jueves, 6 de septiembre de 2012

La marocanité de Ceuta et Mellila dans la poésie marocaine


LA MAROCANITÉ DE CEUTA ET MELLILA ET DES ÎLES

ZAFFARINES DANS LA POÉSIE MAROCAINE

ARABOPHONE ET FRANCOPHONE

    
     En tant que porte-parole populaire de la lutte nationaliste du Maroc, pour la décolonisation de toutes les parties usurpées de son territoire national, la poésie marocaine arabophone et francophone n’a pas cessé, jusqu’à ce jour, de revendiquer la marocanité et la décolonisation des enclaves de Ceuta, Mellila et des îles Zaffarinées spoliées  encore par l’Espagne post-féodale et poro-franquiste, à la suite du Protectorat tripartite franco-espagnol et international imposé au Maroc, entre 1912 et 1956. Or, tel que l’affirme Tzvetan Todorov la poésie nationaliste exerce un effet mobilisateur certain sur son public d’élection: “La poésie nationaliste de combat partage avec les autres arts [populaires] la représentation, l’expression, l’action sur le récepteur.” – “La notion de littérature et autres essais”, Paris, Ed. du Seuil, 1987, p.30. Paradoxalement, le retard injustifié de la décolonisation des enclaves  du Nord du Maroc, met en cause l’Espagne coloniale post-féodale et post-franquiste faisant fi encore de la marocanité de ces territoires, malgré les luttes séculaires et les revendications marocaines ininterrompues, ainsi que les décisions réitérés de l’ONU, les traités et accords passés avec le Maroc jusqu’en 2007 – Mohamed El Alami, “Allal El Fassi, Patriarche du nationalisme marocain”, Casablanca, 1975, pp.233-234 et “Sabtatu  wa Malîliatu wa al juzur” de Hussaïn al Majdûbî, Tanger, Ed. Chirâa, 1999, p.23. En est la preuve flagrante la visite officielle de parade, vivement contestée par le Maroc, du roi d’Espagne Juan Carlos I, du 5-6 novembre 2007, à  Ceuta et Mellila, visant à exhumer l’âge féodal de la Reconquista et des croisades coloniales anti-marocaines des rois catholiques hispano-portugais, initiées par la papauté fanatique et belliqueuse, en 1492.
        C’est ainsi que la poésie marocaine tant arabophone que francophone  proclame la marocanité des presides (ou prisons de criminels espagnols déportés) de Ceuta, Mellila et des îles Zaffarines du Rif, encore occupés par l’Espagne coloniale post-féodale et pro-franquiste invétérée, au nom de la nation marocaine toute entière. “La compréhension du poème [de la poésie de combat], suggère Frantz Fanon, n’est pas seulement une démarche  intellectuelle, mais une démarche politique. Comprendre ce poème [v. cette poésie marocaine de combat] c’est comprendre le rôle qu’on a à jouer, identifier sa démarche, fourbir ses armes [ses moyens de lutte anti-coloniale]. Il n’y a pas un colonisé [au monde] qui ne reçoive le message contenu dans ce poème [cette poésie de combat].” – “Les damnés de la terre”, Paris, Ed. Payot, 1968, p.162. Aussi verra-t-on successivement: I) La marocanité de Ceuta, Mellila et les îles Zaffarines dans la poésie marocaine arabophone (1959-2007), II) La marocanité de Ceuta, Mellila et les îles Zaffarines dans la poésie marocaine francophone (1969-2007).
       I- La marocanité de Ceuta, Mellila et les îles Zaffarines dans la poésie marocaine arabophone (1959-2007):
       Compte tenu de la position récalicitante de l’Espagne coloniale post-féodale et post-franquiste, affectant sourdemrnt d’ignorer les luttes et revendications marocaines réitérées ainsi que les décisions de l’ONU, depuis 1960, pour la décolonisation des territoires encore sous sa puissance administrante au Maroc: le Sahara (au Sud) et les enclaves de Ceuta, Mellila et des îles du Rif (au Nord) du Maroc, S.M. Hassan II souhaita vainement, en 1976, une reconnaissance raisonnable par celle-ci de la marocanité des enclaves marocaines du  Nord, de façon similaire à celle qu’elle fît à propos du Sahara, en 1975, au Sud du Maroc. “Je conjurai la vieille [la post-féodale]et la jeune [la post-franquiste] Espagne, note-t-il, de s’en remettre à l’arbitrage juridique impartial qui ne laisse aucune rancoeur [post-Reconquista et post-franquiste], car il est rendu au nom du Droit (…). Je suis heureux, que le bon droit ait finalement et pacifiquement prévalu en ce qui concerne notre Sahara [en 1975]. J’ai bonne espérance qu’un jour [proche] on reconnaîtra de même que Sebta, Mellila, les îles du Rif sont territoires marocains. Bien loin de menacer, c’est au bon sens et à la raison, à l’amitié aussi, que nous ne cesserons de faire appel.” – “Le défi”, Paris, Albin Michel, 1976, p.88.
       Mais, c’est à contre-courant et à coup de mystifications démagogiques, d’allégations pseudo-géo-historiques dénigratives qu’une partie de la presse, des universitaires, des juristes et des dirigeants espagnols pro-franquistes, nostagiques d’un passé féodal et colonial révolu rejettent à tort la  décolonisation des territoires occupés du Rif marocain. L’étude du GEES (Groupe espagnol d’études stratégiques), parue en 2007, en est la parfaite illustration. “«L’étude », remarque Abdellatif Mansour, porte la griffe de Carlos Ruiz Miguel, professeur de droit à l’université de Saint Jacques de Compostelle. Les commandiaires [notamment algériens] et les auteurs de ce texte [injureux] n’auraient pas mieux choisi que la capitale de la Galicie, haut lieu de la mythologie chrétienne où la dépouille de Jacques le Majeur [mort à Jérusalem vers 42 apr.-JC], fut miraculeusement déposée [1492] pour commettre [accomplir] un parchemin aux relents de Reconquista qui lorgne sur les rives du Sahara marocain [par Polisaro interposé] pour faire jonction avec les Iles Canaries (…). Il [C.-R. Miguel] rappelle lui-même [dans ce rapport]; et il signe: «L’indépendance du Sahara [selon une visée séparatiste hispano-algérienne] aura pour conséquence l’abandon par le Maroc de ses revendications sur Sebta et Mellila [le mythe féodalo-franquiste, carte sur table].».” – “Le Sahara, entre Alger et Madrid”, www.hebdo.press.ma, pp.1,4. Or, la poésie marocaine arabophone articule parfois la marocanité de Ceuta, Mellila et des îles Zaffarines autour du Sahara marocain, rérocédée pacifiquement au Maroc par l’Espagne post-franquiste, en 1975. D’où d’un côté la marocanité de Ceuta chez certains poètes marocains arabophones, cités ci-dessous.
        I.1- La marocanité de Ceuta dans la poésie marocaine arabophone (1959-2007):
         En effet, la fonction de la poésie marocaine arabophone comme moyen  de propagande anti-coloniale remonte, selon Abdellatif Laâbi, à l’époque anté-islamique. “Il est bon d’ailleurs, assure-t-il, de rappeler que la poésie a toujours eu, dans le monde arabe, une fonction particulière. «Le poète [de combat] reconnaissait un spécialiste colonial de la littérature populaire marocaine, est un redoutable agent de propagande.» Aussi, les services de renseignements coloniaux [franco-espagnols et internationaux: 1912-1956] l’ont-ils écoutée pour prendre la température de la colère populaire [marocaine contre leur diktat] et tenter de déchiffrer les mots d’ordre mobilisateurs (…). Le poète est redevenu le porte-parole [anti-colonial] de son peuple [sa marocanité]. A l’instar de ces poètesses arabes d’avant l’Islam, il se doit d’être aux premières lignes, hurlant à la face de l’ennemi le poème-cri de guerre [pour une totale décolonisation du territoire national marocain].” – “La poésie palestinienne de combat”, Honfleur, Ed. PJO, 1970, p.28. En émanent les poèmes-cris revendicatifs de la marocanité de Ceuta, chez:
        a- Allal El Fassi (1910-1974)  tels que:
         -“Dhikrâ mawqi‘ati wâdî al makhâzini, aw ghazwatu al mulûki ath-Thalâth ” (La Commémoration de la Bataille des trois Rois, ou l’Incursion des des Trois Rois - 1959). C’est la bataille qui mit fin à l’occupation du Maroc par les Portugais (1574-1578). “Déjà de 1434 à 1464, rapelle M. El Alami, de nombreux événements  eurent lieu annonçant la prochaine prise par les Chrétiens des derniers bastions arabes en Andalousie [la Reconquista - 1492]. Au Maroc, les Mérinides, successeurs des Almohades, étaient devenus la nouvelle proie [des croisades papales] des Portugais. L’empire fut divisé en trois principautés indépendantes de Fèz, Marrakech et Sijilmassa. Les Portugais, maîtres de Ceuta [1415], entreprirent une croisade contre Tanger [1471]. Les trois sultanats proclamèrent la guerre sainte aux Portugais et leur infligèrent un désastre [mort de leur roi don Sébastien - 1578]. L’infant don Ferdinand fut laissé en otage (1437). En 1458, les Portugais s’emparèrent d’El Ksar Séghir. Le roi Alphonse-V du Portugal s’y rendit en 1464 et se porta contre Tanger sans succès.” – Op.cit., p.16. Le poème consacre la victoire marocaine des Trois Rois et prône le parachèvement de l’intégrité territoriale au Sahara, Ceuta, Mellila et les îles du Rif, encore spoliées par l’Espagne post-féodale et pro-franquiste au Nord et au Sud du Maroc indépendant, depuis 1956:
       + “Grâce à vous héros de «Oued El Makhazine»/ Se répercute parmi nous aujourd’hui la voix des minarets (…)//  Ils [les Portugais] marchèrent de Ceuta notre terre/ Sur notre terre la marche d’un puissant querelleur// Ils nous prirent «Larache» de vive force/ Aidés par tout niais pacifiste (…)//  Le vent de la victoire souffla vers la voie du salut/ Et terrassa Sébastien parmi ses moulins à vent (…)//  Ne pensez-vous pas que le Sahara vous reviendrait/ Même si vous la défendiez d’armes  transperçantes// Le Sahara est notre terre et notre demeure/ Et ses fils sont nos frères et nos compatriotes.” – “Dîwân Allâl Al Fâsî, 4” (Le recueil 4 d’Allal El Fassi), Rabat, Ed.Arissala, 1989, pp.175-179.
        Puis, le poète A. El Fassi s’adresse au souverain du Maroc pour demander au nom l’unanimité du peuple marocain la libération de Ceuta et Mellila encore sous le joug colonial espagnol, dans:
        - “Dhikrâ mawlid an-Nâbî al karîm” (La Commémoration de l’anniversaire du Prophète vertueux - 1961). Le poète y  considère comme un affront national le maintien des enclaves de Ceuta au Nord du Maroc, sous la domination anachronique espanole, à l’ère de la décolonisation généralisée préconnisée par l’ONU, en entonnant:
       + “Ô, souverain qui héritiez la sagesse et la bravoure/ Et enrichissiez la vie de vertu (…)// L’intégrité territoriale ne cesse de vous solliciter/ Conduisez-nous à elle, nous en serions la rançon (…)//  Restituez au pays Ceuta et Mellila/ C’est un affront leur maintien dans l’affliction.” – Op.cit., p.232.
       Il en vient à revendiquer la libération des frontères grignotées à l’Est par l’Armée française en Algérie, avant 1962, du Sahara marocain au Sud (récupéré pacifiquement par la Marche Verte, en 1975), des villes de Ceuta, Mellila et des îles méditerranéennes marocaines spoliées par l’Espagne post-féodale et pro-franquiste au Nord du Maroc, en dépit du traité de l’indépendance du 7 avril 1956. Dans “Le défi”, S.M. Hassan II indique en ce sujet: “D’avril 1958 à mai 1960, il [S.M. Mohamed V] dut surmonter les difficultés les plus diverses. Les premières furent d’odre territorial et intéressent d’abord les invasions dont les troupes françaises s’étaient rendues et se rendaient coupables à l’est et au sud.  Notre frontière avait reculé jusqu’aux remparts d’Ich et de Figuig et des villages comme Marguella, Hassi Beïda, Hassi Zarzour, étaient menacés d’occupation. L’entrée en dissidence de l’armée française d’Algérie [l’OAS] ne devait rien simplifier.
       “Le 10 avril 1958, mon père annonça que le gouvernement espagnol nous avait restitué la province de Tarfaya (Cap July). Il ignorait que nos troupes de reconnaissance envoyées pour prendre possession du territoire se trouvaient bloquées par les Espagnols et que leurs lignes de communication étaient coupées.
       “Je ressentais une émotion d’autant plus vive que cette région de Tarfaya est avec le Sahara voisin le berceau des Lemtouna [les Almoravides marocains], les hommes qui portent le litam (le voile).” – Op.cit., p.71. De la même façon A. El Fassai réitère dans:
       - “Rithâa al Malik Mohammadi ql Khâmis” (Oraison funèbre du roi Mohamed V - 1961) . Là, le poète interpelle le défunt roi et son successeur au sujet de l’intégrité territoriale encore sous le joug colonial rétrograde espagnol.
      + “Ô, Hassan descendant de Mohamed, nous suffisent/ En lui cette doublé de prodige et de titre de noblesse// Nous le prîmes à notre satisfaction pour roi et pour guide/ Et lui prêtames l’allégeance de Ridwân due au Prophète (…)// Pour récupérer les frontières [orientales]et défendre sur quoi l’ennemi [espagnol] a encore main basse/ Le Sahara [marocain] et les villes [de Ceuta et Mellila] l’appellent pour les délivrer de l’agression.” – Op.cit., p.287.
      Lui font écho dans l’affirmation de la marocanité, outre du Sahara, de Ceuta, Mellila et des îles Zaffarines, les poètes marocains arabophones (1972-1987), tels que:
       b- Ahmed Tribak  (né en 1945), dans:
        - “Sabtatu al qarâsinah” (Ceuta la cité des corsaires - 1972). Dans ce texte, le poète évoque l’étymologie mythique du nom de la ville marocaine de Ceuta spoliée: Ceuta/ Ceit (petit fils de Noé) / Sabt/ Samedi, son allégorie de captive de guerre colonialiste et des croisades des rois catholiques hispano-portugais, dans l’attente sa délivrance, pleurée par la bourgade voisine de Benyounech, de la ville de Tétouan et son “Riâd al Ochâq” (ou Jardin des amants), métropole du Nord du Maroc méditerranéen. “Les chercheurs qui tentèrent de décrire l’ancienne  médina [de Ceuta], dit Alejandro Correa da Franca, avaient divergé sur son antiquité [mythico-biblico-coranique]. Il y eut parmi eux qui affirmaient – en s’appuyant sur Abî al Abbâs [un auteur musulman originaire de Ceuta - XVe siècle] – qu’elle fut fondée par l’un des fils de Noé, 230 ans avant le grand Déluge. D’autres disaient qu’elle fut fondée par «Exila», petit fils de Noé. La ville portait son nom en son temps. D’autres disaient qu’elle fut fondée par (Ceit), l’un des petits fils de Noé, et c’est lui qui donna son nom à la ville.” – Henrique Gozalbes Cravioto, “Notas para la historia de los Judios en Ceuta (siglos XI-XVI)”,  arabisées par Mohamed Cherif, in “Mulâhadâtun hawla târîkh al yahûd fî sabtah,” Rabat, Ed. Dar abi Raqraq, 2007, p.32. Le poète en exalte la  marocanié dans ces vers:
         + “Je dis ce qu’on dit de la nue des ténèbres [v. l’habit noir porté au Maroc en signe de  deuil,  depuis la chute de Ceuta aux mains des croisés]:/ Et voici la captive aux  racines emprisonnées par la guerre [des croisades coloniales anti-marocaines des rois catholiques hispano-portugais],// Sortant de son sommeil, oubliée de la fête du carnaval [commémorant le Ve centenaire d’occupation des presides marocains, par l’Espagne post-féodale et post-franquiste, en 1997]/ Le jour du samedi [nom de Ceuta] (…).// Se dissipe la nue du plumage,/ D’une colombe (…),// Volant de la blancheur du Rif [Ceuta soeur de Tétouan, la Colombe blanche du Rif], se précipitant,/ Semant le roucoulement, dans les montagnes du «Haouz-Benyounech» [la colonne d’Hercule-Moussa, dominant Ceuta],// Pleurant les jeunes filles captives de la guerre  du Feddan [de Tétouan: 1859-1860]./ Qui effraya les colombes [la gardiennes de la paix]?// L’amour et la mélodie, comme des rameaux,/ Fondent [sous les canonnades espagnoles] à l’ombre des grands arbres, à Tétouan//  Au Jardin des Amants [les deux rives de Gibraltar]??? ” – “Al Andalusu wa al asîratâni fî al Ibdâî al maghribî”, (L’Andalousie et les deux captives dans la créativité marocaine), Anthologie poétique arabophone, présentée par Abdellah Jbilou et préfacée par Dr. Mohamed Al Kettani, Tanger, Ed. Fanar, 1988, pp.136-137.
      c- Mohamed Mounib Al Bourimi (né en 1945), dans:
      - “Fî ‘uyûni Sabtata al hazînah” (Dans les yeux Ceuta affligée - 1974). Le poète y fustige la vie obscurcie de la cité de Ceuta, sous le colonialisme post-féodale et pro-franquiste, quadrillée de soldats armés et se policiers hargneux et insultants à la gloire de Madrid, nostalgique de la Reconquista et des croisades des rois catholiques hispano-portugais (1492-2007).Il promet d’y revenir en reconnaissance de sa marocanité, pour pavoiser des couleurs nationales marocaines ses minarets encore affligés sous l’occuption étrangère. “L’homme colonisé [v.le poète marocain], préconise  F. Fanon, qui écrit pour son peuple quand il utilise le passé doit le faire dans l’intention d’ouvrir l’avenir, d’inviter à l’action, de fonder l’espoir [de la décolonisation des enclaves marocaines spoliées]. Mais pour assurer l’espoir, pour lui donner densité, il faut participer à l’action, s’engager corps et  âme dans le combat nationale [en rappelant ses droits territoriaux légitimes et inaliénables].” – Op.cit., p.162. Ainsi dénonce le poète:
        + “Mes yeux scrutent les frontières de la ville/ Je tente d’esclader les murailles de Ceuta de// Me faufiler à travers les ombres des rues anciennes de/ Me retrouver sur les balcons des maisons affligées [par les croisades coloniales des rois catholiques hispano-portugais]!// J’en viens à la captive [Ceuta] j’y pénètre/ Je l’essuie de son sang (…)// «Madrid» [la métropole coloniale post-franquiste] te crache à la figure …/ «La police hargneuse» [raciste et xénophobe] (…)// Je reviendrai à elle [Ceuta]… je reviendrai…/ Avec entre les mains de l’embrasement [l’amour patriotique] de mon envie/  Des jardins de fleurs… ayant crû…/ s’étant suspendues aux balcons des minarets [de Ceuta libérée]// De Ceuta  affligée [aujourd’hui encore spoliée].” – A. Jbilou, Op.cit., pp.131-133.
       d- Ahmed Benmaïmoun (né en 1949), dans:
        - “Bukaâu al mudun” (Les pleurs des villes - 1977). Ce poème exalte l’amour patriotique du poète pour Ceuta qu’il pleure en dénonçant ses spoliateurs croiséd hispano-portugais et le sang des martyrs versé dans ses rues anciennes qu’il considère à la lumière du cycle des saisons, qui après l’automne et l’hiver de l’occupation coloniale, reverdira le printemps de la libération et vaincra l’ennemi qui étend (l’Espagne colonialiste post-franquiste), armé jusqu’aux dents de fusils et de viol ses doigts criminels à la porte sur les côte nord de la patrie marocaine (sur Ceuta, Mellila et les îles Zaffarines). Et comme disait le poète [patriote] chinois Miu Han (né en 1923): “Mon processus de création [poétique] est celui de la méditation de la vie et du combat.” – “Quelques idées et souvenirs sur la vie et la poésie”, “Littérature chinoise”, Trim.1, 1988, Pékin, Ed.RPC, p.39. Alors, retentit cette interpellation combative de Ceuta par le poète:
      + “Tes yeux Ceuta sont dans mes bras/ Une rose dans les miroirs de l’enfance// Une larme sur les paupières qui y dessécha la verdure de l’âge./ La rougeur de mon sang [du martyr de la marocanité de la ville] fut une verdure qui paraît hors de l’oeil [du colonisateur hispano-portugais] (…)// C’est le fusil qui verdit entre les doigts olivier / Planent à l’horizon de Ceuta des colombes [la lutte libératrice de Ceuta source de paix future maroco-espagnole] (…)// A l’ouïe de ma mémoire tempête maintenant une chanson étrangère/ Et ses cabarets tempêtent de mongols [les croisés fanatiques et les colons hispano-portugais aux moeurs inciviles] et mes envies l’emportent (…)// Et je vaincrai en elle [pour Ceuta] celui qui s’étend à la porte de la patrie/ Armant jusqu’aux dents de fusils et de viol ses doigts criminels [les soldats colonanialistes espagnols criminels de guerre].” – A. Jbilou, Op.cit., pp.140-141.
       e- Ali Skalli (né en 1932), dans:
       - “Sabtah…!” (Ceuta…! – 1982 ). Ici, le poète, incarnant une sorte de Tarik ibn Ziad [Chef marocain ayant quitté Ceuta avec ses navires pour les brûler et pousser ses soldats à conquérir l’Andalousie, en 711] sans navires, brosse le portrait mythique de la ville  de Ceuta, en passant en revue les hauts faits historiques dont celle-ci  fut le théâtre et les personnages marocains légendaires qui y virent le jour ou vécurent (Tarik Ibn Ziad, Atlas, cadi Ayyad, Ceit, petit fils de Noé, son fondateur mythique), tout en revendiquant sa marocanité et rétrocession à la mère patrie marocaine. “Par ailleurs, souligne un article de l’Opinion, il faut rappeler que les causes qui étaient à l’origine de cette occupation [de Ceuta, etc.] s’inscrivaient dans cette idéologie des Croisades: la lutte entre pays de l’Islam et pays de la chrétienneté. Espionner les pays musulmans et prévenir les attaques corsaires [maghrébines], c’était le rôle assigné à ces colonies [v.presides]qui servaient de concentration des armées et de lieux d’incarcération des criminels les plus dangereux. Cet esprit des Croisades n’a plus aucun fondement dans les relations internationales [maroco-espagnoles] du XXIe siècle. En 1991, le Maroc et l’Espagne avaient bien signé un traité d’amitié et de bon voisinage.” -  Le Maroc «espagnol», www.lopinion.ma, p.1. C’est ce que dépeint le poète comme survivances de cette ère de la Reconquista fanatique et de croisades  coloniales anti-marocaines des rois catholiques et du franquisme révolus, en ces strophes:
      + “Je [Ceuta]suis la fille du Maroc [j’affirme ma marocanité]  / Et par moi [Ceuta] il [le Maroc] eut sa gloire [son rayonnement arabo-musulman méditerranéen]// Et sur les épaules de mes lions [héros mythiques]/ Il porta la charge… et marcha [comme Atlas]// Et par leurs mains il prévint tant de croix [les croisades coloniales hispano-portugais, etc.] faisant incursion/ Ainsi jamais n’acclama la gloire de devise égal à mon nom [Ceit/ Sabta/ Ceuta] (…)// Ô, notre demeure Ceuta, faites-nous oublier par ton souvenir les demeures (…)/ Que d’«Ayyâd» [savant musulman originaire de Ceuta, du XIIe s.] et de «Siqillî» [Jawhar Sakilli, originaire de Sicile, général musulman fatimide du Xe s.] exalté que nul n’égalât// Que ce soit la bataille du droit/ Qu’on prenne en considération!// D’où nous ne reviendrons jamais/ Ou que le jour se lève sur une victoire [la décolonisation de Ceuta et ses consoeurs]!// ”- A. Jbilou, Op.cit., pp.125-126.
         f- Mohamed El Haloui (1922-2005), dans:
       - “Al asîratâni” (Les deux captives - 1984). Là, le poète se voit en  sit in séculaire devant la porte et les murailles de Ceuta (et Mellila), configurant chacune une belle captive, enchaînée par le colonialisme archaïque des rois catholiques hispano-portugais, pullulante de hauts faits almoravides  dont elle fut jadis témoin, sous Youssef Ibn Tachfine (1055-1145), contrastant avec l’état de dépravation inhumaine auquel est réduite la population marocaine  colonisée  sous l’occupation. Il en appelle au roi du Maroc, S.M. le roi Hassan II (1929-1999) et au peuple marocain pour la délivrer du joug colonial à brève échéance. L’engagement du poète (l’intellectuel colonisé) n’a de sens, selon F. Fanon,  que dans sa partcipation à la lutte [politique active] contre les forces d’occupation étrangères. “L’intellectuel colonisé [le poète] cependant tôt ou tard se rendra compte qu’on ne prouvera pas sa nation [v. la marocanité de son territoire national] à partir de la culture mais qu’on la  manifeste dans le combat [multiforme] que mène le peuple contre les forces d’occupation.” – Op.cit., p.154. De la sorte, M. Al Haloui claironne:
      + “Mon [le Maroc] sit in [l’attentisme] a longtemps duré à la porte de la captive [de à Ceuta spoliée]/ Et il s’éleva de sa plainte ma plainte [son cri anti-colonial]// Voici les frontières et voici leurs vigiles/ A leurs seuils se figeaient mes pas// Entre moi et les proches dans ses murailles [ma marocanité]/ L’extension d’une main et le périple des ans!// Une belle dame dans les fers soupirant [Ceuta ou Mellila]/ Pleurant sans larmes ses drames// Parmi les conquérants sur les côtes leurs palais [coloniaux]/ On dirait les salles hautes du paradis (…)//  Mon peuple vit dans des grottes comme/ S’il y était descendu du royaume des morts// Ibn Tachfine y courut sur leurs vagues / Et s’y était maintenu et ce fut le plus sûr des ports (…)// Quand reviendra-t-elle au bercail [à sa marocanité] ma Ceuta?/ Et quand s’élèveront au-dessus d’elle [la ville] mes drapeaux [symoles de sa délivrance]?// Quand embrassera-t-elle de joie sa soeur [Mellila également libérée]?/ Patriotique vivifiant ma vie inanimée [d’ancien colonisé]? (…)// A Vous Hassan [II] aux mains bienfaisantes de restituer ce que/ Le temps [le colonialisme] avait pris au prix de tant d’épreuves// Tendez les mains pour briser les fers/ De nos voisins [coloniaux et adversaires] ensanglantant nos poignets [nos enclaves spoliées] .” – A. Jbilou, Op.cit., pp.123-124.
      i- Ahmed Al Majjati (1936-1965), dans:
        - “Sabtah” (Ceuta - 1987). A travers ce texte, le poète met à nu la décrépitude dans laquelle le colonialisme post-féodal des rois catholiques hispano-portugais et post-franquiste avait précipité la cité marocaine de Ceuta, devenue un repaire de tous les vices, de la contrebande et du crime organisé (v.les presides) et compâtit à son sort indigne qu’aggravent  les manoeuvres algéro-polisario-espagnoles au dépens de la marocanité et de l’intégrité territoriale marocaine, en prédisant la décolonisation ultime du Sahara et des enclaves marocaines spoliées, encore contrecarrée par les nostalgiques du franquisme militariste colonial périmé. “A cela [à l’émigration clandestine], signale en 2002 Pierre Vermeren,  s’ajoute la situation très tendue qui prévaut [entre le Maroc et l’Espagne] autour ds enclaves de Ceuta et Mellila, sur la côte nord [v. l’île de Leïla ou de Perjil]. Accessibles aux gens du nord du Maroc sur présentation d’une carte d’identité, ces territoires [spoliés] suscitent une vigoureuse contrebande [produits fabriqués, drogue, devises, etc.]. Ceuta enregistre 25 000 passages quotidiens de contrebandiers.”– “Les Marocains rêvent d’Europe”, www.monde.diplomatique.fr,  p.2. Ce dont  évoquent, les nombreux méfaits, les vers  suivants:
       + “Je viendrai [pour rétablir la marocanité de Ceuta] sur le dos des nues [en faisant l’impossible]/ Je viendrai sur le dos de l’oppression [malgré les forces oppressives coloniales] (…)//  J’offrirai à tes yeux l’assaut [l’héroïsme] de Tarik/ Je sombrerai au-delà des cendres du temps// Au-delà des cendres des navires [de 711] (…)/ Ah, tu [Ceuta]es ma tueuse [tu me fais mourir d’indignation]// Quand je traverse tes bas-fonds/ Les cabarets et les maisons closes [la débauche]// Quand je te vois parfums de contrebande/ Liqueurs// et tabacs [le trafic informel]/ Et je te vois à l’entrée du port// Une amante gitane / Foulée sous les bottes du viol [ville dépersonnalisée et dévoyée]// L’attaque décisive n’y pourrait rien (…)/ La fierté arabe [la morale chevaleresque] n’y pourrait rien…)// Tétouan grisée [du parfum de sa marocanité]/ Je sens mon âme telle une enfant muette [réduite à l’impuissance et au silence]// Ecrivant son nom [Ceuta]/ Sur le corps du Sahara [pour affirmer leur marocanité] (…)// Je viendrai sur le dos des nues [en faisant l’impossible]/ Je viendrai sur le dos de l’oppression [malgré les forces  oppressives coloniales] .//” – A. Jbilou, Op.cit., pp.127-129.
        J- Ahmed Sabri (né en 1939), dans:
        - “Nachîdu al achjâri al wâqifati fî ‘uyûni Sabtata wa Malîliah” (L’hymne des arbres debout dans les yeux de Ceuta et Mellila – 1987).  Le poète stigmatise dans cette pièce les mystificateurs coloniaux de la marocanité du Sahara (récupéré en 1975) et des enclaves rifaines, encore occupées par l’Espagne post-féodal et post-franquiste et ses acolytes, promus légataires universels du colonialisme franco-espagnol et international dans la région. “Le monde colonisé, explique F. Fanon, est un monde coupé en deux . La ligne de partage, la frontière en est indiquée par les casernes et les postes de police [des frontères minées, dites «intangibles» par les pays avantagés indépendants]. Aux colonies [et entre colonies d’une même métropole], l’interlocuteur valable et institutionnel du colonisé, le porte-parole du colon et du régime d’oppression [colonial] est le gendarme ou le soldat [v. le militarisme artisan du tracé infidèle des frontières du Maghreb précipitemment décolonisé].” – Op.cit., p.7. A cet égard, le poète s’interroge:   
        + “Qui pourrait en toute lucidité chasser l’Histoire [v. la marocanité  de Ceuta, Mellila et des îles Zaffarines colonisées]/ Et abandonnerait les nuées d’oiseaux tissées par l’Atlas [le repère géographique]// Le Rif et les hyacintes du Sahara [la marque de la faune et la flore inaliénable du Maroc]?/ Qui pourrait jurer en plein midi [devant tout le monde]// Que le soleil [la marocanité] se couche [s’éclipse] à Ceuta et Mellila et que l’absence [le vide se fait devant l’emprise coloniale]/  Dame chauve [la marocanité de Ceuta dénaturée] y vit.// Arbre sans feuilles, ni ombre, ni oiseaux [une réduction de son être géo-historique réel]?/ Qui pourrait à l’aube écrire l’hymne de la liberté [qui oserait clamer sa marocanité]? (…)// Des cimes sous les gourdins des phalangistes / Et les balles des fascistes [les enclaves marocaines opprimées par le colonialisme post-féodal franquiste] (…)// Qui sait Abdelkrim [1882-1963] / Poursuivant du bord du Rif [la guerre de 1919-1926] / Dissolvant le sel de l’histoire mensongère [le déni de la propagande anti-marocaine coloniale]...?// ”- A. Jbilou, Op.cit., pp.145-148.
      I.2- La marocanité de Mellila et des îles Zaffarines dans la poésie marocaine arabophone (1971-2007):
      Certes, la moracanité de Mellila et des îles Zaffarines, comme celle de Ceuta évoquée plus haut, est aussi hautement glorifiée par la poésie marocaine arabophone (1971-2007). Le 1er février 1975, le représentant permanent du Maroc à l’ONU adressa une lettre au président de la Commission Spéciale de l’ONU de Décolonisation dépendant des Nations-Unies pour demander la liquidation du colonialisme espagnol dans les enclaves spoliées au Nord du Royaume du Maroc, en précisant notamment: “Et sur la façade nord, l’Espagne poursuit son occupation de quelques enclaves, le long de la côte africaine sur la mer Méditerranée, et ces parties continuent d’être les derniers bastions de l’occupation espagnole dans le pays et comprennent: Ceuta, Mellila, l’île d’Alhoceima [l’île de Nekkor], le rocher de Velez [le rocher de Badis Ghomara], les îles Zaffarines [l’archipel de Kebdana]. Ces zones constituent des bastions colonialistes à l’intérieur du territoire marocain, comparables dans leur situation du point de vue historique, politique et juridique, à la situation de Gibraltar.” “Los Presidios”, Nº1, Diciembri 1988, Rabat, Ed. El Litoral, p.127. C’est ce qu’immortalise:
         a- Allal El Fassi (1910-1974) dans le poème:
          - “ ’ughniatun mina al bâtin” (Chant intérieur - 1971).  Le poète raille ici les conjurateurs locaux dupes du colonialisme (les Polisario) et régionaux (algéro-espagnols, etc.), hostiles au retour du Sahara marocain à la mère-patrie  et à la décolonisation des enclaves du Rif spoliées par l’Espagne post-féodale et post-franquiste au nord du Maroc indépendant, depuis 1956. Il met en cause la sincérité de leur patriotisme affichés pour dévoyer la légalité et la vérité géo-historique, y compris le verdict de la Cour Internationale de Justice de La Haye d’octobre 1975. Et comme le décèle justement F. Fanon: “Le colonialisme utilise sans vergogne toutes ces ficelles [v.les rivalités], trop heureux de dresser les uns contre les autres les Africains qui hier s’étaient ligués contre lui. La notion de Saint-Barthélemy prend corps dans certains esprits et le colonialisme [v. espagnol] ricane quand il entend les magnifiques déclarations sur l’unité africaine [l’OUA divisée sur le Sahara  marocain, etc.].” – Op.cit, p.105. Sur ce, le poète les interroge dans cette strophe pleine de verve:
        + “Pourquoi ne hâtez-vous pas [compatriotes et pays frères] le départ de l’armée étrangère [v.espagnole]?/ En libérant les bases de notre chère patrie [les enclaves marocaines spoliées]// Dites-nous:/ Etes-vous de notre peuple, de notre sol [des patriotes marocains et africains]?// Dites-nous:/ Si vous étiez de notre sol, pouquoi n’avanceriez-vous pas pour organiser notre lutte [au lieu de la contrecarrer]// Pour récupérer ce qu’ils [les Espagnols] ont pris [spolié] De  nos régions [nos presides du Rif], notre Sahara [marocain],// Qu’on évacue les Espagnols de ces villes, Ceuta, Mellila et Layoune/ Et rattache à notre sol Oued Ed-Dahab [Rio de Oro]// Et les enclaves du Nord [les îles Zaffarines, etc.]et du Sud/ Et malgré cela êtes-vous des nôtres?// De notre sol [des patriotes marocains et africains]?/ Dites-nous// ” – “Dîwân Allâl al Fasî 4 ”, Op.cit., p.130.
        b- Al Hussein amari (né en 1944), dans:
         - “Raqsatu al flamenco … fî Malîliah  (La danse du flamenco … à Mellila - 1975). Le poète transfigure la ville de Mellila en magistère  coranique et en aimée captive, en martyre crucifiée et en fillette gitane musulmane, traquée par la garde impériale d’un César romain (papal) chrétien sans pitié (Ferdinand V le Catholique, époux d’Isabelle la Catholique -1452-1516/ 1451-1504), fermant les frontières devant elle (niant sa marocanité), mais sans cesse rajeunie dans ses exils prolongés (revendiquée avec la même ardeur), elle ne peut voir ses proches (rejoindre sa marocanité), depuis mille ans (depuis longtemps), dans l’attente d’une main modarite (arabe d’ascendance prophétique) libératrice. Or, tel que le stipule Eric Hobsbawn, le temps des empires coloniaux espagnol, britannique, etc.,   est révolu dans le monde du XXIe siècle: “La situation mondiale actuelle est sans précédent.Les grandes empires [coloniaux] mondiaux de jadis, tels l’Empire espagnol des  XVIe  et XVIIe siècles et, tout particulièrement l’Empire britannique des XIXe et XXe siècles, ont peu en commun avec l’actuel Empire américain. La mondialisation a atteint un stade inédit sur trois plans: l’interdépendance, la technologie et la politique (…). Le bras armé de l’empire mondial en ces temps-là [XIXe siècle] étant la marine, l’Empire britannique s’empara de bases maritimes et de relais d’importance stratégique dans le monde entier. C’est pourquoi l’Union Jack flottait – et flotte encore – de Gibraltar [1704] aux Malouines [1832] en passant par Sainte-Hélène [v. l’Espagne à Ceuta, Mellila et les îles Zaffarines – 1415 ].” – “Où va l’Empire américain”, “Le Monde diplomatique”, Nº591, Juin 2003, pp.1-20. De là cette mise en apostrophe du poète sur la marocanité de Mellila, dans cet extrait:
          + “Mellila…/ Les vents de l’affliction et de la barbarie [des croisades coloniales anti-marocaines des rois catholiques hiapano-portugais] m’abêtissent…// En franchissant tes rues crucifiées [martyrisées] et mélancoliques/ Puisque le dessous des années d’errance et d’éloignement [la domination coloniale]// De la séparation des proches les teind/ de la couleur de la nuit terne [le deuil]// Mais un jour Mellila/ J’ai entendu des voix d’enfants dans un de tes coins// Psalmodiant le saint Coran/ Et lentement souffla sur moi un parfum du paradis [la résurrection de sa marocanité par le saint Coran] (…)// Je soupire après elle [Mellila] mais elle ne cesse d’être une fillette gitane [une petite ville marocaine spoliée par l’Espagne franquiste]/  Que pourchasse la garde césarienne [en fuite devant la garde impériale coloniale espagnol]// Et ferme devant elle [et sa marocanité] – tant elle endure…- toutes les frontières [de grillages et de barbelés]/ Que de malheurs pour la fillette gitane [la petite ville marocaine travestie en gitane]! (…)// Dans l’attente d’une main modarite [arabe d’ascendance prophétique libératrice]/ Lui rendant la lueur de ses espérances dispersées par les longs exils [nourrissant l’espoir]// Depuis mille ans mon aimée ne vit ni parents ni réunion familiale [Mellila coupée de sa marocanité]…” – A. Jbilou, Op.cit., pp.153-154.
       c- Abderrahman Bouali (né en 1954), dans:
       - “Baïna yadaya tiflatun ismuhâ Maliliah” (Entre mes mains une fillette nommée Mellila - 1977). Le poète réincarne la ville marocaine spoliée de Mellila par les rois catholiques hispano-portugais et le colonialiame franquiste, sous l’apparence d’une filletoute enlevée par des barabares (Tatares croisés ibériques) et que seule les glaives marocains sauraient délivrer – tout en respectant l’écologie végétale des lieux - de ses ravisseurs coloniaux, pour mettre fin la tension et l’explosion qui en découlent continuellement. “L’unité africaine [v. unité inter-africaine], commente F. Fanon, formule vague mais à laquelle les hommes et les femmes d’Afrique étaient passionnellement attachés et dont la valeur opératoire était de faire terriblement pression sur le colonialisme [notamment espagnol], dévoile son vrai visage et s’émiette en régionalismes [le Maghreb, etc.] à l’intérieur d’une même réalité nationale [v. le Sahara et les enclaves spoliées par le colonialisme ibérique au Maroc] (…). Le colonialisme, qui avait tremblé sur ses bases devant la naissance de l’unité africaine [l’OUA, l’UMA, etc.], reprend ses dimensions et tente maintenant de briser cette volonté en utilisant toutes les faiblesses du mouvement [enclaves spoliées, faux tracés frontaliers pot-coloniaux, balkanisation et séparatismes télécommandés, etc.].” – Op.cit., p.104. Encore A. Bouali en dvoile-t-il les méfaits dans ces vers pathétiques:
        + “Ô, mes frères [marocains et africains] avez-vous en ces contrées [ces enclaves spoliées]./ Une patrie libre ou des geôles pour des hommes libres [une mère-patrie indépendante ou un pays d’hommes libres sans défense].//  Hier je suis venu à vous./ Et aujourd’hui à vous [je sollicite votre appui] // Portant entre mes mains une enfant nommée Mellila [pour parrainer la marocanité de Mellila sous tutelle coloniale]. / Qui se réjouit un jour.// Hurle un jour [oscillant entre la joie et la colère dans l’attente d’une délivrance]./ Et les Tatares [les croisés hispano-portugais] l’ont enlevée [l’ont colonisée].// Ô, mes frères./ Pourriez-vous prendre les glaives [engager la lutte pour la décoloniser]./ (Mais ne coupez ni les palmiers ni les arbres [sans nuire à la nature].)// Pour que revienne notre enfant captive [pour la rétrocession des enclaves spoliées]./ Et que cesse le temps de tension et d’explosion [et que la paix règne dans la région].// - A. Jbilou, Op.cit., p.158-159.
       c- Larbi M’hamed Charkani (né en 1943), dans:   
       - “Malîliatu fî al qalb” (Mellila dans le coeur - 1977). Dans ce poème, le poète épanche son coeur débordant d’amour patriotique pour Mellila dont le séparent les frontières factices du coloniales hispano-portugais et post-franquistes. Il  promet de ne revenir la voir qu’une fois  débarrassé de sa timidité [son impuissance à combattre pour sa marocanité] , de sa patience [de son attentisme]et doté d’une affliction [son deuil] changée en combattivité [en aptitude à lutter] en marchant sur le feu [en acceptant le martyr] avec son couteau affûté [armé de tous les myens nécessaires], sans sûreté [sans nulle réserve]. “Le problème, atteste F. Fanon, est clair: il faut que les étrangers partent (…). Tant que dure l’inquiétude du colonialisme [hispano-portugais et post-franquiste des enclaves marocaines spoliées], la cause nationale [la marocanité des presides du Rif spoliés] progresse et devient la cause de chacun [de tous les Marocains mobilisés jusqu’au dernier pour la faire aboutir].” – Op.cit., p.81. Aussi le poète procède-t-il à une autocritique collective décisive:
        + “Mellila…/ Je ne saurais être digne de ton amour [patriotique en te laissant sous le joug colonial espagnol] que si je navigue …// Sur le feu vers toi, que j’affûte mon couteau [en me vouant au martyr par tous les moyens de lutte]… / Sois sans pitié pour moi maintenant et attends [n’aies aucune indulgence envers moi et attends la reconnaissance de ta marocanité],// Je reviendrai à toi [pour te décoloniser] à l’aube [à brève échéance] si j’ai appris…/ Comment vaincre en moi la timidité [mon impuissance au combat]…// Comment nier la patience [l’attentisme vis-à-vis de l’occupant ibérique récalicitrant]./ Comment apprendre à mon affliction [mon deuil] à combattre [à poursuivre la lutte de décolonisation].// Ne m’accorde pas – maintenant – de sûreté [de réserve contre le colonialisme post-féodal et post-franquiste]…/ Ne m’accorde pas la sûreté [sans réserve].// ” – A. Jbilou, Op.cit., p.157.
        d- Omar al Mehdi (né en 1947), dans:
         - “Malîliah” (Mellila - 1987). Le poète lance dans ce texte  son défi de rattacher indéfectiblement Mellila, sa ville natale spoliée par les croisés hispano-portugaises et les colonialistes post-franquistes, à sa marocanité et clame son amour fou pour elle en répliquant à ceux qui le contrarient d’aller boire la mer. “A un autre niveau, commente F. Fanon, la littérature orale, les contes, les épopées [la poésie épique et de combat], les chants populaires autrefois répertoriés et figés commencent à se transformer (…). La méthode allusive se fait de plus en plus fréquente (…). L’épopée, avec ses catégories de typification,  reparaît (…). Le colonialisme ne s’y est pas trompé qui (…), a procédé à l’arrestation systématique de ces conteurs [v. poètes nationalistes marocains: Allal El Fassi, Mohamed El Kourri, etc. ]. ” – Op.cit., pp.169-170. Alors, le  poète dialogue avec Mellila, partagé entre elle et Casablanca  et leur marocanité commune qui le sollicite instamment aujourd’hui:
       + “Le jour je t’[Mellila spoliée] ai quittée pour Casablanca [la partie du Maroc indépendante]./ Tu étais le réel et rêve./ Tu étais l’être, le possible et l’impossible [le centre de la controverse de sa marocanité en Espagne post-féodale et post-franquiste]./ Tu étais la tunique de Joseph qui me fît recouvrer ma lumère [la vue perdue de Jacob, la mémoire nationale]./ Hélas, toi et hélas, mes compatriotes./  Les envahisseurs [les croisés des rois catholiques hispano-portugais] te rendirent licite [passible de tous les méfaits]./ Et tu oublias ton jeune amant [le poète, substitut du Maroc]./ Comme tu es vaniteuse [devenue amnésique par l’idéologie franquiste coloniale tonitruante] Ô, esclave fugitive ingrate [enclave spoliée, fermée à son arrière-pays et  inféodée au régime colonnial hispano-portugais]./ - Le fou [de la marocanité] de Mellila. Dirent les camarades./ Jai dit: Buvez la mer./ - Possédé par [la marocanité] Mellila. Dirent les camarades./ Jai dit: C’est ma bonne cause [nationale], buvez la mer!/ ” – A. Jbilou, Op.cit., pp.166-167.
      En somme, la poésie marocaine arabophone (1959-1987) manifeste ici radicalement et passionnément la marocanité de Ceuta, Mellila et des îles Zaffarines, spoliées par la Reconquista et les croisades anti-marocaines des rois catholiques hispano-portugais et du franquisme colonial décadent, détenteur des ultimes colonies d’Afrique décolonisée,  du début du XXIe siècle. Et c’est  avec la même ferveur patriotique que cela est exprimé dans la poésie marocaine francophone (1969-1983). Il suffit de rappeler poétiquement, dans ce sens,  la position prise  en 1924 par les poètes surréalistes français contre la guerre du Rif, menée par Abd-el-Krim (1882-1963), contre les troupes coloniales franco-espagnoles de Lyautey (1854-1934) et de Primo de Rivera (1870-1930). Or, Philippe Olivera note à ce sujet: “C’est en effet en 1924, avec la guerre du Rif qu’Abd-el-Krim mène contre les troupes coloniales de Lyautey [et de Primo de Revera], que les [poètes] surréalistes entre vraiment en politique (…). En revanche, avec l’affaire du Maroc, la politique entre vraiment dans l’horizon du groupe [poétique]désormais élargi (…). Ils se tournent alors vers les communistes qui sont à l’avant-garde de la lutte anti-militariste et anti-coloniale [franco-espagnole].” – “Loui Aragon”, livret réalisé en marge de l’exposition réalisée sous le même titre, Paris, Ed. l’adpf, 1997, p.33. 
       II- La marocanité de Ceuta, Mellila et les îles Zaffarines dans la poésie marocaine francophone (1969-2007):
        Définissant la poésie de combat francophone issue de la domination coloniale, le poète martiniquais Aimé Césaire (né en 1913) énonce: “Tous les rêves, tous les désirs, toutes les rancunes accumulées, toutes les espérances informulées et comme refoulées pendant un siècle de domination colonialiste, tout cela avait besoin de sortir, et quand cela sort et que cela s’exprime et que cela gicle, charriant indistinctement l’individuel et le collectif, le conscient et l’inconscient, le vécu et le prophétique, cela s’appelle poésie [de combat].” – “Liminaire”, “Nouvelle Somme de la Poésie du Monde noir”, Nº66, 1957, p.4. Effectivement, la poésie marocaine francophone (1969-2007) traite également de la lutte pour la marocanité des enclaves de Ceuta, Mellila et des des îles Zaffarines, aujourd’hui encore colonisées par l’Espagne post-féodale et post-franquiste (1415-2007). Cela s’articule précisément autour de: I) La marocanité de Ceuta dans la poésie marocaine francophone (1969-2007), II) La marocanité de Mellila et des îles Zaffarines dans la poésie marocaine francophone (1972-2007).
      II.1- La marocanité de Ceuta dans la poésie marocaine francophone (1969-2007):
        Pour mieux saisir la vision de la poésie marocaine francophone de combat pour la marocanité de Ceuta, encore sousle joug colonial espagnol, il faut, selon Abellatif Laâbi, se rappeler le rôle qu’il lui incombe aujourd’hui à cet égard. “La poésie de combat actuelle, spécifie-t-il, en prenant la relève [de la lutte politique de décolonisation], aborde, quant à elle, ce problème d’une manière plus synthétique. Aujourd’hui le poète est appelé à faire le bilan de la colonisation [v.la marocanité de Ceuta, notamment], à rassembler et rationaliser les éléments épars de son drame national, afin de déboucher sur un projet [de combat culturel] historique renouvelé de fond en comble (…). La conscience tragique de dépossession [territoriale par le pays administrant], tout en restant vivace, apparaît sous un éclairage plus précis. La terre symbolise maintenant, en profondeur, la patrie [le Maroc et la narocanité des presides]. Elle n’est perçu qu’en fonction du Retour , c’est-à-dire de la libération [par leur totale décolonisation].” – “La poésie palestienne…”, Op.cit., pp.18-19. C’est ce que manifeste:
         a- Mohammed Khaïr-Eddine (1941-1995), dans:
          - “Description d’un drapeau” (1969). Il y est question de guerre coloniale maritime entre les rois catholiques hispano-portugais, depuis 1492, et les corsaires musulmans marocains de Salé et de Ceuta, sur ordre  papal pour l’occupation des enclaves musulmanes marocaines, dont notamment Ceuta en 1415. “Les Chrétiens de la péninsule ibérique (…), rapporte Jean Wolf citant Charles-André Julien, eurent tôt fait de comprendre , à la faveur de la Reconquista, l’intérêt que présentait, surtout pour le négoce, l’occupation des territoires marocains. Mais la tentative des Castillans contre Salé [et ses corsaires], en 1260, s’était révélée hasardeuse (…). Le roi  [portugais] Jean Ier va foncer. Il lance ses chevaliers (…) sur Ceuta, qui est alors la plus grande place commerciale du Maroc, fréquentée par les les boutres gênois et les galères vénitiennes. La ville est prise en 1415 (…) et pillée, très méticuleusement (…). Mais pour ce qui est du Maroc lui-même, les Portugais entendent en faire une chasse gardée (…). Car le but des Portugais est de s’assurer l’or qui traverse le Sahara [Sakiet el Hamra] et parvient en Afrique du Nord.
        “Dès 1493 et 1494, deux bulles d’Alexandre VI apportaient à la croisade africaine [marocaines] la bénédiction pontificale et lui fournissaient ses titres de prétention. Plus tard l’aide de Rome à l’Espagne se révélera plus efficace, à la fois diplomatique et financière, spécialement à la fin du règne de Philippe II (…). Le premier résultat de ce succès [colonial] avait été d’amener les Espagnols aux portes de l’Afrique du Nord, avec le détroit de Gibraltar [colonie britannique, depuis 1704] comme frontière méridionale [de l’UE, 1992]. Limite insuffisante  à vrai dire [selon les rois catholiques, etc.] entre le monde chrétien et le monde islamique africain.” -  Le Maroc: La vérité sur le protectorat franco-espagnol, l’Epopée d’Abd El Khaleq Torrès”, Paris, Ed. Ediff-Balland, 1994, pp.40-41. Ce à quoi le poète réfère dans les vers:
        + “tu meurs soudain [en martyr] au vrai tu brandis tes racines [ta  marocanité]/ dans mon ombre imprévisible [les manoeuvres colonialistes contre le Sahara et les presides marocains] où te contemplent émus/ les hommes de Saki-Hamra [les citoyens du Sahara marocain] précipités/ sur le chergui dont la Seine t’a couvert [l’Est marocain grignoté par  l’Armée française et le Polisario en Algérie]// caves/ en longueur/ oeufs d’araignées parfumant le silence dictateur [l’Histoire malmenée de l’intégrité territoriale marocaine par le colonialisme franco-espanol tu international]/ meurtre blanc sur la margelle du désespoir [les spoliations coloniales, passées sous silence, talon d’Achille d’instabilité dans la région]/ le Bou-Regreg [Salé] dit qui t’émiette [le Maroc sous le Protectorat franco-espagnol et international] et où/ ton sang rit encore de l’ennemi public [les martyrs marocains de l’indépendance ]/ la vengeance séchant les gorges/ vernaculaire [les hostilités séculaires contre l’occupant hispano-portugais au Sahara et dans les presides marocains de Ceuta, etc.]// ”
         Lui fait suite chez M. Khaïr-Eddine, le poème:
         - “Exil” (1969). Dans ce poème M. Khaïr-Eddine traque encore les vicissitudes du colonialisme post-féodal des rois catholiques hispano-portugais et du franquisme attardé  dans les enclaves marocaines spoliées au Nord du Maroc indépendant, depuis 1956. “Elle [l’Espagne] n’est pas la seule, convient J.Wolf: la plupart des nations catholiques, celles du Sud en particulier, encore imprégnées du souvenir des croisades et dont le désir de revanche [croisades anti-marocaines] ne s’est guère émoussé au cours des siècles, ont vite fait d’oublier que la diplomatie marocaine avait toujours fait preuve dans ses relations avec l’Europe d’un esprit extrêmement pacifique et libéral et l’on peut ajouter que, d’une manière générale, les Occidentaux ont observé les clauses des traités signés avec le Maroc seulement lorsque celui-ci était puissant et respecté.” – Op.cit., pp.65-66. Ce que reflète allusivement les vers ci-dessous:
         + “je jette des fougères aux marnes réprimées [j’observe le deuil sur les enclaves marocaines spoliées] je tempête [j’exprime ma colère]/  j’allume l’Afrique [j’alerte le continent africain menacé par le colonialisme hispano-portugais] j’arachnide [j’use d’anciens canons de guerre] je mite / ma neige alcoolique et ma cupule [je me vois spolier mes enclaves, mes monts enneigés et mes ports maritimes dont Ceuta, etc.]/ je trouve ma peau sous le ciel décrié [je vois ma race arabo-musulmane sous le ciel chrétien dégradée] je fais/ intervenir/ le noir [je déclare le port du noir en deuil contre la prise de Ceuta par les rois hispano-portugais] (…)// non/ plus de colombe! [non, c’est la fin de la paix maroco-ibérique]/ elle [la décolonisation] prolifère elle est blanche [la Marche Verte pacifique pour la récupération du Sahara marocain, en 1975] elle est/ debout [la marocanité]/ ai-je dit/ sang [les martyrs de la résistance marocaine  contre l’occupation franco-espagnole et internationale] sans bandoeng [la Conférence afro-asiatique de mai 1955, condamnant le colonialisme dans le monde]/ atrocement argué c’est le fifre [la propagande pseudo-historique de l’Espagne contre la décolonisation des présides marocains du Rif] mais quand/  donc éclatera cette vigne d’hydrocarbures [quand cessera le complot hispano-algérien contre le parachèvement de l’intégrité territoriale du Maroc indépendant]?” – “Soleil  Arachnide”, Paris, Ed du Seuil, 1969, pp.65, 101-103.         
       b- Tahar Beb Jelloun (né en 1944) dans:
        - “L’aube des dalles” (1966). Le poète décrit l’état de la ville de Ceuta spoliée, avec d’autres enclaves, dont le Sahara marocains par l’Espagne franquiste par le biais d’allusions mythologiques et de  sites géographiques maroco-méditerranéens et africains, comme: “Orphée” descendant en enfer ramener Eurydice (Ceuta spoliée par l’Espagne) vers la mère-patrie (le Maroc), “Prométhée africain” (Ceuta-Prométhée crucifiée par le colonialisme hispano-portugais sur le mont Moussa/ Hercule/Abila/Hacho près de Benyounech). Il revendiquant sa libération malgré l’amnésie volontaire coloniale et le couvre-feu permanent qui y règne sans cesse. “Et parmi ces mythes, constate Enrique Gozalbes Cravioto, on pourrait insérer une tradition remontant aux âges classiques indiquant qu’il existe une continuité consensuelle entre deux antagonismes: le personnage d’Hercule et le personnage de Moussa [ Moussa Ibn Noceir (ou encore Moïse), conquérant musulman par  Ceuta de la Péninsule Ibérique, en 711]” – “Notas par la historia de los Judios en Ceuta (siglos IX-XVI) ”, “Monografias”, trad. arabe de Mohamed Cherif,  nº5, Ceuta, 1988, p.25. D’où chez A. Laabi:
        + “Non tu [Ceuta-Orphée] ne le savais pas./ Ta mémoire, enveloppée dans ton manteau sourd [la propagande coloniale post-féodale et post-franquiste, sourde aux revendications territoriales marocaines] hésite encore [l’Espagne retardataire, à l’ère de la décolonisation planétaire par l’ONU]/ Non Orphée tu ne peux plus modeler ton hymne [la marocanité de Ceuta et ses consoeurs]/ à l’amour [par l’amour contre  la haine belliqueuse coloniale]/  les vents t’avaient parlé de l’âpre liberté [la lutte de l’indépendance t’avait appris le martyr qu’elle a exigé]/ existence sans oracle [le statut quo colonial espagnol se veut intrasigeant]/ A présent reviens/ reviens sur ta terre nubile [maintenant, la marocanité t’appelle à Ceuta]/ reviens à l’Enceinte qui regorge de sang [reviens vers ses murs empreints du sang séculaire des martyrs marocains]/ reviens voir les bergers [les gardes coloniaux des rois  catholiques hispano-portugais et post-franquistes] dans la ville [Ceuta]/ visages d’airain [soldats hispano-portugais impitoyables]/ femmes [musulmanes]sans voile dans les rues répandant les boules/ de feu [combattant à la place des hommes tués]/ enfants de toutes rues dans la folie et le désordre [les enfants orphelins abandonnés dans les rues dévastées] (…)// reviens égrener le chapelet de la mitraille/ éblouir les nuits sanglantes du feu [reviens faire le bilan du génocide commis les croisés hispano-portugais]/ de Prométhée africain [de Ceuta sur le mont Moussa et ses consoeurs sur le Rif] (…)// Non tu ne peux te souvenir de ce mardi/ où le soleil ne s’est pas couché [l’amnésie imposée sur la prise sanglante de Ceuta par les croisés des rois catholiques]/ où les dalles n’étaient plus des dalles/ où un homme [marocain] mordit la crosse d’un fusil [ennemi d’indignation] avant/ d’éventrer le brasier de chair et d’acier [pour mourir en martyr dans la ville incendiée par les envahisseurs coloniaux]/ où sa mort paraphée de tous les poings levés [sa mémoire saluée par la protestation générale du dans tout le Maroc]/ Non, pas de couvre-feu pour le soleil [non, rien ne peur arrêter la décolonisation irréversible de Ceuta et du reste des enclaves marocaines spoliées]/ Non il [le soleil de la marocanité] ne s’est pas couché [est toujours levé], tu entends Orphée [Ceuta-Orphée]/ ses rayons/ perçaient les procession mortuaires/ sa clarté roulait dans les ruisseaux/ des enterrements clandestins [il survit à travers des siècles de luttes et de martyrs marocains] (…)/
       les veuves [des martyrs marocains] ne portaient pas le deuil/ le soleil dansait dans leur yeux [l’espoir de la délivrance future]/ pendant que d’autres imprimaient la première tache/ de sang [d’autres entament de la résistance continue]/ Ils ont creusé les rues/ ouvert à coup de pic dans le roc de l’Enceinte [par des barricades à Ceuta assaillie]des/ entrailles béantes [des cadavres de victimes civiles et militaires]/ mais l’Enceinte [au bout du compte, la frontière colonialiste de Ceuta] a fondu [s’est dissipée dans l’esprit des combattants marocains] sous le regard des enfants [à la vue des nouvelles générations marocaines]/ redevenue gemme terre sable [frontières de muraille et fils de fer barbelés inconsistante devant le temps de la lutte]/ dans la plaine, on buvait du ruisseau obscur l’eau/ de toutes les peines en ces longs jours de haine/ où la douleur régnait sans âge [ainsi se poursuit la mémoire des méfaits séculaires des croisades coloniales hispano-portugaise et poste franquiste contre le Maroc luttant pour sa totale décolonisation]//” – “Cicatrices du soleil ”, Paris, Ed. F. Maspéro, 1972, p.90-92.
       II.2- La marocanité de Mellila et des îles Zafarines dans la poésie marocaine francophone (1969-2007):

       Certes, la marocanité de Mellila et des îles Zafarines, comme celle de Ceuta ou du Sahara marocain, n’est pas à démontrer, mais l’idéologie colonialiste  d’Isabelle la Catholique et le franquisme creusant un fossé de haine entre l’Islam et la Chrétienneté ne semble pas avoir cessé d’envenimer les esprits de l’Espagne coloniale post-féodale et post-franquiste – en témoigne la visite en 2007 du roi espagnol aux villes de Ceuta et Mellia colonisées par son pays, au Nord du Maroc, depuis 1415 et 1494, faisant fi des luttes et revendications marocaines pour leur décolonisation, depuis. Ce fut encore le cas  devant l’ONU et d’autres instances internationales, depuis au moins 1960.

       “Il est grand temps, rapporte J. Wolf, que cette union nationale [de l’Espagne] se constitue [en 1492] car les Espagnols multiplient exactions, pillages, dépradations et s’acharnent à faire au Maroc une guerre à la petite semaine, creusant progressivement un fossé de haine entre l’Islam et la Chrétienneté. Non contents d’occuper leurs presides, ils sont au sommum de l’intolérance religieuse et font preuve d’un fanatisme imbécile dans l’application du testament d’Isabelle la Catholique qui prescrit, rappelons-le, de «conquérir l’Afrique et combattre sans merci les Infidèles pour la foi chrétienne». Ils vont réussir à s’emparer de Larache en 1610 (grâce à la trahison du prince Al Mamoun, fils du sultan Al Mansour) et de Maâmora [Mahdia], à l’embouchure de l’oued Sebou, en 1614. Mais sur les Portugais et les Espagnols coalisés, les Saâdiens réussiront à récupérer Fort Chebka (Santa Cruz de Mar Pequña), en 1527, Santa Cruz de Cap Guir (1541), Safi et Azemmour, la même année, Ksar es-Sghir, sur le détroit de Gibraltar, en 1550 et enfin Asilah en 1589.” – Op.cit., p.58. D’où la revendication actuelle de la marocanité des enclaves de Mellila, des îles Zafarines, etc., spoliées, au Nord du Maroc, par l’Espagne post-féodale et post-franquiste, dans la poésie marocaine francophone.

        a- Ahmed Mouchafi (1929), dans:

         - “J’ai mal” (1969). Le poète conteste ici le colonialisme des enclaves marocaines de Ceuta, Mellila et des îles Zafarines,encore occupées, à l’époque de l’émancipation universelle, prônée depuis 1945 par l’ONU. Il fustige même ses compatriotes nationaux et arabes de ne rien faire pour liquider  ce colonilisme occidental rétrograde et anachronique, survivance des croisades anti-marocaines des rois catholiques hispano-portugais et du franquisme anti-démocratique révolus. “Le 12 janvier 1956 , restitue J. Wolf, Rafaël Garcia Valino [Haut Commissaire espagnol de la zone Nord occupée du Maroc ] navait-il pas déclaré sous le sceau secret de Larbi Leuh: «Bien sûr, l’Espagne compte finalement accorder l’indépendance totale au Maroc, mais cela ne se fera que progressivement [une décolonisation totale renvoyée aux calendes grecques] (…).» Mais maintenant que c’était chose faite et que la souveraineté de l’empire chérifien s’annonçait pour très bientôt [en  France], sans que personne eût demandé leurs avis, ils [les Espagnols] essayaient encore de sauver la face, persistaient à tenir pour des réalités leurs anciens mirages ou à proclamer que ce chapitre colonial ne pouvait se clore sans leur intervention alors que, malheureusement pour leur amour-propre, l’Histoire en marche se passait délibérément de leur concours [v. les colonies britannique de Hong Kong (1842) et portugaise de Macao (1557), rendues à la Chine, en 1997 et 1999].” – Op.cit., p.308.  Dans cette optique, le poète dans ces vers:

             + “J’ai mal [je souffre]en vous mes frères/ qui laissez violer vos droits [votre marocanité]/ en plein public, universellement [décolonisation des enclaves du Rif spoliées par l’Espagne franquiste]/ vous gargarisant de résolutions émasculées [malgré les décisions de l’ONU, depuis 1960],/ tournant en rond,/ décervelés,/ noyant votre couardise/ d’attente stérile/ et de fatalisme/ trop facile [vivant dans l’attentisme face aux manoeuvres colonialistes et pro-colonialistes contre  l’intégrité territoriale du Maroc indépendant]/ et sert,/ vous le savez trop bien,/ les meurtriers de votre mère-/ paries [le Polisario  hispano-algériens],/ les spoliateurs de nos entrailles [la marocanité de Mellila, les îles Zafarines, etc.].// Nations arabes [le monde  arabe, l’UMA],/ nation de mon Occident-/ extrême, estropiées de la moëlle épinière, [le Maroc aux enclaves du Rif spoliées] (…),/ par les valets du cannibalisme [les anthropophages coloniaux et pro-coloniaux franco-espagnols/ par les phillistins de la foi [les croisés colonialistes post-féodaux et pro-franquistes].” – “Souviens-toi, la colère”, Casablanca, Ed. Libres, 1969, pp.11-13.
        b- Tahar Ben Jelloun (né en 1944), dans :
         - “Qui se souvient de la terre brune” (1972). Le poète évoque allusivement la ville de Mellila (“la cité de mer cap  sur le soleil”, descendant “les plaies du Rif”) et les îles Zaffarines (“les plaies” et “le roc du Rif entaché de sang “, “la terre brune oubliée”) usurpées par l’Espagne coloniale post-féodale et pro-franquiste (“l’oeil en sang du souvenir andalou”) au Nord du Maroc indépendant. “Pour l’empire chérifien [le Maroc], souligne J. Wolf, le péril commence dès la prise d’Alger en 1830. Il devra engager la bataille avec la France en 1844-1845, puis avec sa bonne vieille ennemie, l’Espagne [colonisant déjà Mellila, Ceuta, etc.], qui réapparaît dans le secteur sous le couvert des mêmes rengaines: elle a redéterré opportunément le branlant attirail anti-maure [anti-marocain] d’Isabelle la Catholique [v. l’offre, en 1553, par la reine d’Espagne Isabelle II (1830-1904) de ces bijoux pour financer la guerre de Tétouan contre le Maroc, en 1859-1860] et, sans craindre le ridicule, elle [l’Espagne] prétend, à toutes forces, tenir son rôle dans la «la lutte contre les infidèles [Musulmans]»” – Op.cit., p.65. T.Ben Jelloun en remémore les traces dans cet extrait:
        + “Debout sur le flux de la vague, l’enfant [le Marocain]/ charmait le songe épars pendant que/ sable [la patrie] remuait l’oeil en sang du souvenir andalou [la Reconquista et les croisades coloniales anti-marocaines des rois hispano-portugais] (…)/ De quel rire sanglant [état d’âme meurtri] épèlerais-je la/ cité [Mellila, les îles Zaffarines, etc.] qui voyage [qui passe] de mer en étoile [Ceuta port occupé en dérive sous la croix] de corps en désert [de cité en ruines spoliée] cap sur le soleil [allant vers la marocanité]?// Je cadre la cécité / des autres [je dénonce l’obscurantisme colonial mystifiant] et plante un désir [un voeu ] dans l’immense marécage [l’amnésie de la propagande coloniale] notre territoire [notre intégrité territoriale]. Je me souviens de l’arbre descendant [la marocanité des presides occupés par l’Espagne post-franquiste] les plaies du Rif [des enclaves spoliées du Maroc méditerranéen] (…).// Ville jumelée [Ceuta et Mellila occupées] au ciel vagabond [au destin instable]/ le kif [la contrebande du narco-dollars]/ fleurit sur tes flancs [Kétama au Sud de Mellila et des îles Zaffarines] (…)// Ville [Mellila]/ je te renvoie à la mer [ta marocanité géo-historique]/ et je regarde le rocher [v. l’île du Peñon d’Aloceima, occupée par l’Espagne, en1674] fermé sur la blessure/ endormie [replié sur l’occupation hispano-portugaise et post-franquiste des enclaves  usurpées du Rif, depuis 1415]//
      Nous avons rompu la mer et bu la trêve éparse [nous avons coupé le large et consommé les luttes cycliques maroco-ibérique]/ de la nuit [de l’obscurantisme post-féodal et post-franquiste] nous avons fomenté un rêve [la décolonisation de Mellila, de Ceuta et des îles du Rif]dans le/ tombeau de la citadelle [de la “Casbah des Combattants”, sur l’île de Badis ou  Peñon de Velez de la Gomera, mitoyen de Mellila, lébérée des Espagnols par le roi Moulay Ismaël, en 1702]// nous sommes partis au Rif habiter l’arbre et le roc [vivre parmi les cèdres de Kétama et leurs bâteaux corsaires rapides et sur l’île du Rocher d’Alhoceima ou Peñon de Alhucemas, colonisée, en 1673]/ nous avons écouté le vent [la voix du chroniqueur marocain] nous rapporter la va-/ gue d’une voix rude et belle voix lointaine enta-/ chée de sang à l’aube séparée voix humaine [évoquant l’écho des cris des martyrs de la marocanité des presides spoliés]/ accessible au bout du rêve pourquoi te nommer [marocanité et  foi dans la décolonisation à venir] / qui se souvient de la terre brune se souvient [la marocanité de Mellila, Ceuta, etc.]/ de la clarté née soudain d’un printemps sur les cimes [l’apparition de la marocanité par-dessus tout]…// il n’y a plus que  traces d’une mémoire décimée [reste la persistance de la revendication des presides malgré l’amnésie de la propagande colonialiste féodale et pro-franquiste].” – “Cicatrices du soleil”, Op.cit., p.103-105
       c- Abdellatif Laabi (né en 1942), dans:
       - “Le régne de barbarie” (1976). Dans ces vers, le poète préfigure l’occupation coloniale des presides marocains de Mellila, des îles Zaffarines, etc., à laide de symboles anthropomorphiques tels que l’intrusion sur le sol marocain d’une entité étrangère pathologisante du colonialisme des rois catholiques hispano-portugais bacille), rendant sa marocanité difforme, frêle (par le fouet de l’esclavage) et frappée d’impuissance, par les galopades de leurs croisés donquichottesques, issus de la Reconquista et de l’inquisition (1492), lancés aveuglément contre le Maghreb (le Maroc, l’Afrique du Nord, l’Afrique, etc.) pour y semer la discrimination raciale, la traite des esclaves, la falsification géo-historique (sphinx féodalo-franquiste travesti), l’amputation territoriale et le pillage impérialo-colonialiste (Maghreb aux mains trouées) des peuples, des pays et des Etats, soumis par la force de la région.
       “Prenant le relais des Lusitaniens, explique J. Wolf, les Espagnols, dès 1581, complétèrent ce beau travail [de chevalerie de la croix] “au nom du Christ”. La dégradation systématique dans le domaine des sciences et de la pensée fut complétée. Sebta, réduite d’abord au rang de simple havre de pêche [totalement déculturée], devint dans la suite un preside: à la fois place militaire, port de passage et zone franche [lieu de contrebande, de trafics illicites, etc.] sur la côte nord du Maroc. Elle l’est toujours et l’Espagne reste obstinément sourde [par l’idéologie des rois catholiques et du franquisme] aux appels du patriotisme marocain, de la raison et du modernisme libérateur [l’ère de la décolonisation finissante, au XXe s.]. Elle [l’Espagne, nation élue] exige que  la Grande-Bretagne évacue Gibraltar, mais entend bien conserver [la décolonisation ethnocentrique] Sebta et Mellila jusqu’à la fin des temps. Car telle est la logique de tous les colonialistes du monde, dont les Espagnols sont pratiquement les ultimes représentants à notre époque où l’émancipation générale est de règle [v. la charte de l’ONU].” – Op.cit., p.47. En témoigne poétiquement ici A. Laabi en ces strophes:
        + “«Bacile [antigène, individu difforme et chétif, un croisé colonial contaminant Ceuta]/ scorpion solitaire [par un ancien canon destructeur]/ galope galope/ [par la chevalerie en croix des rois catholiques et l’armée franquiste coloniales]/ chaque fouet à ma face (p.36) [l’usage du fouet de l’esclavage contre le peuple marocain des presides colonisés]».// - «gloire gloire [le délire donquichottesque]/ nous sommes le peuple élu [les croisés du pape colonialiste]/ érigé/ sur les pointes de la fatalité (p.45) [un peuple post-féodal, pro-franquiste et anti-maroco-musulman»// «Maghreb! Maghreb! [ le Maroc/ l’Afrique du Nord/ l’Afrique, etc.]/ doigt ségrégué de la main enfouie [l’enclaves-index marocaine de Ceuta spoliées à la population musulmane discriminée au nom de diverses lois]»/ stature de sphinx travesti [mystification géo-historique de la marocanité des presides marocains spoliés]/ Maghreb aux mains trouées [des amputations territorales pour le pillage et le contrôle de Mellila, des îles Zaffarines, etc., par l’Espagne coloniale post-féodale et pro-franquiste au dépens du Maroc indépendant].” – Abderrahman Tenkoul, “Littérature marocaine d’expression française”, Casablanca, 1985, p.83.
       d- Mohamed Aziz Lahbabi (1922-1993), dans:
        - “Nous sommes trois” (1959). Le poète chante ici le nouvel ordre mondial de la décolonisation, du droit international, de la coexistence  pacifique et du bon voisinage, du réglement pacifique des contentieux par  le dialogue et la diplomatie entre les peuples et les Etats du monde,  selon la charte de l’ONU, depuis 1945. Il annonce prophétiquement la fin des hostilités sur la terre (“le volcan cessant de parler de sa langue de feu”), l’appel à la liquidation totale du colonialisme et au développement au Maroc et dans le reste du monde  (“la terre s’est ranimée en exquis épis”), l’abolition difficile et angoissée de la loi de jungle entre les nations (“dans la vaste forêt le vent irradie sa présence d’un coeur essoufflé d’angoisse”). Enfin, le Maroc rompt le silence sur ses enclaves  spoliées: le Sahara récupéré en 1975, Ceuta,  Mellila et les îles Zaffarines , encore  colonisées par l’Espagne post-franquiste, nostalgique de l’ère post-féodale des rois catholiques hispano-portugais, de 1492. Il réclame alors l’unanimité du monde autour de parachèvement de l’intégrité territoriale du Maroc, qui ne saurait plus tarder.
       Aujourd’hui, l’économique, selon F. Fanon, prime le partage colonial de l’Afrique: “Une Conférence de Berlin [en 1885] avait pu répartir l’Afrique déchiquetée [dont le Maroc] entre trois ou quatre pavillons. Actuellement, ce qui est important ce n’est pas que telle région africaine soit sous souveraineté française [espagnole] ou belge: ce qui importe, c’est que les zones économiques soient protégées [l’économie des marchés] (…). Aujourd’hui on ne mène pas de guerre de répression contre tel sultan rebelle [v. le roi du Maroc, S.M. Mohamed V, exilé en 1953-1955] (…). Les militaires continuent, bien sûr, à jouer avec les poupées datant de conquête [v. en 1982, les Malouines argentines,occupée par la G.-B. et en 2002, l’île marocaine de Persil-Leïla, réoccupée par l’Espagne coloniale pro-franquiste], mes les milieux financiers [les USA, la FMI, etc.] ont vite fait de les ramener à la réalité [du marché mondial].” – Op.cit., p.29. C’est ainsi que le poète prônait prophétiquement:
         + “Le volcan [les croisades  coloniales des rois catholiques hispano-portugais et pro-franquiste de 1492] cessant de parler/ De sa langue de feu brûlant [des armadas de croisés fanatiques ravageurs et pillards]/ La terre s’est ranimée [le monde s’est en majorité décolonisé sous l’égide de l’ONU, depuis 1945] (…)// Dans la vaste forêt [le monde de la loi de la jungle colonialiste de l’Espagne post-féodale et pro-franquiste]/ le vent [le modernisme libérateur des territoires marocains colonisés] irradie sa présence [son exigence mondiale]/ En branches [dans les enclaves du Sahara, Mellila, des îles Zaffarines, etc., attendant de leur décolonisation par le pays administrant espagnol, etc.]  qui s’émeuvent et frissonnent/ Mollement au rythme d’un coeur essoufflé d’angoisse [pacifiquement et patiemment pour dissiper l’amnésie volontaire et les phobies post-féodale et pro-franquites éculées].//
      “Alors je piétine les tessons du silence/ Brisé sur le sol de l’automne [je revendique de vive voix la marocanité des enclaves spoliées par la colonialisme hispano-portugais, cédant le pas à l’ère de la démocratie, des Droits de l’Homme, de la tolérance et de la décolonisation universelle]/ Comme la saveur du vide s’est affadie [le temps des conquêtes et des terres brûlées est révolue]/ Nous nous sommes trouvés trois [à la Bataille des Trois Rois, en 1578]/ En commune ferveur associés [par nos martyrs];/ La Nature [la géo-historicité], Ton Souvenir [l’Andalousie et la Reconquista] et moi [le Maroc Etat séculaire face à ses enclaves  spoliées au nom d’une idéologie coloniale post-féodale et profranquiste  périmée].// Mon refrain [ma revendication légitime de la marocanité des presides marocains] dissipant les fantômes [exorcisant notre voisinage des spectres de la Reconquista et des croisades coloniales des rois catholiques hispano-portugais anti-marocains]/ Je n’ai plus peur [je suis rassuré]/ Je ne suis plus… seul [je participe au concert des nations plaidant la décolonisation des territoires sous domination étrangère à l’ONU].//”- C.P.M., “Anthologie maghrébine”, Paris, Hachette, 1965, p.1522.
        A vrai dire, il se dégage de la poésie marocaine francophone, comme auparavant de son homologue la poésie marocaine arabophone, un intérêt particulier porté à la cause nationale de décolonisation des enclaves de Ceuta, Mellila et des îles Zaffarines marocaine par l’Etat daministant espagnol encore sous l’empire de l’idéologie fanatique de Reconquista et  des croisades des rois catholiques hispano-portugais et post-franquistes révolues. “La terre, écrit par ailleurs le poète marocain A. Laâbi, symbolise maintenant, en profondeur, la patrie [v. la marocanité]. Elle n’est perçue qu’en fonction du Retour, c’est-à-dire de la libération [la décolonisation totale de ses territoires]. Le poète combattant, démontre par là qu’il a renouvelé le pacte [de la démystification de la propagande mensongère coloniale] des prédécesseurs [post-féodaux et pro-franquistes] (…). Le truquage de l’histoire [du pays colonisé], ajoute-t-il, le racisme culturel [et religieux], sont partie intégrante de toute idéologie coloniale.” – “La poésie palestinienne de combat”, Op.cit., p.19.
        Pour conclure, il faut reconnaître que la marocanité des enclaves de Ceuta, Mellila et des îles Zaffarines, encore sous domination coloniale espagnole, à l’ère des ultimes décolonisations (v. Hong-kong, Macao), constitue légitimement certes  une unanimité majeure et une volonté radicale dans la poésie marocaine arabophone (1959-2007) et francophone (1969-2007). Elle plaide d’une même voix l’abolition de l’idéologie de la Reconquista (1492) et des croisades des rois catholiques hispano-portugais anti-marocains (1415-1956) et revendique  la marocanité des enclaves du Rif spoliées, au Maroc indépendant, depuis 1956. “Or, pourrait-on dire avec F. Fanon, l’intellectuel colonisé [v.le poète] qui veut faire oeuvre authentique doit savoir que la vérité nationale [la vérité de l’intégrité territoriale nationale], c’est d’abord la réalité nationale [la réalité géo-historique et politique nationale] (…). Sur le plan de la poésie [v. marocaine arabophone et francophone],  nous pourrions faire les mêmes constatations (…). Comprendre ce poème [cette poésie], c’est comprendre le rôle qu’on a à jouer [pour assurer la marocanité de Ceuta, Mellila et les îles Zaffarines spoliées par l’Espagne post-féodale et pro-franquiste], identifier sa démarche [sa stratégie anti-coloniale], fourbir ses armes [forger les moyens d’action nationale].”- “Les damnés de la terre, Op.cit., pp.156,162.
                                                    Dr. SOSSE ALAOUI MOHAMMED   

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