sábado, 1 de septiembre de 2012

L'infanticide, le suicide et le parricide dans les romans marocains français et arabe


   Etude
L’infanticide, le suicide et le parricide ou le  crime en famille dans la genèse ethnographique coloniale des romans marocains de langues française et arabe

         0 – La problématique de la genèse ethnographique  coloniale des romans marocains de langues française et arabe:
        “Le risque de la lecture, avise Maurice Blanchot, n’est pourtant pas fortuit [...]. C’est pourquoi, lire l’oeuvre attire celui qui la lit dans le rappel (rétro-lecture) de cette (sa) profonde genèse: non pas qu’il assiste nécessairement à nouveau à la manière dont elle s’est faite, c’est-à-dire à l’expérience réelle de sa création, mais il prend part à l’oeuvre comme déroulement de quelque chose qui se fait, à l’intimité de ce vide qui se fait être, - progression   qui, si elle prend l’aspect d’un déroulement temporel, fonde l’essence du genre romanesque. – « L’Espace littéraire », Paris, Ed. Gallimard, 1955, p. 271.
    Or, dans le cadre de cette rétro-lecture dans les des romans marocains de langues française et arabe, on constate la présence  de thèmes stéréotypes dont la genèse ethnographique remonte au modèle des romans coloniaux (et occidentaux intégraux ou arabisés), tels que celui de “l’âme de la société indigène”(originel) ou celui du “crime en famille de l’infanticide, du suicide et du parricide” (actuel), ayant inspiré directement ou indirectement  leur naissance et leur création, et les ayant par-là même ontologiquement et esthétiquement forgés , voire génériquement solidifiés (paralysés) en Afrique du Nord (Maghreb et Maroc actuels).  
         “La littérature marocaine (surtout romanesque) de langue française ou de langue  arabe, augure Abbdeljlil Lahjomri, reste à faire.” – “Portée et contours de littérature coloniale”, PRO-Culture,  nº 5-6, 1er et 2ème trimestre 1975, Rabat, p.71. Certes, cette radicale mise en question ontologique des romans marocains de langues française et arabe ne saurait avoir de sens à notre avis, dans cette “rétro-lecture”, qu’en s’inscrivant dans une genèse ethnographique  des thèmes “stéréotypes” des romans coloniaux français (ou occidentaux traduits en arabe), émanant d’un genre littéraire  exotique importé, devenu, malgré ses subterfuges ethno-scientifiques, esthétiquement  clos, creux et immuable. Mais paradoxe ou non,  cette genèse ethnographique du thème stéréotype de ce genre romanesque se  perpétue encore  à travers les romans de langues française et arabe  au Maroc d’aujourd’hui - Jean-Louis Durand, “Le corps du délit”, -  Communications, nº26, Paris, Ed. Seuil 1977, p. 46; A. Lahjomri, Op.cit., p. 50-51.
           C’est en somme aussi la problématique d’une survivance de la genèse ethnographique  du thème stéréotype colonial généré ici du “crime en famille”, dans les romans marocains des deux langues en question. Thèmes littéraires ou genèse ethnographique des romans coloniaux (et occidentaux traduits), Marie-Jeanne Seghers en dit au sujet de F.-M. Dostoïevsky: “C’est lorsque Dostoïevsky s’est ruiné au jeu que sa production littéraire (romanesque) est la plus féconde. C’est lui […], qui mit en scène des thèmes littéraires tels que l’infanticide, le matricide, et le parricide […], le suicide […]: malaise dans la civilisation…” – “La psychanalyse et le malaise dans la civilisation”, FREUD-LACAN.COM, du 25/04/1992, p.3. De là aussi procède cette rétro-lecture de la problématique sus-indiquée au sein des romans marocains témoins de langues française et arabe étudiés.
         1 – La genèse ethnographique coloniale des romans marocains de langues française et arabe:  
         En fait, cette rétro-lecture vise alors  à prendre en considération la production d’un ensemble de romans marocains de langues française et arabe en tant que témoins de la genèse des romans coloniaux français (et occidentaux) en Afrique du Nord (au Maghreb et au Maroc), pris comme configuration en cours d’un système littéraire de création romanesque stéréotype (forme et contenu), figée historiquement et esthétiquement à travers des schèmes et des thèmes narratifs incessamment ressassés, et niant de ce fait l’existence authentique de  romans marocains de langues française et arabe, qui restent à faire,  selon la formule  d’A. Lahjomri.

Nous  tenterons donc  d’en appréhender la genèse ethnographique et la portée  à travers le thème stéréotype colonial (et occidental) du crime en famille de l’infanticide, du suicide et du parricide, survivance littéraire (romanesque) caduque de cette dernère au Maroc.  

        1.1 – La genèse ethnographique coloniale du crime en famille dans les  romans marocains de langues française et arabe:

          Certes, la carence d’existence authentique et de fécondité créatrice  des romans marocains  de langues française et arabe est alors à déceler au sein de la genèse ethnographique des thèmes stéréotypes des romans coloniaux français (et européens) ayant initialement voulu  faire oeuvre scientifique en peignant les mécanismes socio-économiques et politiques des sociétés colonisées d’Afrique du Nord  (ensemble de  schèmes et de thèmes  romanesques représentatifs de «l’âme indigène», auxquels s’apparente ici  le crime en famille, notamment), genre romanesque que  ses auteurs étrangers   ont   historiquement et esthétiquement suscité chez les autochtones et en même temps paralysé. En témoignent à cet égard l’idéal ethnographique (ou sociologique) dont se réclament directement ou indirectement les auteurs de ce genre romanesque colonial (et occidental) tant métropolitains (jadis, français et européens) qu’autochtones (aujourd’hui, maghrébins et marocains) de langues française et arabe. D’où:                                                            

              A - La genèse ethnographique coloniale du crime en famille dans les  romans marocains de langue française:

           Dans le but de retracer la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial du crime en famille dans les romans marocains de langue française, en tant que schème stéréotype des romans coloniaux français (et occidentaux) en Afrique du Nord, A. Lahjomri confirme, à la suite d’A. Memmi, en indiquant: “On ne peut qu’approuver l’interprétation de Memmi quand il affirme que «le résultat indiscutable (de cette littérature) …est que l’indigène (le Marocain, par exemple) est resté une ombre, un stéréotype, comme disent les spécialistes, un étranger ».” Il en explique aussi l’idéal scientifique (la genèse ethnographique) profond plus loin, en rappelant: “Les écrivains français d’Afrique du Nord se sont proposés de seconder les sciences humaines (l’ethnographie) dans leurs investigations, et leurs recherches sur l’âme et la société indigènes (entre autres marocaines) …” – Op.cit., pp. 48-49.

          Par ailleurs, Abdelkbir Khatibi reconnaît implicitement cette genèse ethnographique du thème stéréotype du crime en famille comme ambition  du  roman marocain de langue française, héritée des romans coloniaux français (et occidentaux) à aspirer à faire oeuvre scientifique (donc ethnographique et folklorique) en signalant: “C’est du début du siècle (XXè siècle) que date la première volonté d’une littérature romanesque nord-africaine d’expression française […]. Au Maroc, il faut signaler les écrits littéraires à thématique ethnographique  de Si Kaddour Ben Ghabrit, « La Ruse de l’homme », pièce de théâtre (1929), et, en collaboration avec Mlle de Lens, « Le Chérif ou la Polygamie sentimentale » (1936).”

         Il identifie ensuite la carence d’authencité  sous-jacente aux romans maghrébins (et par conséquent marocains)  des écrivains autochtones inscrite dans la genèse ethnographique des thèmes  stéréotype  des romans coloniaux (et occidentaux). “Le roman ethnographique et folklorique, écrit-il, n’est pas un fait isolé, il est la continuation d’une tradition française en Afrique (donc aussi au Maroc) et qui a fourni une littérature (romanesque) fort nombreuse […]. Ce n’est pourtant ni carence ni manque d’imagination, cela provient d’une situation objective dominée par les problèmes de la vie quotidienne (ethnographique). Pour l’écrivain maghrébin (donc marocain), l’évasion est la découverte de la réalité (sociale) qui le conditionne. En ce sens seulement, le roman est un témoignage sur une époque; en période d’oppression et en l’absence d’une presse nationale non officielle, il peut jouer le rôle d’informateur.” – « Le roman maghrébin », Rabat, Ed. SMER, 1979, pp.  19, 23, 28.  

        Cela conduit impérativement donc à une mise en question d’une existence authentique aujourd’hui des romans marocains de langue française, dont la créativité est soit totalement soit partiellement hypothéquée et paralysée par la genèse ethnographique de la  thématique et de l’esthétique stéréotypes coloniales qui les ont inspirés, ayant d’abord  socio-politiquement  servi une  idéologie coloniale civilisatrice (la peinture du crime en famille indigène) et fructifié un genre romanesque artificiel, visant avant tout la satisfaction de la curiosité d’un public métropolitain européen, assoiffé d’exotisme et d’évasion par excellence. Ce dont  A. Lahjomri dit notamment:

            “Il y a les oeuvres (les romans) des écrivains marocains d’expression française, mais elles s’enferment dans un combat d’arrière-garde (genèse du modèle du roman colonial traditionnel), et, si elles ne ménagent nullement leurs critiques à la civilisation occidentale (coloniale et métropolitaine), elles ne semblent pas non plus donner de nos proccupations actuelles un témoignage authentique.” – Op.cit., p. 70. Mais, qu’en est-il par analogie de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial du crime en famille dans les romans marocains de langue arabe?

            B -  La genèse ethnographique coloniale du crime en famille dans les romans marocains de langue arabe:

 Parallèlement, Abdelkrim Ghallab dénie, non sans parti pris, sous prétexte du monolinguisme arabophone dominant au Maroc, l’accès direct des romans marocains de langue arabe à la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial du crime en famille  (qu’il dénomme: “cultures étrangères” et “lettres étrangères”), sinon par le biais des  traductions de romans coloniaux (et occcidentaux) en langue arabe, au Moyen-Orient. “Un autre phénomène que je voudrais signaler, remarque-t-il, c’est que les cultures étrangères – et tout particulièrement les lettres (dont les romans) – n’ont guère influencé la littérature moderne au Maroc. En effet, la plupart des écrivains, n’ayant qu’une connaissance rudimentaire des autres langues, n’ont pu prendre contact avec les littératures étrangères (donc la genèse du roman colonial  et occidental) qu’à travers les traductions.” - “Quelques aspect de la littérature marocaine”, in « Le roman maghrébin », Op.cit., pp. 138-139.

       Dans cette même perspective, Marc Gontard reconnaît, dans les  romans nord-africains français (et européens), la genèse ethnographique des thèmes stéréotypes, communs, repérable au sein des romans marocains de langue arabe. Celle-ci recouvre en particulier  l’étude sociologique (ethnographique) et la description des mécanismes socio-économiques (tel ici le crime en famille) dans la société traditionnelle marocaine, en opinant sans ambages: “Dans son souci de dénoncer les mécanismes socio-économiques en les représentant, (l’écrivain) ne peut qu’être réaliste (ou ethnographique), voire naturaliste (via notamment les sciences humaines), ou recourir à un symbolisme évident de type pédagogique (duel entre familles et pères anti-héros). C’est le cas, la plupart du temps, chez les romanciers ou les nouvellistes de langue arabe […]: Mohammed Choukri, Moubarek Rabiï, Mohammed Azzeddine Tazi, par exemple.” – « Violence du texte – la littérature marocaine de langue française », Paris, L’Harmattan, Rabat, SMER, 1981, pp. 116-117. 

          De façon plus explicite, Abderrahman Tenkoul réafirme cette genèse ethnographique du  thème stéréotype colonial, commun aux deux types de romans marocains de langue arabe (et maghrébins) en constatant: “Non seulement trop de péjugés continuent de peser lourdement sur elle (la littérature romanesque maghrébine des deux langues), mais elle est sans cesse réduite à des thèmes-clichés (thèmes stéréotypes: ethnographie, acculturation, aliénation …). De tels motifs parcourent de bout en bout, nous en convenons, cette littérature (romans marocains de langue arabe, en l’occurrence).” – « Littérature Marocaine d’Ecriture Française … », Casablanca, Ed. Afrique Orient, 1985, p. 67.              

         Pour sa part, A. Khatibi énonce au sujet des thèmes communs aux romans marocains de langues française et arabe et de leur genèse ethnographique inscrite dans les romans coloniaux nord-africains (et occidentaux), en spécifiant: “Certes ce groupe d’écrivains maghrébins n’est pas homogène (image vivante des contradictions coloniales). A peine constitue-t-il un modèle de référence! [ … ]. Dans le domaine qui nous intéresse, les arabisants ont découvert le roman par le truchement de la littérature arabe du Moyen Orient (et la traduction de romans occidentaux) alors que les intellectuels d’expression française ont accès directement à la culture occidentale (dont le roman colonial français) […]. Cependant, des thèmes communs (par exemple le crime en famille) existent effectivement dans le roman maghrébin (et marocain des deux langues).”  - Op.cit., p. 16. Et cela est observable à travers les quatre romans marocains de langues  française et arabe témoins suivant.

        1.2 – La genèse ethnographique coloniale du crime en famille dans les romans marocains types de langues française et arabe:                           

        Ainsi pourrions-nous rétro-lire, à titre d’exemple, à travers quatre romans marocains de langues française et arabe types de la genèse ethnographique du  thème stéréotype colonial du crime en famille de l’infanticide, du suicide et du parricide, allant encore de nos jours dans le sillage des romans coloniaux nord-africains (et européens), et excluant par conséquent l’existence d’une créativité de romans marocains de langues française et arabe d’essence authentiquement marocaine (A. Lahjomri). En guise de preuves, nous observerons  successivement les romans suivants:

             A – Les romans marocains types de langue française dans la genèse ethnographique coloniale du crime en famille:
              Pour illustrer la genèse ethnographique  du thème stéréotype colonial du crime en famille de l’infanticide, du suicide et du parricide, dans les roman marocains types de langue française, il y a lieu de constater d’emblée les configurations de ce thème comme reflet pseudo scientifique colonial de  la société marocaine traditionnelle (faisant suite à l’image de “l’âme de la société  indigène” d’antan). Nous en citerons alors deux romans marocains de langue française, à savoir:
           (1) – « Le Passé simple » de Driss Chraïbi – Paris, Ed. Denoël, 1954, 260 p.
           (2) – « La Mémoire tatouée » d’Abdelkebir Khatibi – Paris, Ed. Denoël / LN, 1971, 192 p.
        B – Les romans marocains types de langue arabe dans la genèse ethnographique coloniale du crime en famille:
        Conjointement, deux romans marocains types de langue arabe serviront à illustrer la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial du “crime en famille, générée initialement par les romans coloniaux d’Afrique du Nord (français notamment) et du Moyen-Orient (occidentaux arabisés) et configurée presque de la même manière que dans deux romans marocains précédents de langue française , tels que:  
           (1) – « Dafanâ al mâdî » d’Abdelkrim Ghallab, Rabat, Imp. Rissala, 1966, 408 p., traduit en français, sous le titre: Le Passé enterré, par Francis Gouin – Mohammadia (Maroc), Ed. OKAD, 1987, 294 p.  
           (2) – « Al Khobz al hâfî » de Mohamed Choukri, Tanger, Ed. ACA, 1982, 215 p., traduit en français, sous le titre: « Le Pain nu », par Tahar Ben Jelloun, Paris, Ed. François Maspéro, 1980, 157 p.
             A vrai dire, la genèse ethnographique du  thème stéréotype colonial du “crime en famille” que cette rétro-lecture poursuit vise simultanément à dévoiler le handicap esthéco-littéraire du roman marocain en général. Ce qui fait A. Lahjomri que le   roman marocain de langue française et de langue arabe reste  à faire. Or, le paradoxe de cette stérilité notable se retrouve effectivement confirmée dans cette mise au point mitigée  d’A. Khatibi:
         “ Le problème du roman maghrébin (et donc marocain) nous paraît ailleurs, il se pose en termes politique et psycho-sociologique (ethnographique)[…]. S’exprimant la plupart du temps en français – langue d’humanisme et de colonisation (sans oublier l’arabe) – l’écrivain maghrébin (ou le romancier marocain) est désormais embarqué, qu’il le veuille ou non. On le considère parfois (au Maroc et ailleurs) comme un interlocuteur valable, chacun le tire de son côté et désire concrétiser son idéologie par lui et travers lui.”  Op.cit., p. 25. De là, la nécessité  d’attester l’existence d’une  configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial (et occidental) du crime en famille de l’infanticide, du suicide et du parricide, au sein des romans marocains types de langues française et arabe.   
              2 – La configuration de la genèse ethnographique coloniale du crime en famille dans les romans marocains de langues française et arabe:               
             D’un point de vue purement scientifique, la configuration romanesque de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial du crime en famille dans les romans marocains de langues française et arabe actuels, semble apparemment rejoindre presque littéralement la définition psycho-sociologique et psycho-pathologique  que donne le Dr. Driss Moussaoui de la famille marocaine traditionnelle et tout à fait décadente, “comme étant (une famille)  patriarcale, voire misogyne, agnatique et musulmane, avec un enrobement de la pratique religieuse de dogmes et de coyances magicomystiques. Elle est aussi profondément sécurisante et gratifiante d’une part, coercitive (conflictuelle), frustrante et repressive (“criminogène”) par ailleurs.” – “Approche sociologique des systèmes culturels et éducatifs traditionnels” – « PRO-Culture », Rabat, nº 5-6, 1975, p. 115.
         Il y décrit aussi les rapports d’agressivité descendant en cascade du père sur les hommes, les femmes et les enfants en ces termes hautement “psycho-pathogènes”: “Les rapports du garçon avec les autres membres de la famille sont tout autres (que ceux de la fille). En effet, si le père est le «roi de la jungle» (comme l’a si bien dit un malade dont nous avons pris l’observation à Tanger), l’enfant mâle en est le ministre. Nous pouvons dire avec BONNET que «les pulsions agressives descendent en cascade du père sur les hommes, des hommes sur les femmes, des femmes âgées sur les jeunes femmes (et plus particulièrement les belles-filles) et des femmes sur les enfants». ” – Op.cit., p. 137.
         Ce portrait clinique et “criminogène” de la famille traditionnelle marocaine épouse traits pour traits la configuration romanesque du “crime en famille de l’infanticide, du suicide et du parricide, dans les romans marocains de langues française et arabe témoins cités. De la sorte, les romans marocains de langues française et arabe, retenus (parus entre 1954 et 1980), attestent donc de cette genèse ethnographique  du thèmes stéréotypes colonial du crime en famille à travers les configurations de l’infanticide, du suicide, et du parricide suivantes:
             2.1 – La configuration de la genèse ethnographique coloniale de l’infanticide  dans les romans marocains types de langues française et arabe:
            “Ce sont bien des figures de la mort (le crime en famille), écrit Francine Marcovits, que décrivent [ … ] l’infanticide, l’anthropophagie (à propos de  la “barbarie” dans les sociétés du Nouveau Monde, lors de sa colonisation européenne, selon Montaigne). Leur normalité (du crime en famille et autres ) définit une dénaturation de la nature elle-même, pose la question de la structure de l’interdiction (religieuse, morale et légale), et de la fonction de signifier (dans le roman  ethnographique ici notamment).” – “Le droit dénaturé ”, Communications, Paris, nº 26, Ed. Seuil, 1977, p. 117.             
          Quant au thème stéréotype de l’infanticide relevant de la genèse du modèle ethnographique du roman colonial (et occidental) dans les romans marocains types de langues française et arabe, il n’est pas étonnant d’y  retrouver le syndrome socio-psychologique du crime en famille,focalisé dans la famille et la société marocaine traditionnelles. Ce dont le Dr. Moussaoui, décrit les mécanismes socio-économiques  pathologènes, coïncidant presque à la lettre avec la configuration même qu’en donnent ces romans, en ces termes: “Nous pouvons dire que les rapports qui existent entre les différents membres de la famille sont davantage des rapports de force (de criminalité en puissance) que des rapports d’amour. Ceci est particulièrement net dans l’axe père-fils, et nous assistons là à une position fortement ambivalante (conflictuelle) entre le désir du garçon poussée par sa mère à devenir homme, et la forte oppression paternelle (pouvant aller jusqu’à l’infanticide) qui le maintient dans la dépendance affective et matérielle.” – Op.cit., pp. 133-134. D’où donc la mise en évidence de l’incarnation ethnograpique réïtérée  par les romans marocains de langue française du thème stéréotype colonial (et occidental) de l’infanticide: 
           A – La configuration de la genèse ethnographique coloniale de l’infanticide dans les romans marocains types de langue française:

            Des deux romans marocains types de langue française illustrant la configuration de genèse ethnographique du thème stéréotype colonial du crime en famille de l’infanticide, poursuivant les thèmes stéréotypes du modèle du roman français colonial nord-africain (et occidental), citons à par exemple:

           A.1 -  La configuration de la genèse ethnographique coloniale de l’infanticide dans Le Passé simple de Driss Chraïbi:

         Dans « Le Passé simple » (1954) de D. Chraïbi, la configuration ethnographique du thème stéréotype de l’infanticide se trame autour du père (Haj Fatmi Ferdi, dit le Seigneur), symbolisant l’Islam et la tradition pétrifiés et théocratiques, devenus source de despotisme, de fanatisme et de cruauté paterniste allant jusqu’au meurtre, par châtiment corporel (deux taloches sur la tête) de  son plus jeune enfant Hamid (neuf ans), le puîné du narrateur Driss Ferdi et des trois autres fils de la famille (Camel, Madini et Jaad). Cet infanticide est violemment dénoncé par le narrateur, élevé à l’école française (européanisé) et affecté d’un nihilisme radical vis-à-vis de la société et de la  famille marocaines traditionnelles, comme dans ces extraits du roman: 

                 ++ “Le long des façades, la foule s’étire en deux haies. Portant le matelas (le cercueil), à l’instant où nous descendons le perron il se produit un brouhaha. Je (Driss Ferdi) lui (le père) attribue sa juste valeur: « Lui, c’est Haj Fatmi Fardi; l’on dit qu’il a tué son fils … des coups sur le crâne, je crois; mais les méchantes langues ne chôment pas et je ne te garantis rien… l’autre, c’est le Chrétien (Driss); même pour les obsèques de son frère , il est resté habillé en Chrétien…» A peine quelques secondes et la foule entame le Cantique des Morts” (pp. 125-126).
              De son propre aveu, Driss Ferdi révèle le malentendu dont il était cause et qui avait entraîné l’infanticide accidentel de son puîné par son père, tout en accusant irrémédiablement ce dernier , de riche potentat et d’infanticide impuni:
               ++  “… Père, il y a trois jours, vous m’avez ordonné de me tenir prêt à accompagner ma mère à Fès. Et vous êtes allez dormir. Père, lorsque vous vous êtes réveillé, vous avez constaté que, ma mère et moi, nous étions déjà sur la Route Impériale. Egalement la disparition de quelques banknotes dans votre porte-feuille. Un billet laconique: «Père, je me suis servi, l’argent du voyage, j’avais peur de troubler votre sommeil, bye bye! Driss.» Quelqu’un a dû vous dire que j’avais un complice: Hamid [...]. Vos deux taloches, savez-vous ce qu’elles signifient? traumatisme, hémorragie cérébrale, homicide volontaire: vous êtes un assassin” (p.149).
                A.2 – La configuration de la  genèse ethnographique coloniale de l’infanticide dans La Mémoire tatouée d’Abdelkebir Khatibi:      
                Dans le roman « La Mémoire tatouée », d’Abdelkebir Khatibi,  après sa circoncision, le héros-narrateur, encore enfant, dépeint allégoriquement la configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial de  l’infanticide en s’identifiant allégoriquement à l’infanticide gracié par Dieu du  prophète Araham sur son filsIsmaël, puis à un coq égorgé (parangon d’un infanticide en puissance) par l’un de ses proches parents en refusant d’être à sa place, et comme lui mis à mort, en se disant dans un monologue intérieur:
                ++ “Né le jour de l’Aïd el Kébir, mon nom (prénom de Khatibi) suggère un rite millénaire et il m’arrive, à l’occasion, d’imaginer le geste d’Abraham égorgeant son fils” (p.9).
                ++ “… Ainsi, ce coq égorgé  dans notre maison: la tête, en se tortillant, était de danse splendide [ …]. Mais le coq restait coq et moi je ne voulais pas mourir” (p. 30).
                Puis, le narrateur esquisse, à bâton rompu, de la même manière que son homologue dans « Le Passé simple » de D. Chraïbi, un simulacre d’infanticide commis, sans y paraître, par son père, à la fois coléreux, théologien et matérialiste, qui s’acharnait déjà contre son frère aîné, (parangon de la Providence infanticide) sur son petit frère, devenu alors “oiseau du paradis”, suggéré à travers ces fragments plein d’équivoque:      
               ++ “Mon père passa sa vie entre Dieu et l’argent; souvent il mettait les deux dans sa poche [ … ]. Et puis, il y avait, au moment de la colère (du père), ce tonneau où je m’engloutissais en claquant des dents [ …]. Cet homme (le père) qui effleurait à peine ma mère s’acharna sur le fils aîné [...]. Peut-être cette frayeur d’un certain passé s’inverse -t-elle dans ma brutale découverte de la mort. Le petit frère m’abandonna (infanticide anonyme) et devint oiseau de paradis [ …]. Et ce petit frère me laissa un signal secret: avec ses jouets, je recommençai le montage de notre passé, théâtre premier où je dialoguais, les yeux fragiles avec un cadavre” (pp.17-19).
                Là, les romans marocains de langue française témoignent d’une  uniformité, même parfois voilée (Khatibi), de la configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype de l’infanticide et du crime en famille dans la société marocaine d’un point de vue soit réaliste soit imaginaire (allégorie ou parangon en simulacre), tel que l’infanticide du petit frère commis par un père traditionnel (parangon en simulacre de la providence infanticide). Cependant, en va-t-il de même des romans marocains de langue arabe?    
             B – La configuration de la genèse ethnographique coloniale de l’infanticide dans les romans marocains types de langue arabe:   

              En ce qui concerne  la configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial (et européen)  du  crime en famille du roman nord-africain français dans les romans marocains types de langue arabe, elle peut être appréhendée ici à travers l’esquisse théorique qu’en fait Khatibi. Il  confirme en fait la continuité de cette genèse ethnographique à travers le fait que ces romans marocains comme leurs prédécesseurs coloniaux et occidentaux prétendent pouvoir se seconder aux sciences humaines (en se faisant chroniques sociales), en indiquant: “ Le roman maghrébin (et donc marocain) d’expression arabe figure à sa manière la problématique  linguistique. Le roman en tant que genre littéraire a désacralisé encore   la langue du Coran [ … ].Seulement cette tendance reste restreinte; le roman maghrébin (et fortiori marocain) d’expression arabe procède de la chronique sociale (ethnographique) et de la biographie (l’histoire individuelle). ” – « Le roman maghrébin », Op.cit., p. 40.

        En d’autres termes, cette configuration  de la genèse ethnographique coloniale des romans marocains types de langue arabe du corpus constituent, en dehors même de leur valeur littéraire, une source  d’information pour la sociologie et l’histoire littéraire. A ce propos, A. Tenkoul rappelle: “Or, nous semble-t-il, cette forme de littérature (romanesque marocaine arabe), aussi pauvre et superficielle soit-elle (ce qui du reste est à vérifier), n’est pas  pour autant dénuée d’intérêt […]. De par les normes d’ordre axiologique, social et politique qu’elle charrie, elle peut être d’une grande utilité pour les sociologues et les historiens de la littérature (genèse ethnographique  des romans coloniaux d’Afrique du Nord et d’Europe arabisés)  qui s’intéressent aux problèmes de l’évolution d’une écriture, de son accession à la légitimité (l’authenticité) au sein d’un champ de production symbolique (le genre romanesque).” – in « Littérature Maghrébine d’Ecriture Française », Op.cit., p. 62.
           Il en découle alors une configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial du crime en famille et de l’infanticide se reproduisant à l’intérieur des romans marocains de langue arabe, et rejoignant en cela le modèle du roman colonial français  nord-africain (et européen), traditionnellement traduits en arabe, au Moyen Orient. Et c’est donc cette configuration thématique plus ou moins stéréotypée que ressassent les  romans: « Le Passé  enterré » d’A. Ghallab et « Le Pain Nu » de M. Choukri (cités ici en versions françaises). On pourrait par conséquent en saisir l’illustration successive à travers:
           B.1 – La configuration de la genèse ethnographique coloniale de l’infanticide dans Le Passé  enterré (« Dafanâ al mâdî ») d’Abdelkrim Ghallab:
            Comme par adhésion indirecte (ou interculturelle consciente ou inconsciente) à la configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial de l’infanticide, A. Ghallab adopte le même crédo sociologique (ethnographique) dans  “l’Avant-Propos” de son roman, « Passé enterré », en y spécifiant: “Ce roman a tenté d’analyser et de faire vivre ces vestiges (de la période où est né le Maroc moderne). Ce n’est pas une oeuvre historique, ni une simple chronique; ce n’est pas non plus une oeuvre de pure imagination, qui mettrait en scène des hommes fictifs ou des sentiments étrangers aux Arabes du Maroc [...]. L’intérêt de l’ouvrage n’est donc pas dans le récit des événements, mais dans l’analyse de la mentalité (“l’âme de la société indigène” de la genèse ethnographique des romans coloniaux et occidentaux arabisés) qui les sous-tend ”(p. 13).
        En ce sens, la configuration de la genèse du thème stéréotype colonial d’un  infanticide collectif  est symboliquement incarnée, dans « Le Passé enterré », ayant pour instruments le  Contrôleur civil colonial français et le juge indigène Mahmoud, le fils naturel aîné de Haj Mohamed Thami (parangon du père infanticide et incarnation de l’Etat colonial, de la  famille et de la société marocaines colonisées  traditionnelles malfaites), sur un groupe d’enfants, nationalistes, marocains, résistants contre l’occupation française dans la ville de Fès (Maroc). L’événement est évoqué dans un dialogue entre Haj Mohamed Thami (le père grand bourgeois archaïque) et son cousin et ami Moulay Zaki, dans cette scène pleine de non-dits et de contradictions:
               ++ “ Moulay Zaki vit l’urgence de s’expliquer pour couper court aux déductions pessimistes, qui rapprochaient les mots terribles de l’image du fils prisonnier (Abderrahman, le fils de Haj Mohamed, nationaliste en prison):
                  - Tu as déjà entendu parler de cette bande de jeunes gens qui ont terrorisé la ville, tué des moqqadems (chefs de districts), des policiers et des «collaborateurs».
                   -   Oui, oui.
                   -  Le tribunal leur a réglé leur compte et les a condamnés à mort […].
        Moulay Zaki essaya d’édulcorer la nouvelle:
                    - Qui donc les connaît? Ce sont des gamins du milieu populaire… […].
            Vexé (Haj Mohamed) de voir ses paroles mises en doute, il reprit:                            
                    -Tu ne me crois pas? Tu verras… ils (les agents de l’administration coloniale française) ne peuvent pas exécuter des enfants (infanticide collectif) qui n’ont d’autre faute que d’avoir été mal élevés” (pp. 276-277).
       La même configuration  de la genèse ethnographique du thème stéréotype de l’infanticide est reprise par le juge Mahmoud, qui dans un cas de conscience, se dit pour justifier son acte exécrable et vengeur de son état de bâtard:
                    ++ “ - Qui vais-je juger en fait? de jeunes dévoyés? Mais ils ressemblent à mon frère (le fils légitime Abderrahman), ils ont les mêmes idées, le même langage…je juge qui: mon frère? Abdelaziz (un ami)? Dieu ait son âme! […]. Non, je juge leurs théories… ils (les nationalistes) n’ont pas eu la main heureuse en endoctrinant ces jeunes… des enfants mineurs” (p. 279).
         Certes, à cette allégorie sociale de l’infanticide collectif, ou du crime en famille, devenu crime en société (la grande famille marocaine) colonisée, représentée comme telle par le narrateur du  « Passé enterré », fait écho une configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype d’un infanticide uniquement paternel, dans le roman « Le Pain nu » de  M. Choukri.
         B.2 - La configuration de la genèse ethnographique coloniale de l’infanticide dans Le Pain nu (Al Khobz al hâfî) de Mohamed Choukri:                 
         En effet, le héros-narrateur Mohamed, une sorte de double du romancier Choukri, ne manque de représenter la configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial du crime en famille , poursuivant en cela le modèle des romans coloniaux (et occidentaux arabisés), en narrant, dans « Le Pain nu », l’infanticide commis par son père  (Haddou Ben Allal) sur son jeune fère Abelkader (le sosie du petit Hamid, dans « Le Passé simple » de D. Chraïbi). Or, A. Khatibi dit au sujet de cette genèse ethnographique du roman maghrébin (et donc marocain) de langue arabe: “Traditionnel dans ses formes et techniques (selon le modèle des romans occidentaux), il se conçoit comme un moyen d’éducation (de chronique sociale). ” – Op. Cit., p. 113. De plus, Tahar Ben Jelloun souligne à ce propos dans “la Préface” de sa traduction  du roman de Choukri: “Un père assassin (infanticide), lâche et haineux [...]. On pense beaucoup au récit de Calvino Ledda, « Padre Pardone », avec cette  différence que, dans le cas de Choukri, à aucun moment ne s’instaure un quelconque rapport pédagogique (paternel et humain) entre le père et le fils” (p.8). En témoignent  les extraits tragiques  suivants:
                       ++ “ Abdelkader pleure de douleur et de faim. Je pleure avec lui. Je vois le monstre (le père) s’approcher de lui, les yeux pleins de fureur, les bras lourds de haine. Je m’accroche à mon ombre et je crie au secours: «Un monstre nous menace, un fou furieux est lâché, arrêtez-le! » Il se précipite sur mon frère et lui tord le cou comme on essore un linge. Du sang sort de la bouche. Effrayé, je sors de la pièce pendant qu’il essaie de faire taire ma mère en la battant et en l’étouffant. Je suis caché. Seuls, les voix de cette nuit me sont proches et lointaines. Je regarde le ciel. Les étoiles viennent d’être témoins d’un crime. Un profond sommeil règne sur la ville […]. Etrange! Il tue son fils et ensuite il pleure” (pp. 13-14).
          Plus loin, le héros-narrateur reprend, au cours des obsèques de la victime, dans un monologue intérieur:
           ++ “ Je me rappelais le geste monstrueux de mon père en train de tordre le cou à Abdelkader. J’ai failli dire (au vieux croque-mort): « Mon père n’aimait pas mon frère. D’ailleurs, c’est lui qui l’a tué. Oui, je dis bien tué. Assassiné. Je l’ai vu. J’ai assisté au meurtre. C’est lui qui l’a tué. Je l’ai vu. Il lui tordu le cou. Le sang a giclé de sa bouche. Je l’ai vu de mes propres yeux. C’est mon père son assassin. »” (pp. 14-15).
                     Plus tard, le narrateur se rend avec son ami Abdelmalek (un lecteur du Coran) pour se recueillir sur la tombe de son jeune frère Abdelkader au cimetière de Sidi Bouaraqya (à Tanger), moment évoqué dans ce passage du roman:
                       ++ “ Abdelmalek devait se rendre au cimetière de Sidi Bouaraqya.
                         -  Pourquoi tu vas au cimetière?
                           - J’ai été chargé par certains camarades du café d’aller lire quelques versets du Coran sur la tombe de leurs familles.
                          Je viens avec toi, j’ai un frère enterré  là-bas. Tu pourrais lire un chapitre du Coran sur son âme […].
           Pendant qu’il récitait le chapitre, je jetais les fleurs et les branches de basilic sur les tombes [...].
           Je pensais tout d’un coup: mais pourquoi cette lecture sur la tombe inconnue? Mon frère (Abdelkader) n’a pas eu le temps de commettre de péchés. Il a vécu le temps d’être malade puis il a été tué par mon père.” (pp. 156-157).
       Dans la même optique de la configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial du crime en famille, les romans marocains de langues française et arabe ont simultanément narré le drame de l’infanticide individuel et collectif tantôt sous le mode réaliste (D. Chraïbi et M. Choukri et A. Ghallab), tantôt sous le mode imaginaire ou allégorique (A. Khatibi et A. Ghallab).
          Conjointement, la configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial (et occidental) du crime en famille du suicide se retouve représentée chez ces romanciers arabisants de la même manière que chez leurs homologues et compatriotes francisants , tel que nous allons le déceler, dans les mêmes oeuvres romanesques ci-après:
          2.2. La configuration de la genèse ethnographique coloniale du suicide dans les romans marocains types de langues française et arabe:
          D’un point de vue puremement métaphysique, Maurice Blanchot cogite  sur la mort volontaire en se demandant: “Le suicide,  pose sans doute à la vie une question: la vie est-elle possible? Mais il est plus essentiellement sa propre question: le suicide est-il possible? La contradiction psychologique qui alourdit un tel dessein n’est que la suite de cette contradiction plus profonde. Celui qui se tue dit: Je me refuse au monde, je n’agirai plus.” – « L’Espace littéraire », Op.cit., pp. 124-125. Comme l’infanticide le thème stéréotype du suicide s’inscrit évidemment au-delà de la morale et de la théologie dans ces romans marocains types de langues française et arabe (A.Tenkoul). D’où corrélativement:
                    A – La configuration de la genèse ethnographique coloniale du suicide dans les romans marocains types de langue française:            
          Certes, la configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial (et occidental) du suicide, dans les romans marocains types de langue française se situe pratiquement  dans le prolongement de la genèse du modèle du roman colonial (et occidental), et  révèle  aussi l’hypothèque d’une esthétique paralysée et stérilisante (idéal d’exotisme ethnographique cristallisé) en tant que “rhétorique de l’excès” et “recherche d’effets pathétique”, tel que le rapporte A. Tenkoul en ces termes:

         “ Dans le programme narratif (des romans marocains de langue française, notamment) le suicide de la mère (par exemple chez Chraïbi) n’est pas un fait accidentel. Il est  surdéterminé et s’inscrit dans le cadre de cette recherche des effets pathétiques […]. Il relève pour ainsi dire de ce que Peter Brooks appelle «une rhétorique de l’excès ».” – « La littérature Marocaine d’Ecriture Français », Op.cit., p. 128. Ainsi pourrions-nous relever dans ces mêmes romans les traces de cette configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial (et occidental) du suicide les exemples typiques suivants:

             A.1 - La configuration de la genèse ethnographique coloniale du suicide dans Le Passé simple de Driss Chraïbi:

         Dans le prolongement de la configuration de la genèse  ethnographique du thème   stéréotype colonial (et occidental) du crime en famille du suicide (de la mère du père, du fils ou du frère) issu du modèle des romans coloniaux (et occidentaux), Driss Chraïbi imagine  dans « Le Passé simple », le suicide (nargant de la sorte us et coutumes socio-théologiques de la société marocaine traditionnelle) de la mère du héros-narrateur, Driss Ferdi , le double fictif et pseudo exotique de l’auteur lui-même (fils ultra-moderniste, deus ex machina, du suicide paradoxal d’une mère marocaine, musulmane, pieuse traditionnelle ) à la recherche “d’effets pathétiques” dirait A. Tenkoul. “A l’instar des romans balzaciens, constate ensuite Tenkoul, l’action est, dans « Le Passé  simple », «doublement porteuse de sens».” – Op.cit., p. 127. C’est ce que manifestent paradoxalement ces passages du roman:

                       ++ “ Je (Driss) trouvai ma mère prosternée devant le jet d’eau. A mon approche elle se leva.

                       - Hamid (mort), dis-je.

         Elle sécroula (s’évanouit). Cinq ans plus tard, j’ai eu l’occasion d’entendre un sac de bûches (chute mortelle du corps de la mère). Ce bruit-là qu’elle produisit en s’écroulant (allusion rétrospective à son suicide ultérieur)” (p.103).

          Puis, il affronte son père (Haj Fatmi Ferdi), dans une scène à la fois elliptique et allégorique à propos du suicide de sa mère, dans ce fragment:

                 ++ “ A ma gorge montaient des noeuds, boules, torsades […]. A toute chose  il y a une fin, me répétai-je. Il y en eut une. J’acceptai la dernière montée. Puis:
-         Ma mère, dis-je. Où est ma mère?
         Une petite voix chevrotante (celle du père). Tu es un pauvre type, Driss. Il se tourna vers moi. Il me considéra avec attention [...]. Leva l’index. Graduellement l’abaissa. Fourneau logé dans ma paume et tuyau braqué, je n’eusse pu faire d’une pipe.
           L’immobilisa, désignant le drap ensanglanté.
-         Ici, dit-il.” (p.216-217).

           Ensuite, le narrateur explicite cette vision dramatique en monologuant de façon désinvolte:

                “[…] Et je  pense […]. A ma mère réduite en viande hachée et os hachés, elle s’est jetée de la terrasse, je lui avais donné l’exemple, hé! Le soir où j’avais vidé le grenier, arrivés au sol les sacs de blé se sont à peine tassés, elle… chair et os hachés.” (p.242).      
             Enfin dans une sorte de procès d’intention, le père accuse le narrateur  d’avoir inciter sa propre mère au suicide, une idée (poison de la culture occidentale) coloniale, dans cette tirade:
                     ++ “ - […] Alors il y eut toi (Driss). Toi le poison. Et je ne sache pas que la Résidence (du Protectorat français) se fût employée à faire chez nos fils aboutir son rapport culturel sous forme de poison (cause du suicide maternel); ou, si c’est intentionnel, il y a violation d’âme (roman ethnographique), en tout cas du jour où tu as fréquenté un lycée (français) tu n’ as été que cela, poison […]. Le poison, tu l’as injecté jusque dans l’extrême résignation de ta mère. L’idée d’une révolte ne lui fût jamais venue à l’esprit. Tu l’en as bourrée. Elle en est morte.” (pp.248-249).
          Et puis il en décrit la scène absurde et fatale dans cette seconde tirade:
                 ++ “ - Ta mère s’est mise un matin à genoux. Elle a murmuré sa prière au nom d’Allah, de son époux et du saint de sa ville natale (Fès) […]. Elle m’a baisé les mains et les pieds [...]. L’instant d’après, j’entendais un vacarme à ma porte. Elle est morte je pense sur le coup, 10 mètres de chute, Dieu est en train de lui demander des comptes: 5.000 ans de géhenne, elle s’est suicidée.” (pp.249-250).
               Or, de cette configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial (et occidental) du suicide héritée du modèle romanesque colonial et (et occidental) dans « Le Passé simple » de Chraïbi, il est possible de passer à une configuration quasi semblable du suicide allégorique, manqué ou rêvé du narrateur ou de l‘un des membres de sa famille, dans « La Mémoire tatouée » d’A. Khatibi. 
              A.2 - La configuration de la genèse ethnographique coloniale du suicide dans La Mémoire tatouée d’Abdelkebir Khatibi:
             De toute évidence, la configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial du suicide dont semble hériter directement ici le roman marocain de langue française remonte, selon A. Khatibi,  d’une part, aux romans exotiques français métropolitains  dont ceux de Pierre Loti et de Louis Bertrand, et d’autre part, aux romans  français nord-africains anti-exotiques (scientifique) dépeignant minutieusement la physionomie sociale nord-africaine (à la quête de “l’âme indigène) et souhaitant que ce soit le fait d’écrivains autochtones (et marocains) de langue française, et dont la paternité est attribuée à Robert Randeau.
        “ Répudiant le décor exotique, relate-t-il, cet écrivain (R. Randeau) souhaitait aussi que cette expression fût le fait d’écrivains autochtones. C’était dans ce cadre que naquit le premier roman d’expression française écrit par un non-européen.” – « Le Roman maghrébin », Op.cit., p.20. D’où aussi la configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial du suicide, évoqué sporadiquement et réellement par le héros-narrateur,  du roman de Khatibi, comme suit:
                    ++ “ En se dispersant (en mourant), mon père devint une parole immémoriale. Alors, pour un enfant, mourir ou se dsagréger (se suicider) à travers l’absence du père, quelle différence? ” (p.19).
     Sous l’angle d’une configuration réaliste, on y relève notamment, à propos du suicide manqué d’un oncle maternelle farfelu du narrateur:
                    ++ “Il sera dit pendant mon adolescence qu’il (le mari farfelu d’une tante maternelle) feindra plusieurs fois de se pendre, avec un semblant de corde. Il hurlait faussement, se laissait rater sa mort, si malheureusement que nous riions fort. Il  récoltait notre pitié, c’était tout. ” (p.23).
              A la suite  de propos et  mauvais traitement de médecins racistes français métropolitains, le narrateur  rêve de se suicider hors de l’hôpital où il s’est fait opérer des amygdales:
                     ++ “ Je me faisais prendre parfois: ainsi, cette atroce nuit entre les mains de  médecins racistes, après une opération bénigne des amygdales. J’avais, devant la table d’opération, vomi une partie de mon sang. Etendu, j’écoutais leur discours sur notre ingratitude et notre barbarie […]. Ce long cauchemar que je subissais, les yeux ouverts, me tortura toute la nuit […]. Pour passer le temps, je me représentais fuyant de l’hôpital et me suicidant quelque part au-dessus d’une falaise [...]. Sans doute je mourus en image ailée, éclair perdu par la fenêtre. ” (pp.98-99).
           En ce sens, la configuration de la genèse ethnographique du  thème stéréotype colonial du suicide, remontant au modèle romans coloniaux et occidentaux (comme pour l’infanticide ci-dessus), se confirme à son tour au sein des romans marocains de langues française, tels que « Le Passé simple » de D. Chraïbi (vision réaliste) et de La « Mémoire tatouée » d’A. Khatibi (vision réaliste, allégorique, ou rêvée), dans presque la même optique esthétique stérilisante. Parallèlement, force nous est d’en reconnaître l’existence et la portée dans les romans marocains de langue arabe: « Le Passé enterré »  d’A. Ghallab et « Le Pain nu » de M. Choukri.
         B – La configuration de la genèse ethnographique coloniale du suicide dans les romans marocains types de langue arabe:
          Comme dans les romans marocains types de langue française, les romans marocains types de langue arabe  développent une configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial (et occidental) du crime en famille du suicide, selon une vision réaliste et allégorique, rappelant rétrospectivement le modèle des romans coloniaux (et occidentaux arabisés). De la sorte, le roman maghrébin (et donc marocain) d’expression arabe, comme dit Khatibi, procède surtout de la chronique sociale et de la biographie (donc l’ethnographie). “Et ce faisant, ajoute-t-il, il veut faire coïncider l’expression avec la réalité, en voulant supprimer les médiations du signe littéraire.” – « Le Roman maghrébin », Op.cit., p.40. Du fait, participant apparemment de la même veine d’inspiration (par traduction interposée) que leurs homologues autoctones de langue française, les romans marocains de langue arabe génèrent également le thème stéréotype colonial (et occidental) du suicide, et ce plus particulièrement  dans :  
              B.1 – La configuration de la genèse ethnographique coloniale du suicide dans Le Passé enterré (Dafanâ al mâdî) d’Abdelkrim Ghallab:
       Dans “l’Avant-propos” de  son roman « Le Passé enterré », A. Ghallab réaffirme son aspiration d’y témoigner  des conflits entre les générations (donc du crime en famille) du temps de la naissance du Maroc moderne. “ Ce roman, note-t-il, ressuscite nombre de vestiges (thèmes ethnographiques) de la période où est né le Maroc moderne [...]. Mais, comme toutes les périodes d’enfantement, ce fut un temps de luttes psychologiques, intellectuelles et sociales, et qui fut témoin d’un choc formidable entre les générations” (p.13). On y déchiffre donc une configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial  du suicide axé sur le juge colonial marocain et infanticide, Mahmoud, fils naturel aîné, révolté intérieurement contre  son état d’esclave et de bâtard (né d’une négresse esclave) auquel l’avait réduit son père  Haj Mohamed Thami (symbole d’une famille et d’une société esclavagiste et donc semi infanticide), comme dans ces passages du roman:
                  ++ “Il (Mahmoud) se secoua, comme pour se révolter contre le retour de toutes ces images, dont il s’était débarrassé au sortir du tribunal, en prenant la route . Son pied écrasa l’accélérateur, la voiture bondit en avant, sur la route bordée d’arbres […]. Il ne vit plus que les visages hargneux (des enfants résistants qu’il a condamnés à mort), n’entendit plus que les voix éclatantes… Il perdit le contrôle de ses nerfs, écrasa à fond la pédale d’accélérateur d’un coup de pied convulsif; le jour se changea en ténèbres et il ne vit plus… qu’un tronc énorme dressé devant la voiture… choc effroyable.
             Un attroupement se forma autour d’un brasier qui commençait à s’éteindre […]. La police chercha aussi, et trouva, en tout et pour tout, une plaque de cuivre vissée à un reste de carrosserie; on y déchiffra: Mahmoud fils de Haj Mohamed Thami.” (pp.285-286).
             Le narrateur désignant pudiquement le suicide (acte sacrilège en Islam) d’accident mortel, décrit la famille en deuil en soliloquant:  
                    ++ “ Il (Abderrahman, puîné du suicidé) trouva la famille en deuil […]. La famille avait perdu un fils; l’accident de voiture (euphémisme du suicide) sur la route de Meknès n’avait laissé de Mahmoud qu’un squelette carbonisé.” (p.285). La configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype de ce suicide, dans « Le Passé enterré » de Ghallab, rappelle singulièrement dans le roman marocain de langue arabe ses homologues autoctones précédents de langue française (de Chraïbi et Khatibi). Que dire alors de Mohamed Choukri dans cette même  perspective?
              B.2 – La configuration de la genèse ethnographique coloniale du suicide dans Le Pain nu (Al Khobz al hâfî) de Mohamed Choukri:
         A.Tenkoul observe toutefois que: “Considéré (le roman) depuis la tradition littéraire arabe (issue des romans occidentaux traduits en arabe) comme le porte-parole d’une mémoire collective (ethnographique), l’écrivain marocain  a conscience aiguë d’être chargé d’une tâche à accomplir. Tâche d’autant plus lourde qu’il sait qu’il est interpellé par un public qui réclame de lui une écoute permanente (un témoignage social ) des souffrances et des angoisses de la société (“l’âme indigène”, configuration du roman colonial)” – Op.cit., p.60. Dans “la Préface” de sa traduction du Pain nu, T. Ben Jelloun dit de Choukri face au crime en famille: “ En vingt ans, cet homme (M. Choukri) fera l’apprentissage de la brisure entre un père qui fait des enfants pour les haïr (il lui arrive même de leur tordre le cou) et une mère obligée de travailler pour nourir une famille vouée à la brutalité du besoin.” (p.7). Et à cet égard, le héros- narrateur Mohamed du roman de Choukri évoque un suicide collectif par emmurement d’un père, à la fois infanticide et parricide de sa femme, pour se soustraire avec toute sa petite famille à l’indignité de la misère et de la faim, comme dans cet extrait de l’oeuvre en question:
                     ++ “ Un jour, je rencontrai un copain. Il s’appelait Taferseti. Il était triste:
                                - Mon oncle est mort, me dit-il.   
                                - Le pauvre!                 
                                - Il a tué sa femme et ses trois enfants et ensuite il s’est donné la mort.
                                -  Mais comment et pourquoi?    
                                - Ils sont restés des jours sans manger. Il ne voulait pas mendier ni demander quoi que ce soit aux voisins. Alors, il construit un mur de l’intérieur et tout le monde est mort.
                                 - Que la miséricorde de Dieu soit sur eux!” (p.39).
            Plus loin, le narrateur, captif dans un commissariat de police coloniale à Tanger, racontre une tentative de suicide d’un détenu  hystérique  qui, contrarié par un voisin de cellule, se met à  frapper la tête contre le mur jusqu’au sang, en perdant connaissance, comme dans cette scène du même roman:
    ++ “ Deux flics en civil  et un gardien pénétrèrent dans la cellule. 
    - Qu’est-il arrivé? demanda un flic en civil.
      Hamid prit la parole. 
    - Il a émietté un morceau de pain et l’a jeté dans les w.-c. Ensuite il s’est mis à frapper le mur avec ses mains et sa tête [...].
      Il regardèrent les traces de sang sur le mur.
    - On verra plus tard s’il ne s’est pas disputé avec l’un de vous avant de se cogner contre le mur.                     
                            Le gars était par terre, comme endormi, le sang coulait de ses blessures. Un quart d’heure plus tard des infirmiers le transportèrent. Il avait perdu beaucoup de sang.
           - Il doit être malade, dis-je (le narrateur Mohamed).
          - Il n’a qu’à faire ce qu’il veut de son corps (se suicider).
           Il doit être très accoutumé au kif et à l’alcool, dit Hamid.
               Un des gars dit:
          - C’est la malédiction de Dieu ou celle des parents” (p.133).

                En somme, la configuration de la genèse ethnographique du  thème stéréotype colonial du suicide rencontre  celle de l’infanticide, dans les romans marocains de langue arabe de la même façon que dans les romans marocains de langue française, illustrant par la même occasion le ressourcement de celle-ci dans le modèle des romans coloniaux nord-africains (et occidentaux arabisés). “Où, mieux que dans les écrits coloniaux, s’interroge A. Lahjomri, trouverons-nous ces proliférations, ces artifices, ces contagions politiques (ethnographiques) qui ont dénaturé le langage littéraire et sclérosé l’esthétique romanesque?” – Op. Cit., p.52. Et pourtant, ce modèle colonial semble encore s’accomplir insidieusement, à travers enfin la configuration de la genèse ethnographique du le thème stéréotype colonial du crime en famille du parricide, bouclant ainsi la boucle de cette rétro-lecture de la genèse du crime en famille dans les romans marocains de langues française et arabe.
          2.3 – La configuration de la genèse coloniale du parricide dans les romans marocains types de langues française et arabe:
          De toute évidence, il est à reconnaître avec A. Khatibi que “le roman est un genre littéraire importé (au Maghreb et au Maroc), avec sa structure (occidentale) et ses modèles (coloniaux et ethnographiques) , sa manière d’organiser le temps et l’espace. Tel quel, il constitue une certaine vision du monde et se présente pour le psychologue ou le sociologue comme un ensemble de perceptions et des attitudes (tel que le crime en famille du parricide ici)” – Op.cit., pp.14-15.  La configuration de la genèse ethnographique  du thème stéréotype colonial du parricide manifeste donc la continuité du roman colonial (et occidental) dans les romans marocains de langues française et arabe. Ebauché d’un point de vue réaliste ou imaginaire - comme l’infanticide et le suicide plus haut -, la configuration du parricide n’y est cependant que “recherche d’effets pathétiques”, selon A.Tenkoul – Op.cit., p.128.Toutefois, vérifions en pour finir la teneur relative à la genèse ethnographique du thème stréoétype du crime en famille  du parricide, dans romans sus-mentionnés. 
          A – La configuration de la genèse ethnographique coloniale du parricide dans les romans marocains types de langue française:
              Dépeignant de façon directe ou indirecte la configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype du crime en famille de l’infanticide, les romans marocains de langue française restituent encore   le modèle des romans coloniaux (et occidentaux) ayant pour ambition primordiale de se faire le miroir sociologique de “l’âme de la société indigène” (ici marocaine). Il s’agissait donc pour ces romans, selon A. Lahjomri, de rivaliser avec la sociologie (via l’ethnographie) et  de se vouloir  une explication du monde (dont le Maroc) , une investigation et un témoignage (une chronique sociale),  sur la condition humaine (l’ethnographie)”. – Op.cit., p.53. C’est ce qu’incarnent en l’occurrence ici « Le Passé simple » de D. Chraïbi et « La Mémoire tatouée » d’A. Khatibi.
         A.1 – La configuration de la genèse ethnographique coloniale du parricide dans Le Passé simple de Driss Chraïbi:
          Dans « Le Passé simple », “Driss Chraïbi met à nu, suivant Tenkoul, les mécanismes de blocage (tel le crime en famille) qui empêchent le progrès” – Ibid., p.129. Le parricide (ou parricide d’intention) à l’arme blanche (au couteau), entrepris par le héros-narrateur, Driss Ferdi, venant en aide à son frère Camel, violemment châtié pour ivrognerie par son père (Haj Fatmi Ferdi), est dépeint de façon caricaturale dans cette scène surréellement tragique:
                  ++ “ Manifestement, Camel était ivre […]. La nuque du Seigneur (le père) était rouge […], et le visage de mon frère, tel que je (le narrateur)  le voyais de mon coin, était insolite […]. Mais Camel releva la tête et je fus certain que c’était une tête de révolté. Je vis que la nuque du Seigneur était devenue violette. Mon échine suinta froid. Je plongeai le poing dans ma poche. Le fermai sur mon couteau à cran d’arrêt [...]. Ce couteau avait tout coupé […]. Puis […], persuadé qu’il pouvait encore servir […] avec un peu d’adesse, un peu de sang-froid, le lancer vers le Seigneur, vers sa nuque par exemple, où il se planterait jusqu’au manche, comme une aiguille [...].
            - Arrête!
           Ma mère se dressait devant moi. Je lui présentai l’arme devenue inoffensive. Sa bouche se tordit: reconnaissance ou dégoût? Je n’eut pas le temps de décanter, le couteau était déjà entre les mains du Seigneur (le père).” (pp.39-43).
                Cette scène pleine de dérision est reprise ensuite sous forme d’ un procès d’intention fait par le père au narrateur Driss, jeune européanisé et parricide manqué, en ces termes:
                     ++  “ - Pourquoi? Pour quoi et pour qui? Pour toi, parjure et parricide d’intention? Ou pour Camel l’ivrogne? […]. Et toi, toi que nous espérions notre gloire, qui es-tu? Va pour le couteau, va pour le Ramadan, mais ton rêve? Il est de nous quitter […], de nous haïr, de haïr tout ce qui est Musulan, tout ce qui est Arabe […], une paire de bottes, un képi et une cravache pour zébrer le dos des Bicots, non?” (p.57).
              La seconde tentative de parricide (également d’intention) au révolver y est racontée aussi et intentée encore par le narrateur contre le père (le Seigneur) dans ces extraits  d’un style retors et désinvolte:
                ++ “ Une série de gestes rapides. Porter la main à mon aisselle, poser le coude sur le guéridon, mettre le cran d’arrêt – le Luger dans ma main brilla de son acier, de son bleu acier.” (p.242).
           Ensuite, le narrateur révèle le plan de ce parricide collectif d’intention (fait avec ses frères )  à son père, à qui il remet le révolver chargé à blanc, sauf une vraie balle qu’il se destinait auparavant  à lui-même ou à son père, en ce fragment plein de verve et de sarcasme:
                     ++ “ Ton (le père) dentier m’a permis de gagner quelque argent, Camel a acheté le Luger, Abd El Krim l’a nettoyé, Madini l’a chargé, Nagib l’a assujetti sous mon aisselle et Jaad m’a bien recommandé: vise le coeur.
                     Je visai le coeur, tirai. Six fois, coup sur coup, rapide et réjoui […].
                         - Chargé à blanc, repris-je, et c’est ainsi que je trichais […].
                         -  Reste une balle, une vraie, je la réservais… pour moi… ou pour toi (le père), à chances égales, l’avenir appartient à l’Eternel. Vois comme je suis: je te remets l’arme.” (pp.243-244).
              Et celui-ci de reprendre peu après avec la même  cruauté rébarbarbative:
                     ++ “ Il faut savoir être patient, logique. Je me révolterai demain, voilà tout. Mon père?  Je lui ai donné le change, voilà tout. Je pouvais le tuer, je lui ai remis le Luger, il en a déduit tout autre chose qu’une monnaie de singe. Eh! Oui, sacrifier ma reine, le faire échec et mat.” (p.259).
         Bref, même narguée par D. Chraïbi dans le roman en la personne de Joseph Kessel et son oeuvre, la genèse du modèle du roman colonial (et occidental) et les thèmes stéréotypes qui s’y perpétuent explicitement (dont ici le parricide) se trouve également  mise en exergue et partiellement reconnue. “ C’était Joseph Kessel, note le narrateur Driss. L’homme de lettres, le grand voyageur […]?
                     - Asseyez-vous. Cigarette? […]. Je (J.Kessel) vais vous (Driss Ferdi) faire un aveu: en 38, j’ai publié tout un périple, une série d’articles, que j’ai intitulé: «Le Maghreb, Terre de Feu». De la couleur locale, voilà ce qui intéresse le lecteur européen, il est fixé, les mousmés, les casbahs…”. On pourrait se dmander si le parricide d’intention (le crime en famille en général ici) ne participe pas toujours de la genèse de cette esthétique du modèle du roman ethnographique (colonial et occidental) même apparemment parodiée et contestée. C’est par aussi et surtout le cas chez A. Khatibi.
              A.2 – La configuration de la genèse ethnographique coloniale du parricide dans La Mémoire tatouée d’Abdelkeir Khatibi:
               Paradoxalement, le narrateur de « La Mémoire tatouée » d’A. Khatibi reconnaît l’influence qu’avait sur lui les romans de J.-P. Sartre (modèle roman colonial et occidental) doublé d’un esprit et d’un corps colonisés, en ces mots: “ J’allais ensuite happer dans les romans de Sartre des signes de mon inquiétude, encore que celle-ci fût plutôt frivole. Le monde sartrien était chrétien et anti-bourgeois (colonial), le mien magique  et épique (ethnographique), superposé de masques, mon esprit, mon corps colonisés (genèse du modèle du roman colonial et occidental)” (pp.106-107). Et comme par dénégation contestatrice du héros du « Passé simple » de Chraïbi, le narrateur de « La Mémoire tatouée » de Khatibi parle de la mort antérieure de son père rendant impossible même un parricide d’intention, dans ce monologue intérieur fort désinvolte :
                       ++ “ Aucun règlement de compte à demander aux parents. Je ne veux massacrer ni père ni mère (parricide). Je naquis au début de la guerre et mon père mourut juste après sa fin; pas de temps pour nous connaître, noter  sa vie par rebondissement, récolter un cycle où un temps hagard” (p.14).
            Celui-ci esquisse ensuite un parricide imaginaire (ou en simulacre) par larcin et dessins de cow-boys (chasseurs de primes),  interposés, sans nulle conséquence réelle sur son beau-père (le père), dans ce passage:
                     ++ “ Devant le père (le beau-père) je pliais l’échine, me conformais à un rôle d’esclave complice. Je me vengeais en lui volant de l’argent pour le compte de mes frères ou en dessinant sur son bureau des cow-boys ( des tueurs à gages) monolitithiques et fades sachant à peine tenir un révolver. Tout cela ne fit aucun drame, je continuais à trimbaler ma vie ennuyée et docile” (pp.31-32).
               Partagé entre une vision réaliste du thème stéréotype d’un parricide d’intention en suspens (D. Chraïbi) et une vision imaginaire d’un parricide impossible ou en simulacre (A. Khatibi), l’omniprésence de la genèse ethnographique du  thème stéréotype colonial du parricide  dans les romans marocains de langue française se confirme encore une fois ici. Or, il y a lieu d’en vérifier par ailleurs la présence dans les romans marocains de langue arabe.
         B – La configuration de la genèse ethnographique coloniale du parricide dans les romans marocains types de langue arabe:
         En reconnaissant la genèse ethnographique du thème stéréotype  l’adaptation du parricide comme forme d’acculturation esthétique, des romans coloniaux (et occidentaux) Khatibi évoque le  rôle joué par le réalisme (autrement dit l’ethnographie) dans le roman arabe. “ Il faut ajouter, écrit-il, que depuis le début de la Nahda (Renaissance) le réalisme est roi dans le roman arabe (issu généralement de romans traduits occidentaux)” –Op.cit., p.83. D’où donc la présence du thème stéréotype colonial du parricide dans les romans marocains de langue arabe de A. Ghallab et M. Choukri, cités ci-dessous.
            B.1 – La configuration de la genèse coloniale du parricide dans le Passé enterré (Dafanâ al Mâdî) d’Abdelkrim Ghallab:
        Dans l’Avant-propos de son roman « Le Passé enterré », A. Ghallab se situe indirectement dans la lignée de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial du parricide (ou le crime en famille) des romans  coloniaux (et occidentaux arabisés). “ Les situations décisives ici décrites, souligne-t-il, supposent, non l’existence matérielle des héros, mais une mentalité (parangon de “l’âme indigène”) dont elles sont le fruit […]. Ainsi notre récit vise-t-il à s’arrêter, avec ces personnages, sur cette mentalité qui guide l’homme marocain dans son évolution” (p.13).
         Or, le parricide dans le roman marocain de langue arabe de Ghallab n’est configuré manifestement qu’à demi, ou paré du voile symbolique de l’allusion. Il faut voir en cela son héros Mahmoud, fils naturel d’une esclave noire, méconnu par son père, et se considérant comme simple “demi fils” d’un “demi père”, en se tuant à demi soi-même (suicide), et à demi son père (parricide), dans la réplique qu’il aurait voulu faire à son frère Abderrahman, né de l’épouse  légitime de son père:
                     ++ “– Tu n’es pas pauvre, tu as une mère (légitime) qui prend ta défense, un père (légitime) qui t’aime bien… et moi (méconnu)? je ne suis pas un fils (un bâtard), mais un demi-fils (demi infanticide ou demi suicide); je n’ai pas de père (parricide imaginaire), mais un demi père (demi parricide )” (p.209).
             De façon analogue, son frère Aberrahman commet symboliquement un parricide et un fratricide en refermant la porte sur son père Haj Mohamed et son frère Mahmoud et leur mentalité conservatrice, dans cette scène dramatique:
                      ++ “ Aberrahman s’était levé. Il lui semblait être sorti d’une prison (ex-détenu nationaliste) pour entrer dans une autre (la famille traditionnelle), coincé entre son père et son frère. Il avait besoin de respirer un air plus libre, plus pur, plus réel. Il se dirigea vers la porte antique (de la maison), la franchit, et la referma violemment, comme pour s’assuer qu’il la refermait bien sur Haj Mohamed (parricide) et sur Mahmoud (fratricide)” (p.223).
            Dans un monologue intérieur démentiel, le Mahmoud songe à venger sa bâtardise et le viol impuni de sa mère (esclave concubine) par son père et  de toute la société complice de ce délit, en condamnant à mort (parricide en simulacre par personnes interposées) les jeunes nationalistes, en se disant:
                      ++ “ Il se leva pour quitter son bureau (de juge); le mot éclata à ses oreilles, catégorique:
-         Toi, tu n’es que le fruit d’un viol.
                      Il sortit et marcha lentement, sans bu, la tête buissante des pensées qui l’avait secoué tout entier. Le chuchotement intérieur exaspérant continuait:
                           - Tu es juge… bonne occasion pour toi de juger cette société… pour rendre ta justice… pour te venger (parricide par société interposée)” (p281).
         Par conséquent, Le roman marocain de langue arabe, « Le Passé enterré », de Ghallab n’a point dérogé au thème stéréotype  du crime en famille, le parricide d’intention soit à demi révélé, soit allusivement symbolique par porte (arme du parricide / fratricide) ou par société (substitut du père) inerposés. Et tel que le désigne Mohamed Aziz Lahbabi dans l’Avant-Propos de ce roman: “ Ce roman ressuscite nombre de vestiges (ethnographie) de la période où est le Maroc moderne” (p.13). Or, cette configration de la genèse ethnographique du thème stéréotype  colonial du parricide se retrouve également brossé dans le roman de langue arabe « Le Pain nu »  de M. Choukri.
            B.2 – La configuration de la genèse ethnographique coloniale du  parricide dans Le Pain nu de Mohamed Choukri:
             La configuration de la genèse ethnographique du thème stéréotype colonial du  parricide (ou du crime en famille) des romans coloniaux (et occidentaux arabisés) se retrouve  encore donc esquissée  au sein des romans marocains de langue arabe, tel que « Le Pain nu » de M. Choukri.
        Selon Jacques Berque, cité par A.  Lahjomri, il faut remarquer que  «dans l’entre-deux-guerre, de plus en plus l’indigène (et sa société), deven(ait) en tant que tel affaire de spécialiste (ethnographe)», que «la vérité (la réalité) n’intéress(ait) plus que le révolutionnaire (le politicien), le chercheur (en sciences humaines), ou de rares attardés de l’Avant (-garde)! Même pas toujours l’arabisant!» et que pour l’Européen (colonial) «il (l’indigène) était une émenace (un inconnu), une attente, une chose à utiliser ou mieux à ménager (une âme indigène à neutraliser)» … qu’on finit par oublier, par ne plus voir (stéréotype). – Op. Cit., p.70.
           De la même façon, le narrateur Mohamed du roman de M. Choukri dépeint à son tour une configuation de la genèse ethnographique du thème stéréotype du parricide selon une vision réaliste et en simulacre ou parricide d’intention, voire par lapsus ou  amnésie du nom  du père, ou par profanation scatologique de sa tombe.  En sont témoins les passages suivant de ce roman:
                      ++ “ S’il y avait quelqu’un dont je souhaitait la mort, se dit le héros-narrateur, c’était bien mon père. Je le haïssais comme je haïssais aussi les gens qui pouvaient lui ressembler. Je ne me souviens plus combien de fois je l’ai tué en rêve (parricide d’intention imaginaire). Il ne restait qu,une chose: le tuer réellement (parricide réel désiré)” (p.71).
                Celui-ci commet aussi le parricide par amnésie haineuse des noms de son père et de sa mère et du sien même dans cet extrait dialogué avec un vieil ami de son père:
                      ++ “ Un matin je fus réveillé (dans la rue) par les questions d’un individu […]:
                             - Ce n’est pas toi, Mohamed, le fils de Haddou qui de rentrer d’Oran ?       
   - Je ne suis pas son fils. Je connais personne du nom de Haddou.
-         Comment t’appelles-tu alors?
-         Mohamed.
                           - Mais ton père c’est bien Haddou Ben Allal, et ta mère c’est  bien Mimouna?
-         Je t’ai dit que je ne connais que moi-même.
-         C’est qui ton père alors?
-         Il est mort (parricide imaginaire) [...].
                           -  Comment s’appelait-il?
-         Je ne sais pas.
-         Comment? Tu ne connais même pas le nom de ton père?
-         Je connaissais son nom mais je l’ai oulbié (parricide
par amnésie volontaire du nom du père) [...].
                           - Au nom d’Allah le Clément, le Miséricordieux! Qu’Allah nous préserve des enfants de cette époque! ” (pp.60-61).
                  Enfin, le narrateur Mohamed songe à un parricide  posthume par profanation de la future tombe de son père, comme dans ce monologue intérieur:
                      ++ “ Nous (le narrateur et un gosse de la rue) entrâmes dans le monde du silence éternel (le cimetière de Sidi Bouaraqya). C’était là qu’on avait enterré mon frère Abdelkader (victime d’infanticide paternel). Quand mon père sera mort, j’irai voir sa tombe et pisserai dessus (parricide prémédité par profanation de la tombe paternelle)” (p.77).
          Certes, Le Pain nu de Choukri illustre aussi le thème stéréotype du parricide, comme de ceux de l’infanticide et du suicide auparavant, rejoignant en cela Le Passé enterré de Ghallab pour les romans marocains de langue arabe et par là aussi Le Passé simple de Chraïbi et La Mémoire tatouée de Khatibi pour le romam marocain de langue française. Toutefois, la continuité du modèle ethnographique  du roman colonial (et occidental) se confirme au sein des romans marocains de langues française et arabe, comme modèle colonial d’écriture romanesque à contenu socio-historique et symbolique (voire ethnographique). “L’écriture (romanesque), conclut A. Tenkoul, n’a par conséquent d’intérêt à leurs yeux (les écrivains marocains de langues française et arabe) que parce qu’elle draine tout un contenu d’ordre social, historique et symbolique […]. C’est donc dans cette optique qu’elle mérite d’être lue et appréciée (ou rétro-lue).” – Op.cit., p.168.
       En conclusion, cette rétro-lecture des romans marocains de langues française et arabe montre effectivement que ceux-ci  font état directement ou indirectement de la genèse ethnographique  du thème stéréotype colonial du crime en famille de l’infanticide, du suicide et du parricide remontant aux  romans coloniaux français (ou occidentaux arabisés). Du fait, cette reprise de la genèse du roman ethnographique coloniale par les romans marocains types des deux langues française et arabe illustre largement l’impact paralysant de ce genre littéraire importé et de son esthétique, qui restent encore à faire (selon A. Lahjomri), au Maroc. En  témoignent alors les romans types cités de Chraïbi et Khatibi (en français), Ghallab et Choukri (en arabe). Etat caduc à dépasser tel le conçoit A. Khatibi en ces termes:“ Le roman maghrébin (et donc marocain) en tant qu’idéologie camouflée (ethnographique),  peint une société, classe, juge, détruit  […]. Ce n’est pas un hasard, si cette littrature (romanesque ici) est frappée de nos jours d’une paralysie presque générale, elle n’arrive pas à se décoloniser (bannir la genèse ethnographique des romans coloniaux et occidentaux), c’est-à-dire à assumer pleinement sa situation actuelle et (sinon) peut-être à déclarer sa propre mort (son échec) …” – « Le Roman maghrébin », Op.cit., p.112.
                                                              SOSSE ALAOUI MOHAMMED


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