Rien ? Ecoute-moi, j’ai rêvé cette
nuit que je mangeais un morceau de Maïpouri, or à mon réveil, j’ai cherché dans
la réserve, il n’y avait rien, tes deux autres femmes ont mangé tout ce que tu
avais apporté de la chasse, il y a à peine une semaine. Il n’y a plus rien de
bon à manger. Je te rappelle que je suis enceinte, moi, et qu’il me faut de la
force.
Anansi tenta de protester.
- Mais il reste du pack et d’autres
morceaux de viande,… Et puis tu sais que mon soû ne permet pas de manger du
maïpouri.
- Tchippp !...
Ifa se met à crier et à pleurer :
- Si tu ne pars pas me chercher du maïpouri, j’irai dire à ma
famille que tu ne me donnes pas manger.
Craignant
que d’autres familles n’entendent le vacarme d’Ifa, Anansi se mi prestement
debout, il se rendit dans une toute petite case où il y avait son matériel de
chasse, puis quittant le village, il se rendit chez son vieil oncle pour lui
annoncer qu’il partait de nouveau à la chasse. Le vieil homme, assis devant sa
case, le toisa de la tête au pied, puis cracha, enfin prenant son bâton, il
parla à son neveu tout en martelant le sol.
- Tu ne peux aller à la chasse, tu ne peux
aller seul, de plus, ce n’est pas la période, en outre, tu as eu ta part de
viande, tout comme les hommes du village pour un mois au moins.
- Mais Ifa est enceinte et elle veut
manger du maïpouri.
De colère, le vieil homme frappa Anansi
qui fit un bond en arrière :
- Tu sais que notre soû ici, nous interdit
de manger du maïpouri, mais aussi de le chasser et de le tuer.
Anansi repart l’épaule basse. Sur le
chemin du retour, près du village, il rencontra Ifa qui allait laver son linge
avec les autres femmes. Elle le toisa et ne lui sourit même pas. Anansi, tout
décontenancé, se laissa tomber au milieu des racines d’un arbre cathédrale et
se mit à réfléchir. Dix minutes plus tard, il se redressa. Il avait un plan, il
courut quérir une pelote de fil que sa grand-mère lui avait donné jadis «en cas
de…». Puis il s’en fut dans la forêt.
Anansi marcha, marcha toute une journée
sans voir un seul gibier. Il était étonné, car la forêt d’habitude, bruissante
de mille cris, était aujourd’hui silencieuse, nul oiseau ne sifflait, les
saïmiris étaient silencieux. Les criquets se taisaient, bref tout était
silence, cela angoissait Anansi qui décida néanmoins de monter un affût en face
du point d’eau, là où les animaux viennent se désaltérer. Le grand midi était
passé depuis longtemps déjà, puis le ciel avait mis son pagne violet, sans
qu’aucune bête ne vienne boire.
Installé sur la grande branche d’un arbre
dominant le sentier qui aboutissait à l’eau, Anansi n’avait vu ni biche, ni
pack, ni paquira, ni maïpouri. Il décida de prolonger son affût. Il venait à
peine de s’installer confortablement lorsqu’un moustique le piqua, il le tua
d’une grande claque, il y eut alors un grand bruit de chaînes qui tombent. Anansi
étonnée se tourna se retourna cherchant d’où pouvait venir ce bruit.
N’entendant plus rien, Anansi chercha une posture plus confortable pour mieux
surveiller l’eau.
C’est alors, qu’un autre moustique le
piqua, d’un revers de la main il l’écrabouilla sur lui. Il y eut au même moment
un coup de vent tel, qu’il faillit, sur sa branche, perdre l’équilibre. Anansi
se rétablit péniblement puis se mit à nouveau à l’affût. Cependant, se souvenant de sa grand-mère, il
attacha la pelote de fil autour de ses reins. Il en déroula un très long
morceau dont il attacha le bout à une branche. Puis il conserva près de lui le
reste de la pelote que sa grand-mère avait qualifiée de magique, bien sûr, il
n’y croyait pas vraiment, mais c’était «en cas de…». Une heure passa, puis
deux, puis trois, il n’y avait rien, rien qu’un silence étrange. Une petite
voix disait à Anansi :
- Rentre chez toi, ton compte de chasse
est épuisé, tu n’as rien à faire ici.
Mais Anansi décida d’ignorer superbement
cette voix. Il s’imaginait revenant avec au moins un morceau de gros gibier,
car il savait que tout seul, il ne pourrait le rapporter entier. Il pensait à
l’art de dissimuler les restes de sa prise aux yeux et à l’odorat des
prédateurs, il était au milieu de ses réflexions, quand tout à coup, il
entendit enfin un craquement. Mais choses étrange, le sens du déplacement
n’allait pas vers l’eau, mais vers l’arbre où il se tenait. Anansi pensa qu’un
autre chasseur était venu le rejoindre, il interpela l’autre :
- Oh qui est là ? C’est toi
Kwaba ?
Il n’y eut aucune réponse, mais il
distingua comme un souffle, il inerpella de nouveau l’autre :
- Eh Kwaba mon frère, que fais-tu
ici ? Es-tu venu m’aider ?
Point de réponse, mais le souffle se
rapprochait. Cette fois, Anansi eut peur, il songeait à toutes les histoires
que dans son enfance on chuchotait. C’étaient des histoires effrayantes dont il
avait fait semblant de rire, car juste avant sin initiation de chasseur, il ne
convenait pas qu’un vaillant jeune de quatorze ans aie peur de quoi que ce
soit. Les histoires de mait’bwa pourtant avait le don de mettre toute sa
phratrie en émoi, car cette entité ne faisait pas de quartier, il régnait sans
partage sur la forêt et ceux qui l’avaient vu en parlaient à peine et ils
avaient alors les yeux fous.
Ces souvenirs eurent le don de
décontenancer encore plus Anansi. Il se mi à trembler de plus en plus fort,
surtout quand il distingua deux yeux rouges au pied de son arbre, pire encore
l’arbre tout entier tremblait comme si quelque chose ou quelqu’un grimpait de
branches en branches. Une sueur froide coulait dans le dos d’Anansi, son cœur
battait comme un tambour contre ses côtes, ses yeux agrandis fixaient le vide,
lorsqu’il sentit quelque chose de froid le frôler, il hurla, mais lança tout de
même la pelote de fil qu’il avait précédemment ramassée devant lui en direction
de son agresseur. Enfin, il sauta dans le vide, s’écrasa au sol dans un roulé
boulé bruyant, coupa prestement le fil et courut devant lui, sans se retourner.
Il battit tous les records de vitesse, et nul ne sait jamais comment il parvint
au seuil de sa case qu’il franchit précipitamment.
Ifa, au bruit qu’il fit, se réveilla, car
cette semaine là, elle partageait sa case avec lui.
- Et alors où est le gibier que tu m’as
ramené ?
Plus mort que vif, Anansi trouva encore la
réponse de répondre :
-
Tout est dehors, je rentrerai cela demain matin femme.
Apaisée par la réponse, Ifa se rendormit.
Il faisait jour depuis longtemps
lorsqu’Anansi se leva en sursaut. Ifa n’était plus dans la case. Il sortit en
trombe, et découvrit avec stupeur sa pelote de fil artistiquement accrochée aux
arbres, sa case formant le centre d’une grande toile. Dans sa hotte à viande et
dans un croucrou, des maringouins morts, des sauterelles et des mouches
s’empilaient et débordaient. Point de maïpouri. Anansi abaissa la tête, il
avait compris la leçon. C’est depuis ce jour que les araignées ne mangent plus
de viande, mais seulement des insectes qui tombent dans leur toile.
Quant à moi, je suis une petite libellule
bleue et j’ai tout vu, tout entendu. De fatigue, je me suis assoupie dans les
cheveux d’Anansi. A son réveil, lorsqu’il a baissé la tête, j’ai failli tomber,
j’en ai même oublié la formule d’au revoir. Heureusement, j’ai réussi à
m’enfuir bien loin du piège de fil, pour venir vous raconter cette histoire.
Moralité : La tradition apprend la
solidarité, mais aussi, à ne pas gaspiller la ressource alimentaire pour que le
durable soit au service de toutes les communautés.
«Contes de la Guyane»
Le Honduras
Le Honduras comprend eux régions de
montagnes très accidentées. Il possède par ailleurs des vallées et une grande
plaine côtière couverte d’une abondante végétation Sud tropicale. Nous en
rapportant le conte que voici :
Histoire de chiens
Un jour, j’ai rencontré un tout petit
chien au Honduras – le petit d’un petit chien. Il vivait dans un lieu
magnifique près d’une rivière entourée de plantations de bananiers, de caféiers
et de fleurs sauvages. Il m’a rappelé une histoire que j’ai lue et dont j’ai
oublié l’auteur. Je ne résiste pas à l’envie de la raconter comme je m’en
souviens :
Il était une fois, bien avant le temps des
Hommes, un grand royaume peuplé de chiens. Le roi y gouvernait avec sagesse et
bonhomie et, en retour, son peuple l’aimait et le respectait. Un jour, il
décida d’organiser une grande fête dans son palais et d’y convier tous ses
sujets. Pourquoi ? « Aucune raison n’est nécessaire pour faire
fête », vous aurait répondu le roi.
Les semaines suivantes ne furent que
préparatifs, chacun s’occupant de la nourriture, des boissons, de la musique ou
des spectacles. L’enthousiasme était dans tous les cœurs et même le soleil
semblait se réjouir de l’événement.
Enfin, le grand jour arriva. Tous les chiens
du royaume mirent leurs plus beaux atours et se rendirent au palais. À
l’entrée, par respect pour le roi, ils déposèrent les uns et les autres leurs
fesses dans une grande salle. C’était en ce temps là une règle de politesse élémentaire.
Puis, ils s’en allèrent danser. Durant 6
jours et 6 nuits, ce ne fut que réjouissances. Les chiens s’amusèrent
tant et si bien qu’au 7ème jour ils s’endormirent tous là où ils
étaient, épuisés de fatigue.
Pendant ce temps là, les chats, fort
mécontents de ne pas avoir été invités, lancèrent une expédition. Profitant du
sommeil des chiens, ils s’introduisirent dans la grande salle du palais où
étaient entreposées les fesses et, en silence, ils y mirent le plus de désordre
possible. Au matin, les chiens s’éveillèrent et ils voulurent rentrer chez eux,
mais il fut impossible de retrouver les fesses leur appartenant. Personne, même
le roi, ne put jamais remettre de l’ordre dans ce capharnaüm. Les chiens durent
s’en revenir en leurs logis, penauds, avec la paire qu’ils avaient trouvée au
hasard.
C’est pourquoi, encore aujourd’hui, les
chiens détestent les chats et se reniflent le derrière dans l’espoir de
retrouver leurs fesses d’origines…
Olivier Maurin
«Contes du Honduras»
La Jamaïque
La Jamaïque se situe dans les Grandes
Antilles, au Sud de Cuba. C’est un pays montagneux à l’Est. A l’Ouest, il se compose
d’un grand plateau. Le pays jouit d’un
climat plus humide au Nord qu’au Sud,
qui entretient une végétation luxuriante de forêts. Ce dont nous recueillons le
conte suivant :
Le pari de Ti Jean
Le jour de sa naissance, Ti Jean saute du ventre de sa mère,
se pose à terre sur ses petites jambes courbées de nouveau-né et s’en va vivre
sa vie. Après quelques jours de marche, il s’arrête devant une pancarte sur
laquelle était écrit : «Moi, Grandyab, je ne me fâche jamais».
Il pénètre dans le domaine de Grandyab,
ce que l’on appelle dans le langage courant son «habitation», le salue et lui
propose de s’occuper de ses bêtes et de son jardin. Grandyab se tord de rire en
considérant la petitesse de l’être humain qui lui propose ses services, puis
tombe sur lui à bras raccourcis et le bat tant et si bien qu’il en a mal au
poignet. Ti Jean, lui, ne crie ni ne fait une grimace de douleur. Il se
contente de sucer son pouce, indifférent. Grandyab, décide alors de l’engager,
car il lui semble particulièrement courageux.
- Merci Monsieur Grandyab, dit Ti Jean,
j’accepte vos conditions sans les connaître, mais de mon côté, je vous propose
un pari : si je réussis à vous mettre en colère, vous me donnerai toute
votre fortune y compris votre femme que l’on dit très jolie. Dans le cas
contraire, dans quinze jours, vous me mangerez.
- J’accepte, dit Grandyab. Commence par
nettoyer notre jardin qui est envahi de mauvaises herbes. Dix courageux
n’arriveraient pas à le faire en une journée. Si enfin de journée tu n’as pas
terminé, tu n’auras rien à manger.
A la brume du soir, Grandyab se rend au
jardin et constate que Ti Jean a arraché toutes les plantes cultivées et a
laissé les mauvaises herbes. Il se garde de se fâcher pour ne pas perdre son
pari.
- Demain, tu soigneras les bêtes et
nettoieras l’écurie, le poulailler et le parc des bestiaux. Et cela en une
journée, sinon rien à manger.
Ti Jean tue toutes les bêtes et, à la
brume du soir, Grandyab est bien forcé de garder le sourire pour ne pas perdre
son pari.
Pour se débarrasser de celui qui va le
ruiner, il demande à sa mère, la Grandyabless, de prendre la voix du Bondieu,
de grimper dans un arbre et d’ordonner à Ti Jean de retourner chez ses parents sans
tarder. Lorsque Ti Jean passe sous l’arbre, il reconnaît la voix de la
Grandyabless et l’abat d’un coup de fusil. La vieille tombe de l’arbre comme
une mangue mûre.
- Tu as tué ma mère, s’écrie Grandyab en
s’arrachant les cheveux de douleur.
Non, répondit Ti Jean, c’est le bondieu
que j’ai tué.
Grandyab avale la pilule et toujours pour
faire semblant de ne pas se fâcher, il propose à Ti Jean d’accompagner sa femme
au bal. Ti Jean mit son habit de soirée, son haut de forme, ses souliers cirés.
Il danse et séduit Madame Grandyab qui ne fait que minauder, sourire et
roucouler.
A minuit, prétextant, comme Cendrillon,
qu’il a perdu son soulier, il interrompt la soirée au grand dam de sa cavalière
et quitte le bal. Sur le chemin du retour, un énorme crabe, qui lui semble
avoir la voix de sa propre mère, le menace et lui ordonne de rentrer chez ses
parents,. Il hurle de terreur, prend ses jambes à son cou et avoue à Grandyab
qu’il n’a jamais eu autant peur devant cet énorme crabe qui parlait comme un
chrétien vivant.
- Quoi!
tu n’as pas eu peu de moi et tu as peur d’un crabe, s’écrie Grandyab fou
de rage. Tiens deux paires de claques !
- J’ai gagné le pari, tu t’es mis en
colère, ta fortune est à moi, mais garde ta femme, je n’en veux pas, elle n’est
pas fut’fut’.
Depuis que Grandyab a perdu tous ses sous,
il erre sur les routes où il ne fait pas bon le rencontrer, car il ne décolère
pas. Il se venge sa déconvenue sur sa femme et sur les voyageurs sans défense.
«Contes de la Jamaïque»
Le Mexique
Le Mexique recèle des paysages très variés
composés de marécages, de désert et de jungle tropicale. Au Nord, il a un
plateau aride, au centre un plateau bordé de chaînes montagneuses et au Sud une
chaîne de montagnes volcaniques. De ce paysage, nous rapportons le conte
mythique suivant :
L’Homme et le maïs chez les Mayas
Au
début, il n’y avait RIEN. Que l’Univers, cet endroit où vivaient les dieux.
Seuls, le ciel et la mer existaient, pas la Terre, et aucun son ni bruit ne
pouvait troubler la réflexion des dieux. Alors les dieux décidèrent de créer
quelque chose. En premier ils choisirent de construite la Terre, puis les
montagnes, les vallées et les plaines qui ajoutaient au gigantisme des
montagnes. Satisfaits, ils laissèrent la Terre dans cet état pendant une
période infinie.
Au bout d’un moment, ils se lassèrent de
l’aridité du paysage nu et désolé qui s’offrait à leurs yeux. Ils décidèrent
alors de donner naissance à la Nature. De la terre nourricière te fertile
remplit alors plaines et vallées, irriguées par d’innombrables cours d’eau
s’écoulant des montagnes. L’herbe, les fleurs, les arbustes puis enfin les
arbres apparurent, donnant au relief des couleurs extraordinaires et des odeurs
fort agréables.
Voyant la beauté de la Terre, les dieux
souhaitèrent également donner naissance à une créature capable de vivre dans
cet environnement. Et ils inventèrent les animaux… il y en avait de toute
sorte : des nageants qu’ils appelèrent les poissons, des volants qu’ils
appelèrent les oiseaux et enfin une multitude d’animaux vivants sur la surface
de la Terre et même dans ses entrailles…
Mais au bout d’un moment, ils s’aperçurent que
les animaux étaient incapables de les adorer, ou d’être reconnaissants envers
leurs créateurs. Ils se creusèrent alors la tête et finirent par se dire que
l’heure était venue de créer l’Homme. Le premier humain fut créé d’un peu d’eau
et de terre, rien que des éléments naturels. Mais celui-ci se trouva incapable
de penser et n’apportait pas grand’chose à la création. De plus, il présentait le
fâcheux inconvénient de se dissoudre lorsque la pluie tombait !...
Une deuxième sorte d’humain fut donc créée,
faite, cette fois, de bois. De matière plus dure, il résistait cette fois à
l’eau… mais pas au feu, qui le transformait un peu trop facilement en
fumée !... Et cette seconde créature n’était pas plus capable de penser
que la précédente… Alors pour nettoyer la Terre de toutes ces créations dont
ils n’étaient pas satisfaits, les dieux produisirent un déluge, qui nettoya
toute la surface de la Terre... Les
survivants montèrent aux arbres pour échapper aux flots du déluge… et devinrent
des singes.
Forts de leurs expériences mais toujours
décidés à créer un animal capable de penser et de les adorer, les dieux
décidèrent de se remettre à l’ouvrage pour donner naissance à une nouvelle créature qu’ils appelèrent
Homme. Cette fois-ci, ils firent encore appel à des éléments naturels et
principalement au maïs. Maïs blanc et jaune pour la chair et ‘masa’ de maïs
pour le corps. L’équation eut un résultat positif, puisque cette créature ‘l’Homme’ devint capable de penser
et remercia bientôt les dieux de l’avoir créé.
C’est pourquoi les Mayas croient en leurs
dieux, notamment ceux du Maïs, du Vent et de la Pluie, mais aussi en l’Homme,
car ils savent que les dieux ont besoin d’eux pour être adorés…
«Contes et
légendes du Mexique»
Le Nicaragua
Le pays du Nicaragua est bordé par la
mer des Caraïbes et l’Océan Atlantique à l’Est et par l’Océan Pacifique à
l’Ouest. Son territoire est divisé en trois grandes zones : les terres
basses de l’Atlantique, la région montagneuse au centre et les terres basses du
Pacifique. Le conte suivant en a été parmi d’autres le produit :
Le Mocuana
Approximativement vers l’année 1530, les
Espagnols réalisèrent une expédition bien armée en territoire nicaraguayen,
afin d’étendre leur domination et d’augmenter leurs richesses. Durant cette
incursion, les Espagnols réussirent à soumettre les indiens Sébaco, habitants
de la Lagune de La Moyua. Le chef de la tribu, une fois vaincu, offrit aux
conquistadors des sacs, fabriqués avec du cuir de cerf, remplis de pipettes
d’or.
La
nouvelles que les conquistadors étaient rentrés avec de grands richesses attira
en Espagne l’attention d’un jeune homme qui espérait changer son quotidien et
dont le père était mort au cours de cette expédition. Décidé, le jeune homme
s’engagea et, après un long et difficile voyage, il arriva au sol nicaraguayen,
où il fut très bien accueilli par les habitants qui croyaient que c’était un
prêtre.
Arrivé à Sébaco, le jeune fit connaissance
avec la jolie fille du cacique[7]
et la fit tomber amoureuse avec l’intention de s’approprier les richesses de
son père. La jeune indigène tomba éperdument amoureuse de l’Espagnol et en preuve de son amour, elle lui fit
connaître le lieu où son père gardait ses richesses. Certains prétendent que le
jeune finit lui aussi par tomber amoureux de la jeune indigène.
Quand le cacique apprit les sentiments qui
existaient entre sa fille et l’étranger, il s’opposa fermement à la relation,
tant et si bien qu’ils furent obligés de fuir là où la furie du père ne les atteindrait
pas. Mais le cacique réussit à les trouver, se confronta fièrement à
l’Espagnol, parvenant à lui donner la mort, après quoi, il enferma sa fille
dans une grotte dans les collines, malgré qu’elle soit enceinte. Certaines
versions assurent que c’est l’Espagnol qui enferma l’indigène après s’être
approprié les trésors du père.
La légende de la Mocuana raconte qu’avec
le temps, devenue folle, la fille du cacique réussit à sortir par un tunnel,
mais en le faisant, elle a jeté son fils dans un abîme et depuis ce temps,
allait apparaît par les chemins, invitant les promeneurs dans sa grotte. Ceux
qui l’ont rencontré disent qu’on ne voit pas son visage, seulement sa mince
silhouette et ses longs et beaux cheveux noirs.
Dans certains lieux, on raconte que quand
la Mocuana rencontre un nouveau né, elle le tue et laisse un bracelet d’or aux
parents. D’autres versions assurent qu’elle l’emporte en laissant derrière elle
des pièces d’or.
Josefa Ma Montenegro, trad. Hélène Legay
«Contes du Nicaragua»
Le Panama
Le Panama se situe dans la partie Sud
de l’Amérique centrale. C’est un pays d’une géographie montagneuse ayant des
terres de basse altitude sur les côtes. La mer des Caraïbes et l’Océan
Pacifique sont reliées par le canal de Panama. De ce pays nous rapportons le
conte qui suit :
Le petit birou
Il y avait une fois un petit birou[8]
qui était caché sous une feuille de brou ; la feuille chi ; la vache
la manji. La mère au petit birou alla le chercher, elle l’appela, mais le petit
birou ne pouvait pas répondre parce qu’il était dans ventre de la vache. Alors
la mère alla chercher le boucher, et le boucher tua la vache. Dès qu’elle fut
tuée, « bouyé chi à bas », et le petit birou était ans le brouillé.
Aussitôt une poule qui se trouvait là mangea le brouillé. La mère bien chagrine
courut après la poule et la força à vomir. La poule rejeta le brouillé, et la
mère retrouva son petit birou.
Le petit birou fut bien content d’être
délivré. Il prit un cheval et le conduisit dans une maison où il y avait une
belle fille. La fille mena le cheval à boire, mais en route lui cassa une
jambe. Le petit birou dit que la fille serait à lui, puisqu’elle avait abîmé
son cheval.
Il la mit dans un sac et porta le sac chez
sa marraine. Pendant qu’il n’était pas là, la fille appela la marraine. Et la
marraine mit son vieux chien à la place de la fille. Quand le petit birou fut
revenu, il installa le sac sur son dos. Les griffes du chien le grattaient.
Alors il s’arrêta dans un champ pour ouvrir le sac. Et le vieux chien s’en
alla ! Je n’en sais pas plus long.
François Duine
«Contes et mythes du Panama»
Le Paraguay
Le Paraguay, pays continental, se compose de deux régions
assez différentes l’une de l’autre : les prairies, les collines et les
forêts tropicales, au climat tempéré chaud et humide d’une part et les savanes,
les lacs et les forêts, au climat continental et sec d’autre part. Le conte que
voici y a pris naturellement racines :
Le génie de la forêt
Il était une fois dans un pays très lointain qu’on appelle le
Paraguay, un pauvre paysan fermier et sa femme qui travaillaient très dur sur
leur lopin de terre. Le sol était tellement sec que leurs outils se cassaient
souvent et qu’à chaque coup, un nuage de poussière s’élevait de la terre. Ils
gagnaient donc juste de quoi vivre mais malgré tout c’étaient des gens très
gentils, heureux de vivre.
Un jour, Anina reçut la visite d’un voisin
qui lui dit qu’à une journée de marche de chez eux, un riche fermier ne pouvait
trouver suffisamment de travailleurs pour l’aider à la récolte. Elle proposa à
son mari :
- Pourquoi n’irions-nous pas aider ce
fermier ? Ici, nous mourons presque de faim. Chez lui, nous pourrions
gagner suffisamment d’argent pour vivre décemment.
Son mari la regarda, préoccupé et lui dit
sur le ton de la confidence :
- Je ne dis pas non mais ne sais-tu que
cette région est habitée par le grand génie de la forêt ? C’est un ogre
immense, poilu, à la barbe rouge sang et aux yeux de jais qui lancent des
éclairs. Ils dévorent tous les hommes qu’il rencontre et ramène les femmes chez
lui, afin qu’elles travaillent pour lui. Le danger n’est écarté que
l’après-midi, car c’est à ce moment là qu’il dort. Je n’ai pas tellement envie
d’y aller. Ça ne m’étonne pas que ce fermier ne trouve plus suffisamment de
gens pour rentrer la récolte. Tout le monde a peur. Je ne pense que ce soit une
bonne idée d’aller habiter aussi près d’un tel monstre.
- Moi je n’ai pas peur ! dit Anina,
en riant. Je resterai à l’intérieur et je n’irai faire les courses que
l’après-midi. Je t’en prie, allons-y. Je pense que c’est la meilleure chose qui
puisse nous arriver !
Fatigué d’entendre sa femme lui dire tous
les bénéfices qu’ils pourraient tirer de leur nouvelle situation, José finit
par accepter. Ils emballèrent leurs maigres affaires et quittèrent leur
misérable chaumière en quête d’une vie meilleure. Après un jour de marche, ils
arrivèrent chez le riche fermier. Celui-ci possédait une magnifique ferme,
située loin de la forêt du génie. En outre, de nombreux hommes faisaient des
rondes, afin d’empêcher le génie d’entrer. On donna immédiatement du travail à
José aux champs et le fermier leur indiqua une maisonnette à l’orée de la
forêt, où ils pourraient habiter.
- Vous pourrez vivre ici en toute
tranquillité, dit le fermier à Anina. Veille toutefois à rester à l’intérieur.
Ne sors que l’après-midi, car c’est le moment où le génie de la forêt se
repose. Je vous ferai apporter de la nourriture tous les jours par mes hommes
afin que vous ne couriez aucun danger.
Et c’est ce qui se passa. Chaque jour, les
hommes de la ferme leur apportaient des vivres. José gagnait bien sa vie ne
travaillant aux champs et ils étaient très heureux. Ils n’avaient aperçu le
génie de la forêt et Anina en venait à douter de son existence. Mais elle se
trompait ! Caché dans la forêt, il l’avait déjà observée à plusieurs
reprises. Il en était même tombé un peu amoureux. Toutefois, il ne pouvait
s’approcher d’elle, car elle restait toujours aux alentours de la maison. Un
jour, il y avait tellement de travail à la ferme que le fermier avait oublié
d’envoyer ses hommes porter de la farine et des haricots à la maisonnette.
Anina se tracassait. Quand vint l’après-midi, elle voulut se rendre à la ferme
elle-même pour aller chercher de quoi manger.
-
Reste donc ici, lui dit José, inquiet. Imagine que tu rencontre le génie et
qu’il t’emmène. Que ferais-je sans toi ?
Mais Anina se moqua de lui.
- C’est l’après-midi, répondit Anina. Le
génie est en train de dormir. Il n’y a aucun danger. Je rentrerai bien avant la
tombée de la nuit. Ne t’inquiète pas. A tout à l’heure. Elle prit son grand
panier et partit. Elle suivit gaiment le long chemin qui menait à la grande
ferme. Le fermier sursauta lorsqu’il la vit arriver.
- Ne m’en veux pas, dit-il à Anina. Il y
avait tellement de travail ! Je vais te donner le repas tout de suite. Tu
ferais peut-être bien de dormir chez nous, car si tu pars maintenant, tu ne
seras de retour chez toi que le soir tombé. Pense au génie de la forêt,
petite !
Mais Anina ne voulut pas passer la nui
chez le fermier. Elle avait peur que José s’inquiète. Elle prit rapidement le
chemin du retour. Soucieuse, elle regardait parfois le soleil qui descendait à
l’horizon. Alors qu’elle était presque arrivée, le génie de la forêt jaillit de
derrière un gros arbre et l’attrapa. Anina résista de toutes ses forces, mais
ce fut peine perdue. Le génie l’emmena dans sa cabane au fin fond de la forêt.
Là, dut lui faire la lessive et la cuisine.
José était déjà rentré de son travail et
attendait avec inquiétude le retour de sa femme. La nuit tombée, il partit à sa
recherche. Près de l’orée de la forêt, il découvrit son panier à provisions
rempli de vivres. Il eut très peur, car il était désormais sûr qu’Anina avait
été enlevée par le génie de la forêt. Tristement, il ramassa le panier et
retourna chez eux. Il faisait bien trop noir pour encore partir à sa recherche.
Sur le chemin du retour, il rencontra un mendiant qui marchait à l’aide d’un
bâton et qui lui demanda un peu de nourriture.
- Je n’ai rien sur moi, répondit José
gentiment, mais accompagnez-moi, je vous préparerai quelque chose à manger.
Pendant que le vieux mendiant se
restaurait, José lui raconta ses mésaventures. Si vous m’autorisez à dormir
ici, je vous aiderai demain à trouver la cabane du génie, proposa le mendiant.
José le regarda d’un air incrédule.
- Ne craignez-vous pas qu’il nous
dévore ? lui demanda—il inquiet.
Le mendiant secoua la tête en riant.
- N’ayez pas peur, répondit-il. Je suis
peut-être vieux, mais je ne suis encore tout à fait inutile. Patientez un peu.
Le lendemain matin, les deux hommes
partirent de bonne heure. Ils s’enfoncèrent dans la forêt. Après de longues
recherches, ils découvrirent enfin la cabane du génie de la forêt. Ils se
dissimulèrent derrière quelques buissons. José aperçut Anina sortir de la
cabane et vider un seau d’eau. Elle était donc bien là. Quand au génie, il
restait invisible.
- Il est peut-être parti chasser, dit José
et il se dirigea vers la cabane pour aller chercher Anina.
Soudain, le génie jaillit de derrière la cabane
en poussant un cri assourdissant. Il s’était caché afin de surprendre José.
- Ah, je vais me régaler doublement !
s’exclama le génie. Enfin, pas tout à fait : l’un des deux est tout
rabougri.
Il saisit les deux hommes de ses mains
poilues. José cria, mais le vieux mendiant n’avait pas peur du tout.
- Si tu ne nous lâches pas, je te ferai
mordre par un serpent, dit-il fâché.
La génie libéra immédiatement les deux
hommes et regarda autour de lui.
- Je ne vois aucun serpent. Tu me prends
pour un imbécile ! Maugréa-t-il. Viens ici, que je te mange le premier. Je
garde le savoureux jeune homme pour la fin.
Il tendit la main vers le vieil homme,
mais au même moment, ce dernier jeta son bâton sur le sol. Le bâton se changea
immédiatement en un gros serpent sifflant. Le génie eut très peur et n’osa plus
bouger, car rien ne lui faisait plus peur que les serpents. Il mit ses grandes
mains devant ses yeux. A présent, il ressemblait plus à un enfant effrayé qu’à
un redoutable génie de la forêt.
-
Eloigne ce serpent ! Eloigne cet affreux serpent !
s’écria-t-il effrayé.
- Je ne ferai que si tu promets de partir
d’ici, répondit le vieux mendiant. Tu dois partir au-delà des montagnes et ne
plus jamais revenir. Si tu le promets, je changerai de nouveau le serpent en
bâton.
- D’accord ! D’accord ! Je
partirai ! répondit le génie de la forêt d’une voix tremblante.
Le vieux mendiant sourit.
- N’oublie pas ! le prévint-il. Dès que
tu reviendras importuner ces pauvres gens, je t’enverrai dix de ces serpents.
Il prit le serpent par la queue et celui-ci se changea immédiatement en bâton. Le
génie fit rapidement son baluchon tout en pleurnichant. De temps en temps, il
jetait un coup d’œil effrayé au vieux mendiant, mais celui-ci se contentait de
l’observer calmement. Un peu plus tard, le génie partit en direction des hautes
montagnes que le vieil homme lui avait indiquées. Contente et soulagée, Anina
tomba dans les bras de son mari. Sans attendre, le mendiant mit le feu à la
cabane du génie. S’il se retourne voit la fumée, il saura qu’il n’a plus de
maison et qu’il ne donc plus dormi ici, expliqua-t-il.
Le vieil homme encore quelques jours chez
José et Anina. Mais un beau matin, il partit sans raison aucune et nul ne le
revit jamais. José et Anina coulèrent des jours heureux. Depuis le départ du
génie, de plus en plus de gens venaient travailler dans cette région du pays.
On construisit plus de fermes, des magasins et des écoles. Le fermier offrit à
José un meilleur emploi : il devait diriger le travail de tous les
nouveaux travailleurs. Le fermier le payait bien, car depuis qu’il avait suffisamment
de personnes pour cultiver la terre, il gagnait assez d’argent pour payer ses
employés un bon salaire. José et Anina étaient donc très heureux et lorsqu’ils
eurent un enfant l’année suivante, ils furent au comble du bonheur. Ils
vécurent longtemps et heureux à l’orée de la forêt.
«Contes du Paraguay»
Le Pérou
Le Pérou a un relief qui s’ordonne trois
bandes parallèles : l’Ouest la côte du Pacifique constitué d’un désert
frais et brumeux ; au centre la Cordillère des Andes ayant un climat plus
sain dans les vallées et sur l’Altiplano, large plateau au Sud et les plaines
de l’Est au climat tropical, humide recouvrant le luxuriant bassin amazonien,
forestier par excellence. C’est de ce pays que s’inspire le conte suivant :
Le
soleil et la lune
Jadis, il n’y avait ni soleil ni lune dans
le ciel. Seules, les étoiles, grandes et lumineuses, éclairait en permanence la
terre. Les gens vivaient comme des frères et sœurs, ils s’entraidaient et
partageaient ce qu’ils possédaient. Heureux et contents, ils vécurent ainsi pendant
plusieurs milliers d’années. Mais un jour, les habitants de la terre
commencèrent à devenir cupides. Celui qui était riche garda sa richesse pour
lui tout seul, celui qui possédait un jardin l’entoura d’un grand mur et celui
qui était propriétaire d’une maison la ferma à clé.
Les étoiles étaient toutes attristées.
Elles commencèrent à se retirer de la terre. Il faisait de plus en plus noir. La
peur envahit le cœur des hommes. Les plantes ne voulurent plus pousser et les
animaux apprivoisés cessèrent de se reproduire. Les animaux sauvages se
cachèrent, de ce fait, les chasseurs ne trouvèrent plus de gibier. La faim et
la misère se mirent à régner partout.
Les gens demandèrent alors conseil à une
vieille femme pleine de sagesse : «Que pouvons-nous faire pour qu’il fasse
de nouveau clair et que nous ayons de quoi manger ?» La femme
répondit : «Il faut trouver quelqu’un dont le cœur soit tellement rempli
d’amour qu’il acceptera de donner sa vie pour les autres. Lorsque vous aurez
trouvé cette personne, envoyez-la chez moi.» Alors la peur et la tristesse
augmentèrent. Les gens se sentaient perdus, car ils ignoraient ce qu’était
l’amour. Comment trouver quelqu’un avec tant d’amour?
Dans une cabane isolée près de la mer
vivaient un pêcheur et sa femme. Ils étaient heureux puisqu’ils s’aimaient.
Informé de la grande misère du monde et de la détresse des hommes, le pêcheur
dit à sa femme : «Nous devons les aider. Nous sommes peut-être les seuls à
pouvoir le faire parce que nous nous aimons». Il alla donc trouver la vieille femme et lui
dit : «Je suis prêt à faire tout ce que tu me diras.» La vieille femme
s’assit près du feu, le pêcheur fit de même. Elle lui tendit un énorme bouclier
et lui dit : «Tu dois aller jusqu’au bout du monde et de là, sauter sur l’étoile la plus proche, puis sur
la suivante et ainsi de suite jusqu’à la dernière. Sur chaque étoile, tu devras
ramasser la première pierre que tu verras et la fixer à ton bouclier. Quand
celui-ci sera complètement recouvert de pierres, tu devras le lever. Il donnera
alors de la lumière aux habitants de cette terre.»
Le pêcheur s’en alla jusqu’au bout du
monde. Mais arrivé là, il perdit courage, car l’étoile la plus proche lui
semblait tellement éloignée qu’il lui paraissait impossible de l’atteindre. Il
pensa à sa femme qu’il aimait et soudainement il se sentit emporté. C’est ainsi
qu’il vola d’une étoile à l’autre, fixant à chaque fois une pierre à son
bouclier. Lorsque celui-ci fut entièrement recouvert de pierres, il le leva et
aussitôt le bouclier se mit à briller. C’est ainsi que le soleil apparut dans
le ciel. Le pêcheur ne se laissait pas tenir le disque de feu bien levé, il se
réjouissait de voir que les hommes étaient de nouveau heureux.
Un jour cependant, alors qu’il se trouvait
juste au-dessus de sa maison, il vit que sa femme était triste. Alors il prit
son cœur et le lui lança. Celui-ci resta suspendu dans le ciel et se mit
aussitôt à briller. Il devint la lune. La femme vit le nouvel astre et comprit
le signe. Elle pleura de joie tant et tant que ses larmes devinrent un fleuve
qui se dirigea vers la mer. Alors le pêcheur baissa son bouclier un instant
afin que la lune reste seule dans le ciel obscur et puisse se refléter dans
‘eau. Là, les deux époux étaient de nouveau réunis.
C’est depuis ce temps là que le jour et la
nuit existent et chaque fois que la lune se reflète dans la mer et que le
fleuve capte ce reflet, le pêcheur et sa femme sont de nouveau réunis pour un
court instant.
«Contes et mythes du Pérou»
Le
Salvador
Le territoire du Salvador est en majeure
partie formé d’un sol volcanique. Et l’on pourrait dire que le pays est
traversé par une cordillère de volcans. Ses plus hautes montagnes sont :
la Santa-Anna et la San Vicente. En raison de l’activité volcanique, le sol
arable y est très fertile. C’est de ces
paysages féériques qu’est tissé le conte qui va suivre :
L’histoire d’une bestiole trouvée
dans un arbre
Après une longue nuit de voyage, une sorcière de campagne qui
rentrait chez elle remarqua, perché dans son amandier une sorte d’oiseau. Mais
était-ce vraiment un oiseau ? Probablement pas. N’était-ce pas un
chat ? Non plus. Pourtant cet animal lui rappelait quelque chose. Voyons,
où en ai-je déjà vu ? se demandait la sorcière. C’est une bien étrange créature.
On dirait, on dirait, mais oui, bien sûr, il s’agit d’une
gargouille !
Que faisait-elle là, loin de son perchoir,
alors que le jour allait se lever ? Chacun sait qu’il défendu aux
gargouilles de se montrer aux hommes sous leur apparence nocturne. Ainsi tous
les matins, bien avant le lever du soleil, elles échangent plumes, écailles et
fourrures-de-nuit contre leurs habits de pierre. Furtivement, pour ne pas
l’effrayer, la sorcière traversa le verger. Dans l’amandier, en voyant
approcher la sorcière, la gargouille frissonna. Elle était toute petite. Bien
plus petite que ne le sont les gargouilles d’habitude.
- Que fais-tu là, ma pauvrette ?
demanda doucement la sorcière.
La gargouille pépia comme un oiseau apeuré
et tenta de s’enfuir. Mais, à ce moment précis, un premier rayon de soleil
l’atteignit et le retour à son aspect de pierre commença. Déjà, elle parvenait
plus à dépêtrer ses griffes des feuilles de l’amandier pour s’envoler. Et en
quelques instants, changée en statue de pierre, elle fut, tout entière, captive
de sa figure de jour. La sorcière tenta de l’aider à se dégager. Mais c’était
impossible. La gargouille de pierre, malgré sa petite taille, pesait maintenant
si lourd que la sorcière ne put même la bouger. Alors, après avoir longuement
contemplé la bébé gargouille pétrifiée, elle murmura :
- Comme tu es mignonne ma petite gargouille
perdue.
Et elle décida de la garder.
Dès lors, chaque soir, au coucher du
soleil, elle nouait solidement un fil à une des pattes de la petite bête. Ainsi
elle ne risquait pas de s’enfuir la nuit venue, quand sonnaient les douze coups
de minuit qui lui redonnaient vie. Au fil des saisons, la petite gargouille
s’habitua à la sorcière. Elle oublia même le temps d’avant. Souvent, elle
demandait qu’on lui raconte comment elle avait trouvée dans l’amandier. Bientôt
la sorcière emmena sa gargouille dans ses promenades nocturnes. Elles volaient ensemble
sous les étoiles, la sorcière sur son balai, la gargouille bondissant à ses
côtés au bout d’une longue laisse. Mais il fallait faire attention, car, à
l’approche du matin, la gargouille se changeait toujours en statue de pierre.
Un jour eut lieu un premier accident.
Comme souvent, la sorcière et la gargouille s’étaient promenées au clair de lune. Sur les berges du
fleuve un petit javelot chantait dikdikdik. Elles cueillaient des
framboises et des myrtilles. Il faisait si bon qu’elles oublièrent l’heure.
Aussi, quand elles arrivèrent à la porte du jardin, il était juste trop tard.
La gargouille se changea en pierre, tomba au sol et ne bougea plus. Ce n’est
qu’à minuit qu’elle put se relever. Une autre fois, elle tomba sur le rosier du
jardin et passa toute la journée couchée sur des épines.
Mais la troisième fois fut bien plus
grave. La troisième fois eut lieu, comme les autres, au moment de l’aurore.
Pour bien comprendre comme cet accident a pu se produire, il faut savoir que la
gargouille avait grandi. Il y avait déjà longtemps qu’elle vivait chez la
sorcière. Elle n’était plus le bébé trouvé dans l’amandier, mais une gargouille
de bonne taille. Cette fois-ci, changée en pierre pendant qu’elle survolait la
chaumière de la sorcière, c’est là qu’elle s’abattit. Elle pesait si lourd que
le toit ne put l’arrêter et passa en travers tuiles et plancher en y faisant de
grands trous.
Cet accident fit comprendre à la sorcière
qu’il était temps pour sa petite protégée de trouver un emploi à sa mesure.
Elle se rendit au presbytère pour y prendre conseil. Le curé du village accepta
de lui allouer, à l’essai, une place d’apprentie gargouille sur le clocher de
l’Eglise. C’est un des rares cas connus de gargouille apprivoisée. On sait
encore qu’après son enfance heureuse sur les faîtages de l’église, la petite
gargouille devint gargouille de cathédrale. Pendant la journée, elle se tient
immobile en haut de la Notre-Dame à Paris. Mais chaque nuit elle s’envole,
comme jadis, en compagnie de sa mort adoptive.
«Légendes, contes et mythologie du
Salvador»
L’Uruguay
L’Uruguay constitue l’un des plus
petits pays d’Amérique latine. Il se caractérise par un paysage formé
essentiellement de collines et de prés qu’arrosent des rivières et des fleuves.
Il possède un beau littoral de plages avec des dunes de sables et des promontoires
tout au long de la côte. La majorité des ses terres sont réservées à l’élevage.
D’où le conte que voici :
Le maté
Un jour, longtemps avant que les
Espagnols n’arrivent, un vieil homme et sa petite fille s’arrêtèrent pour
s’installer près des chutes de l’Iguaçu. Ils étaient las de voyager constamment
avec leur tribu nomade et voulaient rester dans ce coin tranquille qui
pourvoyait à tous leurs besoins.
Un après midi, un homme à la peau très
pâle et visiblement épuisé se présenta à eux. Sans poser plus de questions, le
vieil homme et sa petite fille prièrent l’homme de partager leur repas et de se
reposer dans leur hutte. Après s’être rassasié et avoir dormi tout son soul,
empêchant ainsi ses hôtes de jouir de leur habitation, l’homme dévoila sa
véritable personnalité.
Il se trouvait que c’était Thupa lui-même,
le dieu de la bonté, venu voir ce que les hommes faisaient de ses préceptes, qu’ils
avait appris aux indiens Guarnis, sur la façon de préparer et boire du maté. Il
fut si touché par la gentillesse et la bonté du vieil homme et sa petite fille
qu’il décida de faire pousser une plante, à l’endroit même.
Cette plante possédait des feuilles aux
qualités spéciales. Elles avaient en effet la particularité d’assouvir la soif,
de ne pas se sentir seul lors de longues soirées solitaires et de toujours bien
accueillir les visiteurs. Il leur apprit comment préparer et boire ses herbes
précieuses (qu’il nomma lui-même maté) et les désigna gardiens de la
plantation, ce qui les mettaient au rang de demi-dieux.
Le vieil homme s’appelait Cao Yarà et la
petite fille Cao Yari.
«Contes et
mythes de l’Uruguay»
La République Dominicaine
La République dominicaine se situe dans les
Grandes Antilles au sein de l’archipel des Caraïbes. Il se partage entre de
l’île d’Hispaniola et la partie orientale d’Haïti, dont elle occupe
à elle seule les deux tiers. Elle offre un paysage composé à la fois de forêts,
de montagnes, de vallées et de plateaux. Elle possède de belles plages à flanc
de montagnes au Nord, au Sud-est et à l’Est de ses côtes. Le conte que voici,
comme tant d’autres, y a vu le jour :
L’homme au grand savoir
Nèg Save était un homme au grand savoir. Il
parcourait le pays, offrant trois sacs d’argent à celui qui lui poserait des
énigmes qu’il n’arriverait pas à résoudre. Il tombe, un jour, sur jeune garçon
qui jouait devant la case de ses parents.
- Papa n’est pas là, maman non plus, mais
moi je peux te poser des énigmes, dit l’enfant.
- Pas de problème, répond Nèg Save, mais où
est donc ta mère ?
- Maman est allé chercher ce qu’elle n’a
pas semé.
- Et ton père ?
- Il est allé ouvrir un trou pour en
boucher un autre, mais le trou reste béant.
- As-tu un frère et où est-il ?
- Mon père a envoyé mon frère à la chasse en
lui recommandant d’abandonner tout le gibier qu’il trouvera ; tout ce
qu’il ne trouver pas, il le rapportera.
Nèg Save n’en croyait pas ses oreilles et il
avait le bec cloué. Il remet les trois sacs d’argent à l’enfant qui, après les
avoir mis à l’abri, lui propose de lui donner les réponses qu’il n’a pas su
trouver.
- Tu m’as demandé où était ma mère. Elle est
allée chercher ce qu’elle n’avait pas semé. Maman est une matrone qui aide les
mères à mettre leurs petits au monde, mais n’est jamais présente lorsqu’elles
conçoivent.
- Et ton père ?
- Papa est allé ouvrir un trou pour en
boucher un autre, mais le trou reste béant. Il a été emprunté des sous pour
rembourser quelqu’un mais, en vérité, il est toujours endetté.
- Ça c’est bien vrai. Dis-moi, ton
frère ?
- Mon frère avait beaucoup de chiques aux
pieds. Alors papa l’a envoyé à la rivière pour s’en débarrasser, mais il
rapporté toutes celles qu’il n’avait pas vues. Voilà pourquoi, je t’ai répondu
qu’il avait envoyé mon frère à la chasse en lui recommandant d’abandonner tout
le gibier qu’il trouvera ; tout ce qu’il ne trouvera pas, il le
rapportera.
- Pour être fort, tu es fort en vérité,
trois fois s’exclama Nèg Save en réalisant que l’enfant était peut-être bien,
bien, bien plus fort que lui en matière d’énigmes.
Le soir, à leur retour, le père et la mère
de l’enfant, en écoutant les exploits du jour et en découvrant les trois sacs
d’argent furent convaincus que leur plus grand bonheur n’était tant de posséder
trois sacs d’argent que d’avoir un fils plein d’esprit.
«Contes
de la République Dominicaine»
www.conte-moi.net
Le Venezuela
Le territoire du Venezuela se divise
géographiquement en quatre régions distinctes. Ce sont la côte, la montagne des
LIanos et les plateaux de la Guyane. Elle est bordée au Nord par les montagnes
des Andes, humides et forestières, et la
mer des Caraïbes, la cordillère de la Costa.
Au Nord ouest, se trouvent la plaine et le lac de Maracaibo, au climat
chaud et sec. Au Sud, s’étend la région tropicale des Ilanos, arrosée par
l’Orénoque, puis le massif de Guyane. De ces paysages, a pris naissance le
conte suivant :
Puemuei-Pachi, fille d’aji
Un jour, un homme va au lac pour se laver
le visage avec des feuilles aji, une sorte de piment rouge. Puemuei-Pachi
apparaît et lui demande pourquoi il fait cela.
Quand elle apprend que c’est pour essayer
d’enlever ses taches de rousseur, elle lui montre comment il faut faire et il
devient beau comme il n’avait jamais rêvé de l’être.
De retour à son village, il attire soudain
le regard de toutes les femmes, mais il se souvient de leur mépris, quand il
était laid et il retourne au lac pour épouser Puemuei-Pachi.
Ils habitent ensemble pendant longtemps
dans le lac, puis un jour, l’homme a envie de revoir sa famille et il convainc
son épouse de l’accompagner.
Les autres femmes, jalouses, cherchent
tout le temps la dispute avec Puemuei-Pachi jusqu’à ce que celle-ci finisse par
s’enfuir. Son époux la cherche partout, mais il ne la retrouve pas. Privé de la
magie de sa femme, il redevient aussi laid qu’avant et passe le reste de sa vie
à se lamenter sur la méchanceté des femmes…
«Contes
et légendes de la Venezuela»
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
2
Les cascades (L’Argentine) 5
Tepeu,
Gucumats et Hurakan (Le Belize)
7
Le lamero (La
Bolivie) 9
La foi est
toujours vivante (Le Brésil) 17
El
Caleuche (Le Chili)
20
La Pastola,
le monstre à une seule jambe
(La
Colombie) 24
Le volcan
Barva (La Costa Rica) 27
Les deux
reines (Cuba) 29
Le palmier
de morete (L’Equateur)
31
Maman Dlo
(La Guadeloupe)
34
La princesse
Xocomil (Le Guatemala) 36
Aboubou Biah
(La Guyane)
38
Histoire de
chiens (Le Honduras) 46
Le pari de
Ti Jean (La Jamaïque) 49
L’Homme et
le maïs chez les Mayas
(Le
Mexique) 53
La Mocuana
(Le Nicaragua)
56
Le petit
birou (Le Panama)
59
Le génie de
la forêt (Le Paraguay) 61
Le soleil et
la lune (Le Pérou) 70
L’histoire
d’une bestiole trouvée dans un arbre
(Le Salvador) 74
Le maté (L’Uruguay) 78
L’homme au
grand savoir (La République
Dominicaine)
80
Puemuei-Pachi,
fille du aji (Le Venezuela) 83
[1]
César Fernandez Morino : «AMERICA LATINA
EN SU LITERATURA », Buenos Aires, Ed. Jorge Alvarez, 1982, p.256.
[2] Monique
Leclerc : «Les contes : publication récentes », «Le Français
aujourd’hui», N°68- décembre 1984, p.74.
[3]
«Les contes : publication récentes »,
«Le Français aujourd’hui», Op.cit., p.75.
[4]
Le lucumi ou yoruba est la langue importée par
les esclaves africains, utilisée lors des cérémonies de l’une des religions de
l’île : la santeria (fusion du catholicisme et de cultes africains.
[5]
Shuaras
et ashuaras : indigènes du Sud de l’Amazonie ; Pastaza : rivière
de la plaine amazonienne ; Iwias : mauvais esprits ;
Nunkui : esprit des cultures.
[6] Aouara : palmier équatorial dont le fruit
compose le plat national de Guyane ; Massa goudou : nom donné un dieu
créateur chez les gens du fleuve ; Pack : gibier de chasse ;
maïpouri : gros gibier ayant une mini trompe ; Soû : totem de
l’animal de la famille ; Mait’bwa : le maître des bois ;
Croucrou : panier rond en arouman (sorte d’osier) ;
maraingouins : gros moustiques.
[7]
Le cacique : le chef indigène.
[8]
Birou : garçon ; brou :
lierre ; chi : tomba ; manji : mangea ; le bouyé chi à
bas : les entrailles tombèrent à terre.
il y a une erreur :
ResponderEliminarle conte attribué au Panama : "Le petit birou", a effectivement été collecté par François Duine, mais en haute Bretagne, p^récisément à Guipel (entre Rennes et Saint-Malo).
On trouvera une présentation et analyse de ce conte sur cette page de mon site : http://www.contes-et-merveilles.com/contes/sources-variees/etudes-mythologie-et-divers
Il a été publié en 1904 dans la Revue des Traditions Populaires-tome 19, p.182-183, consultable ici : https://archive.org/stream/revuedestraditi03fragoog/revuedestraditi03fragoog_djvu.txt