LA PART MAROCAINE DANS LE NUMERO SPECIAL DE DECEMBRE 2005 DE LA REVUE INTERCULTURELLE ESPAGONOLE “TRES ORILLAS”
Certes, la part quanlitative et qualitative des écrivains hispanisants marocains, dans le numéro spécial 5-6/ 2005 de la revue interculturelle espagnole "Tres Orillas" (Les Trois Rives: le Nord, le Sud de La Méditerranée et l’Amérique Latine), paraissant à Algésiras (Espagne), attire littérairement parlant l’attention et mérite une rétrospective réflexive en la circonstance. “Il y a plusieurs choses que justifie le Détroit (de Gibraltar) porteur de ce nombre (trois), écrit Patricio González García - Responsable de la Coopération Nord du Maroc pour la Junta Andalucia (Gouvernement Andalous), d’entrée de jeu à ce numéro, sous le titre «Tres Orillas, una tierra, un corrazón» (Trois Rives, une terre, un Coeur ) - , mais surtout il ya mille brèves histoires entre ces mondes frontaliers pleines de sel et de condiments qui réussissent effectivement à réduire le compromis, à abréger la distance et à maintenir proche le coeur des terres comme une seule terre, à partir de la mince ligne des rives voisines et fraternelles jusqu’aux mains qui s’y fondent en amitié.” (p.7).
Quantitativement, le sommaire de cette livraison très symbolique, on compte d’une part: 32 poètes espagnols dont aucun marocain (in “Poesía”, pp.12-29), 3 essayistes et auteurs d’études dont le Marocain Abdesalem Fizazi (in “Ensayos y Estudios”, pp.33-59), 6 auteurs de récits dont 3 Marocains, à savoir: Moufid Atimou, Ahmed Mohamed Mgara et Mohamed Chakor (in “Relatos”, pp.65-91), un historien espagnol (in “Historia”, pp.95-100), 18 critiques littéraires espagnols dans un dossier sur Rafael Guillén (in “El autor y su obra”, pp.105-130), 3 notes critiques plastiques dont une de Paloma Fernández Gomá sur le peintre marocain Ahmed Ben Yessef (in Apuntes, pp. 133-139), 5 critiques littéraires dont le Marocain Abdllatif Limami (in “Critica”, pp.147-154) et 38 pulications hispanophones reçues en vers et en prose dont celles de 5 Marocains: “Voces del Sur” (Voix du Sud) de Ayachi Abou Chita et Aïcha Basri (Ed. CCAA, 2005), “Rebeldía Poética” (Révolte poétique) de Mohqmed Chakor (Ed. CPB), “Diván sufí y otros poemas” (Registre soufi et autres poèmes) de Mohamed Chakor (Ed. La Chilaba, Malaga, 2005), Cuentos de Arabia (Contes d’Arabie) d’Abdellah Djibillou (Ed. Quorum, Cádiz, 2005), Voces de Larache (Voix de Larache) de Mohamed Laabi (Ed. AECI, 2005) et El Babuchazo (Babouche) de Mohamed Sibari (Ed. AECI, 2005). Soit au total 96 auteurs espagnols et 11 Marocains (environ 11%) dont un peintre, auteurs ou thème en prose.
Qualitativement, le symbolisme de la part des écrivains hispanisants marocains dans cette publication littéraire (in "Tres Orillas") avec des auteurs espagnols actuels, au nom du bon voisinage, de l’unité du monde et de l’amitié interculturelle hispanophone entre le Maroc (Afrique/Asie), l’Espagne (Europe/ Médierranée) et l’Amérique latine (l’Amérique/l’Océanie) y trouve idéalement son écho dans cette formule consécrative de Charles V. Aubrun, définissant la mission universelle de la grande et la bonne littérature en ces termes: “La grande littérature est celle qui bouleverse notre façon d’être dans le monde; la bonne littérature se borne à mieux nous accomoder dans notre situation ou encore à assouplir, à réformer le monde afin de nous le rendre plus supportable.” – "La Littérature espagnole", Paris, “Que sais-je?”, PUF, 1977, p.5.
Suivant les rubriques représentées, on peut y relever grosso modo trois principaux genres littéraires prosaïques où les auteurs hispanisants marocains apparaissent: l’essai, le récit et la critique littéraires. Ainsi, dans “ Ensayos y Estudios” (Essais et études), le Dr. Abdesalem Fizazi écrit notamment au sujet de la “Poesía marroquí contemporenea II: La eficacia de la critica moderna” (La poésie marocaine contemporaine: l’efficacité de la critique moderne): “L’efficacité et la force de la critique moderne consiste en son capacité de surpasser la critique classique et d’arriver à élaborer et présenter de nouvelles lectures sérieuses et attentives et d’en déduire de nouvelles dimensions et niveaux dans les textes anciens en tenant compte des nouvelles théories proposées, des clés, des concepts, des mécanismes et d’une nouvelle vision de la structure du texte […].
Suivre cette méthode ne signifie à aucun moment notre éloignement de donner notre opinion, sinon de donner l’opportunité au lecteur d’y participer en nous imiltant, car le poète moderne n’opère pas plus dans cette intertextualité qu’une lègère modification dans la structure des textes précédents. Il y a des variétés de textes qu’on doit évoquer pour les prendre comme source des tendances poétiques arabes modernes, qui à leur tour recourent à des références poétiques arabes et occidentales: Serghini, Atabal, Benis, Ben Talha, via Rachid Maimouni.” (pp.59-60).
Des “Relatos”
(Récits), citons par exemples l’incipit de “Sueños Andalousies” (Rêves andalous) d’Ahmed Mohamed Mgara où le “je”
narrateur évoque un
passé collectif omniprésent et pathétique: “Sur
la Place de
l’Eglise de mon village, Rio Martil (Côte de Tétouan), se réunit
chaque soir une multitude de vieillards pour se remémorer leurs nostalgies et
raviver avec leurs souvenirs les âges déjà lointains.” (p.73).
Dans le récit très suggestif et
plein de virtuosité: “La higuera” (Le
figuier) de Moufid Atimou, le narrateur “tu” fait du lecteur un personnage
actant, à la seconde
personne du singulier, en l’interpelant ainsi: “Ouvre la porte, après beaucoup de tentatives parce que la serrure est trop
endommagée par
l’humidité du lieu,
et entre.” (p.71). “Al Mandamás” (Le
manitou) de Mohamed
Chakor , le narrateur du récit à la troisième personne
“il” joue la voix-off du reporter de
guerre d’un pseudo documentaire télévisé, rendu
subtilement par écrit de la sorte : “Le pays est dominé par la peur. Une émeute dans
le quartier général des casernes
des forces armées prédit un bain de sang.” (p.91).
Dans “Critica”
(Critique), “La voz del «tu»
en Intramuros de Mohamed Bouissef Rekab” (La voix
du «tu» dans "Intramuros"
de Mohamed Bouissef Rekab) de Abdellatif Limami, on relève le récit d’un “tu” narrateur à la manière de Carlos Fuentes (p.147). “Vanasco (Alberto) présente un récit à la deuxième personne
(tu) et au futur, ce qui implique une sorte d’ordre présenté par le conteur de l’existence et les personnages
constitués de cette manière se fondent sur une volonté organisatrice claire…” – in "Adâb America al-lâtiniyya, Qadâyâ wa Muchkilât2" de César Fernandez Morino, trad. par Ahmed Hassan
Abdelwahad, Koweït, Ed.
CNCAL, 1988, p.21. “De là, note A. Limami, l’apparition dans "Intramuros”
de la voix d “tu” disséminée le long
du roman (novela) en opportunité avec les autres procédés: la troisième
personne grammaticale du narrateur traditionnel, le “je” de la voix diagonale
ou confessionnelle et le témoignage qui émane d’un magnétophone ou des autres
personnages.” (Ibid.).
Au sein de la même rubrique (Critica) , “Las dos orillas
del poeta tetuaní
Abderrahman El Fathi a través de Desde
la otra orilla” du Dr. A. Limami se concrétise en partie
le symbolisme de "Tres Orillas" entre le Maroc
et l’Espagne et la langue espagnole (rejoignant indirectement l’Amérique latine) en ces termes: “Dans le cas de "Desde
la otra orilla" (De l’autre rive), le titre nous situe en principe
dans un espace duel. Le point de départ est
une rive contenant et portant le même
titre que l’oeuvre et signifiant l’autre
suggérée à travers le langage.
La première rive où se matérialise et
naît le souffle poétique (Maroc) est définie dans la couverture par les objets,
les couleurs et la lettre arabe… C’est ce que la seconde (Espagne) suggère par
sa propre langue utilisée: le castillan . Les deux espaces restent finalement
présents à travers un seul mot, “rive” (“orilla”), qui renvoie aux deux
espaces de la
Méditerranée (le Nord et le Sud du Détroit de Gibraltar).” (p.159).
En conclusion, la part
symbolique des écrivains hispanisants marocains dans cette livraison
spéciale des "Tres
Orillas" (Trois Rives) concrétise une
volonté indéniable d’oeuvrer pour un monde plus amical et plus
ouvert à l’autre,
par-delà les frontières qui s’y opposent. Cela rejoint cette définition à la fois
conviviale et problématique de
la littérature dans
son essence humaine en général d’Enrique
Pezzoni: “La littérature (ici
hispanophone) n’est en fin de parcours que ce dialogue de voix discordantes
(engageant bénéfiquement ici le
Maroc, l’Espagne et l’Amérique
latine), que ce réseau de
routes ramifiées en quête d’une réalité possible sur la route seulement, ou dans la quête elle-même.” – "Adabu Amerîca al-lâtiniyya", Op.cit.,p.364.
Dr.
SOSSE ALAOUI MOHAMMED
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