lunes, 24 de diciembre de 2012

L'Epopée de Torrès et l'historiographie traduisante



ABD EL KHALEK TORRES ENTRE   L’EPOPEE TRADUITE ET L’HISTORIOGAPHIE TRADUISANTE OBJECTIVÉE

      Partant  d’une objectivation a priori consacrée en historiographie savante (ou
 historigraphie objectivée), le traducteur universitaire, tétouanais, Mohamed Cherif de L’Epopée d’Abd El  Khalek Torrès de Jean Wolf – Ed. Edif-Balland, 1994, 306p. – révisée par son collègue Jaâfer Belhaj Soulami, intitulée dans sa version arabe, Malhamatu Abd El Khalek At-Torris – Imp. Topress, Tanger, 2003, 360 p. - , une épopée biogaphique traduite se réduirait théoriquement , pourrait-on dire, à cette formule révélatrice d’une scientificité idéologiquement objectivée de Roland Barthes: «La structure narrative, élaborée dans le creuset des fictions (à travers les mythes et les premières épopées) devient à la fois signe et preuve de réalité. Aussi l’on comprend que l’effacement (…) de la narration dans la sciencce historique actuelle (…) implique (…) une véritable transformation idéologique…» - Régine Robin et al., «Débat: le discours historique…», Dialectiques, nº14, 1976, p.43.

        De là, Mohamed Cherif semble avoir opté pour une objectivation de l’historiographie traduisante  à la fois savante (réaliste) et anti-hétéroidéogique de la biographie épique (pseudo-littéraire) d’Abd El Khalek Torrès,élaborée initialement (dans son texte source) par le journaliste et écrivain belge, Jean Wolf. Or, comme le signale précisément Pierre Paponneau dans son article: «Des usages de l’histoire», au sujet de l’identité littéraire formelle des genres de  l’épopée et de l’histoire: «L’histoire est un genre littéraire. Il lui faut (comme l’épopée) des héros, en général des princes et autres grands de ce monde; il lui faut des conflits.»  - L’Histoire-2 : l’écriture de l’histoire, Ed. Marketing ,Paris , 1980, p.164. D’ailleurs, l’épopée traduite en questtion porte comme sous-titre : «Maroc: la vérité sur le protectorat franco-espagnol » (Lieu de conflits).

        Ainsi, l’historiographie traduisante objectivée de M. Cherif a-t-elle opéré, selon la maxime traductologique générale formulée ainsi par Monique Lambert :«Les enjeux des traducteurs ne sont pas les mêmes. Pour eux , l’intelligibilité du message (ici l’épopée  traduite en langue arabe) est le garant de leur statut de traducteur. Compte tenu des contraintes de la tâche, ils doivent opéré un choix.» -In  «Les  opérations et pratiques discurtives de la traduction…», S’approprier une langue étrangère… ,Ed. Didier, Paris, 1987, p.237. Toutefois, l’effacement  de segments du texte source de cette épopée biographique traduite a constitué la marque dominante de cette historiographie traduisante objectivée ( réaliste et savante) par excllence.

        Il s’agit , à première vue, de choix délibérés de ce traducteur historiographe, universitaire, marocain, scrutant et rectifiant la subjectivité de la pseudo-histoire biographique et épique (voire quasi littéraire) du texte source de Jean Wolf. «Le champ historique, écrit Paul Veyne, est donc complètement indéterminé, à une exception près: il faut que tout ce qui s’y trouve ait réellement eu lieu.» - Comment on écrit l’histoire, Ed. Du Seuil, Paris, 1971, p.26. D’où les suppressions hétéroidéologiques repérables au niveau du texte arabisé cible del’instance traduisante . Dans ce sens, Mohamed Cherif condense la stratégie de sa traduction objectivante, arabophone en ces termes: «Excepté les trois premiers chapitres du livre dont quelques paragragraphes ont été supprimés de la version arabe sur recommandation de l’auteur , le texte cible arabe – qui est entre tes mains, cher lecteur – ne s’éloigne guère de l’esprit du texte français. J’ai ramené les emprunts de l’auteur à leurs sources arabes et greffé le texte de références supplémentaires archivisant ce que celui-ci rapporte comme données historiques susceptibles de les clarifier.» - Malhamatu Abd El Khalek AtTorris, in «Préface du traducteur», Op. Cit., p.8.

            Dans le cadre de cette historiographie traduisante objectivée (savante), on peut relever une série d’effacements (suppressions) textuels significatives, un remaniement parcellaire de l’épopée traduite, accompagné d’adjonctions (ou ajouts) de données historiques et surtout bibliographiques de la part de l’instance traduisante dont notamment :

      (1)- l’effacement des contrevérités historiques: la minimisation de la conquête arabo-islamique de l’Espagne comme: «simple promenade militaire» (p.17), «l’Espagne une proie superbe», « reflet de la vie quotidienne d’Afrique du Nord» (p.18), «fait de cavaliers tombés du ciel» (p.19), etc.

       (2)- l’effacement des contrevérités généalogiques: «Torrès… provenant en droite ligne du latin ? …./des tours» (p.20), reformulée dans le texte cible par «Torris.. dérivé d’un surnom arabe des Béni Hilal, au Maroc…» (p.20/ p.18), «ce Moyen Age de la chevalerie et des romans courtois – inventés par les Arabes…» (p.20), etc.

        (3)- l’effacement des commentaires visant la dérision de l’Islam et des Msulmans par des préjugés sur fond  de citations d’auteurs coloniaux européocentristes et anti-arabo-islamiques:  «l’Islam conquérant … cantonné sur cette petite enclave dérisoire…/ Grenade» (p.32), reprise par :«petite portion de terre» (p.21), ou encore «le jaillissement des eaux chante les louanges de Moulay Ali ben Rachid…» (p.39), etc.

          (4)- les adjonctions de données historiques et de références bibliographiques supplémentaires: «Polo Torrès, in Ahmed Rhouni, Oumdatu Ar-Râwîn…(L’Appui des Chroniqueurs), ATA, 2003, p.95 », note infra-paginale, ou bien: «500 000 Musulmans accompagnés de 100 000 Juifs migrants de Grenade au Maroc…/ chiffres (jugés en NDT) exagérés …» ,ou encore: «Revoir l’étude du Pr. Abdekader El Afia concernant (en NDT) la ville de Chefchaouen…», notes infra-paginales, de l’épopée traduite, etc.

            (5)- les adjonctions de paratextes dans l’historiographie traduisante objectivée de M. Cherif de l’épopée de Torrès à savoir: conjointement à la : « Préface: La Voix qui vient du Nord» de Michel Jobert et l’« Avant-propos » de Jean Wolf  (du texte source), le traducteur a ajouté: une  « Préface du traducteur » et une « Post-face de Jean Wolf à la traduction arabe de son livre», à la traduction arabe de l’épopée de Torrès, écrite voici onze ans et corroborant le texte cible arabophone ainsi confectionné.

            En somme, cette traduction historiographique objectivée (à la fois puriste et savante) du texte source - postulé apparemment par son traducteur comme semi-littéraire ,voire pseudo- historique - de L’Epopée de Torrès… de Jean Wolf , se révèle à travers sa version arabe, Malhamatu Abd El Khalek Torris  de Mohamed Cherif comme la performance d’une historiographie traduisante idéologico-scientiste (arabo-islamique marocaine objective) à l’écoute de la littérature comme intertexte de l’objet de son savoir historique, ou comme le dit si bien Gérard Salgas : «Par le pouvoir des mots à faire aussi vrai que le vrai , l’histoire redonne vie aux événements du passé. Tel fut primitivement le rôle de l’épopée que prolonge l’entreprise d’histoire, non point en instaurant une forme nouvelle d’écriture, mais seulement en veillant à l’authenticité des faits rapportés.» - «Pour l’historien, la fausse innocence de l’écriture», L’Histoire-2, Op. Cit., pp.147-148.

                                                              Mr. SOSSE ALAOUI MOHAMMED













No hay comentarios:

Publicar un comentario