miércoles, 15 de agosto de 2012

La solidarité maroco-algérienne à Tétouan au 19ème s.

SOLIDARITÉ HISTORIQUE ET DESTIN COMMUN
MAROCO-ALGÉRIENS À TÉTOUAN AU 13(H)/ 19(C), DANS
"AL JAZA'IRIYYUN FÎ TITWAN FÎ AL QARN 13 (H) / 19(C)"
DU Pr. DRISS BOUHLÎLA


    A travers son livre arabophone "Al Jazaïriyyun fi Titawan fi al Qarrn 13 (H)/ 19 " (Les Algériens à Tétouan durant le 13ème siècle (H)./ 19ème siècle (C)) – Imp. Hidaya, Tétouan, 2012, 154 p. -, le Pr. Driss Bouhlila retrace l'itinéraire de "la solidarité historique et le destin commun maroco-algériens à Tétouan au 13 H/ 19 (C)". Dans ce sens, le Pr. Mohamed Cherif indique résolument dans la préface : "Le Pr. Driss Bouhlila fraye son chemin, dans le domaine de la recherche historique, patiemment et posément, depuis qu'il a rejoint la Faculté des Lettres et des Sciences humaines de Tétouan (…); et a réalisé des recherches et des études précieuses sur l'histoire sociale de la ville de Tétouan, avec pour préambule l'authentification du livre : "Al Hulal al bahiyya fi Mulûk Ad- Dawla al 'alawiyya wa 3addi ba3di Mafakhiriha al Mutanahiyya'" (Les beaux quartiers des Rois de l'Etat alaouite et le Répertoire de certains de leurs grandes Oeuvres achevées), de Mohamed al Machrafi (m. 1916), d'origine algérienne, émigré avec sa famille à Fès, en 1844." (p.5). Pour ce qui est de la solidarité historique et la le destin commun maroco-algériens, le livre du Pr. Bouhlila nous permet de reconstituer notamment :

      1. la solidarité historique maroco- algérienne comme lien sacré sans frontières (1830-1962) :

      Relatant la solidarité historique maroco- algérienne comme un lien sacré sans frontières (1830-1962), Jean Wolf évoque en particulier : "A travers tout cet imbroglio ['la question d'Orient'], la sultans Alaouites naviguaient comme ils pouvaient non seulement pour faire front devant les visées étrangères, mais aussi pour assurer la paix dans leur empire et l'obéissance dans les tribus éternellement révoltées. Ils désiraient évidemment maintenir leur pays en dehors de tout conflit, mais la solidarité maghrébine et arabe [sacrée et sans frontières] rendit cette solution impensable à partir de 1830. Sous peine de faillir à l'honneur et de renier ses frères de race, il fallait prendre position.
    C'est ainsi que Moulay Abder- Rahaman, bien qu'il ait renouvelé  le traité d'amitié signé avec la France à Marrakech en 1767, ne peut s'empêcher de prendre fait et cause pour le chef algérien Abd el Kader. Mal lui en prend, d'ailleurs! Car il s'en suit la bataille d'Isly, le bombardement de Tanger et le débarquement des troupes françaises à Mogador [Essaouira], tout cela se terminant par le traité de Tanger de 1844, complété par la convention de Lalla Maghnia en 1845. Abd el Kader fait sa reddition en 1847 au général de Lamorcière et s'en va mourir à Damas, non sans avoir flanqué une pagaille monstre au Maroc (…). Son but était d'amener l'armée française à pénétrer au Maroc, ce qui amènerait des complications internationales dont il tirerait parti en Algérie." – "MAROC: LA VERITE SUR LE PROPTECTORAT FRANCO-ESPAGNOL", Ed. Eddif- Balland, 1994, p.68.

     Dans cette optique, Driss Bouhlila précise : "La solidarité : l'idée de solidarité est une idée ancrée dans l'esprit et les actions du sultan Moulay Abd el Rahman ibn  Hicham à l'égard des Algériens émigrés dans la ville de Tétouan, en 1226H/ 1830, comme auparavant et par la suite, bien plus à l'égard du peuple algérien entier du temps où il fut sous le joug du colonialisme français. Nous écartons l'idée d'une ambition personnelle et de prestige, et de convoitise d'occuper l'Ouest algérien, Tlemcen, qui vit arriver les avants- postes de l'armée marocaine en un temps record, dans la mesure où cela signifie la solidarité, la cohésion des peuples musulmans entre eux au temps des crises, et surtout en de pareille situation." (p.26).
    
     En sens inverse, le Pr. Bouhlila évoque par ailleurs la solidarité historique des Algériens émigrés à Tétouan lors de la guerre que connaît cette cité contre les Espagnols en 1859-1860, en soulignant : "Quelle fut l'attitude des Algériens émigrés au Maroc vis- à- vis de la guerre de Tétouan (…)? L'analyse de types d'écrits des émigrés algériens au Maroc, et précisément dans les villes de Tétouan et Fès, dans la seconde moitié du 13 (H)/ 19è. s.), ceux-ci reflètent une attitude franche de ces derniers à l'égard de l'invasion coloniale espagnole de Tétouan, en 1276 (H)/ 1859-1860. Il n'est guère étonnant qu'ils révèlent au lecteur et à l'observateur des questions des Algériens au Maroc le degré de leur attachement à leur patriotisme, et leur nationalisme maroco- arabo- musulmans." (p.43).

   Aussi les conséquences d'une telle solidarité historique maroco-algérienne jalonnent-t-elles la lutte pour la libération des deux pays frères (1830-1962). En témoigne les raids et les spoliations de l'armée française sur l'Est du Maroc qui reporta, par solidarité et d'un commun accord leur restitution par les frères algériens  après l'indépendance de leur pays. Feu S.M. Hassan II indique en cet égard dans "Le Défi" : "Il nous faut évoquer ici une lamentable péripétie des luttes menées en commun pour l'indépendance du Maghreb. En octobre 1956, M. Ben Bella et quatre de ses compagnons, dirigeants des forces de libération algériennes, avaient été les hôtes de Mohamed V. 'Sur l'ordre d'irresponsables', l'avion qui les ramenait à Tunis fut intercepté et détourné sur Alger par la chasse de l'aviation française. Nous avions, moi et mon père, vivement ressenti l'injure et proclamé notre indignation (…).

   Au moment du cesser- le- feu  mettant fin aux hostilités en Algérie, que se passe-t-il? Nous refusons une nouvelle fois de nous voir restituer par la France les territoires marocains des confins de l'Est. Mais le règlement fraternel prévu n'a pas lieu. Les Marocains qui ne veulent pas participer au référendum préparé par le G.P.R.A. sont au contraire attaqués, molestés par l'Armée de Libération algérienne." – "Le défi", Ed. Albin Michel, 1976, p.90.

     L'armée française n'a pas non plus épargné le Maroc pour cette solidarité. "Quoiqu'il en fut, écrit Henri Aveille en 1959, la situation intérieure du Maroc et la tension provoquée par les incidents survenus en Août au Sud de Bou-Arfa entre l'armée marocaine et l'armée française ont amené le retour du Roi [Mohamed V en voyage en Suisse] plus tôt qu'il n'avait été prévu (…). Au Sud de Bou-Arfa, l'occupation d'un poste militaire marocain par l'armée française a brusquement tendu les relations franco-marocaines. Les membres d'une commission d'enquête comprenant les autorités marocaines et des représentants français ont été enlevés par une bande du F.L.N. Ils ont été libérés au bout de quelques jours. – "La vie au Maroc", in "CONFUENT", n°3, OCTOBRE-NOVEMBRE 1959, Rabat, p.349.

   D'où par là même, la perspective d'un destin commun du Maroc et de  l'Algérie, méconnu à ce jour, par l'Etat algérien indépendant au détriment du  pari commun d'un Grand Maghreb arabe et euro- méditerranéen tant attendu. Il en découle donc :

   2. le destin commun maroco- algérien comme pari du grand Maghreb arabe et euro- méditerranéen tant attendu (1830-1962) :

    Quant au destin commun maroco- algérien comme pari du grand Maghreb arabe et euro- méditerranéen tant attendu (1830-1962), il émane des conséquences directes de la défaite commune algéro- marocaine, de l'émir Abd el kader et de Moulay Adder-Rahman, à  Isly, en août1844, face à l'armée française, occupant Alger depuis 1830, et celle de subie par le Maroc, à Tétouan (en novembre 1859-1861) face à l'armée espagnole d'O'Donnel, qui vont hypothéquer  la souveraineté et l'indépendance du Maroc, envahie de toutes parts par les puissances coloniales, le tout soldé par le traité du protectorat franco-espagnol du 30 mars 1912. Dans cette optique, le Pr. Bouhlila signale dans son livre : "Sans doute, parmi les indices et les preuves de l'intégration des Algériens dans la vie publique de la ville de Tétouan, qui dément la fausseté des thèses des écrits coloniaux et celles de ceux qui l'ont suivi, leur adhésion à la société marocaine et leurs nombreuses contributions en son sein, leur défense de l'identité civilisationnelle arabo- musulmane, de l'unité du Maroc, et leur prise position aux côtés des Marocains contre l'occupation étrangère franco-espagnole, ce qui augure de la naissance d'idées, que nous considérons être à l'origine des mouvement d'indépendance au Maghreb arabe durant le 13 (H)/ 19." (p.132).       

    Certes, il faut noter sur ce point avec J. Woolf au sujet la création, en 147 au Caire, du Comité de Libération du Maghreb, sous la présidence de l'Emir Abd el Krim Khattabi : "Pour le restant, il [Abd el Khaleq Torrès] trouve à s'occuper et l'on se souviendra que, le 31 mai 1947, à Port-Saïd en collaboration avec ses amis, il fait sortir l'Emir Abd el Krim de son navire- prison et le réintroduit de plain pied dans l'histoire contemporaine (…). Toujours soutenu par la Ligue [Arabe], il fonde, le 9 décembre 1974, avec Allal el Fassi, dans la capitale égyptienne, le Comité de Libération du Maghreb arabe dont la présidence est confié à l'Emir [Abd el Krim], la vice- présidence à son frère Mhammed, le secrétariat à Habib Bourguiba et la trésorerie à Mhmmed Ahmed Benbaboud. Cet organisme s'avérera être une arme de guerre redoutable contre le colonialisme [au Grand Maghreb]." - "MAROC: LA VERITE SUR LE PROPTECTORAT FRANCO-ESPAGNOL", Op.cit., 1994, p.243.

     La devise de destin commun maroco- algérien comme pari du grand Maghreb arabe et euro- méditerranéen tant attendu (1830-1962) est clairement rapporté par M. Bouhlila dans cet ouvrage de mémoire collective, consacré aux émigrés algériens à Tétouan, en 1930, en ces termes : "A travers l'exposé de l'auteur anonyme [un émigré algérien] sur les causes et conséquences de la guerre [de Tétouan], il explicite que la responsabilité de la guerre revient à la partie espagnole (…). Ce sont des positions qui ne peuvent évidemment être qu'hostiles et opposées fermement aux colonialistes et leurs viles inconduites et soutenant le Maroc dans ses revendications politiques pour la liberté et l'indépendance (…). Car la cause de l'identité et du destin [commun] de la 'umma' [la nation musulmane] uniformisait ce style." (p.54).

   Après la guerre des sables maroco- algérienne relative aux frontières spoliées par la France à l'Est du Maroc (1963), le conflit artificiel algéro- lybio- marocain sur le Sahara marocain (depuis 1975), la création du Groupe 5+5, ou Groupe des dix (1990-2012) et l'UPM, l'Union pour la Méditerranée (2008), l'UMA, l'Union du Maghreb Arabe (1989) est encore en état de gel permanent, à cause dossier du Sahara marocain soumis en vain au regard de l'ONU, pour une solution négociée, en vue  d'une autonomie élargie sous souveraineté marocaine, des provinces du Sud du Royaume, plan contrecarré indéfiniment par le front du Polisario sous la houlette de l'Algérie post-coloniale (depuis, 1975).

    En conclusion, nul ne peut mieux dire à la lumière de la lecture révélatrice et fort instructive de cet ouvrage sur 'Les Algériens à Tétouan durant le 13 (H)/ 19 (C)', qui éclaire plus le présent et le futur que  la passé de 'la solidarité historique et du destin commun algéro- marocain', de l'occupation d'Alger en 1830 à nos jours, l'aspiration à la concrétisation du rêve du Grand Maghreb arabe et euro- méditerranéen tant attendu (1830-2012), que cette réflexion de M. Chef dans la préface : "Ce livre tentera de répondre aux questions posées (…), car elles concernent un thème qui a suscité tant de suspicions, tant de différends et de susceptibilités, et ne cessent d'en susciter jusqu'à maintenant, et influe sur l'avenir des Etats du Maghreb, et sur le projet de bâtir un ensemble régional maghrébin, bénéficiant de la confiances des parties concernées (…). C'est l'époque des unions, au moment où les Arabes vivent celle des effritements et des dispersions. "Le printemps arabe" est-il à même de les tirer de cette dispersion et de cette profonde léthargie, tel qu'il se laisse voir maintenant, pour un brillant avenir, une renaissance intellectuelle, sociale, économique, pour une union et une unité, permettant à l'homme arabe de sentir son humanité, sa dignité et sa liberté?" - "Al Jazaïriyyun fi Titawan fi al Qarrn 13 (H)/ 19 " (Les Algériens à Tétouan durant le XIIIème siècle de l'H./ XIXème sicle), Op.cit.,p.11.        

                                         Dr. MOHAMMED SOSSE ALAOUI    


       

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