ABD EL KHALEK TORRES ENTRE L’EPOPEE
TRADUITE ET L’HISTORIOGAPHIE TRADUISANTE OBJECTIVÉE
Partant d’une objectivation a
priori consacrée en historiographie savante (ou
historigraphie objectivée),
le traducteur universitaire, tétouanais, Mohamed Cherif de L’Epopée d’Abd
El Khalek Torrès de Jean Wolf
– Ed. Edif-Balland, 1994, 306p. – révisée par son collègue Jaâfer Belhaj
Soulami, intitulée dans sa version arabe, Malhamatu Abd El Khalek At-Torris
– Imp. Topress, Tanger, 2003, 360 p. - , une épopée biogaphique traduite se
réduirait théoriquement , pourrait-on dire, à cette formule révélatrice d’une
scientificité idéologiquement objectivée de Roland Barthes: «La structure
narrative, élaborée dans le creuset des fictions (à travers les mythes et les
premières épopées) devient à la fois signe et preuve de réalité. Aussi l’on
comprend que l’effacement (…) de la narration dans la sciencce historique
actuelle (…) implique (…) une véritable transformation idéologique…» - Régine
Robin et al., «Débat: le discours historique…», Dialectiques, nº14,
1976, p.43.
De là, Mohamed Cherif semble avoir opté
pour une objectivation de l’historiographie traduisante à la fois savante (réaliste) et
anti-hétéroidéogique de la biographie épique (pseudo-littéraire) d’Abd El Khalek Torrès,élaborée
initialement (dans son texte source) par le journaliste et écrivain belge, Jean
Wolf. Or, comme le signale précisément Pierre Paponneau dans son article: «Des
usages de l’histoire», au sujet de l’identité littéraire formelle des genres
de l’épopée et de l’histoire:
«L’histoire est un genre littéraire. Il lui faut (comme l’épopée) des héros, en
général des princes et autres grands de ce monde; il lui faut des conflits.» - L’Histoire-2 : l’écriture de l’histoire, Ed. Marketing ,Paris ,
1980, p.164. D’ailleurs, l’épopée traduite en questtion
porte comme sous-titre : «Maroc: la vérité sur le protectorat franco-espagnol »
(Lieu de conflits).
Ainsi, l’historiographie traduisante
objectivée de M. Cherif a-t-elle opéré, selon la maxime traductologique
générale formulée ainsi par Monique Lambert :«Les enjeux des traducteurs ne
sont pas les mêmes. Pour eux , l’intelligibilité du message (ici l’épopée traduite en langue arabe) est le garant de
leur statut de traducteur. Compte tenu des contraintes de la tâche, ils doivent
opéré un choix.» -In «Les opérations et pratiques discurtives de la
traduction…», S’approprier une langue étrangère… ,Ed. Didier, Paris,
1987, p.237. Toutefois, l’effacement de
segments du texte source de cette épopée biographique traduite a constitué la
marque dominante de cette historiographie traduisante objectivée ( réaliste et
savante) par excllence.
Il s’agit , à première vue, de choix
délibérés de ce traducteur historiographe, universitaire, marocain, scrutant et
rectifiant la subjectivité de la pseudo-histoire biographique et épique (voire
quasi littéraire) du texte source de Jean Wolf. «Le champ historique, écrit
Paul Veyne, est donc complètement indéterminé, à une exception près: il faut
que tout ce qui s’y trouve ait réellement eu lieu.» - Comment on écrit
l’histoire, Ed. Du Seuil, Paris, 1971, p.26. D’où les suppressions
hétéroidéologiques repérables au niveau du texte arabisé cible del’instance
traduisante . Dans ce sens, Mohamed Cherif condense la stratégie de sa
traduction objectivante, arabophone en ces termes: «Excepté les trois premiers
chapitres du livre dont quelques paragragraphes ont été supprimés de la version
arabe sur recommandation de l’auteur , le texte cible arabe – qui est entre tes
mains, cher lecteur – ne s’éloigne guère de l’esprit du texte français. J’ai
ramené les emprunts de l’auteur à leurs sources arabes et greffé le texte de
références supplémentaires archivisant ce que celui-ci rapporte comme données
historiques susceptibles de les clarifier.» - Malhamatu Abd El Khalek
AtTorris, in «Préface du traducteur», Op. Cit., p.8.
Dans le cadre de cette
historiographie traduisante objectivée (savante), on peut relever une série
d’effacements (suppressions) textuels significatives, un remaniement
parcellaire de l’épopée traduite, accompagné d’adjonctions (ou ajouts) de
données historiques et surtout bibliographiques de la part de l’instance
traduisante dont notamment :
(1)- l’effacement des contrevérités
historiques: la minimisation de la conquête arabo-islamique de l’Espagne comme:
«simple promenade militaire» (p.17), «l’Espagne une proie superbe», « reflet de
la vie quotidienne d’Afrique du Nord» (p.18), «fait de cavaliers tombés du
ciel» (p.19), etc.
(2)- l’effacement des contrevérités
généalogiques: «Torrès… provenant en droite ligne du latin ? …./des tours»
(p.20), reformulée dans le texte cible par «Torris.. dérivé d’un surnom arabe
des Béni Hilal, au Maroc…» (p.20/ p.18), «ce Moyen Age de la chevalerie et des
romans courtois – inventés par les Arabes…» (p.20), etc.
(3)- l’effacement des commentaires
visant la dérision de l’Islam et des Msulmans par des préjugés sur fond de citations d’auteurs coloniaux
européocentristes et anti-arabo-islamiques:
«l’Islam conquérant … cantonné sur cette petite enclave dérisoire…/
Grenade» (p.32), reprise par :«petite portion de terre» (p.21), ou encore «le
jaillissement des eaux chante les louanges de Moulay Ali ben Rachid…» (p.39),
etc.
(4)- les adjonctions de données
historiques et de références bibliographiques supplémentaires: «Polo Torrès, in
Ahmed Rhouni, Oumdatu Ar-Râwîn…(L’Appui des Chroniqueurs), ATA, 2003,
p.95 », note infra-paginale, ou bien: «500 000 Musulmans accompagnés de 100 000
Juifs migrants de Grenade au Maroc…/ chiffres (jugés en NDT) exagérés …» ,ou
encore: «Revoir l’étude du Pr. Abdekader El Afia concernant (en NDT) la ville
de Chefchaouen…», notes infra-paginales, de l’épopée traduite, etc.
(5)- les adjonctions de paratextes
dans l’historiographie traduisante objectivée de M. Cherif de l’épopée de
Torrès à savoir: conjointement à la : « Préface: La Voix qui vient du Nord» de
Michel Jobert et l’« Avant-propos » de Jean Wolf (du texte source), le traducteur a ajouté:
une « Préface du traducteur » et une «
Post-face de Jean Wolf à la traduction arabe de son livre», à la traduction
arabe de l’épopée de Torrès, écrite voici onze ans et corroborant le texte
cible arabophone ainsi confectionné.
En somme, cette traduction
historiographique objectivée (à la fois puriste et savante) du texte source -
postulé apparemment par son traducteur comme semi-littéraire ,voire pseudo-
historique - de L’Epopée de Torrès… de Jean Wolf , se révèle à travers
sa version arabe, Malhamatu Abd El Khalek Torris de Mohamed Cherif comme la performance d’une
historiographie traduisante idéologico-scientiste (arabo-islamique marocaine
objective) à l’écoute de la littérature comme intertexte de l’objet de son
savoir historique, ou comme le dit si bien Gérard Salgas : «Par le pouvoir des
mots à faire aussi vrai que le vrai , l’histoire redonne vie aux événements du
passé. Tel fut primitivement le rôle de l’épopée que prolonge l’entreprise
d’histoire, non point en instaurant une forme nouvelle d’écriture, mais
seulement en veillant à l’authenticité des faits rapportés.» - «Pour
l’historien, la fausse innocence de l’écriture», L’Histoire-2, Op. Cit.,
pp.147-148.
Mr. SOSSE ALAOUI MOHAMMED
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