UNE LCTURE COMPARATIVE : LE CODE, L’ŒUVRE, L’EXPÉRIENCE
ESTHÉTIQUE COMME FONDEMENT D’UNE THÉORIE DE LA
RÉCEPTION :
ROLAND BARTHES, MAURICE BLANCHOT ET HANS ROBERT JAUSS
« Les
modèles textuels sont
autant de décisions euristiques.»
Wolfang Iser, in
«La fiction en effet»[1]
0. Préalables :
L’approche ‘comparative’ des trois textes dont nous proposons
d’expliciter ici «l’originalité, la différence, voire l’incompatibilité de
point de vue», ne va pas sans nécessiter, dès l’abord, une brève mise au point
stratégique, celle de leur coprésence dans un même corpus, soumis à notre
jugement comparative et qui ne saurait avoir lieu sans être au préalable logiquement
fondé. Il s’agit, en somme, des termes d’une comparaison. Il serait futile,
voire stérile, de comparer l’incomparable. Cela revient à dire et en toute
évidence que toute comparaison présuppose théoriquement un lieu géométrique à
partir duquel elle parvient à opérer, et c’est l’opposition des différences et
des ressemblances (ne se laisse que celles de l’homogénéité spécifique du champ
cognitif dans lequel celle-ci-ci s’inscrit et opère).
Les extraits, mis en présence ici,
réfèrent à des auteurs dont les travaux et la personnalité bien que participant
de pratiques et de théories distinctes appartiennent ensemble au domaine de la
littérature critique (voire heuristique et épistémologique). Ce sont
respectivement, par ordre d’arrivée [2]
- ce qui ne constitue aucun a priori hiérarchique ou typologique – les auteurs
dont les extraits à analyser révèlent déjà la position théorique initiale
propre à chacun d’eux : d’abord Roland Barthes, dans un extrait de «L’analyse
rhétorique», Maurice Blanchot de «L’espace littéraire» et Hans Robert Jauss dans
un fragment sur «L’expérience esthétique en général et littéraire en
particulier».
Or, un second préalable se manifeste ici
parallèlement au premier, il y est question du statut théorique de chacun de
ces auteurs, stratégiquement mis en rapport de confrontation heuristique et
épistémologique au sein de notre étude, et hypothétiquement inscrits dans un
champ cognitif global, celui du moins de perspective téléologique qui sous-tend
les extraits dont ils sont les auteurs et que nous aurons à analyser au cours
de cette étude, autrement dit, celui de la théorie de «la réception de la
littérature» et nous posons ici comme
postulat avant-coureur de cette lecture. Auparavant, la citation de quelques
définitions rapides nous permettra d’esquisser de façon résumée le profil
théorique de chacun d’eux. Ainsi à la
mort de R. Barthes, Susan Sontag écrit :
«De tout temps, disait-il de lui-même, il avait « travaillé successivement
sous la tutelle d’un grand système (Marx, Sartre, Brecht, la sémiologie, le
Texte)[3]». En
schématisant à l’extrême cet autoportrait théorique de Barthes, nous dirons que
nous sommes en face d’un «sémioticien», au sens très large du terme (selon
J. Kristeva)[4]. Par ailleurs, on peut
lire sous la plume Tzvetan Todorov résumant Blanchot, la remarque
suivante : «La parole poétique est une parole intransitive, qui ne sert
pas ; elle est ne signifie pas ; elle est. L’essence de la poésie est
dans la recherche qu’elle conduit de son origine. Tels sont les lieux communs
romantiques que Blanchot lit dans Mallarmé, et qui domineront la doctrine
exposée dans «LE LIVRE À VENIR» et «L’ESPACE LITTÉRAIRE» ; à quoi il faut
ajouter un trait absent ou secondaire chez Mallarmé, mais bien chez les
romantiques, à savoir la coprésence des contraires.»[5]
En spécifiant encore une fois, nous dirons qu’il s’agit d’un «poéticien»,
au sens restreint du mot (voir R. Jakobson)[6]. Enfin, Lucien
Dällenbach présente ainsi H.R. Jauss (Chef de file de l’école de Constance) comme
le fondateur d’une très cohérente «esthétique de la réception» : «Le
mérite de l’avoir conçue (cette esthétique) revient, comme on sait, à Hans
Robert Jauss qui, dès sa célèbre leçon inaugurale de 1967, en énonce le
programme et en définit l’enjeu[7].» C’est donc en un mot
le théoricien de «l’esthétique de la réception».
De ce fait, on peut provisoirement
dire que l’on a affaire à trois types de points de vue différents, en d’autres
termes, à trois positions théoriques, de trois auteurs dont les prémisses
doivent être, à ce niveau-là, parfaitement séparés : un « sémioticien » (R. Barthes), un
«poéticien» (M. Blanchot), un «esthéticien de la réception» (H.R. Jauss) – le
premier d’obédience sociologique, le second d’aspiration fonctionnaliste et le
troisième de tendance communicative (a priori).
Ces deux préalables stratégiques posés,
il reste à savoir, et ceci à travers les trois textes du corpus, les types de
rapports que ces positions entretiennent d’une part entre elles, et d’autre
part, entre celles-ci et le point de vue commun qui a présidé (heuristiquement
et épistémologiquement) à l’établissement de ce corpus dans une optique
comparative : à savoir le lieu géométrique d’une problématique et que nous
avançons ici de manière formelle et à priori hypothétique, celle que suscite
l’activité littéraire, comme acte de communication d’un genre
particulier : celui d’ une « théorie de la réception et le
schéma qui va suivre en vérifiera, par l’analyse, la pertinence au sein d’une
problématique générale globalisante et synthétique de cette approche
comparative de notre objet. Ainsi donc munis de deux préalables : l’un
portant sur le rapport entre le corpus et la pertinence a priori de
l’explication comparative, l’autre sur la diversité des points de vue
théoriques en présence (définis comme procédures ou herméneutiques apparemment
divergentes) et d’un postulat de base comme « hypothèse »
structurante de cette lecture, qui a pour fonction logique de la faire tendre vers
son accomplissement téléologique, cohérente inscrite méthodologiquement et
cognitivement dans « l’objet » même qu’elle décrypte : à savoir
la littérature ou l’art en général. Il prendra comme forme de référent
privilégié de cette procédure celle d’un schéma de communication abstrait,
notamment celui proposé par la théorie de la réception, mais dont la validité
sera tributaire du résultat de l’analyse des textes étudiés (voir schéma
ci-dessous)[8].
(1) Texte
(1) Sujet et procès
de production
(3)
Sujet et
(4) Contexte
procès de
historique
réception
inconscient
Schéma communicative de la «théorie de la réception »
De L. Dällenbach[9]
Notre analyse recoupera les positions suivantes :
-
Des textes particuliers (ou analyse comparée du
corpus).
-
Des théories particulières (ou les points de vue des
textes du corpus et herméneutiques qu’ils développent respectivement l’un par
rapport à l’autre).
-
Une théorie globale de l’art en général (ou la théorie
de « l’esthétique de la réception », proposée comme synthèse
théorique, sinon pratique de ces dernières).
1. Analyse :
Comme nous l’avions signalé au début
de nos préalables, notre lecture comparative visera en premier lieu les extraits
de textes du corpus dans leur particularité afin d’en connaître les stratégies
herméneutiques spécifiques à chaque auteur, l’originalité de son point de vue
et l’objectif qu’il poursuit. Cela nous permettra de vérifier :
préalables, postulat de base et «hypothèse structurante» formulée à leur sujet
ci-dessus.
1.1. Des textes particuliers :
Ces textes particuliers de notre corpus
sont au nombre de trois : celui R. Barthes (ou texte A), celui de M.
Blanchot (ou texte B) et celui de H.R. Jauss (ou texte C). Nous les aborderons
en trois temps : d’bord au niveau des structures globales, ensuite au
niveau des traits structurels divergents, enfin au niveau des traits
structurels convergents (s’il y a lieu).
1.1.1. Niveau des
structures globales :
En effet, ces trois extraits
(textes : (t. A), (t. B), (t. C), pris dans leur globalité, se présente
sous une forme logique à trois temps qui ferait songer à une structure
syllogistique (majeure, mineure, conclusion : chose à vérifier sur le plan
effectif) et qu’il est possible de formaliser ainsi :
X +
Y + Z
Cela est tout du moins une remarque
purement intuitive et dont la configuration textuelle signifiante est
empiriquement parlant :
(t. A) = X
(Problématique : code/ société/ + histoire) +
Y
(Solution : code rhétorique = Occident + histoire) +
Z
(Problématique : (code rhétorique/ histoire)
(t. B) = X (Problématique : œuvre d’art / langage
+ monde «muet» +
Nous) +
Y (Solution : œuvre d’art = langage des
dieux (jadis) +
langage des hommes (plus tard) + langage de l’art
(enfin/
un
jour) +
Z (Problématique :
ouvre d’art/ en constante genèse +
nous)
(t. C)
= X (Problématique : code : expérience esthétique/ passé
+
altérité proche de «Toi») +
Y (Solution : Expérience esthétique =
herméneutique vers +
passé ou
culture étrangère) +
Z (Problématique : Fonction esthétique/
dévoilement +
appel à la compréhension d’une autre
conscience).
Au niveau des trois textes : (t. A), (t. B), (t. C), la formule (X
+ Y + Z) a permis de saisir la structure globale de l’ordre logique en œuvre
dans leur organisation générale. Et celle-ci semble chaque fois dire : X
«est un problème», Y «en est l’explication / ou la solution», Z «en fait
le point de départ d’une recherche en vue d’une théorie générale ou d’une
praxis de cette solution». DE ce point de vue, purement logique, on peut
affirmer une certaine ressemblance entre les trois textes décrits. Mais il faut
le dire, sur le plan des contenus, il est facile de percevoir d’énormes écarts
de points de vue, de procédure et de conceptions théoriques. Notons enfin de
compte, pour ce qui est de la structure globale de chaque texte du corpus
l’illustration au niveau de la composante Y (de la structure globale (X+Y+Z) du
phénomène littéraire discuté à l’aide d’exemples empruntés à la littérature
classique ou théologique, et cela comme une constante de la structure globale
de ces textes (Cicéron et Bossuet pour (t. A) de R. Barthes, «Les
Euménides » d’Eschyle pour M. Blanchot dans (t. B) et Homère et la Bible
dans le (t. C) de H.R. Jauss). Cette analogie dans la structuration de leurs
textes ici relevée rejoint-elle sur le plan des idées chez nos auteurs une
convergence de leurs théories ?
C’est ce que nous allons tenter d’éclairer, cette fois-ci, au niveau des
traits structurels de notre corpus (ou micro - structures de ces derniers).
1.1.2. Niveau des
traits structurels divergents :
L’ayant
appréhendée dans sa globalité, la structure des textes (t. A, t. B, t. C),
risque de livrer, d’un texte à l’autre ses traits divergents (ou détails
incompatibles ou non). Là, nous serions tentés de dire (d’un lieu un peu voisin
et qui en fait, tend à s’en rapprocher davantage, téléologiquement parlant) avec
M. Georges Benrekassa : « Il n’y a pas lieu de s’étonner que ce
détour ait contribué à une certaine dispersion de l’objet lui-même, et surtout
que notre démarche ait été fragmentée. Cette fragmentation n’est pas
accidentelle ; et si on peut discerner dans ces écrits ce que certains
appellent de THÈMES notre souci a été d’abord de les fracturer.»[10].
Cette fracturation s’accompagne pour nous ici d’un souci d’analyse comparative
de textes à caractère théorique, donc soucieuse de leur portée heuristique et
épistémologique (voit « hypothèse structurante » énoncée plus haut). Nous
examinerons donc ces traits structurels divergents à travers les procédés
heuristiques ci-après :
a- Les points de
vue en présence :
Théoriquement, la question de points de vue peut se décider au sein
d’une sorte de «Dilemme» entre la partie et le tout de l’objet à étudier. C’est
ce dont parle dans une optique linguistique Oswald Ducrot dans son introduction
aux «Actes de langage» de J.R. Searle : «Pour éviter ce dilemme,
Saussure demande au linguiste de construire un objet qui ne soit pas une simple
région délimitée à l’intérieur du donné, une partie de la matière, mais qui en
soit véritablement abstrait (et non pas extrait), qui représente un aspect
privilégié, et non pas un secteur privilégié des phénomènes. Inaugurant ainsi
en linguistique le renversement copernicien
qui, selon Kant, ouvre à une discipline la voie royale de la science,
Saussure demande au linguiste de choisir délibérément, avant toute recherche,
LE POINT DE VUE selon lequel il interrogera les phénomènes et qui lui permettra
de construire l’OBJET SCIENTIFIQUE proprement dit.»[11].
À vrai dire,
dans les extraits que nous comparons ici le point de vue est saisi
empiriquement sans soutien métathéorique ou terminologique explicitement
aguichant. Mais la lecture redoublée aidant, des lignes forces s’en dégagent et
les points de vue se font reconnaître. Il s’agit en somme, ici rappelons-le
également, de conforter les constats faits là aux niveaux des textes avec les
statuts théoriques dégagés préalablement. Ce sera alors :
a.1. Le texte
A : (t. A de R. Barthes)
Dans cet extrait,
dès la première ligne, R. Barthes dit : «Ainsi, la forme même du message
littéraire est dans un certain rapport avec l’histoire et avec la société, mais
ce rapport est particulier et ne recouvre pas nécessairement l’histoire et la
sociologie des contenus». Et ce n’est qu’après qu’il indiquera «l’objet» de son
étude (sachant que nous sommes là au milieu d’un article dont l’extrait n’est
qu’une infime partie et c’est aussi le cas de tout le corpus). Le point de vue
qui se laisse voir ici dans le texte le t. A de R. Berthes comprend au sein
d’une même problématique le rapport liant la littérature, en tant que code
rhétorique, (signe) à une société (sociologie) et à une histoire (rapport plus
ou moins adéquat, plus ou moins exhaustif). Les éléments constitutifs du point
de vue du (t. A) recoupent cette définition du «Dictionnaire de Linguistique »
Larousse : La sémiotique moderne devra donc se garder de privilégier le
signe linguistique ; on peut avec J. KRISTEVA, trouver déjà dans le «COURS
DE LINGUISTIQUE GÉNÉRALE» de F. de Saussure cette mise en garde. La sémiotique
devra refondre les systématisations linguistiques, ainsi que les modèles logiques ou thématiques ;
elle devra s’appuyer sur une science du sujet et de l’histoire : cette
pratique antérieure et indispensable à la sémiotique sera la «SÉMANALYSE».»[12].
Nous sommes donc
en face du point de vue d’un sémioticien (ou sémanalyste). Cela confirme par
ailleurs le profil théorique que nous avions postulé dans nos préalables
stratégiques, autrement dit, le statut de «sémioticien» (ou sémanalyste ici)
attribué à R. Barthes dans le (t. A). Notons en définitive l’élargissement de
la sociologie à l’histoire qui s’y accuse de façon très notoire.
a.2. Le texte B : (t. A de M. Blanchot)
De façon
analogique, on peut déceler dans la première phrase de l’extrait de M. Blanchot
(t. B) les traits structurels du point de vue qui s’y déploie. On y lit
notamment : «L’on remarque quelquefois avec regrat que l’œuvre d’art ne
parlera plus jamais le langage qu’elle avait en naissant, le langage de sa
naissance que seuls ont entendu et reçu ceux qui ont appartenu au même monde.».
Celle-ci pourrait se décomposer en l’occurrence en livrant les traits que
voici : l’œuvre d’art (comme parole d’un vécu historique originel, ou
«langage» de sa «naissance»), «on» et «ceux qui ont appartenu au même monde»
(marques de la rupture d’une attente du «on» qui reste à «actualiser»,
actualisable peut-être à travers sa dimension poétique («regret» à dépasser
dans le cadre d’une «histoire idéale et schématique» dira T. Todorov à propos
de la «littérature» se préoccupant de sa propre «essence» chez Blanchot[13].
Le caractère définitoire de cette position
théorique inscrite comme point de vue dans le (t. B) de Blanchot se trouve
abondamment connoté à travers cette réflexion de J. Starobinski dans sa préface
à « Pour une esthétique de la réception » de H.R. Jauss, où citant ce
dernier, il en rapporte : «La possibilité de formuler objectivement ces
systèmes de références à l’histoire littéraire est donnée de manière idéale
dans le cas des œuvres qui s’attachent d’abord à provoquer chez leurs lecteurs
l’attente résultant d’une convention
relative au genre, à la forme ou au style, pour rompre ensuite progressivement
cette attente – ce qui peut non seulement servir un dessein critique, mais
encore devenir la source d’effet poétique nouveaux.» (p.51). Et Starobinsky
d’ajouter en commentaire : «À ce point, la théorie de Jauss ne ferait
qu’entendre et dynamiser le rapport de la LANGUE et de la PAROLE énoncé par
Saussure et Jakobson, ou le rapport entre la norme et l’écart dont Spitzer ne
faisait pas seulement un procédé heuristique pour l’analyse interne des œuvres,
mais de surcroît un indice pertinent, éclairant l’histoire des mentalités et
les mutations qui s’y produisent.»[14].
Retenons en
tout ceci que la rupture de l’attente est source «d’effet poétique» dynamisant
le rapport langue/ parole (Saussure - Jakobson), et cela nous rapproche
davantage du profil théorique présupposé dans nos préalables qui posent M.
Blanchot comme «poéticien» (t. B) (avec cette restriction supplémentaire, celle
que fonde une poétique du «contenu» actualisable de la genèse constante «de
l’œuvre» à travers la lecture, «lecture unique, chaque fois la première et
chaque fois la seule»[15].
a.3. Le texte C :
(t. A de H.R. Jauss)
Suivant le même procédé, considérant le
phrase initiale de l’extrait de H.R. Jauss (t. C), nous y trouvons les traits
constitutifs de son point de vue théorique (voir «Hypothèse structurante»
postulée et la conclusion sur «la structure globale », ci-dessus) et dont
il dit : «l’altérité du passé a, pour l’expérience esthétique, quelque
chose de fascinant, proche du Toi étranger.». Les éléments de ce point de vue
dans le (t. C) sont dans l’ordre : «L’altérité du passé» (ou «objets esthétiques»
et/ ou « culturels», voire étrangers : étrangeté dans le temps et
l’espace historique et socio-anthropologique), un «Toi étranger» locuteur
privilégié dans un rapport de communication avec «une altérité passée» (celle
des auteurs des œuvres artistiques), comme «conscience autre», «une expérience
esthétique» comme médiation intersubjective entre l’objet esthétique – sujet
(locuteur) et l’interprète (allocutaire) mis en rapport au sein d’un affect
(ici le « fascinant » ou «l’acte jouissif» , d’une jouissance
communicative active, non pas passive), enfin «le passé» (comme historicité,
condition sine qua none de la possibilité de cette communication esthétique
productrice/ réceptrice de l’accès à l’affect disant d’une autre conscience
(créatrice originelle/ ou participatrice contemporaine).
Or, rien n’explicite
mieux et ne résume avec assez d’économie que Jauss lui-même en un passage que
cite Starobinsky, passage extrait que le maître de Constance donne en
conclusion dans la préface qu’il rédigea pour l’édition japonaise de son livre[16] :
«La pratique esthétique, dans ses conduites de reproduction, de réception, de
communication, suit un chemin diagonal entre la haute crête et la banalité
quotidienne; de ce fait, une théorie et une histoire de l’expérience esthétique
pourrait servir à surmonter ce qu’ont d’unilatéral l’approche uniquement
esthétique et l’approche uniquement sociologique de l’art ; cela pourrait
être la base d’une nouvelle histoire de la littérature et de l’art, qui
requerrait, pour son étude, l’intérêt général du public à l’égard de son objet.»[17].
En somme, nous somme bien devant le profil théorique que nous avons avancé au
début de cette lecture comparative qui attribue à Jauss le statut a priori de
théoricien de «l’esthétique communicative en littérature». Celle-ci s’étend ici
outre le domaine de l’art en général, à celui de l’histoire (à faire) de la littérature et de l’art comme
expérience esthétique (donc communicative, voire «pragmatique»[18],
théorisée.
On peut donc
conclure provisoirement à une divergence dans les points de vue des trois
textes (t. A, t. B, t. C) quant aux moyens (méthodes et procédés mis en
œuvre : sémiotique, poétique esthétique «pragma-communicative»), non en ce
qui concerne l’objet et les fins (donnés souvent implicites dans le discours
spécifique de chacun des trois auteurs). Ces donnés convergents sont les objets
d’art et leurs conditions de production/ réception (comme objet de
connaissance, par exemple : Cicéron/ Bossuet dans Blanchot dans (t. A) de le Barthes, Eschyle (les
Euménides) dans le t. B) de Blanchot), et Homère/ la Bible dans le (t. C) de
H.R. Jauss. Les fins poursuivies sont toutes d’ordre cognitif, mais diversifiés
dans leurs formes : à savoir explicatif/ interprétatif chez Barthes,
génétique/ dérivatif chez Blanchot, intuitif/ intersubjectif chez Jauss. Et ce
qui, à notre avis, particularise leurs théories respectives, tout en les
unifiant.
1.1.3. Niveau des traits structurels
convergents :
Outre les traits signalés plus hauts et qui sont d’ordre empirique, les
textes (t. A, t. B, t. C) ont pour lieu de convergence deux plans
épistémologiques : le premier de nature interdisciplinaire, le second de
caractère intersubjectif.
a. Le plan interdisciplinaire
et le plan intersubjectif :
En ce sens, examinons respectivement ces deux plans interdisciplinaire
et intersubjectif des traits structurels
convergents du corpus.
a.1. Le plan
interdisciplinaire des traits structurels convergents du corpus :
Les traits structurels convergents que
comporte le plan interdisciplinaire du corpus sont notamment : la
sociologie explicitement formulée dans le (t. A) de Barthes (« sociologie
des contenus »), connotée et implicitement désignée dans le (t. B) de
Blanchot («le même monde», «un monde déployé»), expression ambiguë que
différencie et contextualise le mot «Grecs» dans le premier cas référant à la société
athénienne d’Eschyle, mais qui devient fiction, contextualisée par le terme «lecture» dans le second cas),
manifestement évoquée dans le (t. C) de Jauss (mais de façon oblique par l’item
«situations sociales» des manifestations de l’art). Ainsi la sociologie est
mise à contribution dans les trois textes, soit comme théorie (t. A), soit
comme matériau, «objet de connaissance» (t. B et t. C). L’histoire y acquiert l’unanimité :
«l’histoire des contenus», par
opposition sans doute à celle des formes littéraires chez Barthes (t. A),
«jadis»/ «les Grecs»… (forme très allusive à l’histoire, vue sous un jour moins
scientiste, plus subjectif voire anecdotique) chez Blanchot (t. B), «situation
historique»/ «altérité passée» (combinaison d’une référence bivalente des
conceptions du (t. A) et du (t. B) chez Jauss (t. C).
Il en va de même pour l’esthétique qui
fonde l’objet même du propos heuristique de ces textes : «Message
littéraire»/ «code» rhétorique dans le (t. A), «l’œuvre d’art» dans (t. B) et
«l’expérience esthétique»/ «la fonction esthétique»/ «l’activité esthétique»/
«l’objet esthétique» dans (t. C) – pléthore terminologique, redondance, forme
d’une théorisation intensive dans ce texte. Quant à la référence à une théorie
de la communication, elle est également inscrite dans chacun des textes du
corpus : «la forme du message littéraire» chez Barthes (t. A), «parole»/
«langage»/ «parole de l’origine» chez Blanchot (t. B) (qui articule ici deux
modes de communication : effective, ordinaire, pragmatique et fictive,
subjective, imaginante, idéelle, voire idéale) – ceci d’ailleurs pourrait être imputé à la nature
de l’objet sémiologique de cette communication, visible également dans
l’exemple de Barthes cité («message littéraire»), «les témoignages les plus
parlants»/ «documents muets»/ «appel à la compréhension d’une autre conscience»
chez Jauss (t. C) (à la communication fictive et effective s’ajoute ici la
communication zéro du «document muet», ou «réception zéro», selon Wolf Dieter
Stemplel[19]). Par
leur référence plus ou moins explicité mais omniprésente, les trois textes confirment
sur le plan interdisciplinaire la convergence des traits structurels qui les
composent à ce niveau de l’analyse. Qu’en est-il alors sur le plan
intersubjectif ?
a.2. Le
plan intersubjectif des traits
structurels convergents du corpus :
Un
coup d’œil jeté sur les modalités de la parole dans ces textes montre leur
quasi-appartenance à un même type de métadiscours. Pour ce faire, mis à part
les marqueurs argumentatifs, dressons un tableau rapide des sujets dans la
pronominalisation de la prise de parole (ou focalisation du discours dans (t.
A), (t. B) et (t. C) :
Texte
(t. A)
|
Texte
(t. B)
|
Texte
(t. C)
|
On
il ya
il (conceptuel)
(Barthes)
|
On
nous
il (conceptuel)
(Blanchot)
|
Toi ( !)
(nos)
on
il (conceptuel)
(Jauss)
|
Tableau
des sujets de prise de parole
Notons l’absence du «je», mais la
présence du «on» qui l’inclut à une équation d’intersubjectivité plurielle de
la parole théorique, et cela dans l’ensemble du corpus. Le « nous »
lui fait pendant dans le (te. B) et le (t. C). Mais le neutre scientifique du
«il y a» (t. B) et (t. C) ou «il» (conceptuel) qui souvent peut céder la place
au nom (substantif conceptualisé) constituent la marque du discours rationnel
théorisé. Le «Toi» du (t. C) de Jauss marque de façon explicite l’implication
intersubjectif voilée dans le cas de «on» ou du «substantif conceptualisé»
(l’histoire, la lecture, le lecteur, les Euménides, etc.).
Ainsi se trouve une
nouvelle fois rapprochés, sur le plan des traits structurels convergents la
ressemblance des métadiscours de ces
textes au niveau d’une relation intersubjective/ objective (avec exclusion
radicale du subjectif). À cet égard, Jauss dit dans son «Entretien avec Charles
Grivel» : «L’esthétique de la réception est une théorie de
l’intersubjectivité qui pris congé du lecteur solitaire et de l’interprète en
ma d’originalité.»[20].
Il ne nous reste plus qu’à savoir désormais si dans ce corpus, nous sommes
devant une seule et même théorie, ou en face de plusieurs théorie réductibles
ou non à une seule d’entre elles.
2. Des théories particulières :
En passant en revue « l’objet »
dont s’occupe ici chacun des textes du corpus, le point de vue fondateur qui
s’y observe, nous constatons (en se référant directement au schéma communicatif
de la théorie de la réception, ci-dessus) les faits suivants : le (t. A) a
pour objet le «code rhétorique» (ou « sujet et procès de la production»,
ici la bourgeoisie et le code historiquement et socialement situé, du message
littéraire chez Barthes), le (t. B) ayant pour objet de réflexion théorique
«l’œuvre d’art» (le (t. B) de Eschyle, par exemple) et le (t. C) ayant pour
objet d’étude «l’expérience esthétique» (ou «sujet» et procès de la réception.
Ainsi, dans l’ordre du fonctionnement du «schéma de la théorie de la
réception », chacun des points de vue découverts ci-dessus occupe suivant
l’objet d’étude qui est le sien l’un des quatre pôles communicatifs qui le compose :
- Le (t. A) : «Sujet et
procès de production» (1)
- Le (t. B) :
«Texte» (2)
- Le (t. C) : «Sujet
et procès de la réception» (3)
Tandis que les trois textes par leurs
«objets» d’étude situent leurs points de vue respectifs au niveau des pôles (1)
pour (t. A), (2) pour (t. B), (3) pour (t. C), le pôle (3) autrement dit, celui
du «contexte historique inconscient» reste le lieu géométrique commun aux trois
«objets» et aux trois «points de vue» du corpus dans son ensemble. Cela aura
caractérise et par la même occasion la place stratégique de chacune des théories
particulière observée ici, et sa mise en rapport avec les autres, au sein du «schéma de la
théorie de la réception» qui semble, non seulement les représenter toutes, mais
les délimiter dans le cadre d’un réseau d’interrelations (de communication) qui
les englobe parfaitement et les structure en «rapports de praxis théorique» :
la fonction productrice (1), (le produit textuel (2), la fonction réceptrice
(3), corrélés ensemble à leur référent ontologique « d’objet
esthétique », le « contexte historique inconscient» (4).
Par conséquent, nous pouvons dire que la
sémiotique (t. A) comme la poétique (t. B) et l’esthétique de la réception (t.
C) constituent autant de réalisations possibles de la «théorie de la réception»
en littérature (du moins dans leur principe fondamental heuristiquement
épistémologiquement parlant). Quant à leur performance, l’analyse qui précède
vient de montrer leurs limites par rapport au schéma, qui théoriquement les
englobe et les explique toutes. Qu’en est-il de cet appareil théorique
préconisée par principalement par H.R. Jauss (et dont heuristiquement, nous
avons laissé entendre au niveau du «point de vue» et de «l’objet» que sa
théorie se plaçait au même niveau que les deux autres) - Chose à laquelle il
serait aberrant de souscrire, si nous tenons compte, ne se laisse que des
remarques pertinentes relevées à son sujet le long de cette lecture comparative
de notre corpus ? D’où pour mieux en rendre compte le recours
nécessairement à :
2.1. La théorie globale de l’art
en général :
De par sa structure globale, ses traits
structurels convergents et divergents, on peut dire déjà que «la théorie de la
réception» présente des avantages sérieux sur ses concurrentes. C’est ce que
nous allons tester à travers les codes herméneutiques en œuvre dans les trois
textes, en tant que théories particulières concurrentes : (t. A), (t. B),
(t. C). Nous le ferons au pôle (4) du «schéma de la réception», ou pôle du
« contexte historique inconscient». Cela constitue, à notre avis, un
point théoriquement constitué comme champ ouvert aux trois théories en
question, c’est-à-dire, la sémiotique de Barthes, la poétique de Blanchot et la
théorie de l’esthétique de la réception (ou théorie communicative) de Jauss. On
y évaluera l’économie, l’adéquation et l’exhaustivité de chacune d’elles.
2.2. Le test d’évaluation :
Pour commencer, il est d’à propos de voir
dans l’ordre suivi jusqu’à présent, l’appareil herméneutique de chacun des
textes au point (n°4) du schéma de la réception (ou «pôle du contexte
historique inconscient »). Ils se présentent de la manière suivante :
2.2.1. L’herméneutique du (t. A)
de R. Barthes :
Dans un article «Structure et herméneutique», G.
Genette écrit à ce sujet : «À propos d’une même œuvre, la critique
herméneutique parlerait le langage de la reprise du sens et de recréation
intérieure, et la critique structurale de la parole distante et de la
reconstruction intelligible»[21].
Mais plutôt dire avec R. Barthes, dans «S/
Z», le code des « herméneutiques » (ou unités formulant des
réponses, des vérités relatives des déchiffrements)[22].
Et ce sont ces unités relatives à des textes d’ordre théorique (ici
historiquement interprétés) que nous allons interroger. L’herméneutique du (t.
A) d’obédience sémiotique se présente, en effet, comme suit : l’histoire y
est prise comme :
- une grille d’analyse (canonisée : de
«Cicéron» à «Bossuet», c’est
la
« rhétorique classique» et du « milieu du XIXe siècle à
maintenant», celle-ci a subi une
« mutation profonde », non sans
artefacts),
-
l’explication est empruntée à la sociologie, réductionnisme ou
extrapolation (la cause probable est «la
crise de la conscience
bourgoise»),
- le problème reste celui de savoir
s’il y a lieu «évolution successive» ou
par «translation», peut-être,
selon un rythme endogène « analogue à
celui qui le changement de mode»,
-
« l’évolution de la rhétorique » demeure inexpliquée malgré la
mise en
équation de la rhétorique et de
«la mode», comme auparavant de
«l’histoire» et de la
« sociologie ».
C’est l’échec de l’herméneutique prenant
«l’histoire» comme grille d’analyse (Histoire de l’Occident) de l’histoire du
code rhétorique (en somme l’histoire prise comme modèle et objet, à la fois de
sa propre analyse) : c’est aussi celui de la sémiotique du (t. A) face au
«contexte historique inconscient» (4) du schéma de la réception.
2.2.2. L’herméneutique du (t. B)
de M. Blanchot :
Dans l’optique du (t. B), en tant
que théorie poétique, l’histoire est prise dans le sens de :
- dispositif chronologique idéal
producteur «d’œuvres d’art»,
- l’explication est celle d’un
scénario en trois temps : le temps des dieux, le
temps des hommes (politique en
quelque sorte), le temps des œuvres
d’art (comme vestiges du passé),
- le problème est un sentiment
nostalgique de l’âge d’or, origine de
l’œuvre d’art,
- D’où dans le cas de la littérature,
la lecture mimétique constante de la
genèse du contenu de l’œuvre
(projection sans doute subjective, voire
aléatoire).
Dans le cas de l’herméneutique du (t.
B), le défaut réside dans la pseudo-historicité de la vision (nonobstant la
référence aux Grecs et à Eschyle). C’est la superposition de l’empirique au
mythique (voire à «l’utopique») dans un rapport d’extrapolation perpétuel. Car
comment expliquer la mise en rapport d’un problème d’historicité objectif
(l’art des Grecs) avec le fantasme d’une lecture d’un individu, qui subjectivement
et arbitrairement s’y projette à la quête d’une origine à jamais
déficitaire ? L’aspect fantastique de l’herméneutique poéticienne n’a
d’excuse que la « jouissance » que le sujet pourrait éventuellement
en tirer. Quant à son historicité inconsciente, elle demeure fantomatique,
fuyante, illusoire, en un mot inaccessible à la connaissance de l’histoire.
2.2.3. L’herméneutique du (t. C) de H.R.
Jauss :
Elle considère l’histoire comme «une altérité passée»,
autrement dit, comme «un objet de la connaissance», éloigné dans le temps.
Jauss en tant que théoricien de l’esthétique de la réception constitue son
herméneutique de la façon qui suit, il oppose :
- aux documents historiques,
sociologiques, anthropologiques «muets»
et sans témoins (lecteur ou
observateur extérieur)/ la fascination
parlante de l’expérience
esthétique (autrement dit à la sémiotique/
«l’esthétique de la
réception»,
- à la projection subjective arbitraire/ la découverte et la
compréhension des étapes d’une
appropriation d’un savoir du passé
dans l’expérience des présents
successifs par l’entremise de
l’expérience esthétique, jetée
comme un pont vers l’altérité des passés
lointains ou des cultures
étrangères (en d’autres termes, à la poétique/
la fonction esthétique en tant
qu’activité médiatrice d’une
communication ouverte sur le
monde (ou herméneutique de sa
connaissance),
- à «l’étrangeté» du secret du «Toi
étranger»/ le dévoilement et l’appel à
la compréhension
d’une «autre conscience» (par identification,
dialogue a posteriori), en transformant
l’objet culturel en objet
esthétique (jouissance active et
source de connaissance).
Il résulte de ce parcours des trois
herméneutiques : sémiotique (t. A), poétique (t. B) réceptionnienne (t. C)
que cette dernière les reprend touts en les assumant dans un dépassement de
leurs contradictions et difficultés cognitives et théoriques. Elle apparaît
capable de plus de généralité, de cohérence logique et d’exhaustivité. H.R.
Jauss définit sa théorie en se démarquant de celles qui lui sont contemporaines
en disant dans son «Entretien avec Grivel» : «Dans la mesure où notre
champ de recherche alla au-delà du
moment de l’art autonome et de la littérature moderne, où il entendit inclure
des traditions littéraires se situant en deçà ou au-delà du concept humaniste
de l’œuvre, une question apparut, quelque peu négligée par l’esthétique
classique, celle qui porte sur l’expérience de l’art, donc sur la praxis
esthétique : on en trouve la présence dans toutes les manifestations de
l’art, la productrice (poièsis) , la réceptrice (aithèsis), la communicative
(catharsis). Il s’ensuivit qu’il fallait compléter l’analyse du lecteur
implicite par celle du lecteur historique, la reconstruction de l’horizon
d’attente impliqué dans l’œuvre par celle d’un autre horizon, celui que définit
pour le lecteur , dans son approche de l’œuvre, le monde où il vit.»[23].
Cela résume de façon décisive, l’étendue
et la portée de l’herméneutique (t. C) et sa supériorité opérationnelle sur ses
concurrentes, celles du (t. A) et (du (t. B). On pourra schématiser ce rapport
dans le tableau ci-après :
Théories
particulières
|
Théorie
de la sémiotique
(t. A)
«Documents
muets»
|
Théorie
de la sémiotique
(t. B)
«Projection
subjectif arbitraire»
|
Théorie globale
|
Théorie
Communicative
de l’esthétique de la réception
« Pont
herméneutique de l’expérience esthétique »
|
Cela vient en dernier lieu confirmer
notre hypothèse de base « d’une théorie structurante » sous-tendant
les corpus et validant par la même occasion nos préalables émis sur la lecture
comparative de corpus.
3. Conclusion :
En conclusion, il est légitime de
dire que du point de vue heuristique comme épistémologique, la lecture
comparative a vérifié et réalisé les conditions de sa pertinence quant à
l’explication comparée des textes du corpus, autrement dit celles postulées au
début de cette étude (préalables, postulat et hypothèse de base).
De façon générale, au niveau structurel
comme au niveau micro-structurel des textes du corpus (t. A, t. B. t. C), nous
avons observé des divergences et des convergences, et cela au niveau de la structure globale commune aux
textes du corpus (formulée : [X + Y + Z] explicitant l’ordonnance logique
des idées des textes, des points de vue respectifs (comparés au profil
théorique a priori de leurs auteurs, établis à cet effet dans notre postulat de
départ), des théories particulières qui en découlent (traits structurels
divergents et convergents de la théorie structurante. Nous avons alors constaté
que les trois textes du corpus recouvraient chacun un point de vue et un objet
d’étude différents (le «code rhétorique» dans la sémiotique de Barthes (t. A),
« l’œuvre d’art littéraire » dans la sémiotique, « l’œuvre d’art
littéraire » dans la poétique de Blanchot (t. B) et « l’expérience esthétique »
dans la « théorie communicative » de Jauss (t. C). Par rapport aux
herméneutiques des théories particulières, le «schéma de la réception» (v. Dällenbach)
nous a permis de fonder analytiquement la théorie de la réception esthétique de
Jauss, comme théorie structurante globale de la sémiotique de Barthes et de la
poétique Blanchot. Mais comme le dit si bien G. Benrekassa : « Le
langage théorique sur les textes est radicalement incapable de mettre en forme
de manière «objective» un discours de/ sur la signifiance du sujet… »[24].
D’où la nécessité de constater que cette théorie reste en deçà d’une
performance empirique suffisante, et attend d’être théoriquement et
heuristiquement parachevée, au contact des œuvres littéraires et artistiques concrètes,
de l’histoire et du monde.
Dr.
SOSSE ALAOUI MOHAMMED
[1] Iser,
Wolfang : « La fiction en effet », in «Poétique», N° 39,
Septembre 1979, pp.276 et 298.
[2] Notre corpus : Barthes, Roland : « L’analyse
rhétorique», in «Littérature et société», Ed. de l’Institut de
Sociologie de l’Université de Bruxelles, 1967, p.34 ; Blanchot, Maurice,
« L’espace littéraire », Ed. Gallimard, 1955, p.277-278 ;
Jauss, Hans Robert, «Sur l’expérience esthétique en général et littéraire en
particulier : Entretien avec Charles Grivel», in «Revue des Sciences
humaines», N° 177, 1980-1, pp. 18-19.
[3] Sontag,
Susan : « Roland Barthes : L’esprit, le jeu le
pathétique », in «Magazine littéraire» ; texte reproduit par le
journal «Almaghrib Culture», N°1316, p.III., Octobre 1981 (Maroc).
[4] Dubois, Jean,… : «Dictionnaire de
linguistique », Lib. Larousse, 1973, voir sémiologie »/
« sémiotique », pp.434-435.
[5] Dubois, Jean,… : «Dictionnaire de
linguistique », Op.cit., § ‘poétique’, p.381.
[6] Jakobson, Roman : «Linguistique et poétique», in
«Essais de linguistique générale», Ed. de Minuit, 1963, pp.209-248.
[7]
Dällenbach, Lucien : «Actualité de la recherche
allemande», in «Poétique», N°39, Septembre 1979, p.259.
[8] Benrekassa (Georges) : «Le concentrique et
l’excentrique : Marges de lumière», Ed. Payot, 1980, p.27.
[9] Dällenbach (Lucien) : Op.cit., p. 260 : “Schéma
de la théorie de réception ».
[10] Benrekassa, Georges : «Le concentrique et
l’excentrique : Marges des lumières», Op.cit., p.27.
[11] Ducrot, Oswald : « De Saussure à la
philosophie des actes de langage », in
introd. à « Les actes de langage» de J.R. Searle, Ed.
Herman, 1972, p.8.
[12] Dubois, Jean,… : «Dictionnaire de
linguistique », Op.cit., § ‘la sémiotique’, pp.434-435.
[13] Todorov,
Tzvetan : Op. cit., p.136.
[14] Starobinsky, Jean : in Préface à «Pour une
esthétique de la réception» de J.R. Jauss, Ed. Gallimard, 1978, pp.15-51.
[15] Blanchot, Maurice : Op.cit., p.271.
[16] Starobinski, Jean : Op.cit., p.19.
[17] Op.cit., p.
19.
[18] Stierle,
Karlheinz : «Réception et fiction », in «Poétique», N°39,
Septembre 1979, p.299.
[19] Stemplel, Wolf Dieter : « Aspects
génériques de la réception », in «Poétique», N°39, Septembre 1979,
p.357.
[20] Jauss, Hans Robert, «Sur l’expérience esthétique en
général et littéraire en particulier : Entretien avec Charles Grivel»,
Op.cit., pp. 18-19.
[21] Genette, Gérard : «Structure et herméneutique»,
in «Esprit», N°35, 1967, p.161, cité in H.R. Jauss, dans : «Pour
une esthétique de la réception», note 16, p.116.
[22] Raymond, Jean «Le commentaire comme forme
« active » de la critique», in le journal « Le Monde »,
supplément du 9 mai 1970, p.III (sur Balzac lu par R. Barthes : S/ Z).
[23] Jauss, Hans Robert, «Sur l’expérience esthétique en
général et littéraire en particulier : Entretien avec Charles Grivel»,
Op.cit., p. 8.
[24] Benrekassa, Georges : «Le concentrique et
l’excentrique : Marges des lumières», Op.cit., p.238
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