viernes, 7 de septiembre de 2012

La femme symbole dans l'oeuvre de Nagib Mahfouz

LA FEMME SYMBOLE DE LA SOCIETE

REGIONALE ET UNIVERSELLE

DANS  L’OEUVRE DE NAGIB MAHFOUZ

ENTRE 1939 ET 1996

        “Commencer par la région, note Mario Benedetti, ne signifie pas nécessairement une littérature régionale (…). Commencer par la région signifie son adoption comme un être humain (…). Cela signifie aussi une vue sur l’Univers.” – “Thèmes et problèmes”, in "America Litina : Causes et Problèmes", Koweit, CNCAL, 1988, pp. 236-237. C’est aussi le cas du thème de la femme symbole de la société régionale et universelle dans l’oeuvre (1939-1996), Nagib Mahfouz (1911-2006, le premier Prix Nobel de littérature de langue arabe (1988).
        “Son oeuvre littéraire, lit-on dans la revue "Al-Arabi", fut la matérialisation parfaite de la formule prônant que le régionalisme est la voie de l’universalisme (…). Il posa à travers le quartier égyptien et arabe toutes les questions de la destinée humaine, ce qui le qualifia pour remporter le Prix Nobel de littérature en 1988” - Nº Spécial, Décembre 2006, p.7. On y repère à cet égard notamment :

          1- La femme mère opprimée symbole de la société victime du conservatisme inégalitaire suranné.
          2- La femme  débauchée par pauvreté ou  concupiscence matérielle symbole de l’échec  de la société de la révolution nationale.
                          3- La femme abusée  vengée ou assassinée symbole des contradictions de la société de la révolution nationale  trahie par ses clercs. 
                          4- La femme libertaire révoltée ou émancipée symbole des tensions idéologiques de la société nationale post-révolutionnaire.
       Ainsi traiterons-nous successivement de:

       1 – La femme mère opprimée symbole de la société victime du conservatisme inégalitaire suranné:

         La centralité symbolique du thème de la femme articulant politiquement le régional et l’universel est délibérément soulignée par cet aveu franc de Nagib Mahfouz lui-même: “La femme occupe une place centrale dans mes romans. Elle y a toujours un rôle actif. A travers elle [symbole], j’ai tenté de dépeindre l’évolution de la société égyptienne, ses contradictions.” – in "Le Journal de Genève", du 22/10/1988, p.2. Il se fait alors dès ses débuts le peintre de sa ville natale, de cette entité typiquement caïrote qu’est la «hara», le quartier en écrivant principalement une cinquantaine de romans et une trentaine de scénarios pour le cinéma. Sa trilogie – "Impasse des deux Palais", 1956; "Le Palais du Désir"; "Le Sucrier", 1957 -, raconte la saga d’une famille sur trois générations entre les deux guerres (1919-1952).
        Du fait, la femme mère opprimée symbole régional et universel de la patrie égyptienne victime du conservatisme social inégalitaire suranné se manifeste pathétiquement à travers, par exemple:
          - Amina, héroïne de la "Triologie" (1956-1957)  - incarnant la mère de famille égyptienne et arabe traditionnelle soumise et superstitieuse, chassée de son foyer par un mari autoritaire, cynique  et frivole, Ahmed Abdel Jewad-, symbolise la société (la mère patrie) victime du conservatisme inégalitaire suranné (régional), et par  là même  l’humanité marginalisée (universelle) – Edward Saïd, “La cruauté de la mémoire”, "Al-Arabi", Op.cit., p.90 .
                 - Isis, héroïne de "Devant le Trône" (1983) - paru après l’assassinat du président A. Sadate (1981), représent la mère des rois d’Egypte (régionalisme) polythéïstes divisés, les invitant à s’unifier dans leurs prières respectives pour sauvegarder l’avenir de l’Egypte, phare de paix et de beauté (universalisme), symbolise l’appel à l’unité de la société égyptienne post révolutionnaire politiquement éclatée  – in “Le procès des chefs”, du Dr. Jaber Asfour, Op.cit., p.37, etc.

        2 – La femme débauchée par pauvreté ou concupiscence matérielle symbole de l’échec de la sociétéé de la révolution nationale:
 
         Témoignant des dérives autoritaires du régime socialiste révolutionnaire de Nasser, N. Mahfouz affirme au sujet du thème de la femme dans ses romans: “Ce qui me fait écrire des romans, c’est essentiellement la politique. Je me sers des problèmes de la famille, de la femme, de la religion, de l’amour, à des fins politiques, en vue du progrès social.” – "Témoignage chrétien", du 22/10/1988, p.2. Or, c’est de son échec qu’il fait cas par le biais de:

           - Ihsane Chahata, héroïne du "Nouveau Caire" (1945) - jolie femme pauvre, ayant à charge sept jeunes frères à et tenant  un petit kiosque à tabac, près de "Dar Talaba" (la Maison des Etudiants), tiraillée entre son amour chaste pour un étudiant universitaire et l’attirance du pouvoir et de la fortune comme maîtresse de Kassem Bik, toléré par son mari pauvre, mué en simple proxénète - symbolise l’échec de la société de la révolution nationale égyptienne (régionale) et de l’utopie socialiste (universelle). 
                           - Hamida, héroïne du "Passage des Miracles" (1947) -une belle fille pauvre, assoiffée de luxe, de confort et d’élégance, éprise tacitement d’un musicien pauvre Abbas El Heloui, mais lui préférant un mariage avec un homme fortuné tel l’entrepreneur que s’était acquis sa voisine, au quartier Sanadiqia - symbolise l’échec de la société pauvre source de débauche par concupiscence matérielle (régionale), faisant fi de toute dignité humaine sous la révolution nationale (universelle), etc.

        3 - La femme débauchée vengée ou assassinée symbole des contradictions  de la révolution nationale trahie par ses clercs:

         Concernant ses convictions politiques et les violents malentendus soulevés par la lecture de son oeuvre littéraires, N. Mahfouz disait : “Il se peut que le trouble généré  par moment à la lecture de mon oeuvre ait pour origine que mon coeur réunit entre l’aspiration à Allah (Dieu), la foi dans la science, la préférence du socialisme, prétexte  au soupçon d’athéïsme chez les uns et de conservatisme chez  les autres.” – in “Islamisme et Spiritualisme”, du Dr. Hassan Abdellah, "Al-Arabi", Op.cit., p.116. Ainsi, vengeance, suicide commandé ou assassinat de la femme débauchée sont, dans l’oeuvre de N. Mahfouz, le lot, par exemple de :

             - Nour, héroïne de "Le Voleur et les Chiens" (1985) - fille de joie au coeur d’or, amoureuse de Saïd Mahrane et violentée par l’ami de ce dernier un intellectuel journaliste et, qui en se refugiant chez elle, lors de sa fuite lui fait promesse de se venger du traitre - symbolise les contradictions sanglantes de la société, issue de la révolution socialiste (universelle) trahie par ses clercs à l’échelon national (régional).
            - Nefissa, héroïne de "Vienne la Nuit" (1949) - fille pauvre se prostituant pour entretenir, avec son cadet pick-pocket, leur jeune frère, officier de police inconscient de son état, et finalement contrainte au suicide par ce dernier, après leaver appris de ses amis - symbolise les contradictions meurtrières de la société nationale (régionale), causées par la révolution socialiste trahie par ses clercs (universelle).
            - Karima, héroïne de "La Quête" (1997) - femme fatale et tyranique aux filets de laquelle Saber Rhimi ne se libère qu’en l’assassinant - symbolise encore  les contradictions criminelles   de la société nationale (régionale), forgées par l’autoritarisme de la révolution socialiste trahie par ses clercs (universelle), etc.

          4 – La femme libertaire révoltée ou émancipée symbole des tensions idéologiques nationaux post- révolutionnaires :

         Le symbolisme régional et universel de N. Mahfouz est en partie lié, selon Irina de Chikoff, à la décomposition de la société égyptienne nasserienne, augurant des tensions idélogiques post- révolutionnaires sans issues: “En 1966, il (N. Mahfouz) annonce la décomposition de la société. La défaite de la Guerre des Six jours semblera lui donner raison. Tout s’effondre. Les rêves de toute une génération. Ses propres illusions (…). Il sera tour à tour réaliste, symboliste, moderniste.” – in “Nagib Mahfouz, patriarche des lettres arabes” – "Le Figaro", du 31 août 2006, p.3. De la sorte, la femme libertaire, révoltée (par délinquance ou par conversion à l’athéisme et porno- gauchisme soixante- huitard) ou émancipée (par émigration et occidentalisation), achève cette fresque de personnages féminins symbole de la société régionale et  universelle dans l’oeuvre romanesque mahfouzienne, tels que:
              - Samara Bahjat, héroïne Dérives sur le Nil (1989) - jeune journaliste, idéaliste et ingénue ayant sombré dans la filets d’une bande de paumés: toxicomane, livrée aux plaisirs sensuels  et impliquée crime dans la mort accidentelle d’une payanne égyptienne, lors d’une folle randonnée en voiture - symbolise la révolte négative de la jeunesse dans la société nationale égyptienne (régionale), et le déclin fatal de la révolution socialiste, à la veille de la défaite arabe de 1967 (unverselle).
           - Siham Mohamed Bourhane, héroïne de "Heure H-1" (1982) - petite-fille de Sania  El Mahdi et Hamed Bourhane (de la génération de la révolution de 1952), représentant la génération des petits-enfants, au lendemain de  la défaite arabe de 1967, se révoltant contre l’Islam de son père  Mohamed, pro- Frères Musulmans, depuis ses études à la Fac de Droits (section Helouane) par l’adoption de l’athéïsme et du porno-gauchisme soixante-huitard - symbolise les tensions idéologiques nationales post-révolutionnaires en Egypte (régionales) et dans le monde (universelles).
            - Samia, héroïne de "Les Fils de la Médina" (1991) - jeune médecin émancipée, fille d’une femme moderne et d’un cheikh de mosquée de Dar Al Halaba (Occident moderne), vivant librement dans un Etat laïc, sous un chef idolâtre, tolérant même une manifestation d’homosexuels – symbolise la tolérance l’Islam occidentalisé (universel) et l’intolérance des tensions idéologico- religieuses nationales post-révolutionnaires dans son pays d’origine (régional), etc.

       En conclusion, le thème de la femme (mère opprimée, femme débauchée, abusée - vengée ou assassinée-, libertaire - révoltée ou émancipée), symbole de la société régionale et universelle dans l’oeuvre de Nagib Mahfouz (1939-1996), vise avant tout à une symbiose entre l’histoire nationale (la sienne) et l’histoire humaine (celle de la société universelle). “Il se peut, écrit le Dr. Yahia Rakhaoui, qu’on ne prête que rarement attention, à ce que Mahfouz n’ait jamais dissocié précisément entre notre Histoire (son histoire) et l’Histoire humaine (plutôt l’histoire de la vie [sur terre]). – “Histoire sans commencement ni fin”, Al-Arabi, Op.cit., p.49. Et c’est enfin ce qui lui fait dire symboliquement, sans ambages: “La femme occupe une place centrale dans mes romans.” – Wikipédia, Op.cit., p.2.

                                   Dr. SOSSE  ALAOUI  MOHAMMED

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