Dr. SOSSE ALAOUI MOHAMMED
PETITE
ANTHOLOGIE
DU MIROIR DE L’EROS
ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT
1321 - 2015
Tétouan
2015
INTRODUCTION
En guise d’introduction à cette «Anthologie
du miroir de l’éros arabo-poétique de l’Occident : 1321-2015», il
serait loisible d’en cerner l’horizon, du mieux qu’on peut, le plus
théoriquement et historico-littérairement possible. Cela nous conduira à
observer à priori les aspects fondamentaux suivants :
1. Une théorie de la parenté du miroir de
l’éros arabo-poétique de l’Occident :
Du point de vue de la théorie de la
parenté du miroir de l’éros arabo-poétique de l’Occident, il y a lieu
d’avancer avec Faouzi Skalli : «A l’ultime extrême de l’Orient point
l’Occident. Et inversement. Comme la nuit s’enroule dans le jour, dit le
Coran, et le jour dans la nuit ». La globalité du monde ne peut être
perçue que dans le jeu de ces oppositions et complémentarités, ce jeu de
miroir, entre ces deux hémisphères de notre planète. Mais au-delà de leur disposition
géographique l’Orient et l’Occident constituent d’abord des continents
culturels et symboliques.» - «ORIENT OCCIDENT», http://www.soufisme.org/
site/spip.php?article251 , p.1.
De plus, Lévi Provençal remarque au sujet la
théorie de la parenté du miroir de l’éros arabo-poétique de l’Occident
et la poésie arabo-andalouse : «Cette double inspiration, qu’on retrouve
de chaque côté des Pyrénées, constitue elle aussi un argument non dédaignable
en faveur de la théorie de la parenté des deux poésies.» - «Les
troubadours et la poésie arabo-andalouse», www.cairn.info , p.1.
Il y ajoute à cet égard, D’une façon
générale d’ailleurs (…), on peut considérer que les rapports qui ont pu exister
entre la poésie populaire hispano-arabe et la poésie des troubadours les plus
anciens (…) ne sont que l’un des aspects parmi les plus curieux et les plus
séduisants de la pénétration indiscutable de la culture hispano-arabe dans la
vie de la chrétienté occidentale du Xie siècle. » - Op.cit., p.7.
Enfin, Myriam White-Le Goff conclut, à propos
de «Les fous d’amour au Moyen - Âge : Orient – Occident» de Claire
Koppler, en avisant : «D’ailleurs ces mouvements [v. miroir de l’éros arabo-poétique
de l’Occident] de va-et-vient entre le sacré et le profane caractérisent
l’ensemble des recueils [des troubadours] et font sa grande richesse. Suzanne
Thiolier, dans "Qui ama desena", ‘qui aime perd la raison’ : la
folie d’aimer chez les troubadours revient sur la mise en avant de la mesure et
de la raison. L’amour devient source de perfectionnement social et collectif.» -
««Les fous d’amour au Moyen - Âge : Orient – Occident», www.crm.revues.org , p1.
2. Un miroir de l’éros arabo-poétique
continu Orient - Occident par-delà l’orientalisme :
Concernant le miroir de l’éros arabo-poétique
continu, Orient – Occident, par-delà l’orientalisme, Rachid Naïm, asserte, dans
une optique historico-littéraire : «TOUT AU LONG DE L’HISTOIRE, L’ÊTRE
OCCIDENTAL s’est construit un système de représentation concernant son voisin e
la rive sud de la Méditerranée. Miroir de la société, la littérature va
emboîter le pas et avec l’arrivée de la mode orientaliste pendant le 19e
siècle, la littérature française va mettre en scène d’une manière continue
l’Arabe et son univers. Des écrivains comme Chateaubriand, Lamartine ou
Flaubert vont entamer des voyages en Orient et vont créer une altérité arabe
(religieuse, culturelle, politique voire raciale) et changer définitivement
comment l’Occident voit les Arabes.» - «L’Arabe aux yeux de
l’orientalisme littéraire», www. revistas. um.es , p.1.
Dans son
article : «Amours d’Orient et d’Occident, le miroir brisé », Vincent
Colonna rappelle, d’un point de vue historico-littéraire : «L’orientalisme
français, qui commence au XVIIe siècle et qui persiste sous sa forme
collective, me semble-t-il, jusqu’à Barrès, était plus qu’une mode ou une
idéologie impérialiste : c’était un savoir diffus de la civilisation
arabo-musulmane [par delà l’orientalisme], approfondi par les savants,
réactualisé périodiquement par les écrivains et les voyageurs… », http://www.cairn.info, p.25.
Par ailleurs, le
même V. Colonna souligne avec perspicacité : «Cette filiation [miroir de
l’éros arabo-poétique par delà l’orientalisme], que l’on commence tout
juste à redécouvrir dans le public grâce à l’insistance de savants
orientalistes comme André Miquel ou Jamal Eddine Bencheikh, paraît pourtant
aller de soi au XVIIIe et au XIXe siècle. (A tel point qu’Alphonse de
Lamartine, voulant sans doute confirmer son don poétique par l’appartenance à
une antique lignée de poètes, revendiquait une lointaine ascendance arabe, se
fiant à des bohémiennes passant par Mâcon qui lui avaient affirmé qu’il
descendait autrefois d’une tribu arabe établie dans sa ville… » - Op.cit.,
p.17.
3. L’emprunt attesté et contesté du
miroir de l’éros arabo-poétique de l’Occident :
Pour ce qui est de
l’emprunt attesté et contesté du miroir de l’éros arabo-poétique de
l’Occident, E. Lévi Provençal décèle historico-littérairement en
l’occurrence : «La poésie populaire hispano-arabe, tout comme celle des
troubadours de la plus haute époque, n’est pas uniquement, comme on a trop
souvent tendance à le croire, tournée vers la glorification de l’amour courtois.
L’“amour courtois”, ou spiritualisé ou platonique, est exactement l’équivalent
de ce que les Arabes d’Espagne appelaient le hubb al-muruwa. Je crois même de
plus en plus que cette glorification d’un amour spiritualisé, qui caractérise
tant de productions poétiques de l’époque médiévale, a été empruntée par
l’Europe à l’Espagne musulmane.» - «Les troubadours et la poésie
arabo-andalouse», Op.cit., p.1.
Il atteste plus loin en ce sens : « Le
plus ancien des troubadours français, Guillaume IX d’Aquitaine, n’était pas,
vous le savez, le jongleur errant sous les traits duquel on se plaît à
représenter les autres troubadours, poètes ambulants en quête d’un mécène et
prêts, comme leurs congénères musulmans, à entonner, pour quelques pièces
d’argent, un vêtement ou même un bon repas, la louange de leur hôte d’un jour.
Guillaume IX, seigneur de haut lignage, prince d’un Etat vaste, riche et
prospère, est sans doute celui qui est le premier responsable de l’emprunt des
formes et des thèmes de la poésie lyrique hispano-arabe.» - Op.cit., p.4.
Comme marque de l’emprunt contesté
du miroir de l’éros arabo-poétique de l’Occident, E. L. Provençal relève
notamment : «La preuve en est administrée, dès 1938, par la publication
d’un essai de Denis de Rougemont, promis à un grand retentissement : L’Amour
et l’Occident. Alors que l’essayiste montrait que la passion amoureuse
était une création culturelle inventée par les troubadours provençaux du XIIe siècle
(…), pour faire place à un élément oriental dans la genèse de cette poésie
amoureuse, tandis que des auteurs comme Voltaire ou Stendhal, Lamartine ou
Nerval, y avaient vu la trace d’une influence arabo-andalouse. Par un mécanisme
étrange, tout le savoir oriental accumulé, depuis plus de deux siècles, par les
philologues, les voyageurs et les écrivains, était soudain effacé de
l’encyclopédie commune.» - «Amours d’Orient et d’Occident, le miroir brisé»,
Op.cit., p. 25.
4. Osmose et faux déni du miroir de l’éros arabo-poétique
de l’Occident :
Certes, l’osmose et faux déni du miroir de
l’éros arabo-poétique de l’Occident trouve sa source selon Richard Lemay
dans le contact entre la culture et la culture latine ibérique du XIIe siècle.
Il indique sur ce point : «C’est dans l’Espagne du XIIe siècle, dans ce monde de Reconquista délimité,
géographiquement, de Navarre au Tage, et, chronologiquement par les prises de
Tolède, en 1085, et Saragosse, 1118, que s’est produit un premier contact entre
les cultures arabe et latine assez durable pour permettre une osmose. » - «Dans
l’Espagne du XIIe siècle, les traductions de l’arabe au latin», www.persee.fr , p.642.
Le Pr. Chems Eddine Chitour, signale
qu’il y a eu une double osmose, l’une par le biais de l’arabe planétaire,
l’autre par l’imitation de l’art arabo-poétique de la part de l’Occident. « L’arabe du Moyen Âge,
écrit-t-il, était la vulgate planétaire, c’était l’anglais du XXe siècle (…). Au
IXe siècle, la rime fut introduite par imitation de la poésie arabe (première
attestation : Antoine le Rhéteur (vers 820), et elle ne tarda pas à se
généraliser (…). Certains poètes de basse époque tentèrent d’imiter la
virtuosité technique de leurs collègues arabes. » - « LA CIVILISATION
ISLAMIQUE ET LE SAVOIR UNIVERSEL : Le déni des révisionnistes intolérants»,
http://www.lexpressiondz.com, pp. 4-5.
Et Juan
Goytisolo de constater sciemment : « Personne ne peut nier le rôle décisif
joué par l'Andalousie dans la formation de la culture castillane, et ce dès les
origines. Pourtant, aujourd'hui encore, nous n'admettons cette vérité en
Espagne qu'après réserves mentales, marchandages instinctifs, escamotages. Nous
continuons à réduire systématiquement l'Arabe à son passé glorieux mais
disparu, comme si ce passé n'avait rien à voir avec la culture et la vie
espagnoles actuelles. Nous éliminons subrepticement le phénomène d'emprunts à
la culture arabe, par osmose, par capillarité, dans une longue cohabitation qui
a produit l'art et la littérature, merveilleux entre tous, de style mudéjar.»
- «Cinq siècles après l'Espagne paie encore pour avoir renié son héritage arabe
et juif », http://www.archipress.
org , p.2.
D’ailleurs, Juan Goytisolo révèle l’osmose
médiévale de la poésie érotique arabo-andalouse aux XVe et XVIe siècles, en
précisant : «Alors qu'au Moyen Age la littérature érotique
arabo-andalouse, castillane aussi, avait atteint les plus hauts niveaux de
l'art, à partir des Rois Catholiques les écrivains entreprirent de haïr le
sexe, et toute forme de sensualité. Dans son Antéchrist, Nietzsche rappelle que
la première mesure prise par les monarques castillans après la reconquête de
Cordoue, fut de fermer les trois cents bains publics qui existaient alors dans
la ville…» - Op.cit., p.
5. Des productions parallèles et
rectilignes du miroir de l’éros arabo-poétique de l’Occident :
Des productions parallèles et rectilignes du
miroir de l’éros arabo-poétique de l’Occident Productions
parallèles et rectilignes du miroir
arabo-poétique de l’Occident, il est à noter avec E. Lévi Provençal en
particulier : «Dans l’exploitation des thèmes amoureux, le troubadour et
le poète de zadjal vont procéder de la même veine, témoigner d’inspirations extrêmement
voisines. Le ‘service amoureux’ peut très bien n’être jamais récompensé :
le poète le sait, le déplore ou cherche à s’en consoler. Le tourment causé par
l’amour insatisfait lui procure même à l’occasion une sorte de
jouissance : c’est de la “délectation morose” avant la lettre. » - «Les
troubadours et la poésie arabo-andalouse », Op.cit., p.3.
F. Skalli reconnaît à l’égard des productions
parallèles du miroir de l'éros arabo-poétique de l’Occident : «Les figures de Layla,
de Maya ... puisées du patrimoine poétique arabe antéislamique, de l’amour
courtois « Udhri » et platonique vont constituer les principaux
symboles de l’amour universel des Soufis exprimé dans la poésie de Rabia al
Adawiyya, de Hallaj, d’Ibn Arabi ou de Rumi. Ils vont aussi constituer la
texture des expressions artistiques et musicales développées à travers
l’extraordinaire diversité des cultures soufies de par le monde d’Afrique ou
d’Europe, d’Orient ou d’Occident, moyens et extrêmes.» - «ORIENT OCCIDENT », Op.cit., p.2.
Or, Myriam White - Le Goff dénote, à
propos des productions rectilignes du miroir arabo-poétique de l’Occident :
«Yvain est le premier héros romanesque à devenir fou par amour dans la
littérature médiévale en langue française. Sa folie s’exprime à la fois à
travers le discours médical théorique, la légende de l’homme sauvage et la
lyrique courtoise. La mise en récit de la métaphore de l’amour fou souligne son
caractère essentiellement fictionnel et interroge ainsi les modes de
représentation de la fin’amor.» - « Les Fous d’amour au Moyen Âge
Orient-Occident », Op.cit., p.2.
Dans
cette optique historico-littéraire et à titre d’exemples, le Pr. Jean Paul
Charnais observe, quant à cette double alternative des productions parallèles
et rectilignes du miroir arabo-poétique de l’Occident, notamment : «Au
début du XIVe siècle, dans le dernier cercle de l’Enfer, Virgile montre à
Dante le feu éternel qui brûle à l’intérieur des mosquées (VIII, 70-75). Mais
Dante place dans une sorte de limbes Saladin, le héros de la contre-croisade…» -
« L’intelligence arabe de l’Europe : Une faille géo -
culturelle », www.strategicsinternational.com, p.165.
6. Une pré et
post Andalousie du miroir de l’éros arabo-poétique de l’Occident :
Sur une pré et post Andalousie du miroir de
l’éros de l’éros arabo-poétique de l’Occident, J. Goytisolo
indique au sujet de l’ère de la pré – Andalousie : « Ce sont les
Arabes qui ont fait apprécier dans la Péninsule l'héritage grec et les
littératures orientales, grâce à quoi l'Espagne médiévale devint le creuset de
toutes les cultures connues alors et la Castille diffusa dans toute l'Europe le
grand savoir classique, d'Aristote à Euclide, traduit dans Tolède la Maure par
des Hébreux … Voilà pourquoi je suis convaincu qu'en Méditerranée
notamment, carrefour de cultures et de civilisations nombreuses, il est absurde
de chercher d'absolues "identités nationales", en se fondant sur un
passé mythique, falsifié, dénaturé, et en niant les apports immenses d'autres
peuples. » - Cinq siècles après l'Espagne paie encore pour avoir
renié son héritage arabe et juif », Op.cit., p.2.
Dans ce sens, Grumel Venance affirme
concernant l’ère de la post - Andalousie du miroir arabo-poétique de l’Occident :
«Sur toute la vie Andalouse à cette époque [XIe siècle], il [Henri Pérès] fournit
des textes et des données de premier ordre, qui permettent à chaque page
d’instituer une comparaison féconde avec les pays de l’Occident et le
développement de leur propre poésie. » - Henri Pérès, «La poésie
andalouse en arabe classique au XIe siècle », www.persee.fr , p.579.
A travers l’ère de la post - Andalousie
du miroir de l’éros arabo-poétique de l’Occident, A. R. Nykl atteste l’expansion
de poésie des muwachchahas andalous (poésie strophique) de l’Occident vers
l’Orient, en notant : «Les strophes arabes – andalouses, les muwaššahas, furent
inventés en Andalousie vers la fin du Ixe siècle, probablement sans appui sur
certaines formes nouvelles connues à Bagdad, et, d’après ce que nous disent les
auteurs arabes, l’art de les composer se répandit bientôt aussi dans l’Orient.»
- «L’influence arabe – andalouse sur les troubadours», Vol. XLI, octobre 1939,
N°4, Bulletin hispanique, www.persee.fr
, p.313.
Le même auteur illustre d’un exemple cet
aspect historico - littéraire plus loin : «Le poète Al Abbas ibn Al-Ahnaf
[748 - 808] chanta à la cour de Harûn ar-Rachid l’amour courtois longtemps
avant Guillaume et eut en Espagne
musulmane de très nombreux initiateurs. » - Op.cit., p.314.
7. Une modernité
du miroir de l’éros arabo-poétique de l’Occident :
Sur
l’aspect de la modernité du miroir de l’éros arabo-poétique de
l’Occident chez les écrivains et les poètes occidentaux, Vincent Colonna signale en
particulier : «La preuve en est administrée, dès 1938, par la publication
d’un essai de Denis de Rougemont, promis à un grand retentissement : L’Amour
et l’Occident. Alors que l’essayiste montrait que la passion amoureuse
était une création culturelle inventée par les troubadours provençaux du XIIe
siècle (…), pour faire place à un élément oriental dans la genèse de cette
poésie amoureuse, tandis que des auteurs comme Voltaire [1694-1778] ou Stendhal
[1783-1842], Lamartine [1790-1869] ou Nerval [1808-1855], y avaient vu la trace
d’une influence arabo-andalouse. » - «Amours d'Orient et d'Occident, le
miroir brisé», Op.cit., p.26.
Comme exemples sur l’aspect de la modernité
du miroir de l’éros arabo-poétique de l’Occident chez les écrivains
et les poètes occidentaux, le même auteur cite corrélativement : «A partir
d’une date qu’il faudrait préciser (les années 1920 ? (..), l’attrait de l’Orient arabo-musulman s’est
évaporé, sa connaissance s’est perdue dans le grand public, et seuls de petits
cercles, la communauté scientifique, la littérature algérianiste, de rares
écrivains, comme Michel Leiris [1901-1990] (Fourbis en 1955) ou Aragon
[1897-1982] (Le Fou d’Elsa, en 1963), ont continué à le cultiver.» - Op.cit.,
p.1.
De la même façon, on lit, dans un article
«Aragon et culture arabo – andalouse», paru sur le Site de l’ERITA, relatant : «Les
rapports du Fou d’Elsa à la culture arabo-andalouse sont traités [dans
le cadre d’une thèse universitaire] à
partir de cinq domaines culturels : littéraire, historique, philosophique,
religieux et mystique (…). L’historique du Le Fou d’Elsa [1963] aux
yeux des chercheurs, Grenade et sa chute [1492], (…), la poétique comparée qui
étudie des éléments de littérature arabe exploités par Aragon [1897-1982] (les
deux Fous aragonien et arabe, les genres littéraires, les formes poétiques et
la prosodie comparée), la philosophie arabo-andalouse dans Le Fou, représentée par Avicenne, Averroès et Ibn Hazm
[994-1064] (…), Ibn ‘Arabî [1165-1240] et Hallâj [858-922] qui dévoilent
la conception de l’amour dans Le Fou. » - « Bibliographie des
thèses sur l’œuvre d’Aragon : 1972 - 2008», www.louisaragon-elsatriolet.org , p.1.
Concluons ce bref tour d’horizon en prélude
à cette «Anthologie du miroir de l’éros arabo-poétique de l’Occident :
1321-2015», commémorant du fait la modernité du premier troubadour
occidental, l’arabophone Guillaume IX d’Aquitaine [1071-1126], dont S. Ben
Mansour dit hautement de nos jours : «Arabophone, Guillaume IX
d’Aquitaine, premier troubadour connu, était fasciné par la culture andalouse.
Chez les premiers poètes lyriques de l’Occitanie [v. miroir de l’éros arabo-poétique
de l’Occident], ce qui aura d’abord été motif d’admiration et — surtout — d’imitation, c’est le caractère
musical de la poésie arabe d’Espagne, poésie populaire et raffinée à la fois,
ainsi que la glorification de l’amour profane [v. courtois]. Aussi se
mettront-ils à faire des vers et des sons nouveaux en imitant les formes
strophiques (muwashshah, zajal) et les combinaisons de rimes en
vogue chez les poètes [arabes] andalous; à chanter l’amour profane en
s’accompagnant eux-mêmes d’instruments de musique, arabes eux aussi. » - «Les origines arabes de l’amour courtois», Op.cit., p.1.
L’auteur
(1)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT EN ITALIE
Dante Alighieri
Abu Al Alaa Al Maari
DANTE ALIGHIERI (1)
Dante
Alighieri (Durante degli Alighieri, dit « Dante ») est un poète, écrivain et homme politique florentin, né en 1265- Florence et mort en 1321 à Ravenne. « Père de la langue italienne », il est, avec Pétrarque (1304-1374) et Boccace (1313-1375), l'une des « trois couronnes » qui
imposèrent le toscan comme langue littéraire. Poète majeur (« Il sommo poeta » ou simplement
« Il poeta ») du Moyen Âge, il est l'auteur de la Divine Comédie, inspirée de à la fois de l’œuvre de Muhiédine
(1165-1240) Ibn Arabi et de l’épître «Risalat al-Ghufran», du poète arabe Abu
Al Alaa al Maari ((973-1057), aujourd’hui, considérée comme la plus grande œuvre écrite
dans cet idiome (l’italien) et l'un des chefs-d'œuvre de la littérature mondiale. D’où les quatre extraits en miroir
arabo-poétique des poètes suivants :
Cette dame jamais ne s’émeut plus que la pierre
Au peu de jour et au grand cercle d’ombre
je suis venu, hélas, et aux blanches collines,
quand la couleur se perd dans l’herbe ;
et pourtant mon désir n’est pas moins vert
mais il est agrippé à cette dure pierre
qui parle et sent comme fait dame.
je suis venu, hélas, et aux blanches collines,
quand la couleur se perd dans l’herbe ;
et pourtant mon désir n’est pas moins vert
mais il est agrippé à cette dure pierre
qui parle et sent comme fait dame.
Semblablement cette nouvelle dame
reste gelée comme neige dans l’ombre :
et jamais ne s’émeut plus que la pierre
au doux temps qui tiédit les collines
et les fait revenir du blanc au vert
en les couvrant de fleurs et d’herbe.
reste gelée comme neige dans l’ombre :
et jamais ne s’émeut plus que la pierre
au doux temps qui tiédit les collines
et les fait revenir du blanc au vert
en les couvrant de fleurs et d’herbe.
Quand elle a sur le front guirlande d’herbe
elle ôte de mon cœur toute autre dame :
car l’or bouclé s’y mêle au vert
si bien qu’Amour y vient pour être à l’ombre
elle ôte de mon cœur toute autre dame :
car l’or bouclé s’y mêle au vert
si bien qu’Amour y vient pour être à l’ombre
contre son feu ne peut me donner ombre
ni mur ni mont ni ce feuillage vert.
ni mur ni mont ni ce feuillage vert.
Je l’ai vue déjà vêtue de vert
si belle qu’elle aurait inspiré à la pierre
l’amour que j’ai même à son ombre ;
je l’ai désirée dans un joli pré d’herbe,
amoureuse comme jamais ne fut dame,
entouré de très hautes collines.
si belle qu’elle aurait inspiré à la pierre
l’amour que j’ai même à son ombre ;
je l’ai désirée dans un joli pré d’herbe,
amoureuse comme jamais ne fut dame,
entouré de très hautes collines.
In « DANTE ET LES RIMES »
Jacqueline Risset
MUHIÉDINE IBN ARABI
Muhiédine Ibn
Arabî, espagnol musulman, d'origine arabe, plus connu sous son seul nom de Ibn Arabi
est né, le 7 août 1165, à Murcie, en al-Andalûs (actuelle Espagne), et mort le 16 novembre 1240, à Damas (en Syrie). Également
nommé « Ach-Cheikh al-Akbar » (« le plus grand maître »),
ou encore « Ibn Aflatûn » (le fils de Platon), il est
théologien, juriste, poète, métaphysicien et maître
arabe-andalous du taçawuff islamique, auteur de 846 ouvrages.
Son œuvre domine la spiritualité islamique depuis le XIIIe siècle. Il peut être
considéré comme le pivot de la pensée métaphysique de l'Islam et le plus grand penseur de la doctrine ésotérique du
"wahdat al wujud"(l’Unicité de l’Être). Il eût quelques ennemis. Il est l’auteur
d’au moins deux recueils poétiques complets : Tarjumân al-Ashwâq (L’interprète
des désirs); l’autre, sans titre, fait de poèmes variés et traitant de nombreux
thèmes. Les Futuhât sont également parsemés de poésie. Dans l'ésotérisme
islamique, il a le "sceau de la Sainteté". Certains considèrent que
son œuvre aurait influencé Dante Alighieri (1265 - 1321).
Je
sacrifie mon âme aux belles distantes
Je sacrifie mon âme aux belles
arabes distantes !
Comme elles se jouent de moi qui embrasse
leurs demeures !
Si tu t'égares derrière elles,
L'effluve qu'elles exhalent
t'indique le chemin.
Et si la nuit sans lune descend sur
moi,
En évoquant leur souvenir, je
chemine dans l'éclat de la lune.
Et si nuitamment je poursuis leurs
montures,
La nuit devient pareille au soleil
du matin.
J'en courtisai une
A la beauté suprême.
Se dévoile-t-elle, ce qu'elle montre
est lumière
Comme un soleil sans mélange.
Soleil son visage, nuit sa
chevelure,
Merveille d'image du soleil et de la
nuit réunis !
Nous sommes dans la nuit en pleine
lumière du jour,
Et nous sommes à midi dans une nuit
de cheveux !
«L’Interprète des désirs, XX»,
Maurice Gloton
DANTE ALIGHIERI (2)
On va vers l’éternelle souffrance
Par moi on va vers la cité dolente ;
Par moi on va vers l'éternelle
souffrance ;
Par moi on va chez les âmes
errantes.
La Justice inspira mon noble
créateur.
Je suis l'œuvre de la Puissance
Divine,
de la Sagesse Suprême et de l'Amour.
Avant moi, rien ne fut créé
sinon d'éternel. Et moi, je dure
éternellement.
Vous qui entrez, abandonnez toute
espérance.
In «La Divine Comédie»
Dante
Trad. Jacqueline Risset
http://www.babelio.com, p.12
ABUL ALAA AL MAARI
Al Maari, ou Abul Alaa
Al-Maari (973-1057) est un grand poète syrien de langue arabe, connu pour sa virtuosité et pour
l'originalité et le pessimisme de sa vision du monde. En effet, ses poèmes
philosophiques sont construits sur la base d’une tristesse existentielle
profonde, faisant du pessimisme une ligne de conduite et le départ de toute
réflexion philosophique. Une maladie d'enfance le rendit aveugle. Il étudia
à Alep, Antioche, et à Tripoli (actuel Liban) et commença sa vie littéraire, grâce
à un petit revenu privé. Ses premières poésies furent réunies dans un recueil
intitulé Saqt az-zand ("L'étincelle d'amadou"). Al-Maari
écrivit un second recueil plus original, Luzum ma lam yalzam ("La
nécessité inutile"), ou Luzumiyat ("Les nécessités"). L'ouvrage
Al-Fusul wa al-ghayat ("Paragraphes et périodes"), une suite d'homélies en prose rimée.
Dans la vie le bien est un malheur
Je vois que, dans ma vie, le bien même est un
malheur, car je suis impuissant à le pratiquer.
Lorsqu'une fois, il y a bien longtemps, j'ai voulu le
rechercher, j'y ai renoncé, m'apercevant qu'il y
avait une digue entre moi et lui.
La bonne fortune accorde encore au besogneux
un délai pour l'échéance, lorsqu'il arrive au
terme fixé pour sa perte,
Tandis que moi, je ne suis pas à l'étroit sur
les degrés de la générosité…
«Extraits des poèmes et des
lettres »
Abu Al Alaa Al Maari
Trad. Georges Salmon
(2)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT AU PORTUGAL
Luis de Camoës
Abu Abdallah Ibn Battuta
LUIS DE CAMOËS
Luís Vaz de Camões,
le plus grand poète portugais du XVIe siècle serait né à Lisbonne en 1524 et y est
mort en 1580. C’est le fils de Simão Vaz de Camões, gentilhomme de la maison du roi,
d'une famille originaire de Galice, et d'Ana de Sá, née à Santarém. Il fait ses
études à l’université de Coïmbre. En 1547, il est soldat à la bataille des
Trois Rois, au Maroc, où il perd son œil droit. De retour à Lisbonne, en 1552,
il est incarcéré pour avoir blessé un homme du roi. Libéré le 13 mars 1553, il
s’embarque pour l’Orient. De 1556 à 1560, il réside à Macao (Chine), aux
Moluques et à Canton. Il fait naufrage au
Cambodge. Il va à Goa en 1561. En 1564, il reçoit la protection du vice-roi,
dom Antão de Noronha. En route pour Lisbonne, en 1567, il accoste au Mozambique,
et arrive démuni au Portugal, le 7 avril 1570. Inspiré par Ibn Battuta (1304 - 1377) et de Marco
Polo (1254-1324), il écrit Les
Lusiades, paru à Lisbonne, en 1572. Il
compose odes, canzones, etc., et des
pièces de théâtre. Ses derniers mots, dit Almeida Garrett, étaient : « Avec moi meurt le Portugal.». Voir les deux
extraits, en miroir arabo-poétique de l’Occident, de Camões et d’Ibn Battuta ci-dessous.
Voyage
en mer de Camoës
Passant la longue mer, qui tant de
fois
Menace me fut de la vie chère;
Maintenant expérimentant la rare
Furie de Mars qui sans attendre
Dans les yeux voulut que je visse
Et touchât son fruit acerbe,
Et dans ce mien écu
La peinture se verra de son infection.
Menace me fut de la vie chère;
Maintenant expérimentant la rare
Furie de Mars qui sans attendre
Dans les yeux voulut que je visse
Et touchât son fruit acerbe,
Et dans ce mien écu
La peinture se verra de son infection.
Tu vois, par le Cambodge, le fleuve
Mékong,
Celui-là recevra, placide et large,
Dans ses bras les Chants humides
Du triste et misérable naufrage,
Échappés des bas fonds tourmentés,
De la faim, des grands périls, quand
L'injuste commandement sera exécuté,
Sur celui dont la lyre sonore
Sera plus fameuse que fortunée.
Celui-là recevra, placide et large,
Dans ses bras les Chants humides
Du triste et misérable naufrage,
Échappés des bas fonds tourmentés,
De la faim, des grands périls, quand
L'injuste commandement sera exécuté,
Sur celui dont la lyre sonore
Sera plus fameuse que fortunée.
«Lusiades», Chant X, p. 128
Luís Vaz de Camõens
ABDULLAH IBN BATTUTA
Ibn Batuta (Ibn
Batuta), Abu Abdallah Muhammad Ibn Abdallah al-Lawati at-Tanji Ibn Battuta, né
le 24 février 1304, à Tanger, et
mort en 1377 à Marrakech, est un explorateur- voyageur sur près
de 120 000 km, de 1325 à 1349, de Tombouctou au sud, au territoire du Khanat bulgare
de la Volga au nord,
et de Tanger à l’ouest à Quanzhou en Extrême-Orient. Ses récits sont rendus par Ibn Juzayy dans Tuhfat
al-nuār fī rağāib l-amsār wa-ġarāib l-asfār (voyage). Ils sont plus précis
que ceux de Marco Polo, mais contiennent des passages sur des êtres
surnaturels. Il a profité de l’expansion de l'Islam, de l’arabe, du commerce caravanier,
et maritime musulmans. Il rencontre de nombreuses personnalités et devient
souvent leur conseiller lors de ses périples.
Voyage
en mer d’Ibn Battuta
Après être partis
de Zeïla’ [Maroc, 1333], nous voyageâmes sur mer pendant quinze jours, et
arrivâmes à Makdachaou [Mogadiscio], ville extrêmement vaste. Les habitants ont
un grand nombre de chameaux, et ils en égorgent plusieurs centaines chaque
jour. Ils ont aussi beaucoup de moutons, et sont de riches marchands. C’est à
Makdachaou que l’on fabrique les étoffes qui tirent leur nom de celui de cette
ville, et qui n’ont pas leurs pareilles. De Makdachaou, on les exporte en
Égypte et ailleurs. Parmi les coutumes des habitants de cette ville est la
suivante : lorsqu’un vaisseau arrive dans le port, il est abordé par des sonboûks,
c’est-à-dire de petits bateaux. Chaque sonboûk renferme plusieurs jeunes
habitants de Makdachaou, dont chacun apporte un plat couvert, contenant de la
nourriture (…).
Lorsque les jeunes
gens furent montés à bord du vaisseau où je me trouvais, un d’entre eux
s’approcha de moi. Mes compagnons lui dirent : «Cet individu n’est pas un
marchand, mais un jurisconsulte.» Alors le jeune homme appela ses compagnons et
leur dit : «Ce personnage est l’hôte du kâdhi.». (…) C’est la coutume,
quand arrive un vaisseau, que le sonboûk du sultan se rende à son bord,
pour demander d’où vient ce navire, quels sont son propriétaire et son roub-bân,
c’est-à-dire son pilote ou capitaine, quelle est sa cargaison et quels
marchands ou autres individus se trouvent à bord.
«Voyages», Extrait
Abdullah Ibn Battuta,
Trad. C. Defremery et
B.R. Sanguinetti,
(3)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT AU FRANCE
Abbas Ibn Al-Ahnaf
748 - 808
PIERRE DE RONSARD
Pierre de Ronsard (né en septembre 1524 , au Château de la
Poissonnière, près
du village de Couture-sur-Loir, en Vendômois et mort le 27 décembre 1585, au Prieuré de
Saint-Cosme, en Touraine), est un des poètes français les plus importants du XVIe siècle. « Prince des poètes et poète des princes », il est une figure majeure de
la littérature poétique française de la Renaissance. Auteur d’une œuvre vaste qui, durant
plus de trente ans, a touché embrassé tant la poésie engagée et « officielle » des guerres de
religions, avec Les Hymnes et les Discours (1555-1564), que l’épopée avec La Franciade (1572) ou la poésie lyrique avec Les
Odes (1550-1552)
et les Amours (Les Amours de
Cassandre (1552) ;
Les
Amours de Marie (1555) ;
Sonnets pour Hélène (1578). Les deux extraits suivants
de Ronsard et d’Ibn Al Ahnaf témoignent pleinement du miroir arabo-poétique de
l’Occident.
Si c’est aimer un bonheur qui me fuit
Si c’est aimer, Madame, et de jour et de nuit
Rêver, songer, penser le moyen de vous plaire,
Oublier toute chose, et ne vouloir rien faire
Qu’adorer et servir la beauté qui me nuit :
Si c’est aimer de suivre un bonheur qui me fuit,
De me perdre moi-même, et d’être solitaire,
Souffrir beaucoup de mal, beaucoup craindre,
Rêver, songer, penser le moyen de vous plaire,
Oublier toute chose, et ne vouloir rien faire
Qu’adorer et servir la beauté qui me nuit :
Si c’est aimer de suivre un bonheur qui me fuit,
De me perdre moi-même, et d’être solitaire,
Souffrir beaucoup de mal, beaucoup craindre,
et me taire
Pleurer, crier merci, et m’en voir éconduit :
Si c’est aimer de vivre en vous plus qu’en moi-même,
Cacher d’un front joyeux une langueur extrême,
Sentir au fond de l’âme un combat inégal,
Chaud, froid, comme la fièvre amoureuse me traite :
Honteux, parlant à vous, de confesser mon mal !
Si cela c’est aimer, furieux, je vous aime :
Je vous aime, et sais bien que mon mal est fatal :
Le cœur le dit assez, mais la langue est muette.
Pleurer, crier merci, et m’en voir éconduit :
Si c’est aimer de vivre en vous plus qu’en moi-même,
Cacher d’un front joyeux une langueur extrême,
Sentir au fond de l’âme un combat inégal,
Chaud, froid, comme la fièvre amoureuse me traite :
Honteux, parlant à vous, de confesser mon mal !
Si cela c’est aimer, furieux, je vous aime :
Je vous aime, et sais bien que mon mal est fatal :
Le cœur le dit assez, mais la langue est muette.
Madrigal in «Sonnets»
pour Hélène (1578)
ABBAS IBN AL AHNAF
Issu d'une famille arabe résidant à Khorassan, il fut le poète favori d'Haroun al-Rachid. À la différence de ses collègues, il a refusé d’être un amuseur ou un panégyriste. Il
était, selon Régis Blachère, plutôt le chantre de l'amour, de l'espérance. Néanmoins,
cette élégiaque demeure dans les limites de l'« esprit courtois »
dont il est, avec Bassār (Ibn
Burd : 714 -784), et bien plus
que Muslim (Ibn al Walid : 757-823), le
représentant idéal. Par des circuits que l'on devine, son œuvre semble avoir
exercé une indéniable influence sur les élégiaques arabes de Sicile et
d'Espagne. Par là, on peut poser qu'al-‘Abbās joua un rôle important dans le
développement des formes que revêtit l'«esprit courtois» en Occident.
Dans l’amour si je fuis, le blâme je mérite
« Si ce
nid de beauté pouvait frémir un peu
De cet amour
en moi pour les cœurs réunis !
Je ne
m’apaise guère à lui voir l’air heureux :
Les
reproches suivront, j’en suis bien averti.
C’est elle
la fautive, et moi qui pleure et crains
Un refus
demandant sa grâce à la coupable.
Aurais-je
quatre-vingt-dix cœurs, ils seraient pleins
Tous
d’elles, et à toute autre qu’elle inabordables.
Qui ne
connaît ce qu’est l’amour, qui, sinon elle ?
Qui est
pris, comme moi, dans les plis de l’amour ?
J’en suis
là : si je fuis, le blâme je mérite,
Et ne peux
que souffrir lorsque je vous approche.
Mais si vous
fuyez, vous, vous dites ne pas fuir.
Votre
amour ? Mais l’amour vous ne connaissez pas.
Vers mon
aimée, mes pas portent tout mon désir,
Et vers où
iraient-ils, si le cœur ne suit pas ? »
«Si ce nid de beauté»
Abbas Ibn al-Ahnaf
(4)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT EN ESPAGNE
Abu Al Alaa Al Maari
973 - 1057
MIGUEL DE CERVANTЀS
Miguel de Cervantes est un romancier,
poète et dramaturge espagnol, né en 1547 et mort à Madrid en 1616. D’une
famille modeste. Ses premiers poèmes datent des funérailles de la reine
Elisabeth de Valois. En 1569, il est au service de Giulio Acquaviva qui deviendra
cardinal et fuit à Rome, après un duel. Il voyage jusqu’en 1575, en Italie,
devient soldat à Monaco et perd l'usage de sa main gauche à la bataille de
Lépante en 1571. Sur sa route pour l’Espagne, sa galère est prise par des
pirates qui le font prisonnier, cinq ans,
à Alger. Racheté, il rentre à Séville, puis à Valladolid. En 1605, il publie Don
Quichotte (1). A Madrid, il est élu à l’Académie littéraire. En 1613, il
publie les Nouvelles exemplaires, Voyage du Parnasse, Huit
comédies et huit intermèdes. En 1614, paraît Don Quichotte (2). Il a beaucoup
influé la littérature espagnole par son roman polyphonique, tiré de ses
aventures. Or, la moralité en miroir arabo-poétique de l’Occident de ces
extraits de Cervantès et d’Al Maari corrobore parfaitement leur parenté.
Je
serai ce que je suis si à bien faire m’achemine
En ces amoureuses conquêtes
où l’amour fougueux je contiens,
pour meilleure chance je tiens
bien plus que belle d’être honnête.
où l’amour fougueux je contiens,
pour meilleure chance je tiens
bien plus que belle d’être honnête.
La plante de plus humble sève
qui, croissant, s’impose droiture,
soit par grâce soi par nature,
jusques au firmament s’élève.
qui, croissant, s’impose droiture,
soit par grâce soi par nature,
jusques au firmament s’élève.
Il est fort humble mon métal
mais puisqu’honnête l’émaille
il n’est bon désir que me faille,
richesse en trop qui ne soit mal.
mais puisqu’honnête l’émaille
il n’est bon désir que me faille,
richesse en trop qui ne soit mal.
Il ne me cause peine aucune
de n’être aimé ni estimé
car je compte bien édifier
ma chance et ma bonne fortune.
de n’être aimé ni estimé
car je compte bien édifier
ma chance et ma bonne fortune.
Ce que je suis je le serai
si à bien faire m’achemine,
et puis que le Ciel détermine
ce qu’il fera de moi après.
si à bien faire m’achemine,
et puis que le Ciel détermine
ce qu’il fera de moi après.
«La gitanilla» (La
Petite Gitane)
Miguel de Cervantès
Trad. Claude Allegre
Trad. Claude Allegre
ABU AL ALAA AL MAARI
Abu Al Alaa Al Maari (973-1057) est un poète et philosophe syrien de langue
arabe. Une maladie d'enfance le laissa aveugle. Il étudia à Alep, Antioche, et
à Tripoli sur la côte du Liban l'actuel et commença sa carrière littéraire,
soutenu par un petit rente privée. Ses premières poésies furent rassemblées
dans le recueil Saqt az-zand ("L'étincelle d'amadou"), d’une
grande popularité. A cause de la maladie de sa mère, il revint en Syrie, en
1010 et dut quitter Bagdad et ses salons littéraires prestigieux. En refusant
de vendre ses panégyriques, il ne put point de mécène. Il renonça à la richesse
et se retira dans une habitation isolée, pour vivre dans des conditions
modestes. Localement, il jouit de respect et d'autorité, et eut de nombreux
étudiants auprès de lui. Il écrivit un second recueil de poésies plus original,
Luzum ma lam yalzam ("La nécessité inutile"), ou Luzumiyat
("Les nécessités"), se rapportant à la complexité de l’arrangement
des rimes. L'humanisme sceptique de sa poésie est aussi apparent dans la
Risalat al-ghufran, dans laquelle le poète visite le paradis et rencontre des
poètes païens qui ont trouvé le pardon, etc. Ce même ton marque en miroir
arabo-poétique de l’Occident l’extrait de Cervantès, ci-dessus.
Sois homme de bien, en intention et en action
Sois homme de bien, en intention et en action,
quand bien même les créatures ne te rendraient pas
la pareille.
Du jour où tu as imploré leur générosité, tu es devenu
leur adversaire.
Voudrais-tu même être honoré par eux, qu'ils te
mépriseraient!
Combien de gens t'ont prêté secours, à qui tu
n'avais rien demandé?
Et combien t'ont refusé l'assistance que tu leur
demandais ?
Vis donc pour toi-même, car les amis, pour la
plupart, s'ils ne te noircissent pas un jour ou
l'autre,
ils ne t'embelliront certainement pas !
«Des poèmes et des lettres»
Abu Al Alaa Al Maari
Trad. Georges Salmon
(5)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT EN ANGLETERRE
Abu Al Walid Ahmad
Ibn Zaïdun
WLLIAM SHAKESPEARE
William Shakespeare, né vers le 23 avril 1564 à Stratford-upon-Avon et mort, le 23 avril
1616, est considéré l'un des plus grands poètes, dramaturges et écrivains anglais. Le 28 novembre 1582, à 18 ans, il épouse Anne Hathaway, fille d'un fermier de Shottery, de huit ans son
aînée, à Temple Grafton près de Stratford. Le 2 février 1585, deux ans après le baptême de Susanna, il assiste à celui des jumeaux, Hamnet et
Judith, avec les prénoms de Hamnet Sadler, jeune boulanger de Stratford, et de
sa femme. Il joue tant dans ses propres œuvres – comme le spectre du père de Hamlet, etc. -, mais aussi
dans celles de Ben Jonson :
en 1598, dans Chaque homme dans
son caractère (Every Man In His Humour), etc. Leur compagnie devient très
populaire. Vers 1611, il décide de prendre sa
retraite. il mourut le 23 avril 1616, à l’âge de 52 ans. Il a publié (Othello, the Moor
of Venice) en 1604 Roméo et Juliette (Romeo and Juliet) en 1623, Othello ou le Maure
de Venise, Poésies en
1599, etc. Les deux extraits en miroir arabo-poétique d’l’Occident
suivants de Shakespeare et d’Ibn Zaïdun
attestent ici de leur similarité.
Que je sois pris et
mis à mort,
J’en serais heureux
Juliette. - Tu veux y aller? Ce n'est pas encore le
jour.
C'était le rossignol, et non pas l'alouette,
qui a percé le fond de ton oreille inquiète.
Crois-moi, mon bien-aimé, c'était le rossignol.
Roméo. - C'était l'alouette, la messagère de l'aube,
pas le
rossignol. Regarde à l'est, mon amour,
Les lampes de la nuit sont éteintes, et le jour enjoué
fait des pointes au sommet des montagnes embrumées.
Juliette. - Cette lumière n'est pas la lumière du
jour, je le sais bien, moi.
C'est une sorte de météore que le soleil a formé
Pour t'éclairer sur la route de Mantoue.
Donc reste encore, tu n'es pas obligé de partir
Roméo. - Que je sois pris et mis à mort,
J’en serais heureux, puisque tu l'aurais voulu.
Je suis plus enclin à rester que pressé de partir.
Viens donc, mort, sois la bienvenue. C'est Juliette
qui le veut.
Et alors devisons, si tu dis qu'il ne fait pas jour.
Ça va ?
Juliette. - Il fait jour, il fait jour, sauve-toi,
pars d'ici, va-t-en!
Il y a de plus en plus de lumière.
Roméo. - De plus en plus de lumière : de plus en plus
noire notre misère.
«Roméo et Juliette»
William Shakespeare
ABU AL WALID AHMAD IBN ZAIDUN
Abu al-Walid Ahmad Ibn Zeydoun al-Makhzumi
(Cordoue 1003 - Séville 14 avril 1071) connu sous le nom de d’Ibn Zeydoun un
célèbre poète andalou, dont sa poésie est dominée par sa relation avec la
poétesse Wallada bint al-Mustakfi, la
fille du dernier calife omeyyade de Cordoue Muhammed III. Il a perdu
son père à l’âge de 11 ans, et c’est son grand-père qui s’est occupé de son
éducation. Pendant sa scolarité, il s’est lié d’amitié avec Ibn Jawhar, le futur émir de la
Taïfa de Cordoue. Il fut un temps emprisonné à cause de son activité politique,
puis libéré et nommé vizir par ce dernier, à la chute de la dynastie omeyyade.
Une brouille avec lui l’oblige à se réfugier et devenir conseiller d’Al Mutadid
Ibn Abbad, puis de son fils Al Mutamid à Séville, en l’aidant à la prise de
Cordoue et en matant une rébellion à Séville. Sa poésie est surtout dominée par
sa relation amoureuse avec la poétesse Wallada bint al-Mustakfi.
Si le trépas m’avait surpris, ce jour
eût été le plus heureux
Un
jour, un de ces jours de bonheur qui nous ont été supprimés, nous y passâmes la
nuit en secret tandis que la mauvaise fortune dormait.
Nous
divertissant avec les fleurs qui attiraient par leur beauté le regard.
La
rosée les chargeait au point de faire incliner leur tige.
Une rose
dépassant son berceau a brillé, la lumière de l’aurore a paru en être plus
illuminé,
Avec
elle dans nuit, le nénuphar odorant qui dort et dont le matin rouvre les yeux,
a lutté de parfum
Tout
excite en moi le souvenir de notre amour qui vers toi m’attire. dont
mon
cœur ne peut être détourné même s’il a souffert
Si
le trépas m’avait surpris le jour de notre réunion, ce jour, certes, eût été
le
plus heureux des jours par cela même,
Dieu
aurait accordé la quiétude à un cœur qui gémit à ce souvenir et qui ne
se
serait envolé, palpitant, avec les ailes de l’amour.
In
«La poésie galante en Andalousie
L’exemple d’Ibn Zaïdun (XI siècle)»
Par Fatima Al Jaï
(6)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT EN HOLLANDE
Umar Ibn Al Faridh
1181-1234
G. A. BREDERO
Le poète hollandais, Gerbrand Adriaensz, G. A. Bredero, ou Bredero (1585-1618) est le fils d’un
cordonnier d’Amsterdam. Réputé, comme dramaturge, il a étudié le français et parlait
anglais et latin. Il a étudié chez le peintre François Badens d'Anvers, à
Amsterdam. Cette profession était appréciée à l'époque, contrairement à poésie.
En 1611, il est reconnu comme un important dramaturge. Sa poésie érotique est à
l’image de celle de ses contemporains, par son naturel et sa sincérité. Ses paroles
religieuses émanent d'un sentiment de remords. L’extrait que voici provient de son
recueil (Groot Lied-Boeck). Il illustre avec
celui d’Umar Ibn Al Farid (1181-1234), un miroir arabo-poétique de l’Occident,
dédiés à l’amour divin.
Mon Dieu, l’amour du
monde n’est que
tromperie et feinte
Orsus Adieu Amour, adieu
Espoir & Crainte,
Vous troubleras non plus
mon Ame ni mon Cœur.
Alors, je prie toy mon
Dieu & mon Sauveur !
Allumez mon Esprit
d’Amour devot & Saincte :
L’Amour du Monde n’est
que tromperie & fainte
Leger & inconstant,
vollant, & sans valeur,
Sans rayson, sans
Conseil, accompagnie de peur,
En amitie faus,
contrefaict par contrainte.
Mays l’Amour de vertu est
seulement fondée
A l’unique de la Divine
Unitée,
Qui gouverne le Ciel, qui
gouverne la Terre !
O Pere eternel scrivez
avecq tes doicts
Au millieu de mon Cœur,
tes belles bonnes Loys,
Que je t'en puis servir
d’un amour volontaire.
«Orsus Adieu l’amour :
Sonnet»
Umar Ibn Faridh
Omar Ibn Al Faridh, poète arabe égyptien
(1181-1234). C'est un des plus grands poètes mystiques du soufisme, au XIIe siècle. Sa tombe est, l'une des 7
places où l'on récite le Coran, pendant le Ramadan. Il use
dans sa poésie de l’allégorie de
l’ivresse, symbolisme bachique de la mystique
arabo-musulmane. Il en dit : «Il n'a pas vécu ici-bas celui qui a vécu sans
ivresse, n'a pas de raison qui n'est pas mort de son ivresse.» Il est l’un des
plus grands poètes arabes, tel Jalal Eddine Rumi (1207-1273) en persan. En témoignent le Cantique des
Cantiques, la Nuit obscure et les Cantiques spirituels de Jean
de la Croix (1542-1591), sur l'amour divin, sous des figures profanes.
Tout ce qu’on peut désirer
au-delà de Toi
est inutile et superflu
«O toi qui viens au
secours des mortels lorsqu'ils sont en proie au désespoir, aie pitié de tes
créatures qui tendent les mains de la pauvreté.
Mais en songeant à ta
grandeur et à ta majesté suprême, ils se trouvent placés dans un ordre élevé,
sublime et au dessus duquel il n'y a rien
Ah ! Celui qui demeure
constamment uni à l'objet de son amour, que lui importe que la tribu se fixe
dans un lieu, ou qu'elle se transporte dans un autre!
Nous sommes les esclaves,
et toi le monarque absolu : il suffit. Tout ce qu'on peut désirer au-delà, est
inutile et superflu.
In «Anthologie»
Umar Ibn Al Farid
(7)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT EN POLOGNE
Al Mutamid Ibn Abbad
1040-1095
ADAM MICKIEWICZ
Adam Mickiewicz (1798-1855), fut considéré comme
le plus grand poète polonais. Exilé en France, son génie littéraire fut largement
reconnu par les romantiques français de son époque qui n’eut d’égal que son activisme patriotique. Ne
reculant devant rien, souhaitant participer, autant par ses actes, par ses
voyages que par ses écrits, à la lutte pour la résurrection de la Pologne, il créa
une légion polonaise, en Italie, et mourut à Istanbul où, désireux d’agir
encore pour les troupes polonaises, il fut emporté par la maladie. Parmi ses œuvres,
deux sont plus célèbres : « Dziady », les Aïeux, (1823-1832) et « Pan Tadeusz », Monsieur Thadée
(1834). Cependant, ses nombreux sonnets, s’inspirent de la nature, du patriotisme,
de l’amour, etc. De cette veine érotique, voici deux extraits en miroir
arabo-poétiques de l’Occident, de Mickiewicz et d’Al Mutamid (1040-1095), plaidant
en faveur de cette évidence.
Quand je
ne te vois pas, ton image est
tout
près de ma mémoire
Quand je ne te vois pas, je ne soupire
pas, je ne pleure pas.
Je ne perds pas mes esprits quand je t’aperçois ;
Pourtant, quand je ne t’ai pas regardée depuis un moment,
Quelque chose me manque, quelqu’un m’est nécessaire ;
Et me languissant, je me pose la question :
Est-ce de l’affection ? Est-ce de l’amour ?
Je ne perds pas mes esprits quand je t’aperçois ;
Pourtant, quand je ne t’ai pas regardée depuis un moment,
Quelque chose me manque, quelqu’un m’est nécessaire ;
Et me languissant, je me pose la question :
Est-ce de l’affection ? Est-ce de l’amour ?
Quand tu disparais de ma vue, je ne peux
pas
Dans mon esprit faire surgir ton image.
Pourtant, je ressens plus d’une fois malgré moi,
Qu’elle est tout près de ma mémoire.
Et à nouveau je me répète la question :
Est-ce de l’amitié ? Est-ce de l’amour ?
Dans mon esprit faire surgir ton image.
Pourtant, je ressens plus d’une fois malgré moi,
Qu’elle est tout près de ma mémoire.
Et à nouveau je me répète la question :
Est-ce de l’amitié ? Est-ce de l’amour ?
Quand tu poses ta main sur ma main,
Quelque part une paix m’envahit.
Il se peut que par un rêve léger je finisse ma vie,
Ou me ramènent à la vie les battements de mon cœur,
Qui me posent bien fort cette question :
Est-ce de l’amitié ? Est-ce aussi de l’amour ?
Quelque part une paix m’envahit.
Il se peut que par un rêve léger je finisse ma vie,
Ou me ramènent à la vie les battements de mon cœur,
Qui me posent bien fort cette question :
Est-ce de l’amitié ? Est-ce aussi de l’amour ?
«Incertitude»
Adam Mickiewicz
Trad. Jacek K.
Al Mutamid Ibn Abad
Abad III, ou Abû al-Qasim Muhammad “Al Mutamid” Ibn
Abbad), né en 1040 à Beja (Portugal); et mort en 1095, à Aghmat au Maroc, est le fils et successeur de Abbad II, al-Mutadid. Beau-père de Zaida de Séville, princesse musulmane
qui, après son veuvage et l'attaque des Almoravides, s'enfuit en Castille, se convertit au christianisme, sous le nom d'Isabelle ou Élisabeth
et devient l'épouse d'Alphonse VI de
Castille. Son attitude irrésolue en 1089-1090, entraîna la
conquête de son royaume par les Almoravides, qui le destituèrent en 1091, puis
l'exilèrent à Aghmat, au Maroc, où il mourut. Muhammad Ibn Abbad Al Mutamid est
surtout connu comme poète. Dans ses poésies poèmes d’exil, il rappelle sa
grandeur passée, et se donne comme exemple de l'instabilité de la fortune et de
son amour pour sa femme Itimad Rumaïka et des siens.
Absente, tu es
présente au
fond de mon coeur
Absente, tu échappes à mon regard,
Absente, tu échappes à mon regard,
mais tu es présente
au fond de mon coeur.
Que la paix soit avec toi, une paix qui soit
Que la paix soit avec toi, une paix qui soit
à la mesure des
chagrins, des larmes
abondantes et des
insomnies.
Tu t'es rendue maîtresse de la fougue
Tu t'es rendue maîtresse de la fougue
de mon désir et tu
t'es trouvée en présence
de ma passion, une
passion docile.
Mon souhait est d'être en ta compagnie à
Mon souhait est d'être en ta compagnie à
tous moments, ah! mon
Dieu,
qu'il me soit permis
de réaliser ce vœux.
Soit fidèle à notre alliance et ne change pas
Soit fidèle à notre alliance et ne change pas
à cause d'un trop
long écart.
Ton doux nom, je l'ai introduit au sein
Ton doux nom, je l'ai introduit au sein
de ma poésie, en
traçant les lettres
qui le
composent : Itimad.
In «Anthologie»
Trad.
Hamdane Hadjaji
et
André Miquel,
(8)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT EN RUSSIE
Ibrahim Ibn Khafaja
1058-1137
ALEXANDRE S. POUCHKINE
Alexandre Sergueïevitch Pouchkine est un poète, dramaturge et romancier russe né à Moscou le 6 juin (26 mai) 1799 et mort à Saint-Pétersbourg le 10 février (29 janvier) 1837. Par sa
mère, Nadiejda Ossipovna Hanibal (ru) (1775—1836), une des
beautés de Saint-Pétersbourg, il descendait d'une des plus brillantes
familles de la noblesse de service instituée par l'empereur Pierre Ier, remontant à Abraham Pétrovitch Hanibal, esclave africain3 affranchi et anobli par Pierre le Grand, dont il fut le filleul et l'ami
fidèle ; Abraham Pétrovitch mena une remarquable carrière d'ingénieur
militaire qu'il termina comme général. Il adhère en 1819 à la société « La
lampe verte ». Il écrit un roman en vers, Eugène Onéguine (1823-1831), Poésies. Il écrit sa grande tragédie Boris Godounov
(1824-1825), et compose des « contes en vers ». Il compose aussi le
célèbre poème du Cavalier de bronze (1833). Il était considéré au moment à sa mort comme
le plus grand écrivain russe. Par sa poésie galante, il prolonge en miroir
arabo-poétique de l’Occident, la veine déjà initiée par Ibn Khafaja
(1058-1137).
A mon âge !
Mais il est triste de se dire
Qu'on a gaspillé sa jeunesse,
Qu'on l'a trahie à chaque instant
Et qu'elle nous l'a bien rendu,
Que les meilleurs de nos désirs,
Que les plus pures rêveries
Sont allés à la pourriture
Comme les feuilles de l'automne.
Qu'on a gaspillé sa jeunesse,
Qu'on l'a trahie à chaque instant
Et qu'elle nous l'a bien rendu,
Que les meilleurs de nos désirs,
Que les plus pures rêveries
Sont allés à la pourriture
Comme les feuilles de l'automne.
Je vous aime, quoique j'enrage,
Que ce soit ridicule et vain.
En outre il faut qu'à vos genoux
J'avoue ma sottise et ma honte.
Avec ma figure ! A mon âge !
Que ce soit ridicule et vain.
En outre il faut qu'à vos genoux
J'avoue ma sottise et ma honte.
Avec ma figure ! A mon âge !
Trad. Katia Granoff
IBRAHIM IBN KHAFAJA
Ibn Khafadja, Ibrahim Ibn Abi l-Fath (Alzira, Al-Andalus) (1058-1137), est un poète andalou qui a célébré dans ses poèmes la nature andalouse. Il
a vécu entre l'époque des taïfas et celles des Almoravides. Son tempérament libre et orgueilleux l'a poussé à ne
solliciter la protection d'aucun souverain de son époque. Il était considéré
comme le poète d'Al-Andalus par excellence, selon Al Maqqari dans son livre "Nafh Ettaïbe". Il s'est distingué dans sa prose et ses
poèmes par la description des paysages, des fleuves, des jardins et riads de sa région
natale Alzira, qu'il considérait comme la fleur d'Al-Andalus (l’Andalousie). La
nature et l’amour galant étaient chez lui des thèmes de prédilection et
d’échange de sentiments raffinés.
Elle excusa ma vieillesse
Une (fleur) m’a fait bon accueil, merveilleuse,
Simplette : j’ai alors souhaité que la clarté
(du jour) devienne obscurité (de la nuit).
Elle m’est apparue, me ravissant vieillard
comme jadis elle m’a ravi jouvenceau.
regard qui, a bien réfléchi, est (une sorte
de) langage.
Grisé de joie, je l’ai alors vénérée, elle
excusa ma vieillesse et accabla le destin
de reproches.
Elle exhala son parfum, ce fut un printemps
lointain qui s’attendrit généreusement et
me l’offrit en guise de salut.
Par Fatima Al Jaï
(9)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT EN FRANCE
Al Mutamid Ibn Abbad
1058-1137
VICTOR HUGO
Victor Hugo,
né le 26 février 1802, à Besançon et mort, le 22 mai 1885, à Paris, est un poète, dramaturge et prosateur romantique et l’un écrivains les plus importants français et une personnalité politique et intellectuelle engagée, dans l’histoire du XIXe siècle. Il occupe une place marquante dans l’histoire de la
littérature française de son siècle, dans les genres et les domaines les plus variés.
Il est poète lyrique avec des recueils tels que Odes et Ballades (1826), Les Feuilles
d'automne (1831) ou Les Contemplations (1856), mais il est aussi poète engagé contre Napoléon III, dans Les Châtiments (1853) ou encore poète épique avec La Légende
des siècles (1859 et
1877). L’extrait d’Hugo illustre justement le miroir arabo-poétique de
l’Occident du ‘palais de l’Alhambra à Grenade’, avec celui d’Al Mutamid sur le ‘palais
d’Al Sahib à Séville’ que voici.
L'Alhambra ! Palais que les
génies ont doré
L'Alhambra ! l'Alhambra ! Palais que
les génies
Ont doré comme un rêve et rempli d'harmonies.
Forteresse aux créneaux festonnés et croulants
Où l'on entend la nuit de magiques syllabes,
Quand la lune, à travers les mille arceaux arabes,
Sème les murs de trèfles blancs.
Grenade efface en tout ses rivales : Grenade
Chante plus mollement la molle sérénade ;
Elle peint ses maisons de plus riches couleurs
Et l’on dit que les vents suspendent leurs haleines
Quand par un soir d’été Grenade dans ses plaines
Répand ses femmes et ses fleurs
«Les Orientales»,
«Alhambra ! »,
MUTAMID IBN ABBAD
Abbad III ou
Abû al-Qâsim Muhammad Al-Mutamid Ibn Abbad
(Muhammad al-Muhtamid Ibn Abbad), ou Al Mutamid ; né en 1040 à Beja (Portugal); m. 1095 à Aghmat au Maroc, (1040-1095), est le
fils et successeur de Abbad II al-Mutadid. Beau-père de Zaida de Séville, princesse musulmane qui, après son
veuvage et l'attaque des Almoravides, s'enfuit en Castille, se christianisa sous le nom d'Isabelle ou Élisabeth et devient
l'épouse du roi d'Alphonse VI de Castille. Le poème est composé à l’occasion
de l’envoi de son ami le poète Ibn Ammar (1031-1086) gouverneur de Silves.
Le palais d‘Al Sahib à Séville
Salue le palais d’Al Sahib et demande
s’il est toujours aussi beau.
C’était la demeure des lions et des
blanches beautés. Admirable repaire!
Admirable demeure pour les femmes.
Que de fois des jeunes filles blanches
et brunes ont fait à mon coeur
ce que font les blanches épées et
les lances brunes.
Que de nuits ai-je passé au barrage
de la rivière avec une femme
dont le bracelet semblait la
Courbure de la pleine lune !
Puis quand sur sa guitare elle jouait
un air guerrier, je croyais entendre
le cliquetis des épées et me sentais
saisi d’une ardeur martiale.
«Le palais d‘Al Sahib
à Séville»
Al Mutamid
Trad. Pierre Guichard
(10)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT AU DANEMARK
Ahmad Ibn Zaïdun
1003-1071
HANS CHRISTIAN ANDERSEN
Hans
Christian Andersen, (2 avril 1805 à Odense, Danemark - 4 août 1875 à Rolighed,
Frederiksberg, Copenhague) est un romancier, dramaturge, conteur et poète danois, célèbre pour ses nouvelles et ses « contes de fées ». Longtemps ignoré ou tourné en dérision dans
son pays, où l'on a raillé son égocentrisme. Il n'est reconnu tout d'abord qu'à
l'étranger : en Angleterre où il rencontre Charles Dickens et où il devient le lion de la
saison, en Allemagne où il se lie avec Chamisso, en France où il se
lie avec Heinrich Heine, Honoré de Balzac et Alphonse de Lamartine chez Virginie Ancelot. Sa poésie érotique rejoint curieusement le filon d’Ibn
Zaïdun () et le miroir arabo-poétique de l’Occident tel que le reflètent leurs
deux extraits poétiques respectifs suivants.
Viens la lune luit claire la
nuit !
Ma douce fiancée, ma jeune femme,
Mon amour, ma vie !
Viens la lune luit grande et claire.
La nuit est un calme,
un charme, une telle solitude, une telle solitude.
Ma douce fiancée, allons tous deux !
Allons dans le bois de hêtres
là où croissent les petits muguets.
Dans cette nuit claire et silencieuse,
près de toi, trésor, de mon univers,
je suis si heureux, dans une telle béatitude.
Exhale ton odeur, fraîche feuille de hêtre !
Ma douce fiancée, ma jeune femme,
Mon amour, ma vie !
«Les poètes lyriques
scandinaves
au temps du
romantisme»
H. Corbes
IBN ZAÏDUN
Abu al-Walid Ahmad Ibn Zaïdun al Makhzumi (Cordoue
1003 - Séville 14 avril 1071) connu sous le nom de d’Ibn Zaïdun, un célèbre
poète andalou, dont sa poésie est dominée par sa relation avec la poétesse et princesse
Wallada bint al-Mustakfi, la fille du dernier calife
omeyyade de Cordoue Muhammed III. Il joua un rôle politique dans la
conquête d’Al Mutamid de Cordoue, la capitale califale,
en 1070. Il mata l’année suivante avec une armée la rébellion à Séville, lors
de la présence d’Al-Mutamid à Cordoue. La poésie érotique est la
marque de sa vie mondaine.
Attends ma visite à l’heure où la
nuit
devient obscure
Attends ma visite à l’heure où
la nuit devient obscure,
Car la nuit est le meilleur moyen
de garder le secret.
Ce que je ressens pour toi,
si la lune l’éprouvait, elle ne se
montrerait pas,
Si la nuit l’éprouvait, elle ne
ferait pas tomber ses ténèbres,
Et si l’étoile l’éprouvait, elle ne
marcherait plus la nuit.
Si le bonheur de te voir m’a
échappé, certes,
Je me contenterai d’entendre
de tes nouvelles.
Et si une distraction inopinée
survient au gardien
Je me contenterai d’un bref salut.
J’appréhende que les détracteurs
ne nous soupçonnent
Or il est accordé des délais à
l’amour par la circonspection.
Je patienterai donc, croyant
fermement que
Celui qui se montre patient sera
favorisé de la satisfaction de son désir.
In «La vie littéraire dans l’Espagne
musulmane sous les Mulūk al-Tawaïf»
Afif Ben Abdesselem
(11)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT EN IRLANDE
Abdullah Ibn Al Mu’tazz
961-908
THOMAS MOORE
Poète
irlandais, né le 28 mai 1779, à Dublin et mort le 25 février 1852, à
Sloperton, du Comté du Wiltshire (Angleterre). Fils d'un négociant en vins
catholique, Thomas Moore est diplômé du Trinity College de Dublin, en 1799. Il étudie
le droit à Londres et devient l’ami proche de Lord Byron et de Percy Bysshe
Shelley. Sa principale œuvre poétique, Irish Melodies (1807-1834, Mélodies
irlandaises), lui assure un revenu de 500 livres par an pour un quart
de siècle. On y trouve des poèmes tels que : The Last Rose of Summer
(La Dernière Rose de l'été) et The Origin of the Harp (L'Origine
de la harpe). Ces Mélodies de 130 poèmes sont mis en musique
par Thomas Moore et sir John Stevenson et a eu la sympathie des nationalistes
irlandais qui gagnent ainsi des soutiens et considèrent Moore comme un héros. Grâce
à Lalla Rookh : an Oriental Romance (1817, Lalla Roukh,
ou la Princesse mogole), imprégnée de splendeur orientale. Sur un thème
érotique floral, les extraits de Moore et d’Ibn Al Mu’tazz suivants cristallisent
ici sensiblement le miroir arabo-poétique de l’Occident.
La dernière rose de l’été
C’est la dernière rose de l’été
Abandonnée en fleur;
Toutes ces belles compagnes,
Sans retour sont fanées;
Plus de fleur de sa parenté
Plus de boutons de rose à l’article
Abandonnée en fleur;
Toutes ces belles compagnes,
Sans retour sont fanées;
Plus de fleur de sa parenté
Plus de boutons de rose à l’article
de la mort
Pour réfléchir ses rougeurs,
Et rendre soupir pour soupir.
Pour réfléchir ses rougeurs,
Et rendre soupir pour soupir.
Je te laisserai point chère
solitaire,
Languir sur ta tige ;
Puisque sommeillent tes sœurs
Va donc les rejoindre.
Et par sympathie, je répandrai
Tes feuilles sur le sol
Où tes compagnes de jardin
Gisent mortes et sans parfum.
Languir sur ta tige ;
Puisque sommeillent tes sœurs
Va donc les rejoindre.
Et par sympathie, je répandrai
Tes feuilles sur le sol
Où tes compagnes de jardin
Gisent mortes et sans parfum.
Puissé-je te suivre bientôt
Lorsque l’amitié s’émoussera
Et que du cercle magique de l’amour
Les gemmes se détacheront ;
Quand les cœurs fidèles ne palpiteront plus
Et que les êtres aimés auront disparu,
Oh ! qui donc voudrait habiter seul
En ce monde désert !
Lorsque l’amitié s’émoussera
Et que du cercle magique de l’amour
Les gemmes se détacheront ;
Quand les cœurs fidèles ne palpiteront plus
Et que les êtres aimés auront disparu,
Oh ! qui donc voudrait habiter seul
En ce monde désert !
« Mélodies irlandaises»,
Thomas Moore
Trad. Karl Petit
ABDULLAH IBN AL MU’TTAZZ
Abdullah
ibn al-Mu'tazz (1er novembre 861 à Samarra - 17 décembre 908 à Bagdad), connu également sous le nom de Abu-l-Abbas Abd
Allah ibn al Mútazz-lah, est un prince arabe mais est surtout un critique
littéraire et poète arabe de premier plan, auteur du Kitab al-Badi, une
des premières études de la poésie en théorie de la
littérature et de la critique littéraire. Réticent, on le persuade d’accéder au trône de
calife abbasside, après la mort de son cousin Al Muktafi
en 908, pour mettre fin aux intrigues
qui empoisonnaient la dynastie. Mais, il ne réussit à gouverner qu'un seul jour
et une nuit. D’où son « calife d'un jour ». Et ce avant qu'il
ne soit forcé de se cacher pour éviter un complot du vizir Ibn Al Hasan Al Abbas. Il est
néanmoins retrouvé étranglé. La similarité en miroir du motif érotique floral avec
l’extrait de Th. Moore se passe de tout commentaire.
Roses de tes joues et
narcisses du regard
Joins donc l'une et l'autre
de tes joues
à la mienne,
tu verras alors, ô surprise,
ton esprit
ébloui,
car les prés verdoyants
de tes joues
prendront sur les miennes
la rosée des larmes...
Roses de tes joues
et narcisses du regard,
deux lèvres
qui se joignent dans les solitudes.
Boisson que je boirai,
tout en sachant bien,
par sa vie,
qu'elle est au-dessus
des plaisirs.
«Roses de tes joues»
A. Ibn Al Mu’tazz
in « La poésie perse »
(12)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT EN NORVЀGE
Bjørnstjerne Bjørnson
Abu Tammam
804-845
BJØRNSTJERNE BJØRNSON
Bjørnstjerne Martinus Bjørnson, né le 8
décembre 1832 à Kvikne, au comté (fylke) du Hedmark et mort le 26
avril 1910, à Paris, est un romancier, poète et dramaturge norvégien. Il a été présenté
comme l'un des cinq plus grands écrivains de l'histoire de la littérature norvégienne
avec Henrik Ibsen, Knut Hamsun, Jonas Lie et Alexander Kielland par la maison d'éditions Gyldendal (Norvège). Il a écrit les paroles de l'hymne national de Norvège. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1903. La fidélité amoureuse fait des deux extraits de Bjørnson (1832 - 1910) et d’Abu Tammam (804-845) un incontestable miroir arabo-poétique de
l’Occident.
La douceur de la première rencontre
La douceur de la première rencontre,
C’est comme un chant dans les bois.
C’est un comme un chant sur les flots,
Dans le dernier rougeoiement du soleil.
C’est comme un cor qui résonne dans les
rochers.
Ce sont les secondes chantantes
Où nous sommes unis miraculeusement à la
nature.
«Les poètes lyriques scandinaves
au temps du romantisme»,
H. Corbes
ABU TAMMAM
Abu Tammam Habib Ibn Aws est un poète et anthologue arabe. D'après son fils, il serait né en 804, dans la ville de
Jasim, entre Damas et mort, vers 846. Son père, chrétien,
nommé Thadûs était marchand de vin, à Damas. Le fils change de nom en
Aws et se donne une généalogie de la tribu arabe de Tayyi’. Jeune, il est
apprenti tisserand, à Damas, puis part en Égypte où il vit en vendant de l'eau, devant la grande
mosquée, et en étudiant la poésie et ses
règles. Il connaît la célébrité, sous le règne du calife Al Mutasim. En 838, il se
présente devant le calife, revenu victorieux d'Amorium. Il est alors le plus grand panégyriste de son temps. De retour d’un
voyage à Nichapur, il est bloqué par la neige, à Hamadan. Il met à profit son séjour dans la ville pour
composer sa célèbre anthologie poétique, la Hamasa. En 844, deux ans
avant sa mort, Hasan ibn Wahb lui
obtient une charge de maître des postes à Mossoul. Le chant de la vie érotique et de la nature était aussi une des cordes
de son talent poétique.
Le véritable amour est toujours le premier
Mon malheur n'est pas de disparaître
mais celui de n'avoir rien fait.
Déménage d'un lieu vers un autre
ton pauvre cœur tourmenté par le désir.
Le véritable Amour est toujours,
celui qui, le premier,
s'y est établi.
En combien de maisons l'homme
En combien de maisons l'homme
arrive à s'attarder
au cours de sa vie !
Et pourtant son long
gémissement
s'attache toujours à sa première demeure.
s'attache toujours à sa première demeure.
In «Le thème de l’amour dans
la poésie arabe : les grands
libertins de l’Islam»
Driss Ksikes
(13)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT EN SUЀDE
Gustav Fröding
Tarafa Ibn Al Abd
543-569
GUSTAV FRÖDING
Gustav Fröding naît, le 22 août
1860, dans la province suédoise du Värmland, d’une famille ruinée. Le père était
tuberculeux et sa atteinte d’une neurasthénie. Son enfance était aggravée par le décès précoce du père et une
scolarité minée par les dettes. Il étudie à l’Université d’Uppsala et découvre les œuvres de
Burns, Shelley et Byron. Ses angoisses le poussent à l’alcoolisme. Il devient
journaliste et poète. En 1885, il publie ses poésies dans le
Karlstaddstidnigen (Le Journal de Karlstadt), récemment fondé, dont il sera
l’un des rédacteurs, en 1887- 1894. Au cours de l’hiver 1889-1890, il séjourne
en Allemagne et découvre Heine qui inspirera ses textes parodiques en allemand.
Il rédige son premier recueil Guitare et Orgue de Barbarie (Guitarr
och dragharmonika). Alcoolique, son état mental se détériore et il est
interné entre 1898-1905. Sa sœur Cécilia veille sur lui. Le poète maudit», il s’éteint,
à Stockholm, le 8 février 1911. Les extraits, en miroir arabo-poétique de
l’Occident, de sa poésie érotique et de celle de l’arabe Tarafa (543-569), révèlent
leur ressemblance.
Des étoiles pour parer son front
Il aurait fallu des étoiles
pour parer ton front
comme d’un diadème,
ta chevelure en eût été illuminée
comme d’un diadème,
ta chevelure en eût été illuminée
A ton front
rayonnaient la tristesse et la musique
mais glacée, mais trahie
par les sons, ta chanson restait sur tes lèvres.
mais glacée, mais trahie
par les sons, ta chanson restait sur tes lèvres.
Tu étais pour moi une
Inspiratrice
qui ose à peine murmurer,
faible parmi les forts, trop frêle pour les mâles
qui ose à peine murmurer,
faible parmi les forts, trop frêle pour les mâles
à la poitrine large.
et dans mon souvenir
tu demeures
légende, étoile et poésie. »
légende, étoile et poésie. »
source d’inspiration musicale»
TARAFA IBN AL ABD
Tarafa,
surnom d’Amr ibn al-Abd de la tribu, Qubaya, de Qays Ibn Taalaba, une subdivision des Bakr Ibn
Wail, est un poète arabe antéislamique et l’auteur d’une Muallaqa
(Ode). D’une famille de poètes, puisque sa sœur, Kharnaq, est connue sa poésie disant qu’il s’apparente aux poètes Al-Muraqqich
l’Ancien, Al-Muraqqich le Jeune et Al-Mutalammis. Né au Bahreïn, il aurait
vécu entre 543 et 569. Dans l'Encyclopédie de l'Islam, J.E. Montgomery note
que ses indices biographiques sont tirés de «Diwan» (Recueil) du poète. Il serait mis à mort, à
l’âge de 20 ans, après avoir offensé Amr ibn Hind, le roi d’Al-Hira, en
composant des vers galants sur la sœur du roi. Sa Mu'allaqât (Son Ode) a été la première
traduite en latin,
à Leyde, en 1742.
Un cou orné de perles et de topaze
Dans la tribu était
une aimée aux yeux noirs et
aux lèvres brunes,
délicate comme un faon
Et au cou orné d’un double collier, l’un de
Et au cou orné d’un double collier, l’un de
perles, l’autre de
topaze,
Telle une gazelle entourée de ses petits, s’égaillant
loin de ses compagnes
sur des verts pâturages
et tendant son cou
vers les fruits des araks
en s’habillant de
leurs branches.
Son sourire, qui éclatait entre deux lèvres brunes,
Son sourire, qui éclatait entre deux lèvres brunes,
comme des marguerites
épanouies sur une dune
de sable fin couverte
de rosée,
Semblait avoir emprunté au soleil ses rayons.
Semblait avoir emprunté au soleil ses rayons.
Sombres étaient ses
gencives
Colorées d’un antimoine dont aucune de ses
Colorées d’un antimoine dont aucune de ses
dents n’avait même
pas été effleurée.
Son visage pur et sans rides illuminait comme
Si le soleil avait étendu sur lui son manteau.
Son visage pur et sans rides illuminait comme
Si le soleil avait étendu sur lui son manteau.
Trad. Heidi Toelle
(15)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT EN AUTRICHE
Rainer Maria Rilke
Ahmad Ibn Zaïdun
1003-1071
René Karl Wilhelm Johann Josef Maria Rilke,
est un écrivain autrichien, né le 4
décembre 1875 à Prague et mort, le 30
décembre 1926, à Montreux, en Suisse. Il vécut à Veyras (Valais) de 1921 jusqu’à sa
mort. Il est surtout célèbre comme poète, bien qu'il ait
également écrit un roman, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge, des nouvelles et des pièces de théâtre. En 1910, il fait la rencontre de la princesse Marie von
Thurn und Taxis, née
Hohenlohe-Waldenburg-Schillingsfürst, dans son château de Duino. Elle l'héberge souvent et devient son mécène jusqu'en 1920. Il compose,
pour elle, son chef-d'œuvre, les Élégies de Duino,
une suite
d'élégies teintes d'une mélancolie lumineuse, allant du sentiment du terrible à
l'apaisement quasi érotique. L’éros de la nature en miroir arabo-poétique de l‘Occident
dans son extrait sur la pomme embrasse la même allégorie de ce fruit, dans
l’extrait d’Ibn Zaïdun (1003-1071), que voici :
Pomme
de vie de mort et de joie immense
Pomme ronde, poire, banane
et groseille… Tout cela parle
de vie, de mort dans la bouche. Je sens…
Lisez plutôt sur le visage de l’enfant
lorsqu’il mord dans ces fruits. Oui, ceci vient de loin.
Sentez-vous l’ineffable dans votre bouche ?
Là où étaient des mots coulent des découvertes,
comme affranchies soudain de la pulpe du fruit.
Osez dire ce que vous nommez pomme.
Cette douceur qui d’abord se concentre,
puis, tandis qu’on l’éprouve, doucement érigée,
se fait clarté, lumière, transparence.
Son sens est double : terre et soleil.
Expérience, toucher : ô joie immense !
Pomme ronde, poire, banane
et groseille… Tout cela parle
de vie, de mort dans la bouche. Je sens…
Lisez plutôt sur le visage de l’enfant
lorsqu’il mord dans ces fruits. Oui, ceci vient de loin.
Sentez-vous l’ineffable dans votre bouche ?
Là où étaient des mots coulent des découvertes,
comme affranchies soudain de la pulpe du fruit.
Osez dire ce que vous nommez pomme.
Cette douceur qui d’abord se concentre,
puis, tandis qu’on l’éprouve, doucement érigée,
se fait clarté, lumière, transparence.
Son sens est double : terre et soleil.
Expérience, toucher : ô joie immense !
«Sonnets à Orphée»,
Rainer Maria Rilke,
Trad. Maurice Betz,
Abu Al Walid Ahmad Ibn Zaïdun al-Makhzumi,
né à Cordoue, en 1003, et mort à Séville, le 14 avril 1071, est un célèbre
poète andalou, connu sous le nom de d’Ibn Zaïdun dont la poésie est dominée par
sa relation avec la poétesse Wallada bint Al Mustakfi, la fille du dernier
calife omeyyade de Cordoue Muhammed III.
A Cordoue, il était parvenu au rang de vizir d’Ibn Jhawar, mais, étant
tombé dans la disgrâce du roi, il fut jeté en prison. Il parvint à s'échapper de sa prison et se
réfugia à Séville.
De Séville il passa à Valence. Il est de Cordoue, et continue d’envoyer des poèmes à Wallada, qui venait
de le rejeter à tout jamais. L’extrait érotique en miroir arabo-poétique
de l’Occident rejoint celui de Rilke, au sujet de la pomme en est la preuve.
Pomme
d’amour de vin et d’ivresse
Elle est blanche adorante, lune
en son plein ces regards dérobés
infinis magiciens, le brocart de
ses joues miroitement du vin.
Ses mots, aussitôt dits, perles
sur le chemin, et l’eau que je
goûtais à ses lèvres, ivresse.
Combien de matins et de soirs
ai-je contemplé la gazelle au
visage radieux, éclatant, qui filtrait
de la pomme le vin de sa coupe
Karima Al Jaï
(15)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT EN BELGIQUE
Charles Van Lerberghe
Hussein Mansur Al Hallaj
857-922
Charles Van Lerberghe, né à Gand, le 21 octobre 1861, et mort à Bruxelles, le 26 octobre 1907, est un poète et écrivain symboliste belge francophone. Il est issu d'une famille bourgeoise dont le père et la mère sont morts, lorsqu’il était
encore enfant. Il est confié à un tuteur
légal. En septembre 1867, il entre à l'Institut Saint-Amand.
En août 1870, il est inscrit au collège
Sainte-Barbe. Selon Albert Mockel, malade, il interrompt ses études
en 1871. La mère du poète meurt, le 19 septembre 1872. Son tuteur est un oncle du poète Maeterlinck (...) En 1875, il est de nouveau, au collège
Sainte-Barbe, avec Maurice Maeterlinck et Grégoire Le Roy. Son œuvre la plus connue est La Chanson d'Ève (1904). Le compositeur gantois Robert Herberigs en a mis en musique certains de ses poèmes. Le
caractère mystico-érotique et divin d’un
extrait de sa poésie le met parfaitement en miroir arabo-poétique
d’Occident avec celui d’Hussein Mansur Al Hallaj (857-922).
Ne suis-je vous, n’êtes-vous moi ?
Ne suis-je vous, n’êtes-vous moi,
O choses que de mes doigts
Je touche, et de la lumière
De mes yeux éblouis?
Fleurs où je respire, soleil où je luis,
Âme qui pense,
Qui peut me dire où je finis,
Où je commence?
Comme un beau fleuve,
En toute chose la même vie coule.
Et nous rêvons le même rêve.
«Un horizon lointain
solliciterait l’intelligence »
Ferdinand Khnoff
In « Correspondance »
N°3, Otobre 1993
Hussein
Mansur Al Hallaj est né, en 244 H/ 857, à Beïza centre perse très arabisé
d'Ahwâz, puis intercis et décapité pour hérésie, le 27 mars 922 H/ 309, à Bagdad. centre très arabisé dans la
province perse d'Ahwâz. Fils d’un cardeur, il eut pour maître initial en mystique Sahl de Tustar. A
vingt ans, il reçut du maître Amr Al Makki,
l'habit de sûfi, à Bassora. Il se maria et eut quatre enfants. Sa belle famille
liée à des shiites radicaux (zanj) le rendit suspect, bien qu'il fût
sunnite. A son premier hajj (pèlerinage) d’un an à la Mecque, il prédit en public
à Ahwâz, en reniant l'habit sûfi, puis en
Khurâsân. Cinq ans après, il revint avec les siens, à Bagdad. Après un second
pèlerinage, il fit voyage jusqu'à l'Indus, suivi d’un troisième pèlerinage, en 290H/902.
Revenu à Bagdad, ses dires publics causèrent une forte émotion populaire. Il
fut accusé d’hérésie par le poète zahirite Ibn Dawud, qui appela à sa mort. Acquitté,
il fut encore menacé par le vizir shiite Ibn Al Fûrat. Son procès dura neuf ans.
En 306H/919, le vizir Hamad rouvrit son procès. Mettant en vue sa doctrine sur
le cas votif du hajj, le cadi rendit licite sa mort par un tribunal canoniste. Sa
poésie mystique dédiée à l’amour divin, augure de celle d’un Lerberghe, avant
le terme.
Je suis devenu toi tout comme tu es
devenu moi
Mon regard, avec l’œil de la science a
dégagé le pur secret de la méditation;
Une lueur a jailli, dans ma
conscience» ;
J’ai vu mon bien-aimé avec
l’œil de mon cœur. Et je lui dis : Qui es-tu ?
Il me répond : Toi!
Je suis devenu celui que
j’aime et celui que j’aime est devenu moi ;
Je suis devenu toi tout comme
tu es devenu moi» ;
Tu m’as rapproché de toi et j’en suis
venu à croire que tu es moi »;
Comment pourrais-je m’amuser et être
insouciant si vraiment moi c’est Lui; On dirait que l’interlocuteur,
c’est moi-même m’adressant par mon essence à mon essence.
«La passion de Hussein
Mansur Al Hallaj, Qasida VII»
Soraya Ayouch
(16)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT AU CHILI
Pablo Neruda
Umar Ibn Al Farid
1181-1234
Pablo Neruda, Neftalí Ricardo Reyes Basoalto, né le 12 juillet 1904 à Parral, province de Linares, et mort le 23 septembre 1973, à Santiago, au Chili est un poète chilien. Il publie son premier livre
"Crépusculaire", à 19 ans, et un an après, "Vingt Poèmes d'amour
et une chanson désespérée". Dès 1927, il occupe maints postes consulaires,
et entretient des relations amicales avec Federico García Lorca, en Espagne. En
1933, paraît "Résidence sur la Terre". En 1950, il reçoit le prix
Staline de la paix. En 1969, il est candidat du PC à la présidentielle. Avec
l'Unité populaire (1970), il négocie avec le PS, et s'efface devant Salvador
Allende. Il est nommé ambassadeur à Paris par ce dernier. En 1971, il reçoit le
prix Nobel de Littérature. Il est mis en résidence surveillée par les
putschistes, du 11 septembre 1973, du Général Pinochet. Il meurt 12 jours après,
officiellement d'un cancer. L’extrait en miroir arabo-poétiques de l’Occident
sur la passion amoureuse le met totale similarité avec celui d’Ibn Al Farid (1181-1234),
ci-après.
Je me souvenais de toi le coeur
serré
Nous avons encore perdu ce
crépuscule
Et nul ne nous a vus ce soir les mains unies
pendant que la nuit bleue descendait sur le monde.
J'ai vu de ma fenêtre
la fête du couchant sur les coteaux lointains
Parfois, ainsi qu'une médaille
s'allumait un morceau de soleil dans mes mains.
Et je me souvenais de toi le cœur serré
triste de la tristesse à moi que tu connais.
Où étais-tu alors ?
Et parmi quelles gens ?
Quels mots prononçais-tu ?
Pourquoi peut me venir tout l'amour d'un seul coup,
lorsque je me sens triste et te connais lointaine ?
Le livre a chu qu'on prend toujours au crépuscule,
ma cape, chien blessé, à mes pieds a roulé.
Tu t'éloignes toujours et toujours dans le soir
vers où la nuit se hâte effaçant les statues.
Et nul ne nous a vus ce soir les mains unies
pendant que la nuit bleue descendait sur le monde.
J'ai vu de ma fenêtre
la fête du couchant sur les coteaux lointains
Parfois, ainsi qu'une médaille
s'allumait un morceau de soleil dans mes mains.
Et je me souvenais de toi le cœur serré
triste de la tristesse à moi que tu connais.
Où étais-tu alors ?
Et parmi quelles gens ?
Quels mots prononçais-tu ?
Pourquoi peut me venir tout l'amour d'un seul coup,
lorsque je me sens triste et te connais lointaine ?
Le livre a chu qu'on prend toujours au crépuscule,
ma cape, chien blessé, à mes pieds a roulé.
Tu t'éloignes toujours et toujours dans le soir
vers où la nuit se hâte effaçant les statues.
Umar Ibn A Farid (1181-1234) est un des plus grands poètes mystiques du soufisme du XIIe siècle. Sa tombe, en Égypte, est l'une des 7 places destinations du récital du Coran durant le Ramadan. Il est l’auteur d'un éloge sur le vin mystique.
Certes, le symbolisme bachique fut l’une des allégories principales de la mystique musulmane. En témoigne ses vers : « Il n'a pas vécu ici-bas celui qui a
vécu sans ivresse, n'a pas de raison qui n'est pas mort de son ivresse. »
L'Éloge du vin (Al Khamariyat), son poème mystique commenté par Abdalghani Al Nabolosi, traduit de l'arabe par Abdelmalek Faraj et préfacé d'une étude sur le soufisme et la poésie mystique musulmane, en 1931. La similarité de l’extrait suivant avec
celui de Neruda, défie toute équivoque.
Daigne
considérer un cœur qui est déchiré
Si je me perds dans la nuit de sa
chevelure ondoyante, l'aurore de son front resplendissant dirige mes pas
égarés.
Quand ma bien-aimée soupire, Oui,
dit le musc, c’est du souffle embaumé de cette belle que je compose mes plus
doux parfums.
Les années qu’elle passe en ma
présence, s’écoulent avec la rapidité d’un jour; et le jour où elle reste
dérobée à mes regards, passe lentement comme des années.
Si ma bien-aimée s’éloigne, ô mon
sang, abandonne le cœur que tu animes; si elle revient, ô mes yeux, exprimez
l’allégresse.
Je t’en conjure, et par mon
indocilité aux reproches de mes censeurs, et par cette flamme dévorante que
l’amour entretient dans mes entrailles,
Daigne considérer un cœur qui est
déchiré par les souffrances que lui causent tes attraits, des yeux qui sont
noyés dans des torrents de larmes.
Prends pitié d’un infortuné qui
tantôt sent lui échapper tout espoir, tantôt se berce de douces illusions.
Calme l’ardeur de mes désirs par une
réponse qui ranime mes espérances ; délivre ma poitrine du poids qui
l’oppresse.
Bénie soit cette faveur que tu m’as
accordée, lorsqu’une voix consolante m’annonça que le repos allait enfin succéder
à mon cruel désespoir !
«Anthologie
arabe :
Umar Ibn Al
Farid
Trad. Abdelmalek Faraj
Trad. Marc
Szwajcer
(17)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT AUX USA
Williams Carlos Williams
Imrou Oul Qaïs
500-540
Le un poète et romancier américain, grand maître du modernisme, William Carlos
Williams est né, le 17 septembre 1883, à Rutherford (New Jersey) où il vécut et pratiqua la
médecine sa vie durant, et mort le 4 mars 1963, fut dès les années 1920 l’un des principaux protagonistes de la
révolution moderniste, aux Etats-Unis, aux côtés de son ami Ezra Pound et de
quelques autres. Son œuvre abondante, tant en prose qu’en vers, a eu une influence
considérable sur les générations ultérieures. Il épouse Florence Herman
(1891-1976) en 1912. Peu après, il publie son premier recueil de poèmes de
valeur, The Tempers. Lors d’un
voyage en Europe en 1924, il fréquente Ezra Pound et James Joyce. Paterson
(1926) passe pour être le chef-d'œuvre poétique de William Carlos
Williams, une entreprise aussi
considérable et ambitieuse que les Cantos de Pound, sur les
femmes, l’amour, la mort, etc. Ici,
l’extrait du soir érotique de W.C.Williams, en miroir arabo-poétique de
l’Occident fait souche antique celui de Imrou Oul Qaïs (500-540).
Avec le soir, l’amour s’éveille
en vertu de la lumière solaire
Avec le soir, l’amour s’éveille
bien que ses ombres
qui n’existent qu’en vertu
de la lumière solaire –
soient gagnées par le sommeil, lâchées par
le désir
L’amour sans ombres s’étend à présent
qui ne s’éveille
qu’avec la montée de
la nuit.
La descente
faite de désespoirs
sans s’achever
entraîne un autre éveil :
qui est l’inverse
du désespoir.
In « Paterson »,
bien que ses ombres
qui n’existent qu’en vertu
de la lumière solaire –
soient gagnées par le sommeil, lâchées par
le désir
L’amour sans ombres s’étend à présent
qui ne s’éveille
qu’avec la montée de
la nuit.
La descente
faite de désespoirs
sans s’achever
entraîne un autre éveil :
qui est l’inverse
du désespoir.
In « Paterson »,
William Carlos Williams
Trad. Yves di Manno
Né dans
le Nejd, en 500, il y vécut l’existence des
princes, dans le luxe, la frivolité et le libertinage. Très jeune, il composa
de la poésie, évoquant ses parties de plaisir défiant la décence. Son père lui
interdit de continuer à se complaire dans la poésie et la vie indigne du fils
de roi. En 528, son père Houjr, roi de
Kinda, est tué par les Asad. Il jura de se venger. Aidé par les Bakr et Taghlib,
il réussit à infliger de cuisantes défaites aux Banu Asad. Ses alliés le
considérant assez vengé, le délaissèrent. Il partit en vain en quête de
nouveaux alliés contre le roi d'al-Hira. D’où son surnom de
"Roi errant". Hôte de l’empereur Justinien, il séduit la fille, et se
fit tuer par une tunique empoisonnée dont ce dernier lui fit don, en 540. L’extrait
érotique du soir érotique d’Imrou Oul Qaïs (500-540) anticipe sur celui de W.
C. Williams.
Le soir, son visage éclairait dans
les ténèbres
comme la lampe d’un moine
Le soir, son visage éclairait dans les ténèbres,
comme la lampe d’un moine retiré du monde.
C’était une femme faite pour attirer les regards.
Elle fascinait les hommes quand ils
l’apercevaient
au milieu
de jeunes filles de tous âges.
Le temps dissipe les élans de jeunesse,
mais mon cœur lui appartient toujours ;
Et c’est en vain que , si souvent,
on m’a blâmé de l’aimer.
Les "Mouallaqat" de la "Djahilia"
(L'ère préislamique)
L'Ode d'Imrou Oul Qaïs
Traduit par J. J. Schmidt
(18)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT EN HONGRIE
Miklos Radnoti
Abu Tammam
804-845
Miklos Radnoti est né Miklós Glatter, le 5 mai 1909 à Budapest (Hongrie)
d’une famille juive. Sa mère, Ilona Grosz, est morte en lui donnant la vie avec
son jumeau, mort-né. En l’apprenant, la mort hantera toute son œuvre. A 12 ans,
il perd son père, Jakab Glatter. En 1927, il est diplômé d'une école
de commerce, mais veut être écrivain. En 1928, il est comptable dans une
entreprise. A 21 ans, il publie son
recueil, Le salut du païen (1930), d’obédience française. En 1931, Chants
des pasteurs à la mode nouvelle, de ton lyrico-bucolique, courent un procès
d’attentat à la pudeur. Il est acquitté. A la faculté de lettres
François-Joseph de Szeged, il obtient,
en mai 1934, un doctorat de littérature hongroise et française. Dès 1940, juif,
il est envoyé en déminage sur le front ukrainien. Le 18 mai 1944, on le déporte vers sa mort, dans une mine de cuivre
à Bor, en Serbie. Au printemps 1946, des paysans hongrois trouvent, dans un charnier
de 22 cadavres, son carnet, identifié par sa femme, Fanny Gyarmati (1935-1944).
Il est réenterré au cimetière Kerepesi, à Budapest. L’allégorie érotique de la
pluie, dans son extrait et dans celui d’Abu Tammam (804-845) y affirme le miroir
arabo-poétique de l’Occident.
Laisse
la pluie laver ensemble nos cœurs
Nous sommes assis dans la clarté, quand les nuages de pluie s'amoncellent,
traînés par la foudre
et le fouet du tonnerre
lutte avec le tonnerre
encore et encore, très très
haut dans le ciel,
en dessous d'eux le bleu
du lac s’amenuise,
ses eaux commencent à monter
Entre dans la maison
et enlève ta robe,
là il pleut,
et enlève ton chemisier
et laisse la pluie, la pluie
laver ensemble nos cœurs.
In « À marche forcée contre
l’oubli et la mort »
Miklos Radnoti
Trad. Pierre Jean Oswald
ABU TAMMAM
Abu Tammām Habīb Ibn Aws est un poète et anthologue arabe. D'après son fils Tammām, il serait né en 804, selon les propos rapportés par Abu Bakr Muhammad Ibn
Yahiya Al Souli, dans ses Akbar Abi Tammām, et ce dans la ville de Jasim entre Damas et Tibériade, d’un père, chrétien,
nommé Thadus, vendeur de vin à Damas et
mort en 845 à Damas. C'est en Égypte qu'il a étudiant la poésie en vendant de
l’eau devant la grande mosquée et aurait composé son premier poème. De retour
en Syrie,
en 833, il dédie au calife al Mamun un poème sur sa victoire
contre les Byzantins. C'est ainsi qu'il devient le plus grand panégyriste de
son temps. Bloqué par la neige à Hamadhan, il met à profit son séjour dans la
ville pour composer sa plus célèbre anthologie poétique, la Hamāsa.
Deux ans avant sa mort, un haut fonctionnaire de
l'administration abbasside et admirateur du poète, Hasan b. Wahb, lui obtient
une charge de maître des postes à Mossoul. Son Dīwān réunit toute sa poésie.
Une pluie, les cœurs se dresseraient
pour l’embrasser
Une
pluie (dīma) continue,
Docile
au licou, abondante,
Altérée
d’elle est la terre
labourée
Qu’une
contrée tend à
accroître
sa prospérité, et
vers
elle tend le lieu stérile.
Délicieuse
est son eau, et
Bien
faisant, s’ils le pouvaient,
les
cœurs se dresseraient
pour
l’embrasser.
In «La poésie galante en Andalousie :
l'exemple d'Ibn Zaïdun (XIe siècle) »
Karima El Jai
(19)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT EN SUISSE
Jean-Georges Lossier
Muhammad Ibn Dawud
868-909
JEAN-GEORGE LOSSIER
Jean-Georges Lossier, né le 1er septembre 1911, à Genève et mort le 3 mai 2004, à Thônex (Genève), est un poète, critique littéraire et sociologue suisse.
A sa maturité, il étudie la sociologie à l'Université de Genève, jusqu'en 1937, où il obtient, sous la direction de
G.-L. Duprat, un doctorat sur Proudhon. Dès, le début de 1930, il abandonne la prose se
consacrer à la poésie. Habilité en 1948, il est, chargé de cours, entre 1949 et
1955, à l'Université de Genève dans une chaire de sociologie. En 1939, paraît,
à Paris, son premier recueil de poèmes, Saison de l’espoir. Cinq autres recueils
lui ont suivi, plus ou moins régulièrement. En 1995, ils sont réunis et publiés
sous le titre, Poésie complète 1939-1994. Il meurt à l'âge de 92 ans,
dans sa ville natale. Le thème du chemin de l’amour figure visiblement, dans
les deux extraits suivants de Lossier et de Bahar Ibn Burd (714-785) le miroir
arabo-poétique de l’Occident.
Nos routes d’amour se mêlent
dans le passé
Une ombre devant la maison
La tienne ou la mienne?
Ceux qui pour toujours
La tienne ou la mienne?
Ceux qui pour toujours
s’appartiennent
Continuent de se chercher
Dans le filet des nuits.
Comme les lignes de la main
Nos routes se mêlent dans le passé
Et puis se perdent vers l’infini.
La lampe est lasse d’éclairer l’horizon,
Nous aimons-nous assez pour vivre?
Continuent de se chercher
Dans le filet des nuits.
Comme les lignes de la main
Nos routes se mêlent dans le passé
Et puis se perdent vers l’infini.
La lampe est lasse d’éclairer l’horizon,
Nous aimons-nous assez pour vivre?
In «Du plus loin»,
Jean-Georges Lossier
Jean-Georges Lossier
BACHAR IBN BURD
Bachar Ibn Burd
est un poète arabe d'origine persane, né en 714, à Basra et mort,
en 785, noyé dans les marais de la Batiha, entre Kufa et Basra, à la
suite de son emprisonnement pour zandaqa (hérésie). Ses parents sont originaires de l'Iran oriental,
mais son grand-père fut conduit comme esclave, à Basra. Son père fut affranchi
par une dame des Banu Uqayl. C'est à Basra qu’il
naquit, en 715, dans une famille persane alors arabisée, alliée des Banu Uqayl. Parallèlement,
apprécions l’extrait sur le même thème
ci-dessous.
L'amour dont
j'ai parcouru le chemin
Dis-moi, au-delà de l'amour,
Dont j'ai parcouru le chemin,
Connais-tu la nouvelle étape
Qui me conduirait en un lieu
Propice à l'heureuse rencontre ?
Car l'amour en ce coeur meurtri
N'a fait que prolonger l'exil".
Dont j'ai parcouru le chemin,
Connais-tu la nouvelle étape
Qui me conduirait en un lieu
Propice à l'heureuse rencontre ?
Car l'amour en ce coeur meurtri
N'a fait que prolonger l'exil".
In «Le thème de l’amour dans
la poésie arabe»
Trad.
René Khawam
(20)
MIROIR DE L’EROS ARABO-POÉTIQUE
DE L’OCCIDENT AU CANADA
Pierre Morency
1942 -
Ibn Ammar
1031-1086
PIERRE MORENCY
Le poète, romancier,
dramaturge, animateur de radio et ornithologue québécois Pierre Morency (1942 -
) est considéré comme l’un des poètes les plus importants de sa génération.
Officier de l'Ordre du Canada et Chevalier de l’Ordre national du Québec, il
puise son inspiration dans diverses représentations de la vie. Il reçoit le
Prix Athanase-David pour l’ensemble de son œuvre. Il a publié Poèmes
de la froide merveille de vivre (1967), Poèmes de la vie déliée
(1968), Au nord constamment de l'amour (1970), Effets personnels (1986), Quand
nous serons (1988), Les paroles qui marchent dans la nuit (1994), Le Regard infini (1999), etc. Les extraits en
miroir de l’Occident au sujet du chemin
de l’amour de Morency et d’Ibn Khafaja (1058-1137) se rejoignent ici quasi
littéralement.
Le temps s’en va comme rivière
Comme ruisseaux mes amis vont
le temps s’en va comme rivière
nous passons tous à reculons
mais nous allons notre manière
ainsi nuage ainsi l’eau claire
ainsi la source ainsi l’oiseau
mais nous voyons mourir nos pères
et l’homme passe comme l’eau
et comme l’eau vont les saisons
et tournent l’âge et la misère
nous n’avons plus notre raison
quand il faut regarder derrière
a coulé le temps de naguère
comme le vent comme radeau
l’amour est toujours à refaire
et l’homme passe comme l’eau
In «Poèmes : Ballade
du temps qui va»
IBN AMMAR
Ibn Ammar (1031 - 1086) était un poète arabo-musulman, né au Portugal, dans la
ville de Silves. Il a été premier ministre de la taïfa de Séville. Pauvre et
n'ayant aucune réputation, il avait un grand talent en poésie. Cela le lie
d'amitié avec le jeune Abbad III, le futur sultan. A la mort du père Abbad II, Abbad III lui
succède, et le nomme premier ministre. Il était réputé par son imbattabilité
aux échecs, selon Al Marrakuchi, sa victoire aux échecs sur Alphonse VI de Castille l’a obligé à se tenir loin de
Séville. Il était derrière l'annexion de Murcie à Séville et a convaincu Abbad III à
le nommer gouverneur. Il se proclame roi, et
coupe toute relation avec le sultan. Mais il perd vite son pouvoir, et tombe
dans un guet-apens et se fait arrêter. En prison à Séville, il se
réconcilie enfin avec le sultan, mais peu seulement. Ils rentrent peu en
conflit, et le sultan le tue de ses propres mains.
L'aurore, une rivière parcourt le jardin
"Remplis nos coupes, la
brise se prépare
Les étoiles s'emploient à freiner leur course
L'aurore nous offre sa blancheur de camphre
Depuis que la nuit a repris son ambre noir
Les fleurs ont paré le jardin de broderies
La rosée l'a doté d'un collier de perles
Une rivière le parcourt, tel un bracelet
Qu'on a déposé sur une robe verte
Les étoiles s'emploient à freiner leur course
L'aurore nous offre sa blancheur de camphre
Depuis que la nuit a repris son ambre noir
Les fleurs ont paré le jardin de broderies
La rosée l'a doté d'un collier de perles
Une rivière le parcourt, tel un bracelet
Qu'on a déposé sur une robe verte
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