DIVAGACIONES-2005 D’AHMED MOHAMED MGARA
Dédicacé aux
hispanisants marocains et aux arabisants espagnols, la plaquette-journal,
les Divagaciones
d’Ahmed Mohamed Mgara – Ediciones A.E.M.L.E.,Tétouan ,2005,97 p.,in-8° -
rappelle très sommairement et par pure coïncidence Carnets
1940/1973 : l’esprit frappeur de Georges Henein – Ed ; Encre
,Paris, 1980, 223 p. A cette différence près que premier émane d’une littérature hispanophone
et le second d’une littérature francophone, avec un écart géographique (Maroc/France)
et temporel (2005/1980), soit près d’un quart de siècle. Dans les deux cas, il
s’agit en fait d’un journal intime ouvert sur la littérature et le monde. «Un
journal , écrit G.Henein, au début de son livre, est parfois nécessaire
pour dire que l’on a cessé d’être »-Op.cit ;p.7.
Le titre de
l’ouvrage de Mgara est certes très évocateur, Divagaciones
(ou digressions),ou écarts par rapport au sujet (Logos). Il fait écho aux Carnets…de
Henein focalisant « l’esprit frappeur » (par subversion), toujours
par rapport au langage. « Rupture avec les incantations premières devenues
autant de marches militaires, rupture avec la logique de la subversion qui
n’est plus que la rhétorique des geôliers »-Henein,op.cit ;p.8. De
son côté, Mgara souligne comme une digression
langagière la définition d’un « hispanisant » qui ne sait pas
un mot d’espagnol (en Espagne et au Maroc) . « Actuellement,
écrit-il, un écrivain marocain francophone est pris pour un « hispanista »
(hispanisant) par les Espagnols, simplement parce qu’il distingue les charmes
d’Alhambra ou de Generalife sans différencier « tocino » (lard) de
« vecino » (voisin). » - Divagaciones,
Op.cit.p.9.
Cette remise
en question de Mgara s’étend à l’histoire littéraire arabo-espagnole, victime
des « Rois Catholiques », à la colonisation du Nord du Maroc (sa
ville natale : Martil
/Tétouan) et à la langue espagnole , « idioma castellano »,
comme survivance littéraire actuelle au
Maroc et dans sa région, aujourd’hui. « Nous ne pouvons oublier les
poésies et les livres que connut l’Andalousie de la tolérance, ni les écrits,
depuis la première loi de l’étranger édictée par les Rois de Castilles et
d’Aragon dans le monde et depuis leur
invasion contre les ethnies non chrétiennes qui habitaient ces terres. » -
Op.cit.,p.7.
La même
« digression »/ « subversion » se retrouve chez
G. Henein, non sans ironie dans ce passage des Carnets… : « Nous
ne sommes au Moyen Age qui fut une époque de hauts faits (arabo-islamiques) .Le
Moyen Age paraît ténèbres parce que l’Occident y est obscur (…) , mais Cordoue
? » Carnets…,Op .cit.,pp.144-145.Par ailleurs, la
littérature hispanophone marocaine est
largement évoquée par Mgara dans son livre. Il
parle du projet d’une « association » future des
« hispanisants de Tétouan et sa province » (p.10) .
Il en cite les
œuvres et les noms connus , à ce jour en ces termes : « Nous pouvons
citer la traduction de Don Quichotte par feu Thami Ouazzani, celles d’Al
Motamid par Trinidad Sànchez
Mercader, dans la revue (Maroc) de Jacinto Lopez Gorgé… » (p.12).Il
cite également Mohamed Sabbag, Dris El Jay, etc., parmi les anciens. De la
seconde génération, il nomme Mohamed Chakor, Aziza Benani, Mohamed Bouissef
Rkab, Abdellah Djbilou, Saîd Jedidi et autres. Il rapporte par ailleurs parmi
les jeunes hispanisants, dès 1990, Nadia Boazza, Moufid Atimo, Choukri Al
Bakri, Latifo Kassidi, etc.(p.13).
De son côté,
Henein parle de Lewis Carrol, Henri Michaux, Benjamin Constant, Raymond Lulle,
Homère, Dante, Shakespeare, etc. – Carnets …,pp.
172-173.Henein parle aussi des écrivains et penseurs arabes : Ibn Arabi,
El Hallaj, Ibn Khaldun (p.180). Les deux auteurs achèvent leurs ouvrages par
une note biographique respective : « AHMED MOHAMED MGARA…EN
LINEAS », par Mgara lui-même (pp.94-97) et « Postface : UNE
STATUE POUR LE DUC D’ESTE », par Eric Bourde pour G. Henein (pp.211-223).
Enfin, on peut
dire avec Mgara que « Chaque bord (« divagacion » /digression)
impose sa propre malédiction, répondez lui, mais l’espoir tenace vaincra les
deux malédictions… » (p.56), tout en pensant avec Henein que « La
mémoire, elle aussi, a ses marges jaunies, propices à tous dépaysements. Dans
cette frange baignée d’un jour incertain qui ni tout à fait l’aube, ni déjà le
crépuscule, le passé garde une jeunesse médusante, le passé demeure une
aventure. » - Carnets…, Op.cit., p.210.
Par Dr. SOSSE ALAOUI MOHAMMED
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