SOLIDARITÉ HISTORIQUE ET DESTIN
COMMUN
MAROCO-ALGÉRIENS À
TÉTOUAN AU 13(H)/ 19(C), DANS
"AL JAZA'IRIYYUN FÎ
TITWAN FÎ AL QARN 13 (H) / 19(C)"
DU Pr. DRISS BOUHLÎLA
A travers son
livre arabophone "Al Jazaïriyyun fi Titawan fi al Qarrn 13 (H)/ 19 "
(Les Algériens à Tétouan durant le 13ème siècle (H)./ 19ème siècle (C)) – Imp.
Hidaya, Tétouan, 2012, 154 p. -, le Pr. Driss Bouhlila retrace l'itinéraire de
"la solidarité historique et le destin commun maroco-algériens à Tétouan
au 13 H/ 19 (C)". Dans ce sens, le Pr. Mohamed Cherif indique résolument
dans la préface : "Le Pr. Driss Bouhlila fraye son chemin, dans le domaine
de la recherche historique, patiemment et posément, depuis qu'il a rejoint la
Faculté des Lettres et des Sciences humaines de Tétouan (…); et a réalisé des
recherches et des études précieuses sur l'histoire sociale de la ville de
Tétouan, avec pour préambule l'authentification du livre : "Al Hulal al
bahiyya fi Mulûk Ad- Dawla al 'alawiyya wa 3addi ba3di Mafakhiriha al
Mutanahiyya'" (Les beaux quartiers des Rois de l'Etat alaouite et le Répertoire
de certains de leurs grandes Oeuvres achevées), de Mohamed al Machrafi (m.
1916), d'origine algérienne, émigré avec sa famille à Fès, en 1844."
(p.5). Pour ce qui est de la solidarité historique et la le destin commun
maroco-algériens, le livre du Pr. Bouhlila nous permet de reconstituer notamment
:
1. la
solidarité historique maroco- algérienne comme lien sacré sans frontières
(1830-1962) :
Relatant la
solidarité historique maroco- algérienne comme un lien sacré sans frontières
(1830-1962), Jean Wolf évoque en particulier : "A travers tout cet
imbroglio ['la question d'Orient'], la sultans Alaouites naviguaient comme ils
pouvaient non seulement pour faire front devant les visées étrangères, mais
aussi pour assurer la paix dans leur empire et l'obéissance dans les tribus
éternellement révoltées. Ils désiraient évidemment maintenir leur pays en
dehors de tout conflit, mais la solidarité maghrébine et arabe [sacrée et sans
frontières] rendit cette solution impensable à partir de 1830. Sous peine de
faillir à l'honneur et de renier ses frères de race, il fallait prendre
position.
C'est ainsi que
Moulay Abder- Rahaman, bien qu'il ait renouvelé
le traité d'amitié signé avec la France à Marrakech en 1767, ne peut
s'empêcher de prendre fait et cause pour le chef algérien Abd el Kader. Mal lui
en prend, d'ailleurs! Car il s'en suit la bataille d'Isly, le bombardement de
Tanger et le débarquement des troupes françaises à Mogador [Essaouira], tout
cela se terminant par le traité de Tanger de 1844, complété par la convention
de Lalla Maghnia en 1845. Abd el Kader fait sa reddition en 1847 au général de
Lamorcière et s'en va mourir à Damas, non sans avoir flanqué une pagaille
monstre au Maroc (…). Son but était d'amener l'armée française à pénétrer au
Maroc, ce qui amènerait des complications internationales dont il tirerait
parti en Algérie." – "MAROC:
LA VERITE SUR LE PROPTECTORAT FRANCO-ESPAGNOL", Ed. Eddif- Balland, 1994, p.68.
Dans cette optique,
Driss Bouhlila précise : "La solidarité : l'idée de solidarité est une
idée ancrée dans l'esprit et les actions du sultan Moulay Abd el Rahman ibn Hicham à l'égard des Algériens émigrés dans la
ville de Tétouan, en 1226H/ 1830, comme auparavant et par la suite, bien plus à
l'égard du peuple algérien entier du temps où il fut sous le joug du
colonialisme français. Nous écartons l'idée d'une ambition personnelle et de
prestige, et de convoitise d'occuper l'Ouest algérien, Tlemcen, qui vit arriver
les avants- postes de l'armée marocaine en un temps record, dans la mesure où
cela signifie la solidarité, la cohésion des peuples musulmans entre eux au
temps des crises, et surtout en de pareille situation." (p.26).
En sens
inverse, le Pr. Bouhlila évoque par ailleurs la solidarité historique des
Algériens émigrés à Tétouan lors de la guerre que connaît cette cité contre les
Espagnols en 1859-1860, en soulignant : "Quelle fut l'attitude des
Algériens émigrés au Maroc vis- à- vis de la guerre de Tétouan (…)? L'analyse
de types d'écrits des émigrés algériens au Maroc, et précisément dans les
villes de Tétouan et Fès, dans la seconde moitié du 13 (H)/ 19è. s.), ceux-ci
reflètent une attitude franche de ces derniers à l'égard de l'invasion coloniale
espagnole de Tétouan, en 1276 (H)/ 1859-1860. Il n'est guère étonnant qu'ils
révèlent au lecteur et à l'observateur des questions des Algériens au Maroc le
degré de leur attachement à leur patriotisme, et leur nationalisme maroco-
arabo- musulmans." (p.43).
Aussi les
conséquences d'une telle solidarité historique maroco-algérienne jalonnent-t-elles
la lutte pour la libération des deux pays frères (1830-1962). En témoigne les
raids et les spoliations de l'armée française sur l'Est du Maroc qui reporta,
par solidarité et d'un commun accord leur restitution par les frères
algériens après l'indépendance de leur
pays. Feu S.M. Hassan II indique en cet égard dans "Le Défi" :
"Il nous faut évoquer ici une lamentable péripétie des luttes menées en
commun pour l'indépendance du Maghreb. En octobre 1956, M. Ben Bella et quatre
de ses compagnons, dirigeants des forces de libération algériennes, avaient été
les hôtes de Mohamed V. 'Sur l'ordre d'irresponsables', l'avion qui les
ramenait à Tunis fut intercepté et détourné sur Alger par la chasse de
l'aviation française. Nous avions, moi et mon père, vivement ressenti l'injure
et proclamé notre indignation (…).
Au moment du
cesser- le- feu mettant fin aux
hostilités en Algérie, que se passe-t-il? Nous refusons une nouvelle fois de
nous voir restituer par la France les territoires marocains des confins de
l'Est. Mais le règlement fraternel prévu n'a pas lieu. Les Marocains qui ne
veulent pas participer au référendum préparé par le G.P.R.A. sont au contraire
attaqués, molestés par l'Armée de Libération algérienne." – "Le
défi", Ed. Albin Michel, 1976, p.90.
L'armée française n'a pas non plus épargné le
Maroc pour cette solidarité. "Quoiqu'il en fut, écrit Henri Aveille en
1959, la situation intérieure du Maroc et la tension provoquée par les
incidents survenus en Août au Sud de Bou-Arfa entre l'armée marocaine et
l'armée française ont amené le retour du Roi [Mohamed V en voyage en Suisse]
plus tôt qu'il n'avait été prévu (…). Au Sud de Bou-Arfa, l'occupation d'un
poste militaire marocain par l'armée française a brusquement tendu les
relations franco-marocaines. Les membres d'une commission d'enquête comprenant
les autorités marocaines et des représentants français ont été enlevés par une
bande du F.L.N. Ils ont été libérés au bout de quelques jours. – "La vie
au Maroc", in "CONFUENT", n°3, OCTOBRE-NOVEMBRE 1959, Rabat, p.349.
D'où par là même,
la perspective d'un destin commun du Maroc et de l'Algérie, méconnu à ce jour, par l'Etat
algérien indépendant au détriment du pari
commun d'un Grand Maghreb arabe et euro- méditerranéen tant attendu. Il en
découle donc :
2. le destin
commun maroco- algérien comme pari du grand Maghreb arabe et euro-
méditerranéen tant attendu (1830-1962) :
Quant au destin
commun maroco- algérien comme pari du grand Maghreb arabe et euro-
méditerranéen tant attendu (1830-1962), il émane des conséquences directes de
la défaite commune algéro- marocaine, de l'émir Abd el kader et de Moulay Adder-Rahman,
à Isly, en août1844, face à l'armée
française, occupant Alger depuis 1830, et celle de subie par le Maroc, à
Tétouan (en novembre 1859-1861) face à l'armée espagnole d'O'Donnel, qui vont
hypothéquer la souveraineté et
l'indépendance du Maroc, envahie de toutes parts par les puissances coloniales,
le tout soldé par le traité du protectorat franco-espagnol du 30 mars 1912.
Dans cette optique, le Pr. Bouhlila signale dans son livre : "Sans doute,
parmi les indices et les preuves de l'intégration des Algériens dans la vie
publique de la ville de Tétouan, qui dément la fausseté des thèses des écrits
coloniaux et celles de ceux qui l'ont suivi, leur adhésion à la société
marocaine et leurs nombreuses contributions en son sein, leur défense de
l'identité civilisationnelle arabo- musulmane, de l'unité du Maroc, et leur
prise position aux côtés des Marocains contre l'occupation étrangère
franco-espagnole, ce qui augure de la naissance d'idées, que nous considérons
être à l'origine des mouvement d'indépendance au Maghreb arabe durant le 13 (H)/
19." (p.132).
Certes, il faut
noter sur ce point avec J. Woolf au sujet la création, en 147 au Caire, du
Comité de Libération du Maghreb, sous la présidence de l'Emir Abd el Krim Khattabi
: "Pour le restant, il [Abd el Khaleq Torrès] trouve à s'occuper et l'on
se souviendra que, le 31 mai 1947, à Port-Saïd en collaboration avec ses amis,
il fait sortir l'Emir Abd el Krim de son navire- prison et le réintroduit de
plain pied dans l'histoire contemporaine (…). Toujours soutenu par la Ligue [Arabe],
il fonde, le 9 décembre 1974, avec Allal el Fassi, dans la capitale égyptienne,
le Comité de Libération du Maghreb arabe dont la présidence est confié à l'Emir
[Abd el Krim], la vice- présidence à son frère Mhammed, le secrétariat à Habib
Bourguiba et la trésorerie à Mhmmed Ahmed Benbaboud. Cet organisme s'avérera
être une arme de guerre redoutable contre le colonialisme [au Grand
Maghreb]." - "MAROC: LA VERITE SUR LE
PROPTECTORAT FRANCO-ESPAGNOL", Op.cit., 1994, p.243.
La devise de
destin commun maroco- algérien comme pari du grand Maghreb arabe et euro-
méditerranéen tant attendu (1830-1962) est clairement rapporté par M. Bouhlila
dans cet ouvrage de mémoire collective, consacré aux émigrés algériens à
Tétouan, en 1930, en ces termes : "A travers l'exposé de l'auteur anonyme
[un émigré algérien] sur les causes et conséquences de la guerre [de Tétouan],
il explicite que la responsabilité de la guerre revient à la partie espagnole
(…). Ce sont des positions qui ne peuvent évidemment être qu'hostiles et
opposées fermement aux colonialistes et leurs viles inconduites et soutenant le
Maroc dans ses revendications politiques pour la liberté et l'indépendance (…).
Car la cause de l'identité et du destin [commun] de la 'umma' [la nation
musulmane] uniformisait ce style." (p.54).
Après la guerre
des sables maroco- algérienne relative aux frontières spoliées par la France à
l'Est du Maroc (1963), le conflit artificiel algéro- lybio- marocain sur le
Sahara marocain (depuis 1975), la création du Groupe 5+5, ou Groupe des dix
(1990-2012) et l'UPM, l'Union pour la Méditerranée (2008), l'UMA, l'Union du
Maghreb Arabe (1989) est encore en état de gel permanent, à cause dossier du
Sahara marocain soumis en vain au regard de l'ONU, pour une solution négociée,
en vue d'une autonomie élargie sous
souveraineté marocaine, des provinces du Sud du Royaume, plan contrecarré indéfiniment
par le front du Polisario sous la houlette de l'Algérie post-coloniale (depuis,
1975).
En conclusion,
nul ne peut mieux dire à la lumière de la lecture révélatrice et fort
instructive de cet ouvrage sur 'Les Algériens à Tétouan durant le 13 (H)/ 19
(C)', qui éclaire plus le présent et le futur que la passé de 'la solidarité historique et du
destin commun algéro- marocain', de l'occupation d'Alger en 1830 à nos jours,
l'aspiration à la concrétisation du rêve du Grand Maghreb arabe et euro-
méditerranéen tant attendu (1830-2012), que cette réflexion de M. Chef dans la
préface : "Ce livre tentera de répondre aux questions posées (…), car
elles concernent un thème qui a suscité tant de suspicions, tant de différends
et de susceptibilités, et ne cessent d'en susciter jusqu'à maintenant, et
influe sur l'avenir des Etats du Maghreb, et sur le projet de bâtir un ensemble
régional maghrébin, bénéficiant de la confiances des parties concernées (…).
C'est l'époque des unions, au moment où les Arabes vivent celle des effritements
et des dispersions. "Le printemps arabe" est-il à même de les tirer
de cette dispersion et de cette profonde léthargie, tel qu'il se laisse voir
maintenant, pour un brillant avenir, une renaissance intellectuelle, sociale,
économique, pour une union et une unité, permettant à l'homme arabe de sentir
son humanité, sa dignité et sa liberté?" - "Al Jazaïriyyun fi
Titawan fi al Qarrn 13 (H)/ 19 " (Les Algériens à Tétouan durant le
XIIIème siècle de l'H./ XIXème sicle), Op.cit.,p.11.
Dr.
MOHAMMED SOSSE ALAOUI
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