sábado, 1 de septiembre de 2012

La mère héroïne démocratique dans le roman mondial


LA MERE HEROINE DEMOCRATIQUE

REVOLUTIONNAIRE DANS LE ROMAN MONDIAL

 

       En explorant les titres du roman mondial articulé autour du thème “mère”, on pourrait relever au moins quatre ouvrages publiés ou traduits, à savoir: “La mère” de Maxime Gorki (Russie -1907), “La mère” de Pearl Buck (Chine/ USA - 1934), “La civilisation, ma mère!..” de  Driss Chraïbi (Maroc-1972) et “La croix de ma  mère” de Gaston Bonheur (France -1988). Héroïne-sujet ou héroïne-objet la femme-mère y est tantôt promue notamment par un ou plusieurs fils, tantôt promouvant un fils ou plusieurs fils, vers démocratique totalitaire ou libérale révolutionnaire réaliste ou irréaliste – quasi donquichottesque. “Que peut-elle [la femme] espérer, s’interroge Jean Cazeneuve, pour devenir autre chose qu’un objet, et même un sujet (…)? La morale classique (…) lui donne le noble rôle d’être épouse et mère de famille (…).Mais, dans cette fonction subalterne, c’est peut-être de son salut qu’il s’agit, non de son bonheur. Aujourd’hui, toutes armes dehors, la femme combat pour son bonheur …” – “Bonheur et civilisation”, Paris, Gallimard, 1966, pp. 104-105.

         Pour mesurer l’impact politique la mère héroïne démocratique révolutionnaire dans le roman mondial, il suffit de rappeler avec J. Cazeneuve le préjugé militariste qui l’a historiquement  discréditée. “Dans l’histoire générale des civilisations, avise-t-il, on observe presque toujours une domination des vertus viriles dans la période de combat, de conquête, de révolution et d’instauration des Etats (…). De nos jours, la revanche féminine s’exerce dans le sens opposé.” – Op.cit., pp.102-103.  C’est ce qu’on  perçoit à travers: 1) La mère héroïne-sujet démocratique révolutionnaire mue par ses fils dans le roman mondial, 2) La mère héroïne-objet démocratique révolutionnaire mouvant ses fils dans le roman mondial.

       1- La mère héroïne-sujet démocratique révolutionnaire mue par ses fils dans le roman mondial:

        En fait, la mère héroïne-sujet démocratique révolutionnaire mue par son fils serait, selon Bernard Dort et Bertolt Brecht, “un héros engagé dans le monde, qui agit sur ce monde et qui est agi par lui” – “Lecture de Brecht”, Paris, Ed. du Seuil, 1960, p.94. Cela s’expliquerait  par exemple, suivant Charles W. Mills, par “un historique complet des sociétés démocratiques, faisant place à ce qu’on a appelé la phase du «totalitarisme démocratique»  ou celle de la démocratie totalitaire” – “L’imagination sociologique”, Paris, Ed. Maspéro, 1967, p. 274. Dans le roman mondial, la mère héroïne-sujet mue par ses fils s’incarne dans deux contextes politiques opposés: une démocratie totalitaire – dans: “La mère” de M. Gorki -, et  une démocratie libérale –  dans: “La civilisation, ma mère!..” de D. Chraïbi. D’où les les deux personnages romanesques de la mère héroïne-sujet mue par ses fils dans le roman mondial suivants:

         A- La mère héroïne-sujet révolutionnaire mue par son fils  vers une démocratie totalitaire par Maxime Gorki:

          La mère héroïne-sujet révolutionnaire mue par son fils vers une démocratie totalitaire se trouve littéralement préfigurée par M. Gorki par l’instituteur Nikolaï Ivanovitch dans sa confidence à la mère de Pavel: “-…Je parle des jeunes ouvriers: solides, sensibles, si avides de tout comprendre. Quand on les voit, on se dit que la Russie sera la démocratie la plus éclatante de la terre!” – “La mère”, Op.cit., p.389. En vérité, l’itinéraire révolutionnaire de la mère pourrait se ramener à trois phases: phase pré-révolutionnaire, phase d’initiation révolutionnaire, phase révolutionnaire.

          a- La phase pré-révolutionnaire de l’itinéraire de la mère héroïne-sujet mue par son fils vers une démocratie totalitaire chez M. Gorki:

             Le roman “La mère” de M. Gorki, paru 1905, se passe sous le régne de la monarchie russe, autrement dit  pendant  une phase pré-révolutionnaire. Et tel que l’écrit L.P. dans son article: “Ce roman de Gorki se situe dans la Russie tsariste, au lendemain de la révolution ouvrière de 1905 et alors que la répression s’abattait sur les militants.” – “Réédition: La mère de Maxime Gorki”, www.lutte-ouvriere-journal.com, p.1. Cela correspond donc ici, à la phase pré-révolutionnaire de l’itinéraire de Pélagueïa Nilovna Vlassov, la mère de Pavel Vlassov. A titre d’exemple, ce passage décrivant les séquelles de la phase pré-révolutionnaire d’une mère soumise, brutalisée, écrasée par l’autorité tyranique de son ivrogne et défunt mari Mikhaïl Vlassov. Elle apprit pour la première fois de son fils Pavel adhéré au parti social-démocrate russe:
         + “Sans la regarder, à mi-voix (…) Pavel se mit à parler.
           - Je lis des livres interdits. On interdit de les lire, parce qu’ils disent la vérité sur notre vie d’ouvriers…Ils sont imprimés en cachette, et si on les trouve ici, on me mettra en prison… en prison, parce que je veux savoir la vérité. Tu comprends” (p.20).
            Auparavant, elle le sermonna en le voyant boire comme feu son père:     
             - Ne bois pas, toi! Ton père a bien assez bu pour toi. Et il m’a assez tourmentée… tu pourrais bien avoir pitié de ta mère… ”
          Pavel écoutait ces paroles tristes et tendres, il se rappelait l’existence effacée et silencieuse de sa mère, du vivant de son père, quand elle vivait dans l’attente angoissée des coups (…). Une profonde balafre sous le sourcil droit le soulevait un peu et il semblait que l’oreille droite aussi était plus haute que l’autre: elle avait l’air d’être aux aguets, craintive” (p.15). 

          En réalité, c’est aussi la condition générale des femmes de la classe ouvrière russe de l’époque relate le narrateur dans le roman de Gorki:

            + “Quand on [les ouvriers] se rencontrait, on parlait de la fabrique, des machines, on se répandait en invectives contres les contremaîtres (…). En rentrant [chez eux], les hommes [ivres] se disputaient avec leurs femmes, et souvent les battaient sans ménager les poings” (p.7).
          D’abord hostile au militantisme politique de son fils, la mère s’inquiétait de sa passion pour les livres officiellement interdits et de son rigorisme incompatible avec âge, au point d’être parfois mécontente de lui:
          + “Le nombre de livres augmentait toujours sur la belle étagère qu’un menuisier, un camarade de Pavel, lui avait fabriquée. La chambre prenait un aspect agréable (…).
           Mais son inquiétude croissait et le temps qui passait ne la calmait pas; le préssentiment de quelque chose d’extraordinaire la poignait au coeur. Par moments, elle était mécontente de son fils, elle pensait:
            «Les autres vivent comme tout le monde, mais lui, il est comme un moine… Il est trop sérieux… Ce n’est pas de son âge» (p.19).”

           Tenant à sa foi en Dieu, elle intervint dans un dialogue entre son fils et le vieux Mikhaïl Rybine.
            + “- Pour ce qui est du Seigneur, vous devriez faire attention! Vous… bien sûr, vous faites comme vous voulez! (…). Mais sur quoi une vieille femme comme moi s’appuierait-elle dans son chagrin, si vous lui enleviez le Bon Dieu!” (p.74).     
         Ainsi se boucle cette phase pré-révolutionnaire de  l’itinéraire de la mère héroïne-sujet vers une démocratie totalitaire: anti-communiste, croyant en Dieu et soumise à sa condition de mère, veuve d’ouvrier opprimé. Suivra la phase d’initiation révolutionnaire de l’itinéraire de la mère héroïne-sujet vers une démocratie totalitaire dans le roman mondial chez M. Gorki.
       b- La phase d’initiation révolutionnaire de l’itinéraire de la mère héroïne-sujet mue par son fils vers une démocratie totalitaire chez M. Gorki:
       Alarmée par le comportement singulier de son fils Pavel, la mère héroïne-sujet dans le roman de M. Gorki finit apprendre de lui ce qu’il fait avec ses camarades de lutte pour une démocratque révolutionnaire:    
             + “Et il lui parlait de ceux qui voulaient le bien du peuple, qui semaient la vérité, et qui pour cela étaient traqués comme des bêtes sauvages, mis en prison, envoyés au bagne, par les ennemis de la vie…
              - J’ai vu des gens comme cela! s’écria-t-il avec ardeur. Ce sont les meilleurs qui soient au monde.
              Ces gens n’inspiraient à sa mère que terreur et, elle voulait encore demander à son fils: «C’est vraiment comme ça?» (…) De nouveau des larmes jaillirent de ses yeux, et elle ajouta dans un sanglot:
              - Tu vas te perdre!” (p.24).
        Puis, la mère reçut les camarades invités chez elle par son fils et fit son premier contact avec leurs idées et leur action.
         + “Un jour de fête, au milieu de la semaine, Pavel dit à sa mère en s’en allant:
               - Samedi, j’aurai des invités de la ville. ”
               - De la ville? Répéta la mère… et, brusquement, elle hoqueta.
               - Voyons, pourquoi pleurer, maman?” s’écria Pavel mécontent. (p.26). 
           Elle écouta l’intervention de son fils Pavel devant ses camarades et en fut touchée.
            + “Quand Natacha eut terminé, Pavel se leva et demanda tranquillement:
                 - Ne rêvons-nous donc que d’avoir le ventre plein? Non! répondit-il lui-même, en posant sur le trio un regard droit. Nous devons montrer à ceux qui nous tiennent à la gorge et nous bouchent les yeux que nous voyons tout, que nous ne sommes pas des idiots, ni des brutes, que ce n’est pas seulement manger que nous voulons, mais vivre comme des hommes dignes de ce nom! (…)
              La mère l’écoutait, et elle frémissait de fierté à l’entendre si bien parler.” (pp.37-38). Enfin, la phase révolutionnaire de la mère chez M. Gorki.
         c- La phase révolutionnaire de l’itinéraire de la mère héroïne-sujet mue par son fils vers une démocratie totalitaire chez M. Gorki:
          “Le monde, écrit J. Cazeneuve, est trop occupé, en tout cas, à se battre, à conspirer et à voir la révolution [démocratique libérale] se muer en ordre moral [démocratie totalitaire] pour se donner des formules de bonheur. A chacun d’y trouver la sienne s’il a le temps d’y penser.” – Op.cit., p.211. Or, la mère héroïne-sujet mue par son fils leader local communiste accède progressivement à l’action révolutionnaire pour une démocratie totalitaire. Ce fut le cas dans l’affaire de l’impôt du «kopeck», imposé par la direction aux ouvriers de la fabrique pour l’assèchement d’un marais lui appartenant. Le narrateur relate emphatiquement:
        + “Pavel grandit encore aux yeux de l’opinion publique après l’histoire du «kopeck» du marais (…).
             Le lendemain [de la décision administrative], après la messe, le fondeur Sizov, un beau vieillard et le serrurier Makhotine, homme de haute taille et très irascible, vinrent [à la maison] lui [Pavel] raconter ce qui se tramait (…).
              Après les avoir reconduits, la mère dit en souriant:
               - Tu vois Pavel, voilà les vieux aussi qui viennent faire provsion d’intelligence chez toi.
                Sans lui répondre, le jeune homme, soucieux, s’installe à sa table et se mit à écrire. Quelques minutes plus tard, il lui dit:
                - Je t’en prie, va tout de suite en ville remettre ce papier!…
                - C’est dangereux?
                - Oui. C’est là qu’on imprime notre journal (…).
                C’était la première mission que lui confiait son fils. Elle fut heureuse de voir qu’il lui disait ouvertement de quoi il s’agissait.” (pp.79-81). 
      A l’arrestation chez elle d’Andreï Onissovitch Nakhodka (Le Petit-Russien), camarade de son fils, la mère en larmes défia haineusement l’officier gendarme qui la narguait quant à l’avenir funeste de son fils Pavel:
            + “C’est encore trop tôt pour pleurer, ma bonne dame! Prenez garde, il ne vous restera plus assez de larmes plus tard!
                   Elle lui répondit, de nouveau en colère:
                   - Les mères ont assez de larmes pour tout… pour tout! Si vous en avez une, elle doit bien le savoir!” (pp.67-68).
        Après l’arrestation de son fils pour sa prise de position dans l’affaire du «kopeck», elle s’employa pour introduire les tracts communistes dans la fabrique du faubourg et détourner ainsi les soupçons qui pesaient sur ce dernier.
            + “La mère sourit. Elle avait comprit: si les feuillets paraissaient à la fabrique, la direction doit comprendre que ce n’est pas son fils qui les apporte. Et se sentant coupable d’accomplir cette tâche, elle était toute frémissante de joie.
             - Quand vous irez rendre visite à Pavel, dit Iégor Ivanovitch [à Samoïlov], vous lui direz qu’il a une mère épatante.” (p.98).   
       A l’occasion de la manifestation du premier mai, son fils  nouvellement libéré, en prit la direction,   en portant le drapeau du parti suivi de sa mère.  Il fut brutalement molesté et arrêté par les forces armées et plus tard condamné à la déportation avec ses camarades en Sibérie. Alors, la mère rejoint la ville et s’implique totalement dans l’action révoltionnaire, bravant la police et la répression. Elle commença par réapprendre à lire:
             + “Elle savait maintenant lire, mais la lecture exigeait d’elle une attention concentrée, et elle s’en fatiguait vite, cessait de comprendre le lien des mots.”
              Mais l’action sur le terrain l’attirait davantage: livraison des livres interdits, des appels et des journaux, par exemple à Nicholaï Rybine et ses camarades paysans, qui l’interpella:   
            + “- …T’as apporté des livres, Nilovna? ”
                  La mère lui jeta un coup d’oeil, et répondit, après un silence: 
                 - J’en ai apporté…
                 - C’est ça! dit  Rybine en frappant la table de la main (…). Vous voyez, on a arraché le fils des rangs, la mère a pris sa place!” (p.266).
                  Enfin, l’étau de la répression se resserra, après le procès, autour de la mère et de ses jeunes camarades – filles et garçons – révoltionnaires, ils furent victimes d’une vague d’arrestations brutales sans merci. Son dernier désir fut de diffuser au public le discours de son fils devant le tribunal à Moscou, quitte à y laisser la vie. Le narrateur en raconte:
           + “La mère détourna le regard et lui tendit [à Ludmila] le discours de Pavel.
            - Voilà, on vous prie de l’imprimer au plus vite…” (p.463).
       Mais elle fut dévoilée par un mouchard à la gare du train et prise par des gendarmes et traînée de force au milieu d’une foule ahurie:  
            + “-… Hier on a jugé des prisonniers politiques, [s’écria-t-elle], mon fils en était… Vlassov, il a prononcé un discours, le voici!… Je le porte aux gens, pour qu’ils le lisent, qu’ils réfléchissent à la vérité (…)”
                  - Prenez, prenez!
                  - Circulez! crièrent les gendarmes, en écartant les gens qui cédaient à leurs poussées à contrecoeur (…).
                   La grande main rouge d’un gendarme s’abattit sur son cou, la secoua:
                   - Tais-toi! (…).
                    On la poussa dans la porte. Elle arracha une main à l’étreinte, s’agrippa à un montant (…).
                     Un gendarme la saisit à la gorge, la serra. Elle râla:
                    - Malheureux…
                      Quelqu’un répondit pas un sanglot.”(pp.480-485).
        Ainsi, s’achève l’itinéraire de la mère héroïne-sujet révolutionnaire mue par son fils vers une démocratie totalitaire, dans le roman mondial chez M. Gorki. Mais nul n’avait su capter l’impact du message de cette mère mue par son fils vers une démocratie totalitaire, comme un plaidoyer en faveur  des femmes dans leur participation politique à l’action mocratique révolutionnaire dans le monde.” – “Réédition”, Op.cit., p.1 Mais c’est vers une démcratie libérale que tend son homologue chez D. Chraïbi.

         B- La mère héroïne-sujet révolutionnaire mue par ses fils  vers une démocratie libérale chez Driss Chraïbi:

         Parallèlement, la mère héroïne-sujet révolutionnaire mue par ses fils vers une démocratie libérale, dans “La civilisation, ma mère!..” de D. Chraïbi, suit le même itinéraire en trois phase: une phase pré-révolutionnaire, une phase d’initiation révolutionnaire et une phase révolutionnaire. Dans ce roman, le père, surpris par la révolte de celle-ci contre son autorité féodale l’accuse d’agir à l’instigation du cadet de leurs deux fils, Najib: “- C’est Najib? a demandé le rocher [le père] avec ce qui lui restait d’écume [cheveux] sur la tête. C’est lui qui t’a appris la révolution bolchevique?(…)”. Pour la voir lui répondre du tac au tac: “- Avant la révolution, peut-être bien qu’il y avait une révoltée. Nagib n’a fait que me fournir les armes. On peut tirer un âne avec une ficelle, mais non le pousser ” (p.135).
       Fait généralement inconcevable, voire quasi donquichottesque, comme une démocratie libérale dans les pays sous-développés, dont le Maroc, selon Ahmed Benmoussa: “Le passage brutal d’un féodalisme à la démocratie libérale telle qu’on la pratique en Europe est une catastrophe. Donner trop de liberté à une masse incontrôlable, lui appliquer un système politique libéral qui ne se conçoit que dans un milieu évolué, éduqué, jouissant déjà d’un ordre social bien équilibré, est le commencement de l’anarchie. Nous écartons évidemment toute dictature.” – “Le devenir des pays sous-développés”, Confluents, Nº3, Octobre-Novembre, Rabat, Inframar, 1959, p.330. Du fait, on y verra la mère passer par:

       a- La phase pré-révolutionnaire de l’itinéraire de la mère héroïne-sujet mue par ses fils vers une démocratie libérale chez D.Chraïbi:

          Certes, la mère héroïne-sujet révolutionnaire mue par ses deux fils, chez D. Chraïbi, prend pafois, dans “La Civilisation, ma mère!..” au cours de son itinéraire révolutionnaire vers une démocratie libérale une allure semi réaliste, donquichottesque, comparée à l’héroïne résolument réaliste, dans  le roman de Gorki. C’est le cas par exemple, dans la phase pré-révolutionnaire de la mère chez Chraïbi, décrite culturellement   xénophobe et archaïque, à l’état d’un homo faber:
                + “ Je [le fils aîné] revenais de l’école, jetais mon cartable dans le vestibule et lançais d’une voix de crieur public:
                  - Bonjour, maman!
                   En français (…).
                   - Ecoutes mon fils, me disait ma mère avec reproche. Combien de fois dois-je te répéter de te laver la bouche [de la langue française] en rentant de l’école? (…).
                  - Et fais-moi le plaisir d’enlever ces vêtements de païens [Européens]!” (pp.15-6).
          Puis,  le récit extrapole vers une quasi-utopie de cette mère héroïne-sujet pré-révolutionnaire mue par ses fils comme fabriquante d’outil archaïque sclérosée [une parodie de Ghandi en Inde]:
          + “J’allais me laver [le fils aîné]  la bouche avec une pâte dentifrice de sa fabrication. Non pour tuer les microbes. Elle ignorait ce que c’était – et moi aussi, à l’époque (microbes, complexes, problèmes…). Mais pour chasser les relents de la langue française que j’avais osé employer dans sa maison, devant elle. Et j’ôtais mes vêtements de civilisé, remettais ceux qu’elle m’avait tissés et cousus elle-même.” (Ibid.).
       La cause de cette autarcie anti-libérale serait à imputer, selon le Dr. Driss Moussaoui, à la vie isolée des femmes dans la société marocaine traditionnelle. “Le maintien des femmes dans un monde closloin des problèmes pratiques, , note-t-il,  entraîne une dépendance matérielle, et par voie de conséquence, affective vis-à-vis de l’homme (…). Habituées à réagir de façon stéréotypée à des conditions spécifiques, tout se passe «comme si l’état de sujestion, imposé par la société, l’éloignement  des responsabilités morales et religieuses, la claustration avec les petits s’opposait à  la maturité psychique».” – “Approche sociologique des systèmes culturels éducatifs traditionnels”, PRO-C, Nos5-6, Rabat, 1975, p.141. C’est aussi la marque de cette phase pré-révolutionnaire de la mère chez  D. Chraïbi, dans ce passage du roman:
             + “Elle prenait l’un de mes souliers et, s’en servant comme d’un marteau, elle enfonçait quatre clous de charpentier dans le mur (…). Personne ne lui avait rien appris depuis qu’elle était venue au monde. Orpheline à six mois. Recueillie par des parents bourgeois à qui elle avait servi de bonne. A l’âge de treize ans, un autre bourgeois cousu d’or et de morale l’avait épousée sans l’avoir jamais vue. Qui pouvait avoir l’âge de son père.” (p.21).
       Etat dans lequel celui-ci tentera de la maintenir, en la voyant entamer sa révolution démocratique libérale contre son autorité féodale, en sermonnant:
             + “- Les femmes de ta génération ne pourraient pas en dire autant. Quand je t’ai épousée, tu avais treize ans. Orpheline depuis toujours. Aucune famille. D’aucune sorte (…). Je t’ai élevée, tu n’avais pas de passé, j’ai fait de toi une femme honorable, je t’ai facilité la vie. J’ai résolu tous tes problèmes (…). Explique-toi. Parce qu’en mon âme et conscience, je ne comprends pas (…).
                    - Eh bien, disait la voix [la mère], j’ai grandi, moi aussi. Tu ne t’en es rendu compte? ” (pp.131-132).
          Et c’est ainsi que commence la phase d’initiation révolutionnaire dans l’itinéraire de la mère héroïne-sujet, mue par ses fils, vers une démocratie libérale chez D. Chraïbi.

         b- La phase d’initiation révolutionnaire de l’itinéraire de la mère héroïne-sujet mue par ses ses fils vers une démocratie libérale chez D.Chraïbi:

         Par sa mise en contact avec le monde extérieur de la civilisation occidentale, dans le roman de D. Chraïbi, la mère héroïne-sujet révolutionnaire mue par ses fils s’initie à progressivement à une démocratie de type libérale.
       “Et l’emprise de l’Occident, glose Paul Butin, a été si forte que, jusqu’ici, le Maroc n’a pas encore pu se penser et se définir, non seulement par rapport à la situation dans le Monde, et aux grands problèmes de l’humanité, mais encore par rapport à ses propres problèmes (…). Mais trop pris par les tâches quotidiennes de la politique, de l’administration, de l’économie, il n’a pas pu se constituer une équipe de penseurs, de philosophes, de chercheurs, pour essayer de définir les lignes d’une civilisation nouvelle, où l’Occident ne sera pas servilement copié, mais ses rapports digérés et assimilés, pour aboutir à une symbiose. Sans doute, cette civilisation sortira peu à peu des tendances profondes du peuple marocain et d’une sorte de consensus plus ou moins inconscient.” – “Du protectorat à l’indépendance: Le transfert des cadres”, “Confluents”, Op.cit., p.313. Or, cette phase d’initiation révolutionnaire de la mère vers la démocratie libérale passe par trois initiations:
      b1- Son initiation aux nouveautés techniques: 
      Les“ciseaux” et la “machine à coudre”:       
           + “Et alors entraient en mouvement deux produits de civilisation, les premiers auxquels elle [la mère] eût à faire face: les ciseaux et la machine à coudre (…).
                  Entrait en transes trépidantes la machine Singer – un de ces prototypes à pédale qui ont survécu à l’humanisme. Je l’ai là, devant moi, dans ma [le fils aîné] bibliothèque vitrée. Mon seul héritage [de la mère]. Entre les livres que j’ai écrits jaunissant et s’empoussiérant, et des traités de management dont l’un affirme que la révolution ne se fait pas chez Mao tse-Toung [démocratie totalitaire], mais chez Control Data [démocratie libérale].”(p.23).
        La radio (T.S.F.):
             + “- Qu’est-ce qu’ils [les transporteurs] viennent faire ici [la mère]? Que contient cette énorme caisse? Un cadavre en plomb? des pierres? des briques, ou quoi?”
              - Mais non, maman, voyons! C’est la radio.
              - La radio? Mais qu’est-ce que ça veut dire, la «radio»? (…).
              - C’est une boîte qui parle (…).
              -  Mais… mais comment? (…).
              -  Par magie.
              - Ah bon! a dit ma mère, soulagée du même coup. Comme les fakirs et les charmeurs de serpents? ” (pp.29-37).
         D. Moussaoui explique la superstition par les us défensifs de la femme marocaine traditionnelle: “Le deuxième bastion de défense de la femme traditionnelle [après la maternité], est celui de la sorcellerie (…). C’est pour cela, que nous pouvons constater, que même parmi les femmes les plus instruites, issues d’un milieu traditionnel, persiste ce vague besoin de retremper dans cette atmosphère occulte, au moment des difficultés.” – Op.cit., pp.126-127.
       Le téléphone:
            + “En 1940, quand on nous installa le téléphone, j’ai tenté de parler à ma mère de Graham Bell et des faisceaux hertziens. Elle avait sa logique à elle – diluante comme le rire peut diluer l’angoisse (…).
                 Je me contentai donc de lui indiquer le mode d’emploi.” (p.54).
             “Chaque fois que je revenais du lycée, je la trouvais au salon (…) dialoguant (…) avec l’une des innombrables correspondantes. Des gens (…) à qui elle avait téléphoné n’importe où dans le pays (…), et qui étaient devenus ses amis.” (p.58).
        Le cinéma:
              + “Il fallait brûler les étapes. Pour sa seconde sortie, nous l’emmenâmes au cinéma (…). Elle participa à toutes les péripéties de l’intrigue, suivit le héros comme si c’était son propre fils, fut ses yeux, sa voix, son garde du corps, sa conscience, ne lui ménageait pas ses conseils, critiquant, invectivant les autres personnages – debout, vivante, échevelée.  ” (pp.79-83), etc.
         b2- Son initiation aux nouveautés culturelles:
          L’aîné de ses deux fils entreprit de lui apprendre à lire et écrire à sa manière:
               + “Ce furent un cahier d’écolier, un crayon, une ardoise, un bâton de craie et une méthode audio-visuelle de mon invention que je n’ai pas pu faire breveter par la suite. Une voyelle était un homme, une conçonne une femme, elles s’assemblaient pour former des couples. S’il y avaient tant de consonnes pour cinq malheureuses voyelles, elle [la mère] ne devait pas m’en accuser, moi -  mais la société antiféministe. Oui, parfaitement, une sorte de polygamie au niveau de l’alphabet, déjà. Avant la grammaire, la culture et les lois sociales.
        Elle apprenait avec avidité (…).
        L’Histoire était sa passion parce que, selon ma mère, «elle était pleine à craquer d’histoires» (…).
        La géographie était aussi sa passion: tant de peuples qui parlaient tant de langues et avaient tant de vies différentes (…).
        Je lui ai appris son corps.”(pp.90-91).
        Puis, elle fait son apprentissage du monde grâce à la voiture, achetée avec l’argent de poche de son fils cadet Nagib:
          + “A bord de son automobile qui faisait un bruit d’enfer, il nous conduisait, ma mère et moi, de taverne en bouge, de plage en casino, de taudis en garage (…). Et elle apprenait les rudiments de la mécanique. Avec les explications très simples de mon frère.”
          + “Ce fut dans une centrale électrique qu’il lui apprit que la magie n’existait pas, que Monsieur Kteu était un «vieux schnock pour bonnes femmes superstitieuses»” (…).
            + “Il l’emmena dans un studio de la radio d’Etat où il avait ses entrées, lui présenta le vrai Monsieur Kteu [Blaupunkt], le speaker. ” (p.96).
            + “Nous lui donnions de l’argent, avec le mode d’emploi.” (p.97).
            Et tel que l’affirme le Dr Louis-Paul Aujoulat: “Elles [les communautés sous-développées] réclament des techniques, mais c’est tout aussitôt pour les intégrer dans une mystique qui s’accomode assez mal des froids calculs de l’Occident [libéralisme] (…). Ce qui les intéresse, ce sont moins nos machines que la manière de s’en servir; ce qui les trouble, ce n’est pas l’irruption de nos techniques, mais l’impossibilité actuelle pour eux de les maîtriser ou de les ordonner selon leur vocation.” – “L’assistance technique, nouveau mythe?”, “Confluents”, Op.cit., p.324. De plus, dans cette phase pré-révolutionnaire de la mère vers la démocratie libérale chez D. Chraïbi, on observe:       
          b3- Son initiation aux noveautés politiques:
           Dans la phase pré-révolutionnaire vers la démocratie libérale, la mère mue par ses fils dans le roman de D. Chaïbi connaît une initiation aux nouveautés politiques. Dans une lettre, Nagib en raconte les actions  quasi donquichottesques à son frère aîné bachelier, parti faire ses études supérieures à Paris. Il en cite en l’occurrence:
            Les cogitations philosphiques:
           + “C’est un vrai philosophe [la mère].
               - Nous, les humains, dit la mère, nous ne pouvons pas faire comme lui [le cheval], revenir en arrière. Nous sommes condamnés au progrès et à la civilisation industrielle. Tu n’es pas un cheval?” (p.142).
       Le changement des meubles anciens de sa maison:
            + “Tout ce qui restait dans la maison, elle l’a vendu. Au bazar, à la criée, assistée de deux stentors. Meubles, tapis, tentures, coffres, vaisselle – même mon lit. J’y étais né pourtant.” (p.145).
        Le regain d’estime de la mère aux yeux de son mari avouant à Nagib:
             + “- Rien que ça? Eh bien, je vais te dire: c’est comme si j’avais épousé une nouvelle femme, que je commence à connaître, tandis que celle que j’avais m’étais pratiquement inconnue.” (p.160).
          La prise de conscience politique et de son devoir envers le bonheur de ses semblables, dans sa réplique à son fils Nagib:
              + “Je n’ai pas besoin d’être admirée, mets-toi ça bien dans la tête. Il faut que je m’occupe des gens, c’est ma vie. Je ne peux pas, je-ne-peux-pas être heureuse quand d’autres sont malheureux. A quoi me servirait toute ma science? A avoir bonne conscience? Mes idées, mes acquisitions, mes émotions, il faut que je les traduise en actes, pour moi et pour les autres.” (170).
        Le soutien du père bourgeois féodal, gagné enfin par le libéralisme de la mère contre ses adversaires politiques, avouant:
           + “- Elle s’est mise à tout bouleverser partout où elle passait. Et les gens venaient se plaindre d’elle, attirer mon attention sur ce qu’ils appelaient ses «folies». Ils ressemblaient tant à l’homme que j’étais auparavant. J’ai essayé de la comprendre, elle. Et c’est elle qui m’a montré la voie.” (pp.176-177). D’où, la phase révolutionnaire de l’itinéraire de la mère héroïne-sujet mue par ses fils vers une démocratie libérale chez D. Chraïbi. 
       c- La phase révolutionnaire dans l’itinéraire de la mère héroïne-sujet mue par ses fils vers une démocratie libérale chez D. Chraïbi:
       Dans la quatrième couverture du roman de  D. Chraïbi, on lit notamment: “Ce livre est une chronique pleine de verve évoquant la révolution en cours dans les pays d’Afrique du Nord [dont le Maroc]”. Cela se concrétise dans la phase révolutionnaire de l’itinéraire de la mère héroïne-sujet mue par ses fils vers une démocratique libérale - quasi donquichottesque. C’est son impact politique en faveur de l’indépendance nationale et de ses femmes, par:
       Les sit-in contre la guerre au nom des démocraties du monde:
            + “Elle a téléphoné à Meknès, Fès, Marrakech, Rabat, Tanger. Puis au service du journal parlé (…).
                 - C’est trop, s’exclamait ma mère. Beaucoup trop. Il faut faire quelque chose. D’ailleurs, les grands chefs sont arrivés à Casablanca, de Gaulle en tête. J’ai l’intention d’aller le voir (…).
            Au chant du coq, elle était là, dans ma chambre [Nagib], tenant un immense drapeau où les couleurs semblaient jouer à saute-mouton.
           - Toutes les démocraties sont là, s’écria-t-elle, joyeuse. Certaines nations n’avaient pas de drapeau, sous prétexte qu’elles sont colonisées ou sous tutelle. La belle affaire que voilà! Je leur en est fabriqué: elles y ont droit. Chaque pays démocratique a son drapeau, de dimensions égales (…). Allez, debout, les vivants! (…). Drapeau en tête (…). Derrière nous, la marée humaine entonnait le chant de l’Espérance…” (pp.107,114).
       L’indépendance nationale enfin acquise, selon son fils Nagib:
             + “A l’heure de l’Indépendance, ma mère était à bord de la locomotive, et non dans un compartiment de première classe – encore moins dans le wagon à bagages. Elle était de tous les meetings, prenant des notes, n’hésitant jamais à contredire et faire se contredire l’orateur (…).
            Sa bande de copines lui servait de claque, la mienne assurait le service d’ordre et, moi, j’étais là, debout au milieu de la salle. Le politicien était coincé, il ne pouvait pas se sauver.”(pp.178-179).
       Les partis et les leaders politiquesen conflit avec elle:
            + “Elle se brouilla avec les démocrates, les conservateurs et ceux qu’elles appelaient les «progressistes à hue et à dia» Très poliment, sans trop d’éclats. Mon père était là qui raccompagnaient les leaders en leur promettant de leur verser son obole pour leurs caisses électorales. Et moi, je riais, ce qui les mettaient de bonne humeur, je ne sais pas pourquoi.” (p.180).
       Les déjeuners-débats femmes et leurs débordements:
             + “Le dimanche, j’étais sur les routes. Ma mère avait institué avec ses amies les «déjeunes débats hebdomadaires par roulement», tantôt chez l’une, tantôt chez l’autre – et ses amies étaient légion et elles habitaient n’importe où dans le pays, du Nord au Sahara en passant par les chaînes de l’Atlas (…).
               J’ai vu ceci des femmes répudiées sur-le-champ parce qu’elles savaient plus que leurs maris. Et ma mère a applaudi. Elles aussi – devenues plus heureuses (…).
                 On nous jeta des pierres, on creva les pneus de la voiture. (…).Sur le chemin du retour, ma mère me dit:
           - Je sais ce que je vais faire. Puisque j’ai tant de difficultés pour aller voir mes amies, je vais leur dire de venir. Ainsi, je serai près d’elles, tous les jours de la semaine.  ”(pp.163,169).
         Le départ de la mère à la découverte de l’Occident: 
             + “Au fil des semaines, plus personne ne vint chez nous [chez la mère]. Mêmes les policiers qui veillaient sur nous finirent par lever le siège. Ma mère resta là, avec ses idées, son ardeur, sa soif de vérité pour elle toute seule (…).
                   Toute la nuit, nous l’avons aidée à boucler ses valises, tandis qu’elle pleurait, fumait, riait (…), nous expliquant pourquoi elle partait (…), j’irai à la découverte de cet Occident, j’ai besoin de faire reculer mon horizon, de constater, de faire le bilan. «Oui, chérie, disait Pa [le père]».” (pp.180-181).
          Et comme le prône la quatrième couverture, la mère héroïne-sujet révolutionnaire chez D. Chraïbi a suivi le même itinéraire que celle mue celle de M. Gorki, pour rejoindre une démocratie libérale quasi utopique en devenir: “De la civilisation pré-industrielle [féodalité] aux technostructures américaines [démocratie libérale], on assiste à l’évolution de cette femme qui, peu à peu, acquiert une conscience politique et mène une carrière publique [quasi donquichottesque] au nom de l’Indépendance et du Féminisme;  et à travers elle, c’est le destin du Tiers-Monde  [ le Maroc] qui est symbolisé.” (Idid). Inversement, s’inscrit la mère héroïne-objet démocratique révolutionnaire  mouvant ses fils vers une démocratie totalitaire ou libérale, dans le roman mondial.

         2- La mère héroïne-objet démocratique révolutionnaire mouvant  ses fils dans le roman mondial:

           De façon inverse, s’incarne la mère héroïne-objet révolutionnaire mouvant ses fils vers une démocratie totalitaire ou libérale, dans le roman mondial. On pourrait la définir selon B. Dort citant les personnages de Brecht, comme suit: “Ils sont à peine des personnages: plutôt les objets et les signes de la grand’peur et de la misère des victimes.” – “Lecture de Brecht”, Op.cit., p.126. C’est le cas dans le roman de forme réaliste, comme: “La mère” de Pearl Buck (USA/ Chine -1934 ), ou de forme semi réaliste - voire donquichottesque, comme: “La croix de ma mère” de Gaston Bonheur (France - 1976). D’où corrélativement:

       A- La mère héroïne-objet révolutionnaire mouvant  ses fils  vers une démocratie totalitaire par P. Buck:

       Le roman “La mère” (“The Mother”- 1934), est l’oeuvre de la romancière américaine, Pearl Sydenstricken, dit P. Buck (1892-1973), prix Nobel de littérature en 1938 – qui a vécu toute son enfance et sa jeunesse avec ses parents, missionnaires fondamentalistes, à la ville de Chinkiang, en Chine . Le personnage de  la  mère  héroïne-objet mouvant ses fils vers une démocratie révolutionnaire totalitaire y semble concevable à son insu. “Tels ceux [les personnages], en dirait B. Dort, qui sont directement issus de la «masse» - de ce peuple en proie à la terreur de l’Histoire – et qui se différencie à peine d’elle (…): ils témoigne de la souffrance des opprimés.” – “Lecture de Brecht”, Op.cit.,p.126. En outre, celle-ci passe également, dans son itinéraire démocratique révolutionnaire, par les trois phases: pré-révolutionnaire, d’initiation révolutionnaire et  révolutionnaire. Ce sont notamment:

       a- La phase pré-révolutionnaire de l’itinéraire de la mère héroïne-objet mouvant  ses fils vers une démocratie totalitaire chez P. Buck:

       Pourtant, la  mère chez  P. Buck n’a qu’une conscience partielle du monde dans son ensemble, mais qui va s’élargissant. “Elle n’a pas de vision d’ensemble de la société, écrit O. Wilde. Ainsi, elle ne se rend pas compte de l’ampleur que commence à prendre le communisme [démocratie totalitaire en Chine]. Pour elle, c’est surtout des jeunes qui s’amusent comme ils peuvent et qui feraient mieux de se marier.”– “La mère (the mother)”, www.renardbiblio.canalblog.com, p.4. Cela est visible dans:
        La dépendance de la mère  du sol et de la progéniture:
              + “Il est vrai que tous jours se ressemblaient pour la mère, mais elle n’en ressentait aucun ennui, satisfaite de leur roulement. Si on l’avait questionné sur ce point, elle eût (…) répondu: «Mais le paysage change des semailles à la moisson; puis viennent les récoltes sur nos terres, le fermage de celles que nous louons à payer en grains au propriétaire, les congés des fêtes et du nouvel an, les enfants eux-mêmes se transforment et grandissent, d’autres naissent. Je ne vois que des changements qui, je vous le promets, me forceront à travailler de l’aube à la nuit!»” (p.36).
         L’indépendance affective puis effective du mari à cet égard:
               + “Mais il y avait l’homme. Rien ne changeait à ses yeux, même avec le temps; rien ne changerait jamais. La venue de ces enfants que sa femme chérissait ne représentait pas une chose nouvelle, car ils naissaient de la même manière, et l’un ressemblait à l’autre. Il fallait les vêtir, les nourrir; plus tard, on les marierait, puis d’autres enfants naîtraient (…).     
              Les récoltes ne lui appartenaient pas entièrement; il fallait en prélever une partie pour le propriétaire et une autre aussi pour payer son agent. La pensée de cet agent était insupportable au jeune homme,  car il représentait le citadin qu’il eût tant désiré être: vêtu de soie douce, la peau pâle, blonde, avec ce quelque chose d’onctueux qui révèle l’habitant des villes, occupé à une tâche légère, et bien nourri.” (pp.47,49).
        Le départ définitif du mari après une dispute avec la mère:
              + “ « Votre père … n’est-il pas encore là?
                     - Il n’est pas venu et nous avons faim!» s’écria le gamin, et la fillette fit écho (…). 
                     Alors la mère sut que lui aussi était parti (…). Voilà bien, il était parti! Elle restait là avec les trois enfants et la vieille femme [la belle-mère] – lui était parti!” (pp.79-80, 82). S’en suit la phase d’initiation pré-révolutionnaire de cette mère. 
          b- La phase d’initiation révolutionnaire de l’itinéraire de la mère héroïne-objet mouvant ses fils vers une démocratie totalitaire chez P. Buck:
          “Le problème de la femme, constate Zhang Xihou, est un des thèmes d’un Quzici [poésie chinoise] qui, en dépit du préjugé de la société féodale, en vertu duquel la femme était méprisée et assujettie, criait à l’injustice, pour le malheur de celle-ci, quels que fussent les niveaux sociaux, et faisait entendre la voix de la protestation du beau sexe outragé et indigné. ” – “Splendeur de la littérature de Dunhuang”, “Littérature chinoise”, Trimestre 1, 1988, p.27. Or, la phase d’initiation révolutionnaire de l’itinéraire de  la mère héroïne-objet mouvant ses fils vers une démocratie totalitaire, dans le roman mondial, chez P. Buck peut être perçue à travers:
         La prise des deux fils par la mère comme substitut du père:
             + “Puis vint le jour fixé pour le partage de récolte avec le propriétaire (…). L’agent passait chez chaque fermier du village et la mère était sur le pas de sa porte, derrière le grain entassé sur l’aire, lorsqu’il parut (…).
              La mère envoya son fils chercher le cousin (…), tellement elle avait confiance dans l’honnêteté de son parent . Mais elle voyait morceler sa provision, et il lui était pénible ainsi qu’à tous les autres de se séparer, pour cet élégant monsieur, d’une part qui lui avait coûté tant d’efforts (…).Cependant, après le festin [offert à l’agent], (…) elle ramassa un os qui restait de sa poule (…) et le donna à sucer à son fils [aîné] en disant: «Dépêche-toi de grandir, mon garçon, et tu pourras souper avec eux, toi aussi!»
            Le petit demanda ingénument:
            «Mais mon père me le permettra-t-il? »
            La mère répondit avec amertume:
            «S’il n’y est pas, tu prendras sa place, je te le jure!»” (pp.92-95).
          La mère objet de séduction de la part de l’agent du propriétaire:
             + “Ainsi, il [l’agent] se montra gai ce jour-là quand il vint à la maison, où comme il le savait la mère habitait seule, sans son mari. Il cria joyeusement à l’aîné de ses garçon: «Je vois que ta mère peut se passer de ton père! »
              Et le gamin, ravi, dandina son petit corps et se vanta, timide et fanfaron à la fois: «Oh oui, je fais ma part.» (…)
              Il prit le bol [de thé] qu’elle lui tendait et lui toucha la main comme par inadvertance. La femme, saisie par ce contact, en comprit la signification brûlante.” (pp.134-135). 
       Le camouflage du départ du mari pour garder ses fils au foyer:
               + “L’aîné était devenu homme trop vite, semblait-il, toujours silencieux, sans un mot à dire (…). Et son coeur [la mère] avait beau être ému de pitié pour sa fille [aveugle], celle-ci ne lui causait aucune joie.
               Le dernier-né seul était sain, vigoureux et gai.Il ressemblait à son père, et de plus en plus l’amour que la mère avait eu pour son homme se portait sur ce fils [enclin au jeux et à l’oisiveté].” (pp.206-207). De la sorte, la mère héroïne-objet révolutionnaire, semble guider inconsciemment  ses fils, vers une démocratie totalitaire naissante.
       c- La phase révolutionnaire de l’itinéraire de la mère héroïne-objet mouvant ses fils vers une démocratie totalitaire chez P. Buck:
       O. Wilde y décèle aussi les obstacles de la prise de conscience tardive du communisme (démocratie totalitaire), par la mère chez  P. Buck: “Quand elle  parle de mariages arrangés à la façon des chinois, ou alors quand elle évoque leurs superstitions et rapports aux dieux, elle ne met pas ses gros sabots (…). On retrouve la même chose au moment où elle parle du communisme: l’auteur donne des indices de ce que c’est, et ne le nomme que tardivement.” – Op.cit., p.2. C’est en quelque sorte la phase révolutionnaire de l’itinéraire de cette mère héroïne-objet mouvant ses fils vers  une démocratie totalitaire naissante, en Chine, vers 1934. En témoignent:
          Les représailles des dieux contre le péché de la mère avec l’agent dans leur sanctuaire:
              + “Après le jour de l’enterrement [de sa vieille belle-mère], la mère continua de s’acharner au travail, bien que toute hâte fût devenue inutile (…). Le pire [la grossesse] l’atteignait, elle, la mère d’enfants mâles, maîtresse de maison honorée de tout le hameau, et maudit ce jour d’orage et ses folles ardeurs.” (pp.162-163).
        L’avortement nocturne dans le sanctuaire avec l’aide de sa cousine:
               + “La mère se souvint du sanctuaire au bord du chemin, isolé le jour, et complètement désert la nuit.Les deux femmes s’y dirigèrent; la mère but la décoction et s’étendit par terre pour attendre (…). La mère devait endurer tant bien que mal son supplice (…).
                La cousine s’avança, prit ce qu’elle devait enlever et le mit dans une natte qu’elle avait apportée; elle le palpa avant de l’envelopper et murmura d’une voix triste: «Ç’aurait été un garçon. Vous êtes une mère privilégiée de porter en vous tant de fils!»
                La mère gémissait: «Il n’y en aura plus jamais à présent!»” (pp.178-179).
         La cécité mortelle de sa fille et la stérilité de la femme de son fils aîné dues à la malédiction de son péché:
             + “La mère évita de remettre le sujet sur les natures ardentes; elle craignait de se voir rappeler sa faute ancienne (…). La mère, du reste, l’eût sans doute oublié elle aussi [comme sa cousine] tant les jours de sa chair lui semblait lointains. Mais la cécité de sa fille [morte mariée], le manque d’héritier chez son fils [aîné] le lui rappelaient, car elle craignait avoir commis un véritable péché et en être punie [des dieux] par ses deux malheurs. ” (p.253).
          L’ignorance par la mère des communistes assimilés par les gens à des brigands amis des pauvres:
             + “ «…Nous [la mère et son fils cadet] ne risquons rien tous les deux. Je n’ai pas entendu parler de brigants dans les environs, ces temps-ci, en dehors de cette nouvelle sorte de gens en ville qu’on appelle communistes, mais on prétend qu’ils n’en veulent pas aux pauvres.»” (p.256).
           L’arrestation et l’envoi de son fils cadet comme communiste à l’échaffaud en ville:
   + “Alors le fils [aîné] articula péniblement: «Mon cousin  a vu… Il a vu mon frère parmi beaucoup d’autres. Il avait les mains attachées derrière son dos par des cordes de chanvre, les vêtements en lambeaux, et il passait sur le marché où mon cousin vendait son herbe (…). Mon cousin a posé des questions et les gardes qui formaient l’escorte ont répondu qu’il s’agissait de communistes qu’on emmenait en prison pour les mettre à  mort demain.»” (p.296).
          Historiquement, B. Brecht, en décrit l’actvisme, dans “la Décison”, ainsi: «Aux travailleurs chinois, nous [les bolchevicks] apportons les enseignements des classiques et des propagandistes, l’abc du communisme; à ceux qui sont dans l’ignorance, la connaissance de leur condition; aux opprimés, la conscience de classe, et aux ouvriers conscients, l’expérience de la Révolution.» - Op.cit., p.89.
        La mère spectatrice impuissante et réprimée de la mort son fils cadet sur l’échaffaud:
              + “Ses plaintes ne durèrent pas longtemps, car un garde s’avança des portes de la prison et la frappa brutalement avec son fusil; il rugissait: «Va-t’en, vieille sorcière!» Les deux hommes [le fils aîné et le cousin] eurent peur et obligèrent la mère à se mettre debout ; ils la replacèrent sur l’âne et reprirent lentement le chemin de la maison (…). Non, son fils était mort, bien mort, elle le savait…” (pp.312-314).
        La naissance du fils de son fils aîné lui rend de nouveau la joie de vivre:
   + “L’enfant était là, elle n’en avait jamais vu de plus joli (…) Elle se pencha, le saisit dans ses bras et le sentit contre elle, chaud et fort, plein d’une nouvelle vie.” (p.317).
   Aussi, même inconsciemment semble-t-il, l’itinéraire de la mère héroïne-objet révolutionnaire mouvant ses fils vers une démocratie totalitaire chez P. Buck s’achève sur une note d’espoir, au-delà du tragique de l’histoire, en une société humaine et plus juste à l’avenir. “Et bien sûr, note Kathax Pollitt concernant P. Buck, c’était une femme qui, circonstance aggravante, écrivait sur d’autres femmes.” – “Pearl Buck, trop vite célèbre”, “Lire”, février 1997, p,2
 B- La mère héroïne-sobjet révolutionnaire mouvant  ses fils  vers une démocratie libérale chez G. Bonheur:
Daniel Armogathe avance, selon Herbert Marcuse: “Il appartient au mouvement révolutionnaire des femmes de subvertir l’ordre historique nasculin…”- “De Lilith au M.L.F., les ambiguités de l’histoire au féminin”, “L’Histoire - 2”, Paris, Ed. Marketing, 1980, p.210. Toutefois, la mère héroïne-objet révolutionnaire mouvant ses fils vers une démocratie libérale s’incarne à travers une vision pseudo-réaliste, voire donquichottesque chez le Français Gaston Bonheur (de son vrai nom G. Tesseyre: 1913-1980). En fait, il s’agit d’un destin funeste et héréditaire d’une mère, Céleste Miranda, pesant sur ses deux fils- Alban et Roland- et sa fille - Bérengère Hondedieu, un lignage marqué par le sceau de la mort, depuis les Croisades et les Cathares jusqu’à la Guerre d’Algérie, transmuée sarcastiquement en “Algérie colonie occitane” et  partie d’une “République Populaire Romane” fantoche. De par son nom et un bijou muni d’une croix, son pouvoir occulte se perpétue tragiquement jusqu’au bout à travers son fils  Alban,  notamment.
Or, l’itinéraire révolutionnaire de cette mère déjà morte mouvant ses fils vers une démocratie libérale utopique se déroule également en trois phases: pré-révolutionnaire, d’initiation révolutionnaire et révolutionnaire.
      a- La phase pré-révolutionnaire de l’itinéraire de la mère héroïne-objet mouvant  ses fils vers une démocratie libérale chez G. Bonheur:
       Certes, Alban Hondedieu, le fils-auteur-exécuteur testamentaire du legs démonique maternel, est un lecteur assidu de “Don Quichotte” de Miguel de Cervantès (1547-1616). Il s’attribue lui-même cette manie démentielle dans: “Alban Hondedieu, écrivain intermittent, se plaisait à vérifier sur pièces la vanité de l’Histoire (…). Il repose le porte-plume réservoir et alla se coucher. Comme le sommeil tardait encore à venir, il lut un chapitre de «Don Quichotte». Le lecteur aura deviné que c’était son livre de chevet.” (pp.10,71). Il confectionne alors les stigmates d’une malédicton séculaire de la mère héroïne-objet révolutionnaire macabre mouvant ses fils vers une démocratie libérale (un communisme dans un cadre libéral) donquichottesque, à travers notamment:
       Le nom de famille simulacre d’une croix de croisé:
            + “En fait, Alban avait souvent réfléchi à son nom et s’était fabriqué une origine à la fois modeste et orgueilleuse. Modeste parce qu’on sortait du rang. Orgueilleuse parce qu’il s’agissait des croisades où son ancêtre, pensait-il, avait vaillamment servi les comtes de Toulouse, rois de Jérusalem (…). Hondedieu n’était que la déformation, dans le style scrogneugneu, de l’admirable commandement: «Au nom de Dieu, en avant!» Hondedieu était devenu un surnom, puis quand il prit la retraite à Perdigou, sur des terres concédées par le comte, la joue fendue d’un terrible coup de cimeterre, ce fut son nom.
            Un nom qu’Alban portait comme une croix, car, en pension, et même à la guerre, ce nom faisait rire. Mais cette croix, il se l’était mise sur la poitrine. Il s’en était fait une croix de croisé.” (pp.15-16).
        Le bijou maternel cathare avec la croix des comtes de Toulouse:
            + “Un regard suffit. C’était un bijou de famille, d’allure un peu cathare. La colombe symbolique, en or blanc avec deux brillants en guise d’yeux, déployait ses ailes sur une roue de rubis sertis dans l’or brun, le tout, de la grandeur d’un écu, suspendu à une chaîne à lourdes mailles. Sa mère  [Alban], née Céleste Miranda, l’avait accroché elle-même autour du cou d’Antonin [son petit fils], le jour où il était parti en pension à Sorèze. L’enfant n’avait jamais quitté son sautoir, même pour nager, et la colombe l’avait accompagné sur le front russe [où il fut tué] (…).
            Il [Alban] eut un sourire un peu crispé:
             - Cela fait un peu trop «croix de ma mère», vous ne trouvez pas?” (p.29).
        De la sorte, la phase pré-révolutionnaire de l’itiénaire  de la mère héroïne-objet mouvant ses fils vers une démocratie libérale utopique résiderait dans un hérédité funeste, léguée tragiquement à sa descendance. De là, la phase d’initiation révolutionnaire de son itinéraire.
         b- La phase d’initiation révolutionnaire de l’itinéraire de la mère héroïne-objet mouvant ses fils vers une démocratie totalitaire chez G. Bonheur:
          En effet, B. Dort reconnaît avec B. Brecht un lien de réconciliation révolutionnaire possible entre l’Histoire et l’Utopie: “S’il [Brecht] nous montre le passé et le «monde tel qu’il va», ce n’est plus pour que nous les refusions en bloc, mais afin que nous les comprenions. Leurs contradictions objectives ne renvoient plus seulement à notre aliénation subjective: elles sont sources de transformations [révolutions]. Rien n’existe en soi; l’Histoire ne se fige jamais en Terreur. Le monde est ouvert. Entre l’Histoire et l’Utopie, un mouvement incessant s’organise, une réconciliation s’esquisse.” – Op.cit., p.172. Ainsi, la phase d’initiation révolutionnaire de l’itinéraire de la mère héroïne-objet mouvant ses fils vers une démocratie libérale chevaleresque chez G. Bonheur s’inscrit dans une terreur séculaire de morts violentes et d’oppressions frappant sans cesse les parents  de cette dernière, faisant de ses fils des révolutionnaires en puissance et des terroristes invétérés. On le voit dans:
               La mort dans un accident d’avion, de moto et par noyade de ses quatre neuveux:
             + “Au bout du labyrinthe, sur un tertre dominé par la cricifixion, se tenaient les morts, représentés debout. Les quatre frères de Montrastruc entouraient leur mère, née Héloïse Miranda [soeur de Céleste, la mère d’Alban].  Une assemblée de fantômes blafards (…). Les quatre frères avaient péri d’accident en pleine jeunesse, en pleine beauté. Jean, que le sculpteur avait représenté en casque d’aviateur, une hélice cassée à ses pieds, s’était écrasé avec son biplan dans un champ proche de la rivière. Jacques, lunettes de pierre autour du cou, avait raté un virage, avec son énorme moto américaine et s’était fracassé contre un platane à moins d’un kilomètre d’ici. Pierre et Paul, statufiés ensemble (…), s’étaient noyés dans le canal du Midi, l’un en portant le secours à l’autre. La mère, le sculpteur l’avait drapée comme la fatalité elle-même. Elle n’avaient pas voulu survivre à ses fils.” (pp.57-58).
       Le suicide de la soeur de la  mère et la mort en duel de son beau-frère:
               + “Sa foi [Héloïse] lui interdisant le suicide, elle avait cherché désespérément l’accident (…).
               Elle eut la chance de tomber un jour dans l’escalier et de se faire une petite plaie au genou.Elle n’en parla à personne et supporta le mal enveniméqui la gagnait, jusqu’à mériter de mourir de la gangrène (…). Héloïse Miranda, la tante d’Alban, célèbre pour sa beauté brune, avait épousé, à l’aube du siècle, un hussard (…). Le général avait été tué au pistolet, dans un verger sous les remparts de Carcassonne, par un violoniste allemand qui charmait les soirées de sa jeune épouse avec des airs portants sur les nerfs.” (p.58).
        La mort dans une crue de ses cousins germains San Blanca:
            + “Le général Montrastruc [beau-frère de la mère] avait une soeur, Herminie, qui avait épousé un San Blanca. Leur fils Baptiste San Blanca, un cousin germain des quatre morts, un cousin par alliance d’Alban (ils étaient ensemble à Sorèze), survivait à une autre tragédie (…). La crue subite d’un affluent d’Aude gonflé par toutes les pluies de Montagne Noire avait emporté corps et bien la berline B14 où avaient pris place son épouse, son fils, sa bru et ses deux fils. La dernière-née, un bébé, Aurore, devait à une coqueluche qu’on l’ait laissée à la maison, avec son grand- père.” (pp.59-60).
         La mort dans un accident ferroviaire des parents de Paule, la protégée de son fils aîné:
                 + “Les parents de Paule avaient trouvé la mort dans un horrible accident de chemin de fer comme il s’en produisaient en ce temps-là, aux portes de Toulouse, et l’orpheline avait été élevée par sa grand-mère veuve qui faisait quelques journées à la vigne pour les Hondedieu. Elle avait grandi dans l’amitié du village, puis dans l’amour de Roland [frère d’Alban]” (p.198).
           La mort par la grippe espagnole de Clémentine Sarrazin la femme  d’Alban:
                  + “De vieux souvenirs, comme des bouffées de clairon, traversèrent la mémoire d’Alban; son biplan à cocardes sur l’herbe givrée de Francazal, les dizaines de corbillards à la queue leu leu de la grippe espagnole, une jeune morte dont il était veuf, et ce bébé baptisé Antonin que sa naissance aux portes du cimetière vouait à la tragédie [tué au front russe en 1944].” (158).
             Cette phase pré-révolutionnaire a conduit, semble-t-il, sous le signe d’une malédiction macabre de la mère héroïne-objet mouvant ses fils vers une démocratie libérale hétérodoxe, à une prise de conscience a-historique de ces derniers de leur destin révolutionnaire tragique, tel que le devine Julien le manant d’Alban quand il l’entendait dire:
             + “- …Ça [les fusils] nous fait un alibi. On est censé aller voir s’il y a de la palombe [colombe ou bijou de la mère] à Mijane (…).
              Julien renfonça un peu plus sa tête ronde et rase (…). Il jouait le jeu [donquichottesque] sans récriminer. Cela faisait partie de leur fraternelle entente. Tous les Hondedieu, on le sait, poursuivent depuis des siècles un obscur combat. De défaite en défaite [les morts], ils font durer le rêve d’une liberté perdue. Mais ce rêve, c’est justement la liberté  [une démocratie libérale excentrique].” (p.54). En ressort donc la phase révolutionnaire de la mère héroïne-objet chez G. Bonheur.
        c- La phase révolutionnaire de l’itinéraire de la mère héroïne-objet mouvant ses fils vers une démocratie libérale chez G. Bonheur:
         En effet, Gorges Lukacs, arguait contre l’héroïsme belliqueux de la social-démocratie en 1914: “Ma plus intime position était un refus véhément , global et, surtout au début, peu articulé de la guerre, mais plus encore de l’enthousiasme belliqueux.” – “La théorie du roman”, Poitiers, 1963, p. 5. La phase révolutionnaire de l’itinéraire de la mère héroïne-objet mouvant ses fils vers une démocratie libérale utopique chez G. Bonheur ne diffère en rien de l’idéal belliqueux de cette social- démocratie militariste par essence. L’accablement séculaire de la race de la mère par un destin lié à ses fétiches fait de ses fils les croisés farfelus d’une république fantoche et d’une pseudo démocratie libérale terroriste . Ayant appris par une lettre qu’il n’avait d’héritier de son fils Antonin, tué au front, Alban dit à sa soeur Berengère:
             “- A ranger, avec les souvenirs d’Antonin. Il n’y aura pas de suite [des fils maudits].
             Ils restèrent un long moment silencieux. Tout se passait comme si la première intervention du notaire de Figueras avait déclenché une espèce de machine infernale, comme si l’étrange bijou des Miranda revenu dans une boîte de bristol blanc était doué d’un pouvoir [une fatalité], comme si cette roue de rubis, supportant une colombe écartelée, s’était mise à tourner.  Si bien que pour le frère et la soeur, même les dix-sept attentats [de l’OAS] qui venaient de bouleverser Paris appartenaient au roman-feuilleton qu’Alban avait intitulé, une fois, dans son oeuvre, comme pour en souligner le mauvais goût, «la croix de ma mère».” (pp.232-233). C’est alors qu’Alban comme par magie se lance dans une action terroriste pour la fondation d’une  République Populaire Romane fantoche, une démocratie libérale utopique. Il y est question de:
         La république terroriste fantoche de l’O.A.S. contre l’indépendance de l’Algérie et  la France libérale:
               + “Le lendemain matin, en écoutant la radio, Bérengère eut le sentiment qu’on lui donnait des nouvelles de ses frères [Alban et Roland]. Une bombe avait explosé dans la nuit à Fanjeaux, non loin de l’église-forteresse, et la maison des dominicains, dont les jardins s’étagent sur la pente, avaient subi de sérieux dégâts. L’attentat n’était pas signé mais, à l’évidence, il s’agissait de l’O.A.S. qui manifestait ainsi sa vaindicte contre l’attitude trop libérale des dominicains en faveur de l’indépendance algérienne.” (pp.205-206).
       L’autodestruction d’une révoltion terroriste donquichottesque:
               + “Alban s’était agenouillé dans l’épaisseur des feuilles mortes. Ici [Mijane] tout lui disait que sa folie [république fantoche] était d’avance condamnée. Mais tout lui disait aussi que le temps était proche où il faudrait faudrait savoir mourir comme on fait dans cette race des Miranda à laquelle il appartenait par sa mère.
             Il revint de Mijane avec une âme sereine, le ceur assombri, l’esprit lumineux. «Satanaël» [Satan], répéta-t-il, et il pensa à son cher Don Quichotte s’élançant contre les géants obscurs.” (p.239).
       Le drapeau amalgame de l’Etat fantoche et son incinération :
                 + “Sur l’autre [tourelle] flottait un immense drapeau rouge marqué de la croix de Toulouse [le bijou de la mère]. Le lieu était sûr, car on ne pouvait y accéder que par une voie privée taillée dans les rochers et gradée par les miliciens de Pons [le colonel], les rudes hommes de la Wilaya II [Algérie-Occianie]qui avaient ajouté à l’écusson, embrassant la croix de Toulouse, une faucille et un marteau [emblème de la république fantoche d’Alban].” (p.261).
                   + “La nuit tombe plus vite en septembre. Personne ne pourra voir que nous amenons le drapeau qui a flotté tout un mois sur le château des Trencavel. Sur le petit pont qui précède l’entrée, on a amené un brasero plein de charbons rouges, et c’est moi [Alban] qui après avoir replié l’étoffe et l’avoir baisée la jette dans la bouche ardente . ” (p.292).
          La fin tragique  d’Alban Hondedieu, alias Amédée Pimperdut, président d’une république fantoche, dans une fusillade terroriste, à Paris:
              + “Les barbouzes en s’enfuyant, tiraient quelques rafales de retardement. C’est alors qu’Alban fut littéralement fauché à mi hauteur et tomba comme une masse dans le caniveau, en lâchant son fusil qui rebondissait sur les pavés. Il eut la force de basculer un peu pour se retrouver sur le dos, les yeux regardant le ciel (…). Des jeunes filles accoupies entouraient le blessé et essayaient de soulever sa tête. Le docteur Balthazar, qui habitait à quelques maisons de là, avait entendu l’échange de mitraille et accourait avec sa rousse (…). Et en s’agenouillant, il reconnut tout de suite Alban (…).
             - Ecartez-vous! cria-t-il. C’est le Président Pimperdut! Qu’on appelle une ambulance. Courez à la clinique Saint-Michel. C’est une extrême urgence.” (pp.305-306).
      Ainsi, se clôt la phase révolutionnaire de l’itinéraire de la mère héroïne-objet mouvant ses fils vers une démocratie libérale donquichottesque chez G. Bonheur, ayant pour fond le terrorisme de l’O.A.S.  en Algérie et France (1960-1962).
       En définitive, que ce soit la mère héroïne-sujet mue par ses fils vers une démocratie totalitaire ou libérale (chez M. Gorki et D. Chraïbi), ou bien la mère héroïne-objet mouvant ses fils vers une démocratie totalitaire ou  libérale (ou pseudo libérale), tant réaliste que semi-réaliste, voire donquichottesque (chez P. Buck et G. Bonheur), le roman mondial semble démontrer l’impact de la mère (en tant que femme) sur la marche politique du monde en tentant d’inverser - même parodiquement - la morale classique concernant le rôle traditionnel qui lui est dévolu dans la société. “La morale classique (…), dénonce  J. Cazeneuve, lui [la femme]donne le noble rôle d’être épouse et mère de famille. Mais dans cette fonction subalterne, c’est peut-être de son salut qu’il s’agit, non point de son bonheur individuel. Ou plus exactement, l’idéal du bonheur dans la famille patriarcale est défini selon des normes qui sont extérieures à la féminité. Ce qui s’impose alors, c’est l’ensemble du couple et des enfants considéré comme un tout et dominé par l’autorité du mari.” – “Bonheur et civilisation”, Op.cit., p.104-105. En d’autres termes, il s’agit ici d’un nouveau rôle de la mère démocratique révolutionnaire, issu du roman mondial, même parfois ironique, à méditer.

                                                    Dr. SOSSE ALAOUI MOHAMMED


       
              

      
         

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