sábado, 7 de septiembre de 2013

Petite Anthologie des contes d'Amérique latine


Dr. SOSSE ALAOUI MOHAMMED











PETITE ANTHOLOGIE
DES CONTES D’AMÉRIQUE LATINE








Tétouan
2013








INTRODUCTION

     Pour cerner la portée éthique des contes traditionnels et mythique d’Amérique latine, José Guilherme Merquir écrit : «Les contes au sens traditionnel du terme consistent précisément à transmettre une expérience vécue, pleine de savoir faire et d’exemplarité ; les vrais contes consistent communiquer ce qui est merveilleux et susceptible d’avoir un écho – à cause de son sens moral – dans la vie de ses auditeurs. Et c’est à cela que pense Benjamin lorsqu’il définit les proverbes comme des vestiges de contes anciens. Certes, l’alternative littéraire des contes traditionnels serait l’épopée «primitive»…[1] ».

    A propos de l’universalité des contes, Monique Leclerc écrit en s’interrogeant : «Comme expliquer l’existence contes semblables dans tous les pays du monde ?»[2] Cela pourrait être repérer dans le cas présent dans une «Petite anthologie des contes en Amériques latine», faite de contes et de contes mythiques. V. Propp indique notamment à cet égard : «Certaines légendes représentent en fait des contes où tous les éléments ont subi des substitutions. Chaque peuple a ses propres substitutions confessionnelles. Le christianisme, l’islamisme [l’Islam], le bouddhisme [et autres croyances] se reflètent dans les contes  des peuples qui professent ces religions.».
   D’ailleurs, M. Leclerc remarque au sujet de l’ouvrage de Françoise Gründ «Conteurs du monde», travaux des actes du Colloque de Terrasson, dans Périgord, en janvier 1983 : «Une douzaine de communications sont rassemblées sur le rire gallo, le conte maya, le mode épique des conteurs indochinois, les contes du Nicaragua, Conte et Théâtre, le conte brésilien, le conte en Haute-Volta, le conte G’baya de Centre Afrique, le conte Rajasthan, le conte du Liban, le conte du pays de Sarat.»[3] Ce genre d’audience planétaire du conte a suscité notre curiosité pour les contes latino-américains dont nous reproduisant ici la petite anthologie que voici.

    Puisse-t-elle servir d’avant-goût alléchant à une plus ample connaissance avec les contes et les contes mythiques issus de la culture multipartite, si unique et si riche des peuples et des ethnies des pays du continent latino-américain de tous les temps.
                                                                   L’auteur





















L’Argentine

    Une immense plaine (la Pampa), la chaîne des Andes à l’Ouest, la Patagonie et la Terre de Feu au Sud constitue le pays d’où émane le conte suivant :

Les cascades

   En ce temps là, le rio de Iguazu coulait tranquille et sans chute. C’était à l’époque où les Guarnis habitaient encore la Terre sans Mal et adorait le dieu Tupa et son fils M’boi, dieu serpent qui vivait dans les eaux. M’boi était un tyran, et chaque année les plus belles parmi les plus belles filles vierges de la communauté lui étaient offertes en sacrifice. Mais avant que n’arrive le tour de Naipi, la fille du chef  de la tribu, Taruba, un vaillant guerrier qui l’aimait, l’enleva pendant que M’boi dormait. Tous deux s’échappèrent en canoë, descendant la rivière.
    Mais Taruba fit du bruit avec ses rames, ce qui réveilla le dieu serpent. Celui-ci pénétra dans les entrailles de la terre, et, contractant ses muscle, engendra un immense cratère. Aussitôt après,  il se mit à agiter les eaux avec sa queue, créant une énorme chute. Naipi fut transformée en grand rocher au pied des chutes, condamnée à être éternellement meurtrie par les eaux tombant de la Gorges du Diable. Taruba, son amant, devint un palmier surplombant les chutes, contemplant ainsi comment son amante est punie à tout jamais. Sous ce palmier se trouve une grotte dans laquelle M’boi se rit du malheur des amants. Mais on ne peut l’entendre, car son rire est étouffé par le fracas des chutes…
                                               «Contes de l’Argentine»
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Le Belize

      L’île du Belize a une côte composée de nombreux atolls et barrières de corail. Son Nord est marécageux et presque la moitié du pays est couverte de forêts. C’est là que s’est conçu entre autres le conte suivant :

Tepeu, Gucumats et Hurakan

     Jadis, il n’y avait sur terre aucun homme, aucun animal, ni arbres, ni pierres. Il n’y avait rien. Ce n’était qu’une vaste étendue désolée et sans limites, recouverte par les eaux.
     Dans le silence des ténèbres vivaient les dieux Tepeu, Gucumats et Hurakan. Ils parlèrent entre eux et se mirent d’accord sur ce qu’ils devaient faire. Ils firent jaillir la lumière qui illumina pour la première fois la terre. Puis la mer se retira, laissant apparaître des terres qui pourront être cultivées, où les arbres et les fleurs pousseront. De douces senteurs s’élevèrent des forêts nouvellement créées. Les dieux se réjouirent de cette création. Mais ils pensèrent que les arbres ne devaient pas rester sans gardiens ni serviteurs.
      Alors ils placèrent sous les branches et près des troncs toutes sortes d’animaux. Mais ceux-ci restèrent immobiles jusqu’à ce que les dieux leur donnèrent des ordres :
   - Toi, tu iras boire dans les rivières. Toi, tu dormiras dans les grottes. Tu marcheras à quatre pattes et un jour ton dos servira à porter des charges. Toi, oiseau, tu vivras dans les arbres et tu voleras dans les airs sans avoir peur de tomber.
     Les animaux firent ce qu’on leur avait ordonné. Les dieux pensaient que tous les êtres vivants devaient être soumis dans leur environnement naturel, mais ils ne devaient pas vivre dans le silence, car le silence est synonyme de désolation et de mort.
    Alors ils leur donnèrent la voix. Mais les animaux ne surent que crier, sans exprimer une seule parole intelligente.
    Attristés, les dieux tinrent conseil, puis s’adressèrent aux animaux :
     - parce que vous n’avez pas eu conscience de qui nous étions, vous serez condamnés à vivre dans la crainte des autres.  Vous vous dévorerez les uns les autres sans aucune répugnance.
     Entendant cela, les animaux tentèrent de parler. Mais seuls des cris sortirent de leur gorge et de leur museau. Les animaux se résignèrent et acceptèrent la sentence : bientôt ils seraient poursuivis et sacrifiés, leurs chairs cuites et dévorées par les êtres plus intelligents qui allaient naître : les hommes.
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La Bolivie

   Presque au centre du continent sud-américain, la Bolivie compte trois régions différentes : la chaîne des Andes et les hauts plateaux (altiplano), les vallées intermédiaires et les plaines tropicales. C’est de là que nous recueillons le conte qui suit :
Le lamero

   Le lamero était un paysan de la vallée ; il avait un physique athlétique et les yeux verts comme le coca. Il était avare de paroles et méfiant avec les inconnus. Dans la mine, il marchait la tête baissée, sans parler ni regarder personne, pas même le Tio, dans la galerie duquel il s’asseyait seul, comme isolé dans son propre monde. Ses camarades le jugeaient étrange, parce qu’il semblait presque toujours être en train de prier.  Certains disaient qu’il était arrivé à la mine car il fuyait la justice, après avoir commis un crime passionnel dans la chicheria de son village, où il avait connu une femme qui l’avait trompé avec son meilleur ami.
   D’autres disaient que le mobile du crime ne correspondait pas à un règlement de compte dû à une querelle amoureuse qui avait lieu au début de l’histoire, mais à un acte d’honneur qui, au fil du temps, se transforma en un remord qui ne le laissait pas vivre ni trouver le sommeil. Dans sa tête était resté l’impact des coups de poing et dans son âme était entrée une angoisse plus lourde qu’une pierre tombale. Et, bien qu’il vienne juste d’avoir trente ans, il sentait comme un vieillard attendant la mort. 
   Le dernier jour où La lamero se réveilla angoissé, l’aube était froide et la lumière pénétrait par la fenêtre, traversant les carreaux, lui brûla les yeux, l’éblouissant. Il toussa avec l’intensité des malades de la silicose et s’étira dans son lit sans soupçonner que cela sera le dernier jour de sa vie, bien que sa concubine de l’époque, une femme superstitieuse qui savait lire les pensées occultes dans la lumière du regard, lui dit que dans un rêve, elle avait vu traverser la porte une charrette de feu tirée par deux chevaux, dont les sabots brisaient le silence de la nuit. Le cavalier, qui avait l’aspect d’un bouc, annonçait la mort à grands cris tandis qu’il faisait siffler un lasso dans l’air.
     Le lamero, sans écouter le récit de sa concubine, se leva du lit et s’habilla le dos au mur. Il prit son petit déjeuner et mit en bandoulière son sac de Calcutta. Sa concubine se retourna dans le lit, convaincue que le rêve lui avait annoncé la tragédie, lui dit :
     - Ne va pas à la mine. J’ai l’impression que je ne te reverrai jamais plus en vie.
     Le lamero ne répondit pas. Il enfonça son casque jusqu’aux sourcils et s’enveloppa dans son écharpe. Sa concubine se leva et tenta de le persuader, mais comme ses prières n’obtenaient aucune réponse et que ses explications ne parvenaient à rompre le mutisme de cet homme taciturne, elle retourna au lit, s’accrocha aux couvertures et éclata en sanglots, résignée à perdre celui qu’elle avait commencé à aimer avec toute la fureur de son âme.
     Le lamero ouvrit la porte et gagna la rue, où le vent soufflait avec une force intenable, se faufilant dans les fentes des portes et des fenêtres. Une fois à l’intérieur de la mine, il se dirigea vers la galerie du Tio, où il mâcha des feuilles de coca et fuma des k’uyunas. Ses camarades, le saluant avec le même respect avec lequel ils saluaient le Tio, sortirent de la galerie et le laissèrent tranquille, car, par l’air qu’il prenait, il semblait supplier le Tio de ne pas le laisser mourir dans les galeries ni être vaincu par le danger. Ce qui est certain, c’est qu’après le Tio le Chinasupay, il était l’ouvrier le plus respecté à l’intérieur de la mine, où il avait su gagner la confiance et l’amitié de tous, depuis le gérant de l’entreprise jusqu’au dernier travailleur du sous-sol.
   Personne ne mettait en doute son courage ni sa force physique. Tous savaient, d’une certaine façon, que le lamero  était un homme suicidaire, capable de grimper sur les hauteurs, de livrer une bataille cyclopéenne contre les rochers et défier la mort. C’était lui qui menait la recherche du minerai et lui qui décidait du sort du lieu du travail. En lui, se concentraient l’expérience collective et le savoir populaire ; il était ingénieur autodidacte et possédait l’instinct d’un chimiste, non seulement parce qu’il savait reconnaître la loi du minerai d’un simple regard, mais aussi parce qu’en tâtant un morceau de roche, en le sentant et en le goûtant, il pouvait détecter le lieu où se cachait la veine.
    Lorsque Le lamero termina le pijcheo, quitta le Tio et se dirigea vers le lieu où le laborero et le chef de la galerie l’attendaient avec inquiétude. Le moment était venu de dynamiter la roche, d’apaiser ses nerfs et de regarder son calme. Le lamero accrocha son casque avec une corde qui lui passait sous la mâchoire, très près du cou, et prépara le matériel pour régler le tir à trente mètres de hauteur. Dans son sac de Calcutta, il mit les cartouches de dynamite, les mèches de vingt mètres de long, les détonateurs, les allumettes et la glaise pour fixer la charge explosive dans une crevasse du rocher.
     En dehors de son sac de Calcutta, il portait un marteau-piolet pointu à la ceinture comme les alpinistes prêts à défier les dangers de la montagne. Il n’avait de crampons sur ses bottes, n’utilisait ni mousquetons, ni cordes en nylon. Ses mains robustes lui suffisaient, dont les doigts, longs et noueux, avec des ongles aiguisés tels les griffes d’un félin. Il cracha une salive verdâtre sur la paume de ses mains, s’accrocha aux anfractuosités de la roche et ses muscles se tendirent comme les cordes d’une harpe.
    La fente verticale, qui donnait le vertige rien qu’en la regardant, s’ouvrait comme une cheminée dans la beauté du quartz cristallisé. Mais Le lamero, non sans avoir auparavant admiré la nature indomptée cachée dans le sous-sol, aussi belle que celle de l’altiplano, continua à grimper sur les marches faites de callapo, qu’il disposait en forme d’escalier tandis qu’il montait vers la voûte, sans autre pensée que celle d’atteindre cette énorme entaille de la montagne, où il devait préparer le tir et dynamiter la roche.           
      Il savait que l’ouverture, avec ses crevasses et ses pics, présentait des risques graves, qui n’étaient pas toujours compensés par la satisfaction de se sentir comme un homme araignée, car chaque fois qu’il était au sommet, se balançant dans les hauteurs comme un équilibriste, s’ouvrait à ses pieds un abîme sans fond, où il pouvait tomber sans autres consolation que celle de connaître une mort instantanée. Cependant, ce système de travail, réalisé à vingt ou trente mètres d’altitude, paraissait lui offrir une satisfaction d’ordre moral, comme si s’était développée en lui une passion morbide pour les ascensions périlleuses.
  Il était habitué à jouer avec la mort et avec le sang froid de ses camarades, lesquels le suivaient du regard, pas à pas, millimètre par millimètre, jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’un point de lumière oscillant dans les hauteurs. Le lamero, suspendu à la voûte comme une chauve souris, sortit le matériel explosif de son sac de Calcutta et prépara le tir avec une précision d’artisan, tandis que le laborero et le chef de la galerie, le regardant depuis le bas, la nuque inclinée vers l’arrière et les yeux tournés vers le haut, attendaient patiemment la fin de la tâche.
    Le lamero, qui avait appris à combattre sans trêve contre les rochers, mit le feu à la poudre sur la mèche et se prépara à descendre par la même échelle par laquelle il était monté entre la lumière et l’ombre. Soudain, comme s’il allait sauter dans le vide, il fut précipité et rebondit sur les pointes aiguisées de la roche. Lorsque son corps s’écrasa contre la parilla, le laborero et le chef de la galerie, remplis de stupeur et secoués par le désastre, constatèrent que Le lamero avait la tête brisée et les os transpercés. Ils ne perdirent pas le temps. Ils levèrent le corps et cherchèrent refuge dans une galerie voisine, dans l’attente de l’explosion de la dynamite, dont la détonation détacha de grandes plaques de rochers et fut suivie par l’apparition d’une fumée épaisse qui sentait le bouillon de poule.
     La seule chose qui resta dans la fissure fut le casque du Le lamero, avec la lampe allumée comme une étincelle dans l’obscurité.
     - Quelle merde ! Cette fois, il n’a pas réussi  comme d’habitude, commenta le laborero, tandis qu’une larme lui brisait le visage.
     Ensuite, ils gardèrent un silence respectueux, jusqu’à ce que le chef de la galerie dise :
     - Ses forces et l’expérience accumulées pendant tant d’années de travail ne lui ont servi à rien.  
     Cela ne lui a servi à rein non plus d’être le troisième chef de la mine, après le Tio et Chinasupay, répliqua le laborero, les yeux brillants et la respiration étouffée entre la poitrine et le dos.
      A la fin de la journée, quatre mineurs portèrent le cadavre jusqu’à chez lui, où sa concubine les reçut, baignée de larmes et déjà vêtue de  deuil.
     - Je savais, sanglota-t-elle. Ce n’est pas pour rien que je lui avais dit ce matin que mon rêve avait annoncé sa mort…
    Les mineurs, prononçant des paroles de condoléances, étendirent le corps sur le lit. Ils le lavèrent et lui changèrent ses vêtements. Ils le déposèrent ensuite dans un cercueil noir, qui fut veillé au siège du Syndicat, où tout le monde vint se recueillir, depuis le gérant de l’entreprise jusqu’au dernier travailleur de la mine. Pendant un jour et une nuit, rassemblés autour de défunt et accompagnés par des pleureuses, ils mâchèrent des feuilles de coca et burent des gorgées d’eau de vie, tout exaltant les prouesses et la figure du lamero, qui mourut avalé par cette ténébreuse profondeur qui s’ouvrait à ses pieds chaque jour.
    Le lendemain matin, après avoir accompagné le cortège funèbre jusqu’au cimetière, ils enterrèrent le cercueil dans une fosse pierreuse, avec l’espoir qu’enfin il trouve la paix dans son ultime demeure. Car ils savaient tous que Le lamero, après avoir commis un crime passionnel dans son village, était venu purger ses peines dans le calvaire de la mine, où il avait gagné le respect et l’admiration des travailleurs qui le considéraient comme un homme suicidaire.

                                               «Contes de la Bolivie»
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Le Brésil

    Cinquième pays du monde par son étendue, le Brésil est un vaste plateau où les montagnes sont peu élevées. Il possède trois grands bassins fluviaux principaux sont ceux de : l’Amazonie, du Sao Paulo et du Panama. C’est ici voit le jour, parmi tant d’autres, le conte suivant :

La foi est toujours vivante

    «La foi est toujours vivante dans le cœur des hommes » se dit le curé en voyant l’église bondé. C’étaient des ouvriers du quartier le plus pauvre de Rio de Janeiro, réunis cette nuit-là avec un seul objectif commun : la messe de Noël. Il en fut réconforté. D’un pas digne, il gagna le milieu de l’autel. « A, b, c, d… » « C’était semblait-il, un enfant qui perturbait la solennité de l’office.

    Les assistants regardèrent derrière eux, mécontents. Mais la voix continuait : « A, b, c, d… » - « Arrêtez ! » dit le curé. Le gamin parut s’éveiller d’une transe. Il lança un regard craintif autour de lui et son visage s’empourpra de honte. « Qu’est-ce que tu fais ? Tu ne vois pas que tu troubles nos prières ?» Le gamin baissa la tête et les larmes coulèrent sur ses joues.
     «Où est ta mère ?» insista le curé. « Elle ne t’a pas appris à suivre une messe ?» Tête basse, le gamin répondit : « Excusez-moi, mon père, mais je n’ai pas appris à prier. J’ai été élevé dans la rue, sans père ni mère. Aujourd’hui, c’est Noël et j’avais besoin de causer avec Dieu.

       Je ne connais pas la langue qu’il comprend, alors je dis les lettres que je sais. Jai pensé que, là-haut, il pourrait prendre ces lettres et s’en servir pour former les mots et les phrases qui lui plaisent.» Le gamin se leva. «Je m’en vais», dit-il. Je ne veux pas gêner les personnes qui savent si bien communiquer avec Dieu.» - «Viens avec moi », répondit le curé. Il prit le gamin par la main et le conduisit à l’autel.
      Puis, il se tourna vers ses fidèles. « Ce soir, avant la messe, nous allons réciter une prière spéciale. Nous allons laisser Dieu écrire ce qu’il veut entendre. Chaque lettre correspondra à un moment de l’année, où nous réussirons à faire une bonne action, à lutter avec courage pour un rêve ou à dire une prière sans mot.

      Nous allons Lui demander de mettre en ordre les lettres de notre vie. Nous allons former des vœux afin que ces lettres Lui permettent de créer les mots et les phrases qui Lui plaisent.» Les yeux fermés, il se met à réciter l’alphabet. Et, toute l’église répéta : « A, b, c, d… ».

                                        «Contes d’Amérique du Sud»
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Le Chili

    Le Chili est un pays désertique et chaud au Nord. Il possède par ailleurs une zone subantarctique et froide au Sud et un climat tempéré au centre. Le conte dont il est question ici vient de Puerto Natales, port de pêche au Sud du Chili, où la mer vient croiser les canaux, dans un paysage magnifique :

El Caleuche

   Cela se passe dans une chaumière, alors que la tempête se déchaîne à l’extérieur. Tandis que les femmes s’affairent au dîner, les hommes sont réunis dans la grande salle pour parler de leur prochaine pêche de nuit. Les jeunes pêcheurs revenaient d’une campagne où le gros temps les avait surpris. Peu rassurés, ils n’avaient dû leur salut qu’à la Pincoya, cette sirène aux bonnes actions, qui les avaient guidés vers leur port. Elle avait rempli leurs filets de toutes sortes de poissons et de fruits de mer.
    Conscients d’avoir échappés au pire cette fois encore, les pêcheurs refusaient de sortir par un temps pareil. Seuls les plus anciens insistaient car les réserves s’épuisaient et ils n’étaient pas encore arrivés en hiver, période de l’année où personne ne sortait. Les esprits s’échauffaient quand un jeune apostropha un homme entre deux âges :
   - C’est bien beau de demander aux autres de risquer leur vie. Et pourquoi tu ne vas pas pêcher, toi ? La Pincoya. Un silence gêné s’installa. Sans insister, le jeune homme comprit qu’il était allé trop loin. Un autre expliqua :
   - C’est parce qu’il a vu Le Caleuche.
   L’homme en question se leva et, arrivé à la porte, se retourna :
   - Un jour, je vous raconterai.
   Les semaines passèrent. Vint l’hiver et la mer déchaînée, le froid mordant, empêchant les pêcheurs de sortir sans risque. Les mêmes personnes se retrouvaient dans cette maison où, quelques semaines plus tôt, ils avaient discuté si ferme. L’homme qui ne pêchait pas se trouvait là et prit la parole :
   - Je vous avais promis de vous raconter mon aventure. Je crois que le moment est venu. Nous avions tous embarqué sur un bateau sûr, qui avait fait ses preuves dans le gros temps. Son capitaine était tout aussi fiable et nous, les marins, étions tous des gars aguerris par des années de mer. Le retour vers le pays se déroulait à merveille quand, la deuxième nuit, la mer se changea en furie. Hostile, celle qui était notre compagne de toujours semblait prête à tuer tous les audacieux qui s’y aventuraient. Notre courageux bateau luttait sans pouvoir rivaliser et bientôt, nous n’eûmes plus aucune notion de temps ni d’espace. Nous attendions la lame fatale qui engloutirait le navire.
     Bateau de pêche. Puis la tempête sembla se calmer momentanément. Nous vîmes alors une grande lumière blanche s’approcher de nous. Il s’agissait d’un magnifique bâtiment illuminé, d’où partaient des chants merveilleux, enchanteurs. Imposant mais tellement rassurant, les marins voyaient en lui un secours dans cette tempête. Seul le capitaine avait la pâleur de la mort et nous dit :
    - C’est notre perte ! C’est le Caleuche ! Nos corps, comme tous ceux qui l’on vu, vont reposer au fond de la mer ce soir !
   Mais soudain, alors que les deux navires semblaient se toucher, le Caleuche disparut et la tempête réapparut. Dans la nuit, sur la mer en furie, nous attendîmes la déferlante qui nous noierait tous corps et biens. Voilà, tout ce dont je me souviens. Je me suis réveillé sur une plage, entouré de gens que je ne connaissais pas. Je leur ai raconté la tempête et le naufrage, sans rien savoir de ce qu’il était advenu de mes compagnons. Mais du Caleuche, je n’en ai jamais un mot jusqu’à ce soir. C’est la première que je raconte l’histoire entière. Un silence respectueux suivit le terrible récit de l’homme. 
    Il reprit :
    - Voilà pourquoi je ne navigue plus. Je sais que si je retourne en mer, le Caleuche reviendra chercher celui qu’il a laissé échapper une première fois. Et cette fois, je n’y échapperai pas. Beaucoup de gens croient qu’avoir vu le Caleuche, c’est la mort assurée. Et tous ceux qui l’ont vu une première fois, sont condamnés à rester sur terre s’ils ne veulent pas mourir noyés. Ce bateau de malheur est imprévisible, on peut le voir à tout moment et entendre ses chants. Alors, vous savez que vous allez mourir. L’auditoire resta silencieux, troublé parles paroles de l’homme.
    Seule la tempête se déchaînait à l’extérieur, comme un message d’avertissement à tous les audacieux.

                                          «Contes et légendes du Chili»
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La Colombie

    La Colombie est bordée au Nord par la Mer des Caraïbes, à l’Ouest par le Pacifique. Elle comprend plusieurs îles dont les plus importantes sont les îles de San Andres et de la Providencia. Les Andes y sont divisées en trois cordillères : occidentale, centrale et orientale. Ces cordillères forment la région andine. Les autres régions du pays sont celles de l’Orinoco et de l’Amazonie. Le conte qui suit se situe, à la fois dans les départements de Tolima et d’antioquia, dans les Andes :

La Pastola, le monstre à une seule jambe

     Les récits oraux abondent sur les méfaits de la terrible créature… Il semblerait néanmoins que la Pastola soit une grande voyageuse. On l’aurait signalé tantôt dans le département de Tolima, tantôt dans celui d’Antioquia. Peut-être passe-t-elle rapidement de l’un à l’autre, effectuant des bonds prodigieux malgré sa seule jambe. Il est vrai que la Pastola est capable de se déplacer rapidement et silencieusement, puisque bien peu de ses proies lui échappent.

      La terreur que celle-ci inspire fait l’unanimité. La Pastola attire les hommes en prenant l’aspect d’une jeune fille, pour ensuite se transformer en monstre sous leurs yeux et les attraper dans ses griffes. Ses victimes voient les traits de la jeune beauté devenir effrayants : ses yeux ressemblent à ceux d’un tigre et ses longs cheveux emmêlés cachent son visage hideux. Ses crocs puissants comme ceux d’un fauve lui permettent de dévorer les proies les plus robustes ; elle sucerait aussi le sang des enfants. La Pastola ne laisse que les os de ses victimes.   

     Reine autoproclamée de la forêt, La Pastola protège les animaux sauvages qui n’hésitent à se réfugier près d’elle quand rôdent les chasseurs. On dit même qu’elle connaîtrait leur langage. Elle efface les traces des bêtes poursuivies et s’affaire à égarer les chiens de leurs poursuivants. Si l’on rencontre le monstre, il vaut mieux être accompagné du meilleur ami de l’homme : La Pastola renonce à attaquer en présence de cet animal béni. Un chasseur avisé renonce donc à partir en forêt sans son fidèle compagnon…

    On dit même que la créature serait en fait un fantôme. Elle aurait été autrefois l’épouse infidèle d’un agriculteur qui, furieux de la trouver dans les bras de son amant, lui aurait coupé la jambe d’un coup de hache au moment où elle tentait de s’enfuir. Telle est la raison pour laquelle la vue de cet outil la mettrait en furie. Le sort que La Pastola réserve aux hommes serait sa vengeance. Que cette légende  soit fondée ou non, les épouses colombiennes recommandent à leurs maris de ne jamais répondre aux appels des jeunes filles cachées dans les buissons. On n’est jamais trop prudent…

                                                             Luc Pouliot
                                                «Contes de la Colombie»
                                                          www.suite101.fr


               












La Costa Rica

    Le pays de la  Costa Rica est essentiellement montagneux et est traversé par trois chaînes de montagnes. Le centre du pays est constitué par un haut plateau et des volcans qui dépassent les trois mille mètres. C’est dans ce pays qu’avait pris forme le conte suivant :

Le volcan Barva

   A l’époque de la conquête espagnole, deux conquistadors grimpèrent jusqu’à la cime du volcan Barva. Epuisés par la faim et la fatigue, ils trouvèrent un trésor laissé par les Indiens dans leur fuite.
  Ils n’eurent pas le temps d’en jouir longtemps au moins l’un d’eux qui mourut de fatigue, non sans avoir d’abord chargé son compagnon d’utiliser l’or pour élever un ermitage de Pilar, patronne des Espagnols.
   Celui-ci jura d’accomplir sa promesse, mais la convoitise le poussa à s’emparer de tout le trésor. Il enterra son ami et marcha toute la nuit. Au matin suivant, il vit, terrorisé, qu’il se trouvait au même endroit.
   En ce lieu, il vit apparaître sur les rochers, une très belle fille qui, en le voyant, se couvrit le visage et se mit à pleurer. Elle dit qu’elle se nommait Pilar et qu’elle pleurait sur les hommes sans foi qui n’accomplissent pas leurs promesses. L’Espagnol lui offrit alors de construire le temple avec tout le trésor, si elle l’aidait à sortir de la montagne.
     Mais elle dédaigna son offre et continua de pleurer jusqu’à ce que ses pleurs et son être se fondent en un lac. L’Espagnol, désespéré, commença à chercher et appeler la fille tout autour du lac, mais ce fut en vain et il mourut d’angoisse.
     Les gens disent que les gens qui se perdent dans les forêts de ce volcan, doivent tourner en rond. Ce qui est certain, c’est que le Barva continue d’être un géant énigmatique, bien qu’il soit endormi au milieu de la végétation.

                                   «Contes et légendes de Costa Rica»
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Cuba

     Cuba est la principale île de l’archipel des Grands Antilles. Elle est constituée d’un paysage fait d’une longue succession de plaines fertiles entrecoupées par quelques chaines de montagnes. Sa côte est bordée, de tout son long, de près de 300 plages pour nager, faire des plongées et pêcher. Tel est le cadre naturel où a éclos le conte suivant :

Les deux reines

     C’étaient deux  reines. Deux reines lucumis[4]. Elles habitaient en face l’une de l’autre. L’une s’appelait la reine Eléren Güedde, et l’autre s’appelait la reine Ollola Guanna. Eléren Güedde faisait chez elle de bonne cuisine. Toutes deux étaient très riches : seulement Ollola Guanna n’aimait pas dépenser son argent. Elle allait manger chez les autres. Pour faire des économies, elle mangeait chez Eléren Güedde. Mais un jour, celle-ci fut ennuyée d’un tel abus. Et lui dit :

   - Ecoutez bien ce que je dis : celui qui donne a toujours l’impression  que c’est beaucoup, même quand c’est fort peu ;  tandis que celui qui reçoit, il croit que ce n’est pas grand’chose, même quand c’est beaucoup.

    - Ça je le sais ! lui répondit l’autre.
    Un jour donc, la reine Eléren Güedde se mit devant sa porte, et quand elle vit s’amener la reine Ollola Guanna, en chantonnant :
    - Eléren Güedde guola toa,
     Eléren Güedde guola toa !
    Elle lui répondit :
    - Uguaka maka !
    (Cela voulait dire « Attends un peu que je t’entre dans le chou »)

    Et elle la rossa. Résulta de tout ça : une guerre.
    Mais la reine Ollola Guanna ne revint plus dîner chez la reine Eléren Güedde, et tous les jours, elles se retrouvaient toutes deux pour s’arracher les yeux.
    Et voilà l’histoire de la reine Eléren Güedde et de la reine Ollola Guanna.
                                              «Contes africains de Cuba»
                                                www.cubasilorraine.over-blog.org
L’Equateur

    Trois régions géographiques différentes forment le pays de l’Equateur : la côte du Pacifique, les hauts plateaux des Andes et le bassin d’Amazonie. Il comprend aussi l’archipel de Galapagos.  Nous en recueillons le conte suivant :

Le palmier de morete

    Le morete pour les forestiers qui connaissent quelque chose en botanique, est un palmier qui pousse dans les marais. Pours les ashuaras, c’est un esprit bénéfique, féminin, capable de se transformer en l’animal qu’il veut, suivant ses intentions. Les anciens qui habitent les rives du bas Pastaza racontent qu’il y a longtemps, les gens souffraient de la faim. Les femmes partaient loin à la recherche de la nourriture pour leurs familles, et elles ne trouvaient de plantes comestibles qu’aux abords des rivières.

     En cherchant plus loin et en marchant tellement, elles arrivèrent à une clairière où elles virent qu’il y avait une abondante nourriture cultivée. Dans la ferme se trouvait une dame. Lorsque les femmes  ashuaras lui demandèrent de la nourriture, la dame leur répondit qu’il valait mieux qu’elles emportent une petite fille avec elles. Si elles en prenaient soin, lorsque les besoins s’en feraient sentir, il suffirait de demander à la fillette de prononcer le mot que l’on désire pour qu’elle le fournisse.

   Ainsi, les femmes s’en allèrent en emportant la fillette. Lorsqu’elles lui demandèrent du yucca, le yucca s’empila jusqu’à former un grand tas, et lorsqu’elles lui demandèrent des bananes, il en apparut dans tous les coins. L’après midi, lorsque les hommes arrivèrent de la chasse les mains vides, ils s’étonnèrent de tant de nourriture et demandèrent aux femmes où elles l’avaient obtenue. Elles répondirent de manger sans plus en silence, et ainsi firent-ils. Tous vécurent bien tranquilles. Les enfants grossirent et grandirent sains durant ces temps favorables.

     Mais il ne manqua pas qu’un jour, une jeune fille trop curieuse demanda à l’enfant de prononcer le mot iwias, qui sont les esprits maléfiques, ennemis des shuaras et des ashuaras. Cette jeune imprudente voulait les connaître car elle avait beaucoup entendu parler d’eux. L’enfant refusa plusieurs fois, chagrinée par tant de demandes. La jeune fille, fâchée par sa résistance, lança des cendres dans les yeux de la petite. La fillette partit en pleurant et grimpa à l’endroit le plus haut du toit.

     Depuis là, elle demanda au bambou de l’emmener. Le bambou s’inclina jusqu’au toit. Et l’emportant en la transformant en Nunkui, l’esprit des cultures. La jeune fille qui avait causé la fuite de l’enfant s’accrocha au bambou, afin d’attraper la petite avant qu’elle ne s’échappe. Mais Nunkui se glissa dans la plante et pour qu’on ne la poursuive pas, elle fit des nœuds à certaines distances.

   C’est depuis lors que les bambous ont des nœuds. La Nunkui entra dans la terre et depuis ce temps, elle vit là-dessous. Encore aujourd’hui, elle donne à manger à qui la traite bien. Ce qu’aujourd’hui les populations shuaras et ashuaras ont à manger, ce sont les graines qui restèrent avant la Nunkui les quitte, graines qui, lorsqu’elles sont semées, sont protégées par cette même Nunkui depuis le monde sous-terrain[5].

                   «Contes de l’Equateur», trad. par Florence Comte
                                            www.es.bellelay.net 


Guadeloupe

      La Guadeloupe est un groupe d’îles des Antilles françaises (ou Petites Antilles). Elle se compose de la Basse-Terre (ou Guadeloupe proprement dite) et Grande-Terre, séparée par un étroit bras de mer. Seule la Basse-Terre est montagneuse comprenant le volcan de la Soufrière. Son climat est tropical et plus humide sur les reliefs « au vent ». L’île est exposée à de violents cyclones. Nous en recueillons le conte suivant :

Maman Dlo

       Il était une fois Maman Dlo, mère de l’eau au chanté diabolique qui enivre en abysse ceux qui voient sa silhouette aux abords des rivières.

       Mais il lui arrive aussi d’être particulièrement tendre,  romantique et pleine de compréhension faisant son possible pour compenser les méfaits d’une sorcière malfaisante. Un jour, Anna, la maman de Samantha a disparu alors qu’elle était partie laver le linge à la rivière. Le lendemain, Samantha part à la recherche de sa mère et aperçoit sur une pierre plate Maman Dlo, une très belle femme qui peignait ses longs cheveux frisés.

       Alors, Maman Dlo informe Samantha que sa maman a été changée en balisier d’or par une diablesse jalouse et malfaisante. Et pour l’aider à la retrouver, elle lui donne des indications pour y arriver.

       - Trouve le balisier d’or, lui dit-elle, avant l’aube petite fille, et tu retrouveras ta maman.

      Samantha fit et retrouva sa maman. Maman Dlo accepte parfois d’aider les enfants pour passer d’une rive à l’autre de la mer. Ti Jean et sa sœur étaient dans l’embarras de le faire. Tout à coup, ils aperçurent Maman Dlo qui jouait avec les vagues de la mer. Alors, iIs lui  crièrent :

      -  Maman Dlo, Maman Dlo, viens nous aider !
      Maman Dlo cessa de jouer et se rapprocha du rivage. Ils la supplièrent de les prendre sur son dos… Emue, Maman Dlo Maman Dlo accepta de les transporter jusqu’à une anse voisine.

     Ainsi Maman Dlo est tantôt une mauvaise fée tantôt bonne fée, au hasard de la rencontre.

                                               «Contes de la Guadeloupe»
                                            www.guadeloupe-parcnational.com 
Guatemala

    Ce qui caractérise le Guatemala, c’est un paysage essentiellement montagneux. Il contient également de grandes  plaines que recouvrent des forêts de type tropical. De ce fabuleux paysage, nous tenons le conte que voici :

La princesse Xocomil

     Il était une fois une princesse maya, du nom de Xocomil. La princesse était très seule car son entourage, cherchant à la protéger des soupirants mal intentionnés, l’isolait en la surprotégeant.

     Un jour cependant, elle croisa un jeune serviteur qui venait de rentrer au service de son père. Se côtoyant quotidiennement au palais, ils finirent par tomber amoureux l’un de l’autre… Mais afficher leur amour au grand jour aurait été bien imprudent pour le jeune homme. Aussi, ils décidèrent de se retrouver en secret au bord du lac. Plusieurs fois, ils se rencontrèrent sur les rives du lac et passèrent de délicieux moments.
  
    Mais un jour, après s’être éclipsée discrètement du palais pour rejoindre son fiancé, la princesse Xocomil dut attendre et attendre encore… Elle ne revit jamais son amoureux… Depuis ce jour, Xocomil revient quotidiennement vers midi sur les rives du Lac Atitlan, sous la forme du vent, voir si son amour sera au rendez-vous. Aussi, pour être sûre de ne pas le rater, elle souffle un jour dans un sens, et d’un autre le lendemain…

    Voici don la seule et véritable explication du vent aussi changeant, qui souffle tous les jours sur les rives du lac Atitlan…

                               «Contes et légendes du Guatemala»
                                                www.cayabdl.free.fr













La Guyane

    La Guyane est un pays du Nord-est de l’Amérique latine, partagé entre le Venezuela, la Guyana  et le Surinam. Elle comprend surtout le massif des Guyanes, d’accès difficile, qui renferme de nombreuses richesses minérales. La plaine côtière, où débouche le fleuve Essequibo. Elle possède des plateaux et des montagnes de l’intérieur couvertes d’une forêt inhospitalière. De là, provient le conte que voici :

Aboubou Biah

     Un jour, Anansi qui venait de se marier, savourait le petit matin devant sa case. Au-dessus de l’aouara[6] feuillu des restes  de nuit s’accrochaient encore, tandis que de l’autre côté, des perroquets bavards sabraient de vert la joue rose du ciel. Anansi laissa traîner un œuil [garçon]  sur le bras d’eau qui passait non loin de sa case. Celui-ci était toujours pressé de rejoindre son amante, la rivière qu’il rencontrait après un saut périlleux. Ensuite, les deux amants bras dessus, bras dessous s’en allaient paisiblement leur père le fleuve. Anansi remerciait Massa Goudou d’être encore en vie, lorsque la voix de sa dernière femme Ifa, lui parvint de l’intérieur.

     - Eh mon homme, que fais-tu là ?
     - Rien.
     - Rien ? Ecoute-moi, j’ai rêvé cette nuit que je mangeais un morceau de Maïpouri, or à mon réveil, j’ai cherché dans la réserve, il n’y avait rien, tes deux autres femmes ont mangé tout ce que tu avais apporté de la chasse, il y a à peine une semaine. Il n’y a plus rien de bon à manger. Je te rappelle que je suis enceinte, moi, et qu’il me faut de la force.

     Anansi tenta de protester.

     - Mais il reste du pack et d’autres morceaux de viande,… Et puis tu sais que mon soû ne permet pas de manger du maïpouri.

     - Tchippp !...
    
    Ifa se met à crier et à pleurer :
     - Si tu ne pars pas  me chercher du maïpouri, j’irai dire à ma famille que tu ne me donnes pas manger.
       Craignant que d’autres familles n’entendent le vacarme d’Ifa, Anansi se mi prestement debout, il se rendit dans une toute petite case où il y avait son matériel de chasse, puis quittant le village, il se rendit chez son vieil oncle pour lui annoncer qu’il partait de nouveau à la chasse. Le vieil homme, assis devant sa case, le toisa de la tête au pied, puis cracha, enfin prenant son bâton, il parla à son neveu tout en martelant le sol.

     - Tu ne peux aller à la chasse, tu ne peux aller seul, de plus, ce n’est pas la période, en outre, tu as eu ta part de viande, tout comme les hommes du village pour un mois au moins.

     - Mais Ifa est enceinte et elle veut manger du maïpouri.

     De colère, le vieil homme frappa Anansi qui fit un bond en arrière :

     - Tu sais que notre soû ici, nous interdit de manger du maïpouri, mais aussi de le chasser et de le tuer.

      Anansi repart l’épaule basse. Sur le chemin du retour, près du village, il rencontra Ifa qui allait laver son linge avec les autres femmes. Elle le toisa et ne lui sourit même pas. Anansi, tout décontenancé, se laissa tomber au milieu des racines d’un arbre cathédrale et se mit à réfléchir. Dix minutes plus tard, il se redressa. Il avait un plan, il courut quérir une pelote de fil que sa grand-mère lui avait donné jadis «en cas de…». Puis il s’en fut dans la forêt.

    Anansi marcha, marcha toute une journée sans voir un seul gibier. Il était étonné, car la forêt d’habitude, bruissante de mille cris, était aujourd’hui silencieuse, nul oiseau ne sifflait, les saïmiris étaient silencieux. Les criquets se taisaient, bref tout était silence, cela angoissait Anansi qui décida néanmoins de monter un affût en face du point d’eau, là où les animaux viennent se désaltérer. Le grand midi était passé depuis longtemps déjà, puis le ciel avait mis son pagne violet, sans qu’aucune bête ne vienne boire.

     Installé sur la grande branche d’un arbre dominant le sentier qui aboutissait à l’eau, Anansi n’avait vu ni biche, ni pack, ni paquira, ni maïpouri. Il décida de prolonger son affût. Il venait à peine de s’installer confortablement lorsqu’un moustique le piqua, il le tua d’une grande claque, il y eut alors un grand bruit de chaînes qui tombent. Anansi étonnée se tourna se retourna cherchant d’où pouvait venir ce bruit. N’entendant plus rien, Anansi chercha une posture plus confortable pour mieux surveiller l’eau.

     C’est alors, qu’un autre moustique le piqua, d’un revers de la main il l’écrabouilla sur lui. Il y eut au même moment un coup de vent tel, qu’il faillit, sur sa branche, perdre l’équilibre. Anansi se rétablit péniblement puis se mit à nouveau à l’affût.  Cependant, se souvenant de sa grand-mère, il attacha la pelote de fil autour de ses reins. Il en déroula un très long morceau dont il attacha le bout à une branche. Puis il conserva près de lui le reste de la pelote que sa grand-mère avait qualifiée de magique, bien sûr, il n’y croyait pas vraiment, mais c’était «en cas de…». Une heure passa, puis deux, puis trois, il n’y avait rien, rien qu’un silence étrange. Une petite voix disait à Anansi :

     - Rentre chez toi, ton compte de chasse est épuisé, tu n’as rien à faire ici.

    Mais Anansi décida d’ignorer superbement cette voix. Il s’imaginait revenant avec au moins un morceau de gros gibier, car il savait que tout seul, il ne pourrait le rapporter entier. Il pensait à l’art de dissimuler les restes de sa prise aux yeux et à l’odorat des prédateurs, il était au milieu de ses réflexions, quand tout à coup, il entendit enfin un craquement. Mais choses étrange, le sens du déplacement n’allait pas vers l’eau, mais vers l’arbre où il se tenait. Anansi pensa qu’un autre chasseur était venu le rejoindre, il interpela l’autre :

       - Oh qui est là ? C’est toi Kwaba ?

      Il n’y eut aucune réponse, mais il distingua comme un souffle, il inerpella de nouveau l’autre :

       - Eh Kwaba mon frère, que fais-tu ici ? Es-tu venu m’aider ?

       Point de réponse, mais le souffle se rapprochait. Cette fois, Anansi eut peur, il songeait à toutes les histoires que dans son enfance on chuchotait. C’étaient des histoires effrayantes dont il avait fait semblant de rire, car juste avant sin initiation de chasseur, il ne convenait pas qu’un vaillant jeune de quatorze ans aie peur de quoi que ce soit. Les histoires de mait’bwa pourtant avait le don de mettre toute sa phratrie en émoi, car cette entité ne faisait pas de quartier, il régnait sans partage sur la forêt et ceux qui l’avaient vu en parlaient à peine et ils avaient alors les yeux fous.

     Ces souvenirs eurent le don de décontenancer encore plus Anansi. Il se mi à trembler de plus en plus fort, surtout quand il distingua deux yeux rouges au pied de son arbre, pire encore l’arbre tout entier tremblait comme si quelque chose ou quelqu’un grimpait de branches en branches. Une sueur froide coulait dans le dos d’Anansi, son cœur battait comme un tambour contre ses côtes, ses yeux agrandis fixaient le vide, lorsqu’il sentit quelque chose de froid le frôler, il hurla, mais lança tout de même la pelote de fil qu’il avait précédemment ramassée devant lui en direction de son agresseur. Enfin, il sauta dans le vide, s’écrasa au sol dans un roulé boulé bruyant, coupa prestement le fil et courut devant lui, sans se retourner. Il battit tous les records de vitesse, et nul ne sait jamais comment il parvint au seuil de sa case qu’il franchit précipitamment.

     Ifa, au bruit qu’il fit, se réveilla, car cette semaine là, elle partageait sa case avec lui.  

     - Et alors où est le gibier que tu m’as ramené ?
     Plus mort que vif, Anansi trouva encore la réponse de répondre :
     -  Tout est dehors, je rentrerai cela demain matin femme.

     Apaisée par la réponse, Ifa se rendormit.

     Il faisait jour depuis longtemps lorsqu’Anansi se leva en sursaut. Ifa n’était plus dans la case. Il sortit en trombe, et découvrit avec stupeur sa pelote de fil artistiquement accrochée aux arbres, sa case formant le centre d’une grande toile. Dans sa hotte à viande et dans un croucrou, des maringouins morts, des sauterelles et des mouches s’empilaient et débordaient. Point de maïpouri. Anansi abaissa la tête, il avait compris la leçon. C’est depuis ce jour que les araignées ne mangent plus de viande, mais seulement des insectes qui tombent dans leur toile.

     Quant à moi, je suis une petite libellule bleue et j’ai tout vu, tout entendu. De fatigue, je me suis assoupie dans les cheveux d’Anansi. A son réveil, lorsqu’il a baissé la tête, j’ai failli tomber, j’en ai même oublié la formule d’au revoir. Heureusement, j’ai réussi à m’enfuir bien loin du piège de fil, pour venir vous raconter cette histoire.

      Moralité : La tradition apprend la solidarité, mais aussi, à ne pas gaspiller la ressource alimentaire pour que le durable soit au service de toutes les communautés.

                                                    «Contes de la Guyane»
                                                          www.potomitan.info
   
Le Honduras

     Le Honduras comprend eux régions de montagnes très accidentées. Il possède par ailleurs des vallées et une grande plaine côtière couverte d’une abondante végétation Sud tropicale. Nous en rapportant le conte que voici : 
     
Histoire de chiens

     Un jour, j’ai rencontré un tout petit chien au Honduras – le petit d’un petit chien. Il vivait dans un lieu magnifique près d’une rivière entourée de plantations de bananiers, de caféiers et de fleurs sauvages. Il m’a rappelé une histoire que j’ai lue et dont j’ai oublié l’auteur. Je ne résiste pas à l’envie de la raconter comme je m’en souviens :

     Il était une fois, bien avant le temps des Hommes, un grand royaume peuplé de chiens. Le roi y gouvernait avec sagesse et bonhomie et, en retour, son peuple l’aimait et le respectait. Un jour, il décida d’organiser une grande fête dans son palais et d’y convier tous ses sujets. Pourquoi ? « Aucune raison n’est nécessaire pour faire fête », vous aurait répondu le roi.
    Les semaines suivantes ne furent que préparatifs, chacun s’occupant de la nourriture, des boissons, de la musique ou des spectacles. L’enthousiasme était dans tous les cœurs et même le soleil semblait se réjouir de l’événement.

   Enfin, le grand jour arriva. Tous les chiens du royaume mirent leurs plus beaux atours et se rendirent au palais. À l’entrée, par respect pour le roi, ils déposèrent les uns et les autres leurs fesses dans une grande salle. C’était en ce temps là une règle de politesse élémentaire. Puis, ils s’en allèrent danser. Durant 6  jours et 6 nuits, ce ne fut que réjouissances. Les chiens s’amusèrent tant et si bien qu’au 7ème jour ils s’endormirent tous là où ils étaient, épuisés de fatigue.

   Pendant ce temps là, les chats, fort mécontents de ne pas avoir été invités, lancèrent une expédition. Profitant du sommeil des chiens, ils s’introduisirent dans la grande salle du palais où étaient entreposées les fesses et, en silence, ils y mirent le plus de désordre possible. Au matin, les chiens s’éveillèrent et ils voulurent rentrer chez eux, mais il fut impossible de retrouver les fesses leur appartenant. Personne, même le roi, ne put jamais remettre de l’ordre dans ce capharnaüm. Les chiens durent s’en revenir en leurs logis, penauds, avec la paire qu’ils avaient trouvée au hasard.

    C’est pourquoi, encore aujourd’hui, les chiens détestent les chats et se reniflent le derrière dans l’espoir de retrouver leurs fesses d’origines…

                                                            Olivier Maurin
                                                     «Contes du Honduras»
                                                                     www.lama-a-plumes.com

















La Jamaïque

    La Jamaïque se situe dans les Grandes Antilles, au Sud de Cuba. C’est un pays montagneux à l’Est. A l’Ouest, il se compose d’un grand plateau. Le pays  jouit d’un climat  plus humide au Nord qu’au Sud, qui entretient une végétation luxuriante de forêts. Ce dont nous recueillons le conte suivant :

Le pari de Ti Jean

     Le jour de sa naissance, Ti Jean saute du ventre de sa mère, se pose à terre sur ses petites jambes courbées de nouveau-né et s’en va vivre sa vie. Après quelques jours de marche, il s’arrête devant une pancarte sur laquelle était écrit : «Moi, Grandyab, je ne me fâche jamais».

      Il pénètre dans le domaine de Grandyab, ce que l’on appelle dans le langage courant son «habitation», le salue et lui propose de s’occuper de ses bêtes et de son jardin. Grandyab se tord de rire en considérant la petitesse de l’être humain qui lui propose ses services, puis tombe sur lui à bras raccourcis et le bat tant et si bien qu’il en a mal au poignet. Ti Jean, lui, ne crie ni ne fait une grimace de douleur. Il se contente de sucer son pouce, indifférent. Grandyab, décide alors de l’engager, car il lui semble particulièrement courageux.
       - Merci Monsieur Grandyab, dit Ti Jean, j’accepte vos conditions sans les connaître, mais de mon côté, je vous propose un pari : si je réussis à vous mettre en colère, vous me donnerai toute votre fortune y compris votre femme que l’on dit très jolie. Dans le cas contraire, dans quinze jours, vous me mangerez.

     - J’accepte, dit Grandyab. Commence par nettoyer notre jardin qui est envahi de mauvaises herbes. Dix courageux n’arriveraient pas à le faire en une journée. Si enfin de journée tu n’as pas terminé, tu n’auras rien à manger.

     A la brume du soir, Grandyab se rend au jardin et constate que Ti Jean a arraché toutes les plantes cultivées et a laissé les mauvaises herbes. Il se garde de se fâcher pour ne pas perdre son pari.
      - Demain, tu soigneras les bêtes et nettoieras l’écurie, le poulailler et le parc des bestiaux. Et cela en une journée, sinon rien à manger.
  
      Ti Jean tue toutes les bêtes et, à la brume du soir, Grandyab est bien forcé de garder le sourire pour ne pas perdre son pari.

      Pour se débarrasser de celui qui va le ruiner, il demande à sa mère, la Grandyabless, de prendre la voix du Bondieu, de grimper dans un arbre et d’ordonner à Ti Jean de retourner chez ses parents sans tarder. Lorsque Ti Jean passe sous l’arbre, il reconnaît la voix de la Grandyabless et l’abat d’un coup de fusil. La vieille tombe de l’arbre comme une mangue mûre.

      - Tu as tué ma mère, s’écrie Grandyab en s’arrachant les cheveux de douleur.

      Non, répondit Ti Jean, c’est le bondieu que j’ai tué.
      Grandyab avale la pilule et toujours pour faire semblant de ne pas se fâcher, il propose à Ti Jean d’accompagner sa femme au bal. Ti Jean mit son habit de soirée, son haut de forme, ses souliers cirés. Il danse et séduit Madame Grandyab qui ne fait que minauder, sourire et roucouler.

    A minuit, prétextant, comme Cendrillon, qu’il a perdu son soulier, il interrompt la soirée au grand dam de sa cavalière et quitte le bal. Sur le chemin du retour, un énorme crabe, qui lui semble avoir la voix de sa propre mère, le menace et lui ordonne de rentrer chez ses parents,. Il hurle de terreur, prend ses jambes à son cou et avoue à Grandyab qu’il n’a jamais eu autant peur devant cet énorme crabe qui parlait comme un chrétien vivant.

    - Quoi!  tu n’as pas eu peu de moi et tu as peur d’un crabe, s’écrie Grandyab fou de rage. Tiens deux paires de claques !

     - J’ai gagné le pari, tu t’es mis en colère, ta fortune est à moi, mais garde ta femme, je n’en veux pas, elle n’est pas fut’fut’.

     Depuis que Grandyab a perdu tous ses sous, il erre sur les routes où il ne fait pas bon le rencontrer, car il ne décolère pas. Il se venge sa déconvenue sur sa femme et sur les voyageurs sans défense.

                                                «Contes de la Jamaïque»
                                                     www.conte-moi.net
        







Le Mexique

  Le Mexique recèle des paysages très variés composés de marécages, de désert et de jungle tropicale. Au Nord, il a un plateau aride, au centre un plateau bordé de chaînes montagneuses et au Sud une chaîne de montagnes volcaniques. De ce paysage, nous rapportons le conte mythique  suivant :

L’Homme et le maïs chez les Mayas

     Au début, il n’y avait RIEN. Que l’Univers, cet endroit où vivaient les dieux. Seuls, le ciel et la mer existaient, pas la Terre, et aucun son ni bruit ne pouvait troubler la réflexion des dieux. Alors les dieux décidèrent de créer quelque chose. En premier ils choisirent de construite la Terre, puis les montagnes, les vallées et les plaines qui ajoutaient au gigantisme des montagnes. Satisfaits, ils laissèrent la Terre dans cet état pendant une période infinie.

    Au bout d’un moment, ils se lassèrent de l’aridité du paysage nu et désolé qui s’offrait à leurs yeux. Ils décidèrent alors de donner naissance à la Nature. De la terre nourricière te fertile remplit alors plaines et vallées, irriguées par d’innombrables cours d’eau s’écoulant des montagnes. L’herbe, les fleurs, les arbustes puis enfin les arbres apparurent, donnant au relief des couleurs extraordinaires et des odeurs fort agréables.

    Voyant la beauté de la Terre, les dieux souhaitèrent également donner naissance à une créature capable de vivre dans cet environnement. Et ils inventèrent les animaux… il y en avait de toute sorte : des nageants qu’ils appelèrent les poissons, des volants qu’ils appelèrent les oiseaux et enfin une multitude d’animaux vivants sur la surface de la Terre et même dans ses entrailles…

    Mais au bout d’un moment, ils s’aperçurent que les animaux étaient incapables de les adorer, ou d’être reconnaissants envers leurs créateurs. Ils se creusèrent alors la tête et finirent par se dire que l’heure était venue de créer l’Homme. Le premier humain fut créé d’un peu d’eau et de terre, rien que des éléments naturels. Mais celui-ci se trouva incapable de penser et n’apportait pas grand’chose à la création. De plus, il présentait le fâcheux inconvénient de se dissoudre lorsque la pluie tombait !...

    Une deuxième sorte d’humain fut donc créée, faite, cette fois, de bois. De matière plus dure, il résistait cette fois à l’eau… mais pas au feu, qui le transformait un peu trop facilement en fumée !... Et cette seconde créature n’était pas plus capable de penser que la précédente… Alors pour nettoyer la Terre de toutes ces créations dont ils n’étaient pas satisfaits, les dieux produisirent un déluge, qui nettoya toute la surface de la Terre...  Les survivants montèrent aux arbres pour échapper aux flots du déluge… et devinrent des singes.

     Forts de leurs expériences mais toujours décidés à créer un animal capable de penser et de les adorer, les dieux décidèrent de se remettre à l’ouvrage pour donner naissance  à une nouvelle créature qu’ils appelèrent Homme. Cette fois-ci, ils firent encore appel à des éléments naturels et principalement au maïs. Maïs blanc et jaune pour la chair et ‘masa’ de maïs pour le corps. L’équation eut un résultat positif, puisque cette  créature ‘l’Homme’ devint capable de penser et remercia bientôt les dieux de l’avoir créé.

     C’est pourquoi les Mayas croient en leurs dieux, notamment ceux du Maïs, du Vent et de la Pluie, mais aussi en l’Homme, car ils savent que les dieux ont besoin d’eux pour être adorés…

                                      «Contes et légendes du Mexique»                                                       
                                                      www.caybdl.free.fr

Le Nicaragua

     Le pays du Nicaragua est bordé par la mer des Caraïbes et l’Océan Atlantique à l’Est et par l’Océan Pacifique à l’Ouest. Son territoire est divisé en trois grandes zones : les terres basses de l’Atlantique, la région montagneuse au centre et les terres basses du Pacifique. Le conte suivant en a été parmi d’autres le produit :

Le Mocuana

    Approximativement vers l’année 1530, les Espagnols réalisèrent une expédition bien armée en territoire nicaraguayen, afin d’étendre leur domination et d’augmenter leurs richesses. Durant cette incursion, les Espagnols réussirent à soumettre les indiens Sébaco, habitants de la Lagune de La Moyua. Le chef de la tribu, une fois vaincu, offrit aux conquistadors des sacs, fabriqués avec du cuir de cerf, remplis de pipettes d’or.

     La nouvelles que les conquistadors étaient rentrés avec de grands richesses attira en Espagne l’attention d’un jeune homme qui espérait changer son quotidien et dont le père était mort au cours de cette expédition. Décidé, le jeune homme s’engagea et, après un long et difficile voyage, il arriva au sol nicaraguayen, où il fut très bien accueilli par les habitants qui croyaient que c’était un prêtre.

    Arrivé à Sébaco, le jeune fit connaissance avec la jolie fille du cacique[7] et la fit tomber amoureuse avec l’intention de s’approprier les richesses de son père. La jeune indigène tomba éperdument amoureuse de l’Espagnol  et en preuve de son amour, elle lui fit connaître le lieu où son père gardait ses richesses. Certains prétendent que le jeune finit lui aussi par tomber amoureux de la jeune indigène.

    Quand le cacique apprit les sentiments qui existaient entre sa fille et l’étranger, il s’opposa fermement à la relation, tant et si bien qu’ils furent obligés de fuir là où la furie du père ne les atteindrait pas. Mais le cacique réussit à les trouver, se confronta fièrement à l’Espagnol, parvenant à lui donner la mort, après quoi, il enferma sa fille dans une grotte dans les collines, malgré qu’elle soit enceinte. Certaines versions assurent que c’est l’Espagnol qui enferma l’indigène après s’être approprié les trésors du père.

      La légende de la Mocuana raconte qu’avec le temps, devenue folle, la fille du cacique réussit à sortir par un tunnel, mais en le faisant, elle a jeté son fils dans un abîme et depuis ce temps, allait apparaît par les chemins, invitant les promeneurs dans sa grotte. Ceux qui l’ont rencontré disent qu’on ne voit pas son visage, seulement sa mince silhouette et ses longs et beaux cheveux noirs.

    Dans certains lieux, on raconte que quand la Mocuana rencontre un nouveau né, elle le tue et laisse un bracelet d’or aux parents. D’autres versions assurent qu’elle l’emporte en laissant derrière elle des pièces d’or.

                          Josefa Ma Montenegro, trad. Hélène Legay
           «Contes du Nicaragua»
                                             www.nicaraguenses.fr








Le Panama

     Le Panama se situe dans la partie Sud de l’Amérique centrale. C’est un pays d’une géographie montagneuse ayant des terres de basse altitude sur les côtes. La mer des Caraïbes et l’Océan Pacifique sont reliées par le canal de Panama. De ce pays nous rapportons le conte qui suit :

Le petit birou

   Il y avait une fois un petit birou[8] qui était caché sous une feuille de brou ; la feuille chi ; la vache la manji. La mère au petit birou alla le chercher, elle l’appela, mais le petit birou ne pouvait pas répondre parce qu’il était dans ventre de la vache. Alors la mère alla chercher le boucher, et le boucher tua la vache. Dès qu’elle fut tuée, « bouyé chi à bas », et le petit birou était ans le brouillé. Aussitôt une poule qui se trouvait là mangea le brouillé. La mère bien chagrine courut après la poule et la força à vomir. La poule rejeta le brouillé, et la mère retrouva son petit birou.

      Le petit birou fut bien content d’être délivré. Il prit un cheval et le conduisit dans une maison où il y avait une belle fille. La fille mena le cheval à boire, mais en route lui cassa une jambe. Le petit birou dit que la fille serait à lui, puisqu’elle avait abîmé son cheval.

     Il la mit dans un sac et porta le sac chez sa marraine. Pendant qu’il n’était pas là, la fille appela la marraine. Et la marraine mit son vieux chien à la place de la fille. Quand le petit birou fut revenu, il installa le sac sur son dos. Les griffes du chien le grattaient. Alors il s’arrêta dans un champ pour ouvrir le sac. Et le vieux chien s’en alla ! Je n’en sais pas plus long.

                                                   François Duine
                                     «Contes et mythes du Panama»
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Le Paraguay

     Le Paraguay, pays continental, se compose de deux régions assez différentes l’une de l’autre : les prairies, les collines et les forêts tropicales, au climat tempéré chaud et humide d’une part et les savanes, les lacs et les forêts, au climat continental et sec d’autre part. Le conte que voici y a pris naturellement racines :

Le génie de la forêt

    Il était une fois dans un pays très lointain qu’on appelle le Paraguay, un pauvre paysan fermier et sa femme qui travaillaient très dur sur leur lopin de terre. Le sol était tellement sec que leurs outils se cassaient souvent et qu’à chaque coup, un nuage de poussière s’élevait de la terre. Ils gagnaient donc juste de quoi vivre mais malgré tout c’étaient des gens très gentils, heureux de vivre.

    Un jour, Anina reçut la visite d’un voisin qui lui dit qu’à une journée de marche de chez eux, un riche fermier ne pouvait trouver suffisamment de travailleurs pour l’aider à la récolte. Elle proposa à son mari :

    - Pourquoi n’irions-nous pas aider ce fermier ? Ici, nous mourons presque de faim. Chez lui, nous pourrions gagner suffisamment d’argent pour vivre décemment.
   
   Son mari la regarda, préoccupé et lui dit sur le ton de la confidence :
    
   - Je ne dis pas non mais ne sais-tu que cette région est habitée par le grand génie de la forêt ? C’est un ogre immense, poilu, à la barbe rouge sang et aux yeux de jais qui lancent des éclairs. Ils dévorent tous les hommes qu’il rencontre et ramène les femmes chez lui, afin qu’elles travaillent pour lui. Le danger n’est écarté que l’après-midi, car c’est à ce moment là qu’il dort. Je n’ai pas tellement envie d’y aller. Ça ne m’étonne pas que ce fermier ne trouve plus suffisamment de gens pour rentrer la récolte. Tout le monde a peur. Je ne pense que ce soit une bonne idée d’aller habiter aussi près d’un tel monstre.

     - Moi je n’ai pas peur ! dit Anina, en riant. Je resterai à l’intérieur et je n’irai faire les courses que l’après-midi. Je t’en prie, allons-y. Je pense que c’est la meilleure chose qui puisse nous arriver !

     Fatigué d’entendre sa femme lui dire tous les bénéfices qu’ils pourraient tirer de leur nouvelle situation, José finit par accepter. Ils emballèrent leurs maigres affaires et quittèrent leur misérable chaumière en quête d’une vie meilleure. Après un jour de marche, ils arrivèrent chez le riche fermier. Celui-ci possédait une magnifique ferme, située loin de la forêt du génie. En outre, de nombreux hommes faisaient des rondes, afin d’empêcher le génie d’entrer. On donna immédiatement du travail à José aux champs et le fermier leur indiqua une maisonnette à l’orée de la forêt, où ils pourraient habiter.
  
     - Vous pourrez vivre ici en toute tranquillité, dit le fermier à Anina. Veille toutefois à rester à l’intérieur. Ne sors que l’après-midi, car c’est le moment où le génie de la forêt se repose. Je vous ferai apporter de la nourriture tous les jours par mes hommes afin que vous ne couriez aucun danger.

     Et c’est ce qui se passa. Chaque jour, les hommes de la ferme leur apportaient des vivres. José gagnait bien sa vie ne travaillant aux champs et ils étaient très heureux. Ils n’avaient aperçu le génie de la forêt et Anina en venait à douter de son existence. Mais elle se trompait ! Caché dans la forêt, il l’avait déjà observée à plusieurs reprises. Il en était même tombé un peu amoureux. Toutefois, il ne pouvait s’approcher d’elle, car elle restait toujours aux alentours de la maison. Un jour, il y avait tellement de travail à la ferme que le fermier avait oublié d’envoyer ses hommes porter de la farine et des haricots à la maisonnette. Anina se tracassait. Quand vint l’après-midi, elle voulut se rendre à la ferme elle-même pour aller chercher de quoi manger.

     - Reste donc ici, lui dit José, inquiet. Imagine que tu rencontre le génie et qu’il t’emmène. Que ferais-je sans toi ?

     Mais Anina se moqua de lui.

     - C’est l’après-midi, répondit Anina. Le génie est en train de dormir. Il n’y a aucun danger. Je rentrerai bien avant la tombée de la nuit. Ne t’inquiète pas. A tout à l’heure. Elle prit son grand panier et partit. Elle suivit gaiment le long chemin qui menait à la grande ferme. Le fermier sursauta lorsqu’il la vit arriver.
    - Ne m’en veux pas, dit-il à Anina. Il y avait tellement de travail ! Je vais te donner le repas tout de suite. Tu ferais peut-être bien de dormir chez nous, car si tu pars maintenant, tu ne seras de retour chez toi que le soir tombé. Pense au génie de la forêt, petite !

     Mais Anina ne voulut pas passer la nui chez le fermier. Elle avait peur que José s’inquiète. Elle prit rapidement le chemin du retour. Soucieuse, elle regardait parfois le soleil qui descendait à l’horizon. Alors qu’elle était presque arrivée, le génie de la forêt jaillit de derrière un gros arbre et l’attrapa. Anina résista de toutes ses forces, mais ce fut peine perdue. Le génie l’emmena dans sa cabane au fin fond de la forêt. Là, dut lui faire la lessive et la cuisine.

    José était déjà rentré de son travail et attendait avec inquiétude le retour de sa femme. La nuit tombée, il partit à sa recherche. Près de l’orée de la forêt, il découvrit son panier à provisions rempli de vivres. Il eut très peur, car il était désormais sûr qu’Anina avait été enlevée par le génie de la forêt. Tristement, il ramassa le panier et retourna chez eux. Il faisait bien trop noir pour encore partir à sa recherche. Sur le chemin du retour, il rencontra un mendiant qui marchait à l’aide d’un bâton et qui lui demanda un peu de nourriture.
    - Je n’ai rien sur moi, répondit José gentiment, mais accompagnez-moi, je vous préparerai quelque chose à manger.
     Pendant que le vieux mendiant se restaurait, José lui raconta ses mésaventures. Si vous m’autorisez à dormir ici, je vous aiderai demain à trouver la cabane du génie, proposa le mendiant.
    José le regarda d’un air incrédule.
    - Ne craignez-vous pas qu’il nous dévore ? lui demanda—il inquiet.
    Le mendiant secoua la tête en riant.
    - N’ayez pas peur, répondit-il. Je suis peut-être vieux, mais je ne suis encore tout à fait inutile. Patientez un peu.
    Le lendemain matin, les deux hommes partirent de bonne heure. Ils s’enfoncèrent dans la forêt. Après de longues recherches, ils découvrirent enfin la cabane du génie de la forêt. Ils se dissimulèrent derrière quelques buissons. José aperçut Anina sortir de la cabane et vider un seau d’eau. Elle était donc bien là. Quand au génie, il restait invisible.
    - Il est peut-être parti chasser, dit José et il se dirigea vers la cabane pour aller chercher Anina.
    Soudain, le génie jaillit de derrière la cabane en poussant un cri assourdissant. Il s’était caché afin de surprendre José.     
     - Ah, je vais me régaler doublement ! s’exclama le génie. Enfin, pas tout à fait : l’un des deux est tout rabougri.
     Il saisit les deux hommes de ses mains poilues. José cria, mais le vieux mendiant n’avait pas peur du tout.
      - Si tu ne nous lâches pas, je te ferai mordre par un serpent, dit-il fâché.
      La génie libéra immédiatement les deux hommes et regarda autour de lui.
    
      - Je ne vois aucun serpent. Tu me prends pour un imbécile ! Maugréa-t-il. Viens ici, que je te mange le premier. Je garde le savoureux jeune homme pour la fin.
    
     Il tendit la main vers le vieil homme, mais au même moment, ce dernier jeta son bâton sur le sol. Le bâton se changea immédiatement en un gros serpent sifflant. Le génie eut très peur et n’osa plus bouger, car rien ne lui faisait plus peur que les serpents. Il mit ses grandes mains devant ses yeux. A présent, il ressemblait plus à un enfant effrayé qu’à un redoutable génie de la forêt.
    -  Eloigne ce serpent ! Eloigne cet affreux serpent ! s’écria-t-il effrayé.
    - Je ne ferai que si tu promets de partir d’ici, répondit le vieux mendiant. Tu dois partir au-delà des montagnes et ne plus jamais revenir. Si tu le promets, je changerai de nouveau le serpent en bâton.
    - D’accord ! D’accord ! Je partirai ! répondit le génie de la forêt d’une voix tremblante.

    Le vieux mendiant sourit.

    - N’oublie pas ! le prévint-il. Dès que tu reviendras importuner ces pauvres gens, je t’enverrai dix de ces serpents. Il prit le serpent par la queue et celui-ci se changea immédiatement en bâton. Le génie fit rapidement son baluchon tout en pleurnichant. De temps en temps, il jetait un coup d’œil effrayé au vieux mendiant, mais celui-ci se contentait de l’observer calmement. Un peu plus tard, le génie partit en direction des hautes montagnes que le vieil homme lui avait indiquées. Contente et soulagée, Anina tomba dans les bras de son mari. Sans attendre, le mendiant mit le feu à la cabane du génie. S’il se retourne voit la fumée, il saura qu’il n’a plus de maison et qu’il ne donc plus dormi ici, expliqua-t-il.

    Le vieil homme encore quelques jours chez José et Anina. Mais un beau matin, il partit sans raison aucune et nul ne le revit jamais. José et Anina coulèrent des jours heureux. Depuis le départ du génie, de plus en plus de gens venaient travailler dans cette région du pays. On construisit plus de fermes, des magasins et des écoles. Le fermier offrit à José un meilleur emploi : il devait diriger le travail de tous les nouveaux travailleurs. Le fermier le payait bien, car depuis qu’il avait suffisamment de personnes pour cultiver la terre, il gagnait assez d’argent pour payer ses employés un bon salaire. José et Anina étaient donc très heureux et lorsqu’ils eurent un enfant l’année suivante, ils furent au comble du bonheur. Ils vécurent longtemps et heureux à l’orée de la forêt.

                                                    «Contes du Paraguay»
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Le Pérou

 Le Pérou a un relief qui s’ordonne trois bandes parallèles : l’Ouest la côte du Pacifique constitué d’un désert frais et brumeux ; au centre la Cordillère des Andes ayant un climat plus sain dans les vallées et sur l’Altiplano, large plateau au Sud et les plaines de l’Est au climat tropical, humide recouvrant le luxuriant bassin amazonien, forestier par excellence. C’est de ce pays que s’inspire le conte suivant :
     
                                         Le soleil et la lune

    Jadis, il n’y avait ni soleil ni lune dans le ciel. Seules, les étoiles, grandes et lumineuses, éclairait en permanence la terre. Les gens vivaient comme des frères et sœurs, ils s’entraidaient et partageaient ce qu’ils possédaient. Heureux et contents, ils vécurent ainsi pendant plusieurs milliers d’années. Mais un jour, les habitants de la terre commencèrent à devenir cupides. Celui qui était riche garda sa richesse pour lui tout seul, celui qui possédait un jardin l’entoura d’un grand mur et celui qui était propriétaire d’une maison la ferma à clé.

    Les étoiles étaient toutes attristées. Elles commencèrent à se retirer de la terre. Il faisait de plus en plus noir. La peur envahit le cœur des hommes. Les plantes ne voulurent plus pousser et les animaux apprivoisés cessèrent de se reproduire. Les animaux sauvages se cachèrent, de ce fait, les chasseurs ne trouvèrent plus de gibier. La faim et la misère se mirent à régner partout.

    Les gens demandèrent alors conseil à une vieille femme pleine de sagesse : «Que pouvons-nous faire pour qu’il fasse de nouveau clair et que nous ayons de quoi manger ?» La femme répondit : «Il faut trouver quelqu’un dont le cœur soit tellement rempli d’amour qu’il acceptera de donner sa vie pour les autres. Lorsque vous aurez trouvé cette personne, envoyez-la chez moi.» Alors la peur et la tristesse augmentèrent. Les gens se sentaient perdus, car ils ignoraient ce qu’était l’amour. Comment trouver quelqu’un avec tant d’amour?

    Dans une cabane isolée près de la mer vivaient un pêcheur et sa femme. Ils étaient heureux puisqu’ils s’aimaient. Informé de la grande misère du monde et de la détresse des hommes, le pêcheur dit à sa femme : «Nous devons les aider. Nous sommes peut-être les seuls à pouvoir le faire parce que nous nous aimons».  Il alla donc trouver la vieille femme et lui dit : «Je suis prêt à faire tout ce que tu me diras.» La vieille femme s’assit près du feu, le pêcheur fit de même. Elle lui tendit un énorme bouclier et lui dit : «Tu dois aller jusqu’au bout du monde et de là,  sauter sur l’étoile la plus proche, puis sur la suivante et ainsi de suite jusqu’à la dernière. Sur chaque étoile, tu devras ramasser la première pierre que tu verras et la fixer à ton bouclier. Quand celui-ci sera complètement recouvert de pierres, tu devras le lever. Il donnera alors de la lumière aux habitants de cette terre.»

     Le pêcheur s’en alla jusqu’au bout du monde. Mais arrivé là, il perdit courage, car l’étoile la plus proche lui semblait tellement éloignée qu’il lui paraissait impossible de l’atteindre. Il pensa à sa femme qu’il aimait et soudainement il se sentit emporté. C’est ainsi qu’il vola d’une étoile à l’autre, fixant à chaque fois une pierre à son bouclier. Lorsque celui-ci fut entièrement recouvert de pierres, il le leva et aussitôt le bouclier se mit à briller. C’est ainsi que le soleil apparut dans le ciel. Le pêcheur ne se laissait pas tenir le disque de feu bien levé, il se réjouissait de voir que les hommes étaient de nouveau heureux.

    Un jour cependant, alors qu’il se trouvait juste au-dessus de sa maison, il vit que sa femme était triste. Alors il prit son cœur et le lui lança. Celui-ci resta suspendu dans le ciel et se mit aussitôt à briller. Il devint la lune. La femme vit le nouvel astre et comprit le signe. Elle pleura de joie tant et tant que ses larmes devinrent un fleuve qui se dirigea vers la mer. Alors le pêcheur baissa son bouclier un instant afin que la lune reste seule dans le ciel obscur et puisse se refléter dans ‘eau. Là, les deux époux étaient de nouveau réunis.

     C’est depuis ce temps là que le jour et la nuit existent et chaque fois que la lune se reflète dans la mer et que le fleuve capte ce reflet, le pêcheur et sa femme sont de nouveau réunis pour un court instant.

                                             «Contes et mythes du Pérou»
                                               www.contes-et-legendes.xooit.fr











Le  Salvador

   Le territoire du Salvador est en majeure partie formé d’un sol volcanique. Et l’on pourrait dire que le pays est traversé par une cordillère de volcans. Ses plus hautes montagnes sont : la Santa-Anna et la San Vicente. En raison de l’activité volcanique, le sol arable y est très fertile. C’est de  ces paysages féériques qu’est tissé le conte qui va suivre :

L’histoire d’une bestiole trouvée dans un arbre

   Après une longue nuit de voyage, une sorcière de campagne qui rentrait chez elle remarqua, perché dans son amandier une sorte d’oiseau. Mais était-ce vraiment un oiseau ? Probablement pas. N’était-ce pas un chat ? Non plus. Pourtant cet animal lui rappelait quelque chose. Voyons, où en ai-je déjà vu ? se demandait la sorcière. C’est une bien étrange créature. On dirait, on dirait, mais oui, bien sûr, il s’agit d’une gargouille ! 
    Que faisait-elle là, loin de son perchoir, alors que le jour allait se lever ? Chacun sait qu’il défendu aux gargouilles de se montrer aux hommes sous leur apparence nocturne. Ainsi tous les matins, bien avant le lever du soleil, elles échangent plumes, écailles et fourrures-de-nuit contre leurs habits de pierre. Furtivement, pour ne pas l’effrayer, la sorcière traversa le verger. Dans l’amandier, en voyant approcher la sorcière, la gargouille frissonna. Elle était toute petite. Bien plus petite que ne le sont les gargouilles d’habitude.
     - Que fais-tu là, ma pauvrette ? demanda doucement la sorcière.
     La gargouille pépia comme un oiseau apeuré et tenta de s’enfuir. Mais, à ce moment précis, un premier rayon de soleil l’atteignit et le retour à son aspect de pierre commença. Déjà, elle parvenait plus à dépêtrer ses griffes des feuilles de l’amandier pour s’envoler. Et en quelques instants, changée en statue de pierre, elle fut, tout entière, captive de sa figure de jour. La sorcière tenta de l’aider à se dégager. Mais c’était impossible. La gargouille de pierre, malgré sa petite taille, pesait maintenant si lourd que la sorcière ne put même la bouger. Alors, après avoir longuement contemplé la bébé gargouille pétrifiée, elle murmura : 

    - Comme tu es mignonne ma petite gargouille perdue.

    Et elle décida de la garder.

    Dès lors, chaque soir, au coucher du soleil, elle nouait solidement un fil à une des pattes de la petite bête. Ainsi elle ne risquait pas de s’enfuir la nuit venue, quand sonnaient les douze coups de minuit qui lui redonnaient vie. Au fil des saisons, la petite gargouille s’habitua à la sorcière. Elle oublia même le temps d’avant. Souvent, elle demandait qu’on lui raconte comment elle avait trouvée dans l’amandier. Bientôt la sorcière emmena sa gargouille dans ses promenades nocturnes. Elles volaient ensemble sous les étoiles, la sorcière sur son balai, la gargouille bondissant à ses côtés au bout d’une longue laisse. Mais il fallait faire attention, car, à l’approche du matin, la gargouille se changeait toujours en statue de pierre.

        Un jour eut lieu un premier accident. Comme souvent, la sorcière et la gargouille s’étaient  promenées au clair de lune. Sur les berges du fleuve un petit javelot chantait dikdikdik. Elles cueillaient des framboises et des myrtilles. Il faisait si bon qu’elles oublièrent l’heure. Aussi, quand elles arrivèrent à la porte du jardin, il était juste trop tard. La gargouille se changea en pierre, tomba au sol et ne bougea plus. Ce n’est qu’à minuit qu’elle put se relever. Une autre fois, elle tomba sur le rosier du jardin et passa toute la journée couchée sur des épines.

      Mais la troisième fois fut bien plus grave. La troisième fois eut lieu, comme les autres, au moment de l’aurore. Pour bien comprendre comme cet accident a pu se produire, il faut savoir que la gargouille avait grandi. Il y avait déjà longtemps qu’elle vivait chez la sorcière. Elle n’était plus le bébé trouvé dans l’amandier, mais une gargouille de bonne taille. Cette fois-ci, changée en pierre pendant qu’elle survolait la chaumière de la sorcière, c’est là qu’elle s’abattit. Elle pesait si lourd que le toit ne put l’arrêter et passa en travers tuiles et plancher en y faisant de grands trous.

    Cet accident fit comprendre à la sorcière qu’il était temps pour sa petite protégée de trouver un emploi à sa mesure. Elle se rendit au presbytère pour y prendre conseil. Le curé du village accepta de lui allouer, à l’essai, une place d’apprentie gargouille sur le clocher de l’Eglise. C’est un des rares cas connus de gargouille apprivoisée. On sait encore qu’après son enfance heureuse sur les faîtages de l’église, la petite gargouille devint gargouille de cathédrale. Pendant la journée, elle se tient immobile en haut de la Notre-Dame à Paris. Mais chaque nuit elle s’envole, comme jadis, en compagnie de sa mort adoptive.
 
                     «Légendes, contes et mythologie du Salvador»
                     www.passionsenpelemeledepyrausta.eklablog.com




L’Uruguay

     L’Uruguay constitue l’un des plus petits pays d’Amérique latine. Il se caractérise par un paysage formé essentiellement de collines et de prés qu’arrosent des rivières et des fleuves. Il possède un beau littoral de plages avec des dunes de sables et des promontoires tout au long de la côte. La majorité des ses terres sont réservées à l’élevage. D’où le conte que voici :
 
Le maté

      Un jour, longtemps avant que les Espagnols n’arrivent, un vieil homme et sa petite fille s’arrêtèrent pour s’installer près des chutes de l’Iguaçu. Ils étaient las de voyager constamment avec leur tribu nomade et voulaient rester dans ce coin tranquille qui pourvoyait à tous leurs besoins.

     Un après midi, un homme à la peau très pâle et visiblement épuisé se présenta à eux. Sans poser plus de questions, le vieil homme et sa petite fille prièrent l’homme de partager leur repas et de se reposer dans leur hutte. Après s’être rassasié et avoir dormi tout son soul, empêchant ainsi ses hôtes de jouir de leur habitation, l’homme dévoila sa véritable personnalité.

     Il se trouvait que c’était Thupa lui-même, le dieu de la bonté, venu voir ce que les hommes faisaient de ses préceptes, qu’ils avait appris aux indiens Guarnis, sur la façon de préparer et boire du maté. Il fut si touché par la gentillesse et la bonté du vieil homme et sa petite fille qu’il décida de faire pousser une plante, à l’endroit même.

    Cette plante possédait des feuilles aux qualités spéciales. Elles avaient en effet la particularité d’assouvir la soif, de ne pas se sentir seul lors de longues soirées solitaires et de toujours bien accueillir les visiteurs. Il leur apprit comment préparer et boire ses herbes précieuses (qu’il nomma lui-même maté) et les désigna gardiens de la plantation, ce qui les mettaient au rang de demi-dieux.

     Le vieil homme s’appelait Cao Yarà et la petite fille Cao Yari.

                                  «Contes et mythes de l’Uruguay»
                                                 www.cayabdl.free.fr





La République   Dominicaine

    La République dominicaine se situe dans les Grandes Antilles au sein de l’archipel des Caraïbes. Il se partage entre de l’île d’Hispaniola  et  la partie orientale d’Haïti, dont elle occupe à elle seule les deux tiers. Elle offre un paysage composé à la fois de forêts, de montagnes, de vallées et de plateaux. Elle possède de belles plages à flanc de montagnes au Nord, au Sud-est et à l’Est de ses côtes. Le conte que voici, comme tant d’autres,  y a vu le jour :

L’homme au grand savoir

    Nèg Save était un homme au grand savoir. Il parcourait le pays, offrant trois sacs d’argent à celui qui lui poserait des énigmes qu’il n’arriverait pas à résoudre. Il tombe, un jour, sur jeune garçon qui jouait devant la case de ses parents.
    - Papa n’est pas là, maman non plus, mais moi je peux te poser des énigmes, dit l’enfant.
    - Pas de problème, répond Nèg Save, mais où est donc ta mère ?
    - Maman est allé chercher ce qu’elle n’a pas semé.
    - Et ton père ?
    - Il est allé ouvrir un trou pour en boucher un autre, mais le trou reste béant.
    - As-tu un frère et où est-il ?
   - Mon père a envoyé mon frère à la chasse en lui recommandant d’abandonner tout le gibier qu’il trouvera ; tout ce qu’il ne trouver pas, il le rapportera.
   Nèg Save n’en croyait pas ses oreilles et il avait le bec cloué. Il remet les trois sacs d’argent à l’enfant qui, après les avoir mis à l’abri, lui propose de lui donner les réponses qu’il n’a pas su trouver.
   - Tu m’as demandé où était ma mère. Elle est allée chercher ce qu’elle n’avait pas semé. Maman est une matrone qui aide les mères à mettre leurs petits au monde, mais n’est jamais présente lorsqu’elles conçoivent.
   - Et ton père ?
   - Papa est allé ouvrir un trou pour en boucher un autre, mais le trou reste béant. Il a été emprunté des sous pour rembourser quelqu’un mais, en vérité, il est toujours endetté.
    - Ça c’est bien vrai. Dis-moi, ton frère ?
   - Mon frère avait beaucoup de chiques aux pieds. Alors papa l’a envoyé à la rivière pour s’en débarrasser, mais il rapporté toutes celles qu’il n’avait pas vues. Voilà pourquoi, je t’ai répondu qu’il avait envoyé mon frère à la chasse en lui recommandant d’abandonner tout le gibier qu’il trouvera ; tout ce qu’il ne trouvera pas, il le rapportera.
    - Pour être fort, tu es fort en vérité, trois fois s’exclama Nèg Save en réalisant que l’enfant était peut-être bien, bien, bien plus fort que lui en matière d’énigmes.
    Le soir, à leur retour, le père et la mère de l’enfant, en écoutant les exploits du jour et en découvrant les trois sacs d’argent furent convaincus que leur plus grand bonheur n’était tant de posséder trois sacs d’argent que d’avoir un fils plein d’esprit.

                «Contes de la République Dominicaine»                                                                                    www.conte-moi.net













Le Venezuela

    Le territoire du Venezuela se divise géographiquement en quatre régions distinctes. Ce sont la côte, la montagne des LIanos et les plateaux de la Guyane. Elle est bordée au Nord par les montagnes des Andes, humides et forestières, et  la mer des Caraïbes, la cordillère de la Costa.  Au Nord ouest, se trouvent la plaine et le lac de Maracaibo, au climat chaud et sec. Au Sud, s’étend la région tropicale des Ilanos, arrosée par l’Orénoque, puis le massif de Guyane. De ces paysages, a pris naissance le conte suivant :

Puemuei-Pachi, fille d’aji

    Un jour, un homme va au lac pour se laver le visage avec des feuilles aji, une sorte de piment rouge. Puemuei-Pachi apparaît et lui demande pourquoi il fait cela.

    Quand elle apprend que c’est pour essayer d’enlever ses taches de rousseur, elle lui montre comment il faut faire et il devient beau comme il n’avait jamais rêvé de l’être.

   De retour à son village, il attire soudain le regard de toutes les femmes, mais il se souvient de leur mépris, quand il était laid et il retourne au lac pour épouser Puemuei-Pachi.

     Ils habitent ensemble pendant longtemps dans le lac, puis un jour, l’homme a envie de revoir sa famille et il convainc son épouse de l’accompagner.

      Les autres femmes, jalouses, cherchent tout le temps la dispute avec Puemuei-Pachi jusqu’à ce que celle-ci finisse par s’enfuir. Son époux la cherche partout, mais il ne la retrouve pas. Privé de la magie de sa femme, il redevient aussi laid qu’avant et passe le reste de sa vie à se lamenter sur la méchanceté des femmes…

                   «Contes et légendes de la Venezuela»                                           
                                 w.contes-et-légendes.xooit.fr
                             






TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION                                                                          2
Les cascades (L’Argentine)                                                             5
Tepeu, Gucumats et Hurakan (Le Belize)                                          7
Le lamero (La Bolivie)                                                                     9
La foi est toujours vivante (Le Brésil)                                             17
El Caleuche  (Le Chili)                                                                   20
La Pastola, le monstre à une seule jambe
(La Colombie)                                                                               24
Le volcan Barva (La Costa Rica)                                                    27
Les deux reines (Cuba)                                                                  29
Le palmier de morete (L’Equateur)                                                 31
Maman Dlo (La Guadeloupe)                                                         34
La princesse Xocomil (Le Guatemala)                                            36
Aboubou Biah (La Guyane)                                                           38
Histoire de chiens (Le Honduras)                                                   46
Le pari de Ti Jean (La Jamaïque)                                              49                                         
L’Homme et le maïs chez les Mayas
(Le Mexique)                                                                                53
La Mocuana (Le Nicaragua)                                                          56
Le petit birou (Le Panama)                                                            59
Le génie de la forêt (Le Paraguay)                                                  61
Le soleil et la lune (Le Pérou)                                                        70
L’histoire d’une bestiole trouvée dans un arbre
 (Le Salvador)                                                                              74
Le maté (L’Uruguay)                                                                    78
L’homme au grand savoir (La République
Dominicaine)                                                                                80
Puemuei-Pachi, fille du aji (Le Venezuela)                                      83






[1] César Fernandez Morino : «AMERICA LATINA EN SU LITERATURA », Buenos Aires, Ed. Jorge Alvarez, 1982, p.256.
[2]  Monique Leclerc : «Les contes : publication récentes », «Le Français aujourd’hui», N°68- décembre 1984, p.74.
[3] «Les contes : publication récentes », «Le Français aujourd’hui», Op.cit., p.75.
[4] Le lucumi ou yoruba est la langue importée par les esclaves africains, utilisée lors des cérémonies de l’une des religions de l’île : la santeria (fusion du catholicisme et de cultes africains.
[5]  Shuaras et ashuaras : indigènes du Sud de l’Amazonie ; Pastaza : rivière de la plaine amazonienne ; Iwias : mauvais esprits ; Nunkui : esprit des cultures.
[6] Aouara : palmier équatorial dont le fruit compose le plat national de Guyane ; Massa goudou : nom donné un dieu créateur chez les gens du fleuve ; Pack : gibier de chasse ; maïpouri : gros gibier ayant une mini trompe ; Soû : totem de l’animal de la famille ; Mait’bwa : le maître des bois ; Croucrou : panier rond en arouman (sorte d’osier) ; maraingouins : gros moustiques.      
[7] Le cacique : le chef indigène.
[8] Birou : garçon ; brou : lierre ; chi : tomba ; manji : mangea ; le bouyé chi à bas : les entrailles tombèrent à terre.

1 comentario:

  1. il y a une erreur :
    le conte attribué au Panama : "Le petit birou", a effectivement été collecté par François Duine, mais en haute Bretagne, p^récisément à Guipel (entre Rennes et Saint-Malo).
    On trouvera une présentation et analyse de ce conte sur cette page de mon site : http://www.contes-et-merveilles.com/contes/sources-variees/etudes-mythologie-et-divers
    Il a été publié en 1904 dans la Revue des Traditions Populaires-tome 19, p.182-183, consultable ici : https://archive.org/stream/revuedestraditi03fragoog/revuedestraditi03fragoog_djvu.txt

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