lunes, 10 de septiembre de 2012

Les écoles libres au Maroc (1911-1956)


Les écoles libres fer de lance culturel
du mouvement nationaliste marocain dans “Al Muqâwatu al musallahatu wa  al Harakatu al wataniyyatu bi Maknâs (1911-1956)” de Bouchta Bouasrya
         La préservation et la défense de l’identité  nationale par des écoles libres modernes était pour le mouvement nationaliste marocain le fer de lance culturel de sa résistance  aux écoles franco-musulmanes du Protectorat français dans le Sud et espagnol dans le Nord du Maroc en 1912. C’est exactement ce que relate le Pr. Boucha Bouasrya dans “Al Madâris al horra bi Al Maghrib khilâla rubiï qarn(1919-1944)” (Les écoles libres durant un quart de siècle: 1919-1944 ),  dans son livre: “Al Muqâwamatu al mussallahatu wa al Harakatu al wataniyatu bi Maknâs: 1911-1956/ Al judûr – al madhâhir – al imtidâdât ( La Résistance armée et le Mouvement nationaliste à Meknès - 1911-1944: Les racines- les apparences- les prolongements - Rabat, Imp. Dar Al Manâhil, 2005, in-  23x16, 361 p. L’auteur y spécifie à ce propos: “On [le Protectora] fonda des écoles publiques réservées au fils des notables “indigènes” où prédominait la langue française [ou espagnole] dans le but d’éloigner les élèves de leur culture et de leur identité, afin de créer une génération  à l’écart de tout attachement à son histoire et son authenticité.” – Op.cit., p. 265.
          Certes, tel que le prône la sociologie, toute civilisation, autrement dit culture, a pour canal  l’éducation: “Au sens sociologique, notent André Vergez et Denis Huisman, le mot culture est synonyme de civilisation. La culture est «l’ensemble des formes acquises de comportement d’un groupe d’individus unis par une tradition commune, transmises par l’éducation [autrement dit l’école]».” – “Petit Dictionnaire de la Philosophie ”, Paris, F. Nathan, 1974, p. 34. En effet, les écoles libres constitue une sous-partie du second chapitre,  intitulée: “Al madârisu al hurratu khilâla rubaï quarnin”, in “Al harakatu al wataniyyatu bi Makâns wa ahwâzihâ ” (Le mouvement nationaliste à Meknès et sa banlieue) de ce même ouvrage dans la préface duquel le Dr. Mohamed Cherif dit expressément: “Nous ne manquerons pas de justessse si nous considérons que le défunt Pr. Bouchta Bouasrya est l’un des premiers chercheurs à avoir abordé l’histoire du Protectorat et du mouvement nationaliste […]. Certes, ce livre est devenu une référence fondamentale pour tout chercheur dans le domaine des évolutions civilisationnelles relatives à l’histoire du Protectorat au Maroc en général…” – “Al Muqâwamatu al musallahatu…”,Op.cit., p. 5.
          Toutefois, concernant les écoles libres nationalistes, l’auteur de ce livre académique  traite successivement les thèmes de:

        1)   L’enseignement traditionnel au Maroc avant 1919  (pp.266-267).            
          2) L’enseignement public français (les écoles indigènes): un enseignement élitiste entre 1912 et 1956 (pp. 267-268) .
          3) Les deux étapes du développement des écoles libres du mouvement nationaliste Maroc entre 1919 et 1944 (pp. 269-287).
            Evidemment, la place prioritaire de l’enseignement au Maroc a toujours été l’objet d’une préoccupation constante et vitale durant toute son histoire. Et c’est ce que le Protectorat franco-espagnol, a,dès ses débuts, ignoré et c’est le fer de lance cuturel que les écoles libres du mouvement nationaliste marocain allaient constituer, à côté de la lutte armée, dans la résistance aux tentatives d’aliénation et d’acculturation coloniales  jusqu’à l’indépendance du pays en 1956. En témoigne cet aveu pieux publié aujourd’hui sur internet: “Lorsqu’en 1912, les Français instaurent le Protectorat et mettent en avant  leur souci d’assistance et de formation d’un peuple, ils ne s’imaginent peut-être pas pénétrer dans un pays (le Maroc) au passé éducatif si ancien et si riche […]. Ce que les Français découvrent aussi, c’est que, à l’instar de toutes les sociétés musulmanes, le Maroc dispose déjà d’un réseau d’enseignement primaire et secondaire.  ” – in “Histoire de l’ensegnement du français au Maroc: le système éducatif sous le Protectorat, www.lyceefr.org/ histoire.htm, p.1. Ainsi verra-t-on dans cette histoire critique et synthétique des écoles libres comme fer  de lance culturel de lutte contre les écoles franco-musulmanes assimilationistes du Protectorat  au Maroc chez B. Bouasrya:

           1  L’enseignement taditionnel au Maroc avant 1919:

            Au sujet de l’enseignement traditionnel avant 1919, le Pr. Bouasrya écrit: “Nous désignons par-là  ce qui avait précédé la fondation des écoles libres, en faisant exception de l’Université Qaraouiyine à Fès et l’Université Ben Youssef à Marrakech, puisqu’elles s’insèrent dans l’enseignement supérieur au Maroc dont le makhzen (l’Etat) régit les programmes et  choisit les professeurs, alors que l’enseignement traditionnel était – exepté le supérieur - durant les deux premières décennies du XXe siècle un enseignement privé, étant donné le manque d’un budget qui lui est propre et l’absence d’intervention des responsables pour fonder de nouvelles «écoles» et les entretenir. Il y avait l’enseignement primaire – ou initial avec les écoles coraniques appelées «al kuttâb» (écritoire) ou «al massîd» (mosquée), répandues dans la majorité des villes marocaines, comme Fès, Rabat, Salé, Casablanca, Marrakech, Meknès…, ainsi que dans certaines campagnes, et surtout dans le Souss au Sud ou les Jebala au Nord du Maroc.” – Op.cit., p.266.
         Ensuite, il dénombre, par exemple, 135 écoles coraniques, au début de ce siècle, à Fès, 200 dans la zone du Souss, dont 50 en bon état avec des maîtres ayant le niveau requis. La tribu était chargé de les créer et de les entretenir. En 1912, ces écoles peuvent être considérées comme un pont de passage vers l’enseignement supérieur, notamment à Fès et à Marrakech. – Op.cit., p. 266-267.

         2 – Lenseignement public français au Maroc (les écoles indigènes): un enseignement élitiste (1912-1956):

          En 1912 donc, lit-on par exemple, dans “Histoire de l’enseignement français au Maroc…”, les Français recensent les institutions existantes, comparent leurs incapacités d’accueil et de formation avec les objectifs qu’ils se sont fixés en matière d’enseignement et mettent peu à peu en place un système intégrant les données locales et les apports du pays de tutelle [les métropoles du Protectorat franco-espagnol].” – Op.cit., p. 2. Le Pr. Bouasrya décrit alors ce système de l’enseignement public du Protectorat français au Maroc en ces termes: “Le Maréchal Lyautey, le Résident général français au Maroc…(1912-1925), procéda à l’application d’une politique éducative propre aux fils «des indigènes», dont le trait le plus saillant est qu’elle est d’un  horizon limité, éloignant les élèves de toute formation politique ou de toute ouverture d’esprit sur les idées révolutionnaires […], crée un enseignement professionnel […], et d’autres écoles modernes d’un enseignement élitiste, nommées «Les écoles de fils de notables» […].
        A ce moment, les fils d’ouvriers, d’artisans, de petits commerçants et du reste des fonctionnaires étudient dans les écoles urbaines. Enfin, Lyautey fonda des écoles agricoles pour les élèves de la campagne, les fils des paysans. Mais il n’y avait aucune possibilité pour aucun élève de ces catégories de rejoindre les écoles réservées aux enfants des colons et des étrangers en général […], alors que les fils de l’élite marocaine pouvaient rejoindre «Les collèges musulmans», leur permettant d’exercer dans le commerce et l’administration. Le nombre des élèves y était faible […]. Ce qui reflète la remarque préalable concernant l’élitisme de l’enseignement français (au Maroc).” – “Al Muqâwamatu al musallahatu”…,Op.cit., pp. 267-268.
         D’où donc la création d’écoles libres par le mouvement nationaliste marocain qui se sont développées en deux étapes pleines de flux et de reflux pour relever le défi éducatif et culturel de l’enseignement public du Protectorat français au Sud  et espagnol au Nord du pays.
           3 – Les deux étapes du développement des écoles libres du mouvement nationaliste au Maroc entre 1919 et 1944:
           Pour lutter contre l’enseignement colonial élitiste du Protectorat français et espagnol et faire accéder culturellement le pays à l’indépendance nationale en préservant la civilisation arabo-musulmane et la langue arabe au Maroc, le mouvement nationaliste marocain a procédé à la fondation des écoles libres. Abdeljalil Lahjomri rappelle les conditions dans lesquelles  eut lieu leur éclosion historique:
        “La colonisation [le Protectorat] a provoqué au début de ce siècle une rupture dans l’évolution culturelle, l’environnement linguistique, l’enseignement [au Maroc]. Un modèle culturelle nouveau, une nouvelle langue instaurent de nouveaux circuits éducatifs, où différents types d’enseignement s’opposeront, voire se neutraliseront: un enseignement fidèle au système en vigueur dans la métropole [ la France / l’Espagne], un enseignement dispensé aux «fils des notables» indigènes, qui devraient servir de trait d’union entre la Résidence et le Makhzen, l’enseignement traditionnel (Karaouïne), un enseignement destiné aux «régions berbères» et qui élimine totalement l’enseignement de l’arabe pour n’encourager que l’enseignement du français et du berbère. Cette tentative qui se concrétise dans le collège d’Azrou est l’une des causes de la réaction nationaliste qui opposera à l’offensive culturelle coloniale un circuit éducatif et culturel appelé «libre» [école libre]qui côtoiera une prise de conscience politique [résistance] de plus en plus vigoureuse.” – “Langue et société dans le Maroc contemporain”,  Pro-C, nº 3-4, 1974, et 2ème trimestre, Rabat, pp.58-59.
           C’est ce que le livre de B. Bouasrya analyse de façon critique dans ce passage de son livre: “… Contre ces raisons  dont Lyautey et ses successeurs ont  voulu dénaturer l’identité marocaine fondée sur l’Islam et la langue arabe, vint la la réaction de la jeunesse marocaine éclairée consistant dans le déploiement d’un enseignement opposé à ce qu’était  le fait dans les écoles publiques, forme et contenu.” –  “Al Muqâwamatu al Musallahatu…”, Op.cit., p.268. Et cela s’était effectué en deux grandes étapes s’étendant respectivement de 1919 à 1931 (à prédominance culturelle et religieuse) et de 1931 à 1944 (à prédominance politique):

           A – La première étape de la création des écoles libres au Maroc (1919-1931):     
           Le Pr. Bouasrya définit “l’école libre” dans cette étude historique critique comme suit: “Le terme «al madrsatu al hurratu » (l’école libre) ou «al madrasatu al khusûsiyyatu» (l’école privée) signifie qu’elle n’est pas publique, supervisée par l’administration du Protectorat français [ou espagnol], car elle est libérée de toute censure gouvernemental et cela ne veut pas dire qu’elle est gratuite, et ce terme ne s’applique pas à toutes les écoles privées, mais concerne celles supervisées par les «indigènes» [les nationalistes]. L’enseignement y est limité au cycle primaire, peu d’entre elles avaient ouvert des classes secondaires, de même que la langue d’enseignement y est la langue arabe, sauf quelques  écoles nombrables où les directeurs ont introduit la discipline de français dans leurs programmes.” – Op.cit., p.269. A l’aide de moyens modestes, elles donnent des résultats positifs par la multiplication de leur nombre et de leurs élèves lauréats, et ce malgré les entraves coloniales. Et cela se voit sous divers aspects, dont en l’occurrence:
           A.1 – Les motifs divers et les objectifs déterminés des écoles libres au Maroc:
       Selon B. Bouasrya, la création des écoles libres par le mouvement nationaliste naissant eut, dès 1915, des motifs divers et des objectifs déterminés inscrits dans l’ histoire.

            a -  Les motifs de la création des écoles libres au Maroc:
         Parmi les divers motifs cités par l’auteur, on peut relever:
           + Le choc de la colonisation, les sentiments de patriotisme cuturels et religieux et les méfaits de la Grande Guerre (1914-1918) sur les Marocains tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
           + La tentative d’évangilisation des enfants marocains par le biais de l’enseignement public, la diffusion du mode de vie européen, la propagande dévalorisante du passé du Maroc et l’apologie des âges d’or de l’histoire de la France et l’exploitation des superstitions des sectes et des confréries religieuses par le Protectorat au Maroc.
           + Le souffle des vents “salafistes” (des réformistes arabo-musulmans) et l’ouverture forcée aux influences des  courants intellectuels et culturels grâce aux soldats, aux ouvriers et aux étudiants marocains, revenus de  France et d’Europe - Op.cit., pp. 269-272. 
     
         b - Les objectifs déterminés de la création des écoles libres au Maroc:

          Par ailleurs, les objectifs déterminés de la création des écoles libres par les nationalistes marocains comportent , selon cette même étude:
           + La réaction minimaliste des Marocains contre les écoles publiques du Protectorat par l’amélioration de la nature et de la qualitté de l’enseignement marocain traditionnel.
            La lutte  au début contre les confrérie religieuses en collaboration avec le colonialisme et la concentration des efforts, pendant les années 20, sur les conditions politiques et sociales  du pays.
            La protection de l’Islam, de la langue arabe  en réplique aux appels à la réforme de l’Université Qaraouiyine à Fès, considérée comme la première étincelle pour la transformation des programmes et des méthodes d’enseignement au  Maroc par un ensemble de potentialités culturelles – Op.cit., Ibid.
           A propos de ces potentialités fondatrices des écoles libres,  l’analyse spécifie ensuite la diversité de leurs appartenances  socio-professionnelles et doctrinales comme suit:

           A.2 – Des fondateurs d’écoles libres de diverses tendances au Maroc

            “Durant la première étape (1919-1931), écrit Bouasrya, les fondateurs pionniers (des écoles libres au Maroc) appartenaient à de nombreux  strates de la société marocaine, tant par leurs appartenances sociales, professionnelles que doctrinales.” – Op.cit., p. 273. On y compte quatre strates:

             a -Les salafistes” (les réformistes arabo-musulmans marocains) fondateurs d’écoles libres au Maroc:
              Les plus remarquables furent les “salafistes” (réformistes arabo-musulmans marocains) fondateurs des écoles libres, anti-coloniales regroupnant les jeunes étudiants marocains qui étaient  un contact direct avec les idées des leaders  de l’Orient arabo-musulmans,  tels que Jamâl- Ed-Dîn Al Afghânî (1839-1887), Mohamed Abduh (1849-1905) et plus particulièrement Rachîd Ridâ (1865-1935). Ce fut alors le cas de :
            + Mohamed Larbi El Khatib du Nord du Maroc (sous Protectorat espagnol) qui, de retour du Caire àTétouan y fonda une école libre ( en 1919), où l’on enseignait à la fois la langue arabe et la langue espagnole, ainsi que  de nouvelles disciplines, suivant en cela son maître l’Egyptien Rachîd Ridâ.  Il rencontra maintes entraves, qui furent causes de la fermeture de son école en 1921 – B. Bouasrya, Op.cit., pp. 270, 273-274.
           + Cheikh Abû Chuaïb Dukkalî (1878-1937) qui après avoir étudié à l’Université Al Azhar, au Caire, et à l’Université Zaïtuna, à Tunis,  enseigna, à son retour au Maroc, à l’Université Qaraouiyine, à Fès (1908-1911), et dans les mosquées de Rabat (sous Protectorat français), et eut comme fameux disciples: Mohamed Ben Larbi Alaoui, Allal El Fassi et tant  d’autres – Ibid.
            b – Les commerçants marocains fondateurs d’écoles libres au Maroc:
             La catgorie des commerçants marocains fondateurs d’écoles libres fut numériquement remarquable, mais ses positions à ce sens se caractérisaient par son oscillation entre la conservation de ses acquis auxquels les autorités françaises réservaient un climatt favorable et la respect que lui témoignait la société marocaine. Elle  n’hésitait pas cependant à les risquer en créer des écoles libres, malgré la désaprobation des responsables centraux et locaux de la Résidence générale, des renseignements, des forces armées et de la police françaises au Maroc.Ce fut le cas par exemple de:
            Ahmed Mekouar, aux idées “salafistes”, mais  d’un modeste niveau culturel, qui construisit “Madrasatu Sidi Bennani” (L’Ecole Sidi Bennani), dans une zaouiya (un sanctuire) de Fès, non en tant que savant mais en tant que nanti, en 1919.
           +  les quatre commerçants fassis fondèrent en 1920 “Madrasatu An-Najah” (L’Ecole du succès) dont ils confièrent la direction au même Ahmed Mekouar, en 1921, qui fut responsable des deux écoles jusqu’en 1934. Son exemple fut alors suivi par quelques autres commerçants fassis de Casablanca, de Rabat et autres dont le nombre  atteignit alors 15 commerçants fondateurs . – B. Bouasrya, Op.cit., p.274.

           c – Les disciples des sectes religieuses fondateurs d’écoles libres au Maroc:
          D’après l’ouvrage du Pr. Bouasrya, les disciples des sectes religieuses appartenaient à de nombreuses zaouiyas (sanctuaires) réparties  dans différentes régions du Maroc, à la fois dans les villes et les campagnes. Ils se portaient volontaires pour construire des écoles  où le côté social prédominait l’objectif politique. Les élèves qui y étudiaient n’appartenaient pas à une zaouiya ou à une  secte particulière et ce pluralisme n’avait aucun effet sur l’enseignement des cours dispensés. Parmi ces disciples fondateurs, on pourrait citer:
            + Le fakih (juriste musulman) Mohamed Ben Hsaïn Najjâr, fut un membre actif de la zaouiya Kettaniyya - camarade d’étude du fondateur de ce sanctuaire, à la fin du XIXe siècle, le cheikh Mohamed Ben Abdelkabir Kettani – qui fonda une école libre à Salé, en 1922.
            + Ce dernier ne fut pas le seul à se porter volontaire dans ce genre d’action, mais il y eut d’autres personnalités à en faire autant à Salé, à Rabat, à Tétouan ou à Fès… - Al Muqâwamatu al Musallahatu..., p.275.

             d – Les “ulémas” et les “fuqahas” (savants et juristes musulmans) fondateurs d’écoles libres au Maroc:

          Les “ulémas” et “fuqahas” (savants et juristes musulmans) fondateurs des écoles libres au Maroc n’étaient ni des salafistes ni nécéssairement des disciples des zaouiyas alors que certains d’entre eux vienaient des mosquées où ils enseignaient avant 1919. Ils s’efforcèrent d’améliorer les méthodes de leur enseignement et de leurs programmes en suivant en cela ce qui se passsait dans les écoles publiques françaises (ou espagnoles) du Protectorat. Parmi les plus célèbres dentre eux, il y avait par exemple:
       + Mohammad Al Mahdî Matajinûs, un érudit des sciences contemporaines, qui veilla sur la direction d’un “masid” (école coranique) durant plusieurs années, tout en essayant de le  perfectionner en 1920.Il prit le nom d’ “Ecole Al Mubarkiyya”, dans la zaouiya qui portait le même nom, à Rabat.
          Mohamed Ben Laâraj Slimanî, auteur du livre: “Al-Lisân al Mu’arab ’an Tahâfuti al Ajnabî hawla al Maghrib” (La langue qui évoque l’Incohérence de l’Etranger  sur le Maroc)  fonda pour sa part une école libre à Fès (au Sud du Maroc), en 1929, puis ce fut Abdessalam Benouna qui créa “Al Madrasa Al Ahlia” (L’Ecole indigène) à Tétouan (au Nord) en 1924 – Op.cit., Ibid. et Jean Wolf, “L’Epopée d’Abbd El Khalek Torrès”, Paris/ Casablanca, Ed. Balland/ Ed.Eddif, 1994, p. 153.

          En somme, les quatre catégories de fondateurs d’écoles libres au Maroc, durant cette première étape (1919-1929), sont liés en général par des liens familiaux ou d’intérêts et attachés fermement à l’Islam et à la langue arabe. Ce qui confère aussi à leurs écoles libres un caractère quelque peu élitiste. Elles eurent pour locaux des zaouiyas, des mausolées, ou des maisons de locations pour les plus fortunés –  Bouasrya, Op.cit., p. 276-277.

        A.3 –  Les écoles libres entre l’expansion et la récession au Maroc:

         Par ailleurs, l’auteur distingue une phase d’expansion et une phases de récession des écoles libres au Maroc, autour de 1925.  Ce sont notamment des phases tumultueueuses de gestation, de résistance   culturelle et politique contre l’aliénation du joug culturel colonial, observable dans:
            a - La phase d’expansion et d’épanouissement des écoles libres au Maroc (1919-1925):

           Suivant Bouasrya, le nombre global des écoles libres au Maroc  atteignit 17 écoles, en 1925, réparties en:
               + 3 à Rabat dont l’école libre de la zaouiya kettaniyya: l’Ecole Zahrâ etc.
               à Salé à la Zaouiya El Issaouiyya.
             + 6 à Casablanca dont:  l’Ecole Lalla Tâja, fondée sur une recommandation du Cheikh Abû Chuaïb Dukkalî, etc.
             + 7 à Fès, dont: l’Ecole En-Nasiriyya, l’Ecole de Rahbat El Qaïs, l’Ecole Ech-Châdda,etc.
            Mais leur nombre se mettait à décroître par la suite – Op.cit., pp. 277-279.
           b – La phase de récession et de repli des écoles libres au Maroc (1925-1931):
          Après l’expansion des écoles libres au début triomphant de la guerre du Rif, la reddition de Mohamed Abdelrim El Khattabi  (1921-1926), face à coalition du Protectorat franco-espagnol, la crise économique de 1929 et  la politique repressive coloniale qui s’en était suivie, 30 écoles libres sur 30 furent fermées entre 1919 et 1931 au Maroc. En 1929, “l’Association Indigène de Propagande pour l’Enseignement” fut fondée par Mohamed Mufaddal Benjelloun, Allal El Fassi et Ahmed Mekouar pour résister à la politique hostile à la création des écoles du général Pétain, gouverneur de la région de Fès. En 1928, des missions d’étudiants sont envoyées en Orient arabe de Tétouan (vers la Palestine ), de Salé (vers l’Egypte et la Syrie ) en vue de former notamment des cadres éducatifs – Op.cit., p. 279-281.

       B – La seconde étape de création des écoles libres au Maroc (1931-1944)

        La seconde étape de création des écoles libres au Maroc se caractérisa, selon “Al Muqâwamatu al Muusallahatu…”, par l’accroissement de la prise de conscience nationale. En 1937, celle-ci se démarqua de l’étape antérieure par le fait que l’ouverture des écoles libres s’inscrivit parmi les programmes du mouvement nationaliste marocain. Et cela se fit par la prédominance d’une orientation politique de leurs programmes, après la prédominance de la tendance religieuse et culturelle précédente, issue de la réaction vigoureuse du peuple marocain contre le Dahir berbère de mai 1930 et l’appui de la nation marocaine aux leaders nationalistes, lauréats généralement des écoles libres marocaines – Op.cit., p. 282. D’où:
            a -   Le mouvement nationaliste et l’expansion des écoles libres au Maroc (1931-1937):
             Le Dahir berbère sus-indiqué fut le préalable d’un climat favorable à l’ouverture des écoles libres de tendance à la fois arabe, islamique et patriotique pour déclencher la lutte socio-cuturelle de  libération nationale. Du fait, plusieurs écoles libres furent construites:
           + 3  à Fès  et 1 à Salé, dirigée par Ahmed Maânino en adhésion avec Boubker El Qâdirî, Mohamed Makkî El Qâdirî, Mohamed Hassâr et Mohamed Chmaâû, en 1932.
             1 à Rabat, “Madrasat Mohamed Gassûs al Hurra al Muzdawija” (l’Ecole Bilingue de Mohamed Guessous), élitiste à la manière des Ecoles des Fils de Notables et reconnue comme “Ecole Libre” par les responsables français. Elle fut dirigée par Ahmed Balafrej, avec l’assistance d’Ahmed Benghabrit, en 1934 - Ibid.
        Or, au mois de mai 1934, le premier parti politique marocain, “Le Bloc d’Action National” , fut fondé, doté de plusieurs organes dont “Lajnatu At-Ta’lîm Al ’Uliâ” ( la Commission Supérieur de l’Enseignement). Celle-ci se perpétua, en 1937, reliée au nouveau parti politique marocain: “El Hizb Al Watanî Li Tahqîq Al Matâlib” (Le Parti National pour la Réalisation du Plan des Réformes ), et ce jusqu’en 1944 avec le parti: “Hizb Al Istiqlâl” (le Parti de l’Indépendance), faisant de l’expansion des écoles libres au Maroc l’un des objectifs du plan des réformes adressées aux responsables du Protectorat, depuis 1934 – Bouasrya, Op.cit., p. 283. Mais les mouvement des écoles libres au Maroc allait connaître de nombreuses fluctuations.

        b – Le mouvement des écoles libres entre le flux et le reflux (1937-1944):

           De la sorte, l’inquiétude des autorités coloniales du Protectorat s’accentuent avec le temps vis-à-vis des écoles libres et de leurs lauréats devenus leaders nationalistes, dans les années 30 au Maroc, et cela les amène à adopter des mesures draconiennes à leur encontre. Parmi les mesures prises pour subjuguer ces écoles, on pourrait déceler, selon Bouasrya:
               + le recensement des élèves des écoles libres, la reconnaissance de leurs programmes et des cours qui y sont dispensés. D’où la promulgation par le sultan Mohamed Ben Youssef (1927-1961) du Dahir du 1er avril 1935 relatif à l’enseignement privé, prohibant la construction d’écoles libres sans autorisation de la Direction de l’Instruction Publique (D.I.P.) en les assimilant au rang des écoles coraniques.
              + l’élargissement des écoles françaises musulmanes en modifiant leurs programmes: 21 heures de français au lieu de 25, 10 heures d’arabe au lieu de 5.
             + La fermeture par l’administration de l’enseignement de certaines écoles libres et la brimade des propriétaires des biens immeubles loués pour fonder une école de ce genre.
             + Le renforcement de la censure des écoles libres à la fin des années 30, sous Mohamed El Hajoui (décédé en 1956), “Mandûb Al Maârif al Islâmiyya” (Délégué des Sciences Islamiques), jusqu’en 1939 , auquel y succéda Ahmed Bargach, en dépit de quoi, 6 nouvelles écoles libres virent le jour, à Casablanca en 1939.
            + L’appui du sultan Mohamed Ben Youssef à la   fondation des écoles libres constitua, en 1940,  une évolution qualitative dans le mouvement de ces écoles  au Maroc, dont “Al Maâhad Al Mawlawî” (Le Collège Royal) pour l’enseignement des princes et leurs amis en fut l’exemple en 1942. De là, on vit se construire 21 écoles libres dans la seule ville de Fès en 1943. CeIles-ci se répandaient dans les villes et les campagnes, comme: “Madrasatu Mdâgh” (l’école de Mdagh), près de la ville de Berkane (dans le Maroc oriental) par Mekkî Boutchîch et l’enseignement de Bouchta Jamaï. Leur nombre atteignit 1945 écoles, un an seulement avant la déclaration du Manifeste de l’Indépendance, présenté, en accord tacite avec le sultan Mohamed Ben Youssef, au régime du Protectorat à Rabat, par le mouvement nationaliste, le 11 janvier 1944.

        En définitive, le livre du défunt Pr.Bouchta Bouasrya “AlMuqâwamatu al Musallahatu wa al Harakatu al Wataniyyatu…” , nous révèle pertinemment ici le fer de lance culturel qu’étaient les écoles libres dans la lutte du  mouvement nationaliste pour la libération du Maroc du joug culturel, politique et miliaire du Protectorat étranger (1919-1956) Ainsi dirions-nous avec A. Lahjomri: “Cette résistance  d’une rare efficacité [des écoles libres des nationalistes marocains], a pu freiner cette pénétration  lente et massive [par les écoles du Protectorat]de la langue et de la culture françaises [au Sud et espagnoles au Nord du Maroc].”- “Langue et société dans le Maroc contemporain”, Op.cit., p.59.

                         Dr. SOSSE ALAOUI MOHAMMED


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